Economie Archives - Master Intelligence Economique et Stratégies Compétitives Le Master Intelligence Economique qui combine analyse économique, outils de veille, e-réputation, gestion de crise et big data via une formation sur deux ans. Thu, 19 Jan 2023 13:49:42 +0000 fr-FR hourly 1 Accueillir la coupe du monde : une opportunité économique pour le Qatar https://master-iesc-angers.com/accueillir-la-coupe-du-monde-une-opportunite-economique-pour-le-qatar/ Thu, 19 Jan 2023 13:49:42 +0000 https://master-iesc-angers.com/?p=3639 1.  L’impact de la Coupe du Monde FIFA 2022 sur l’économie, les start-ups et les PME du Qatar. 1.1.  Les revenus les plus élevés de l’histoire de la Coupe du monde La Coupe du monde 2022 devrait atteindre les revenus… Continuer la lecture

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1.  L’impact de la Coupe du Monde FIFA 2022 sur l’économie, les start-ups et les PME du Qatar.

1.1.  Les revenus les plus élevés de l’histoire de la Coupe du monde

La Coupe du monde 2022 devrait atteindre les revenus les plus élevés de l’histoire de la Coupe du monde. La FIFA a vendu les droits de diffusion, environ 240 000 packages d’hospitalité et 3 millions de billets pour le tournoi avant le début de la coupe du monde. En plus de tout cela, les ventes de marketing au cours de la période de 2019 à 2022 dépasseront le chiffre budgété d’environ 1,8 milliard de dollars.

De nombreuses sources ont souligné que les recettes du tournoi dépasseront 6,4 milliards de dollars, un chiffre visé par la FIFA au cours des trois dernières années, car ces recettes seront utilisées pour des activités de développement du sport dans le monde entier. Il est également prévu que le Qatar ajoute près de 17 milliards de dollars à son économie avec la présence des supporters tout au long du tournoi. On estime que le pays a dépensé la somme astronomique de 220 milliards de dollars depuis 2010. C’est 15 fois plus que ce que la Russie a dépensé pour l’événement de 2018. En outre, l’État a dépensé plus de 300 milliards de dollars pour moderniser les infrastructures. Cela comprend le métro de Doha, plusieurs milliers de kilomètres de routes et d’autoroutes, un nouvel aéroport, une nouvelle ville et un nouveau port. Sans oublier les installations gazières et pétrolières.

Selon plusieurs rapports, les analystes financiers estiment que le PIB du Qatar augmentera de 4,1 % d’ici la fin de l’année grâce à la Coupe du monde. Et entre 2022 et 2030, le PIB de la région se situera à une moyenne de 3,2 %. Les rapports soulignent que la Coupe du monde de la FIFA 2022 apportera plus de 20 milliards de dollars à l’économie du Qatar. Des variations sont encore en place, mais une analyse prévisionnelle effectuée par le journal “FocusEconomics” prévoit que la coupe du monde au Qatar triplera la croissance du PIB par rapport à 2021 où elle était de 1,6%.

En outre, le Qatar fait le pari que la Coupe stimulera également le tourisme à plus long terme : Le gouvernement vise 6 millions de visiteurs par an d’ici 2030, contre 2 millions en 2019. Enfin, une partie au moins des infrastructures construites pour la compétition – notamment une ligne de métro à Doha et un aéroport – auront une utilité économique permanente, ce qui correspond aux objectifs d’encouragement du tourisme et de diversification de l’économie.

1.2. Une croissance accrue signifie une augmentation des dépenses

Selon un rapport de presse de l’agence de presse Zawya, les fans de football de la région dépenseront davantage pour socialiser et sortir, par rapport à la précédente Coupe du monde.  Selon les données publiées dans une nouvelle enquête, rapportée par Zawya, plus de la moitié des personnes interrogées – 54 % au Qatar, 45 % en Arabie saoudite et 42 % aux Émirats arabes unis – dépenseront davantage que lors des précédentes Coupes du monde.  En outre, la Coupe du monde devrait entraîner une augmentation des commandes de nourriture. Le niveau des commandes sera de 80 % aux heures de pointe les jours de match, par rapport aux jours normaux, indique le rapport.

1.3. Un marché haussier

Selon un rapport d’Al Jazeera, au cours des dix premiers mois de l’année, le pays a déjà enregistré des entrées de capitaux étrangers à hauteur de 4 milliards de dollars. La bourse du Qatar a, en fait, surperformé ses pairs à l’approche du méga-événement sportif. Et cela devrait continuer même un an après le tournoi.  Selon les rapports, l’indice de la bourse du Qatar, qui mesure les 20 actions les plus liquides et les plus importantes de la bourse, a augmenté de 24,7 % entre le début de l’année et avril 2022.

Cependant, bien qu’il ait baissé et stagné pendant un certain temps, il a augmenté de 12,1 %.  Hormis l’impact économique et la croissance des grandes entreprises, le secteur des PME de la région connaîtra également une croissance importante. Le secteur a en fait été l’un des principaux moteurs économiques du Qatar au cours des dix dernières années. Lors d’une table ronde au GWC Forum 2022 à Doha en novembre, il a été déclaré que le secteur connaîtra une croissance importante dans les années à venir. Il a également été dit que, au cours des quatre dernières années, il y a eu une croissance en termes de contribution des PME de la région à l’économie du Qatar.

1.3.            Startups

Selon le site web YourStory, sur leur édition du Golfe, les startups de la région montrent également un intérêt significatif pour la Coupe du monde. Arvex, une entreprise technologique basée à Doha, propose des visites virtuelles à 360 degrés du stade international Khalifa de Doha.  Dans le but d’apporter les plus hautes formes de technologie à la Coupe du monde, la région a injecté des fonds dans la startup technologique qatarie sKora. L’intelligence artificielle (IA) utilisée par la plateforme sKora permettra d’identifier les talents et de préparer les athlètes sur la base d’informations précieuses. Les systèmes de sKora feront l’inventaire des caractéristiques, des compétences et des performances uniques des athlètes pour générer des données et des informations basées sur l’IA, qui à leur tour traceront le bon parcours professionnel pour eux.  Pour le Qatar, la Coupe du monde est un moyen de mettre en valeur et d’encourager d’autres industries dans la région et de dépasser sa dépendance au pétrole et au gaz. La collaboration avec des start-ups comme Arvex encourage les entreprises et les entrepreneurs locaux.  La Supreme Committee for Delivery & Legacy au Qatar a offert un mentorat, de l’argent et une formation aux startups et aux idées qui avaient le potentiel de contribuer à ses préparatifs pour la Coupe du monde.

Un professeur de physique de la Virginia Commonwealth University, au Qatar, a reçu une subvention pour mener des recherches sur un composite de polystyrène pour les matériaux d’isolation qui seront utilisés lors de la Coupe du monde. Un groupe d’ingénieurs saoudiens, composé uniquement de femmes, qui a utilisé les déchets du palmier dattier pour fabriquer des sièges dans le stade, a reçu des subventions.  Aujourd’hui, avec la Coupe du monde, le talent et l’esprit d’entreprise qatari sont fortement encouragés. Il sera intéressant de voir comment les choses se dérouleront après le grand événement.

2.  Un prix à payer pour ces gains ?

2.1.  L’inflation va s’aggraver

D’autre part, les facteurs de la demande exacerberont les pressions inflationnistes existantes, ce qui entraînera une hausse du taux d’inflation à 4,4 % en glissement annuel au quatrième trimestre de cette année. “Les pressions inflationnistes liées à la Coupe du monde placeront l’inflation qatarie sur une trajectoire plus élevée. Ainsi, il est prévu qu’après une moyenne de 4,7%, l’inflation restera au-dessus de la tendance en 2023, avec une moyenne de 2,5%, selon FitchSolutions .Fitch s’attend également à une baisse de la croissance des exportations de gaz d’un trimestre sur l’autre au cours de la période de jeu en raison de la croissance de la consommation d’énergie intérieure. L’événement mondial entraînera de fortes augmentations trimestrielles de l’activité non pétrolière au quatrième trimestre de cette année par rapport à la même période des années précédentes.

2.2.  Des travailleurs désespérés

Pour accueillir le tournoi, le Qatar a construit sept stades tentaculaires, un aéroport, des lignes de métro et des routes reliant les sites. Un groupe a rendu tout cela possible : les travailleurs migrants. Et pour eux, les nouveaux sites brillants ont eu un coût élevé.

La région du Golfe est depuis longtemps une destination pour les migrants d’Asie du Sud, d’Afrique et d’ailleurs à la recherche d’un emploi, et des millions d’entre eux ont été attirés au Qatar pour des travaux de construction au cours de la dernière décennie. Pour les travailleurs originaires de pays comme le Népal et l’Inde, ces emplois représentaient des opportunités relativement lucratives pour soutenir leurs familles restées au pays.

Cependant, les organisations de défense des droits de l’homme et les journalistes ont mis au jour une série d’abus dans le système qatari de travail des migrants. Les problèmes ont commencé dès les premiers travaux. Les travailleurs migrants ont trouvé des emplois par l’intermédiaire d’agences de recrutement, qui leur demandent souvent de payer des frais exorbitants pour obtenir un poste – des frais qui sont encore perçus des années après que le Qatar les ait rendus illégaux. Un audit réalisé en 2021 a révélé que plus des deux tiers des travailleurs présents sur les sites de la Coupe du monde avaient payé des frais de recrutement d’un montant moyen de 1 733 dollars. C’est une somme énorme pour les migrants, qui doivent travailler dans des conditions difficiles à leur arrivée pour rembourser les prêts qu’ils ont contractés pour ces frais. Il leur faut parfois des mois, voire des années, pour atteindre le seuil de rentabilité.

Les migrants doivent également obtenir le parrainage d’une entreprise pour obtenir un visa de travail. Mais les entreprises sont connues pour utiliser ce parrainage comme une forme de travail forcé, allant parfois jusqu’à confisquer le passeport des travailleurs pour les empêcher de changer d’emploi. Sous la pression de la Confédération syndicale internationale, le Qatar a introduit des réformes en 2020 qui permettent aux migrants de changer d’employeur sans la permission de leurs patrons, mais Human Rights Watch a constaté que les changements n’ont pas été pleinement mis en œuvre.

Surtout, les conditions de travail elles-mêmes ont suscité le tollé des groupes de défense des droits de l’homme. Les travailleurs migrants ont dû trimer sous une chaleur accablante pour assurer le respect du calendrier de construction, et pour certains d’entre eux, cette entreprise a été fatale.

En 2021, une enquête du Guardian a révélé que 6 751 migrants originaires de cinq pays d’Asie du Sud étaient morts au Qatar au cours de la décennie précédente, et que le nombre de décès était probablement bien plus élevé car l’enquête ne couvrait pas les migrants d’autres pays. Les données n’indiquent pas si ces migrants travaillaient spécifiquement sur les projets de la Coupe du monde, mais un chercheur en droits de l’homme a déclaré au Guardian que la majorité des migrants au Qatar étaient probablement employés dans la frénésie de la construction de la Coupe du monde.

Les autorités qataries ont reconnu ces décès mais ont affirmé qu’ils étaient normaux compte tenu du nombre de migrants dans le pays. En ce qui concerne les projets de la Coupe du monde, les responsables n’ont recensé que 40 décès de travailleurs migrants sur les projets de la Coupe du monde, dont trois seulement à la suite d’accidents du travail. La plupart des décès sont dus à des “causes naturelles” et à des “arrêts cardiaques”, selon les rapports du gouvernement, mais le Guardian rapporte que le stress thermique est probablement un facteur contributif.

En ce qui concerne les travailleurs migrants victimes de la préparation de la Coupe du monde, les groupes de défense des droits, les associations de football participant au tournoi et les anciens joueurs font pression sur la FIFA et le gouvernement du Qatar pour qu’ils prennent des mesures et offrent des compensations supplémentaires, mais jusqu’à présent, ils n’ont pas bougé.

Par Amine Gazzah, promotion 2022-2023 du Master 2 IESCI

Webographie

  1. Is the FIFA World Cup 2022 in Qatar profitable? – Swiss School of Business and Management Geneva (ssbm.ch)
  2. Will the World Cup bring home an economic win for Qatar? | FocusEconomics (focus-economics.com)
  3. All the news on WORLD CUP – Zawya
  4. FIFA World Cup To Have Net Positive Impact On Qatar’s Economy In Q422 (fitchsolutions.com)
  5. GWC – Forum 2022 (gwcforum.com)
  6. Qatar World Cup 2022 | World Cup News | Today’s latest from Al Jazeera
  7. The 2022 FIFA World Cup in Qatar has a dark side (grid.news)
  8. How the 2022 FIFA World Cup is impacting the economy, startups, and MSMEs of Qatar (yourstory.com)
  9. Why Qatar is a controversial host for the World Cup : NPR
  10. The economics behind Fifa World Cup (tbsnews.net)
  11. These are World Cup’s implications on Qatar’s economy – Economy Middle East
  12. FIFA World Cup Qatar 2022 | Human Rights Watch (hrw.org)
  13. Revealed: 6,500 migrant workers have died in Qatar since World Cup awarded | Workers’ rights | The Guardian
  14. Coupe du Monde : quel sera l’impact sur l’économie du Qatar ? (tourmag.com)
  15. Mondial 2022. L’héritage « social, humain, économique et environnemental » ravit les organisateurs (ouest-france.fr)
  16. Coupe du Monde : quel sera l’impact sur l’économie du Qatar ? (tourmag.com)
  17. Coupe du monde 2022 : d’où sort le chiffre de 6 500 ouvriers morts au Qatar depuis qu’il a obtenu le Mondial ? (francetvinfo.fr)

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Le Groupe Wagner progresse en Afrique avec l’aide de la désinformation russe https://master-iesc-angers.com/le-groupe-wagner-progresse-en-afrique-avec-laide-de-la-desinformation-russe/ Mon, 07 Mar 2022 11:05:08 +0000 https://master-iesc-angers.com/?p=3584 Le Groupe Wagner, également connu comme PMC Wagner est une entité militaire privée ayant très souvent recours aux mercenaires pour leur pouvoir d’intervention. Leur zone d’intervention est pour la plupart des terrains de conflits armés où l’instabilité politique règne et… Continuer la lecture

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Le Groupe Wagner, également connu comme PMC Wagner est une entité militaire privée ayant très souvent recours aux mercenaires pour leur pouvoir d’intervention. Leur zone d’intervention est pour la plupart des terrains de conflits armés où l’instabilité politique règne et prend toute sa place. C’est donc dans cette optique qu’ils font parler d’eux majoritairement dans des zones conflictuelles tel que le Mali très récemment ou à Bangui en République de Centrafrique. Leurs missions principales sont de défendre les intérêts extérieurs de la Russie partout dans le monde, mission leur tenant tellement à cœur qu’ils furent sanctionnés en 2021 par l’Union européenne[1]. En réalité, l’émergence et l’activité pour le moins importante de ce groupe dans les zones de conflits est un objectif que s’était fixé Vladimir Poutine depuis un moment déjà. Comme le rappel Martin Desbiolles de l’institut Open Diplomacy : Vladimir Poutine le soulignait en 2012 devant la Douma : « une corporation d’entreprises militaires privées serait un outil efficace pour réaliser les objectifs nationaux sans faire appel à la participation directe de l’Etat russe ». L’une des principales ambitions de Poutine est de permettre à son pays de se développer et de se déployer à l’échelle planétaire en particulier l’Afrique qui est considéré par tout le monde comme le continent du futur où sont majoritairement présents les enjeux de demain tous secteurs confondus. Seul obstacle ou problème à ses ambitieux objectifs fixés par le Kremlin : l’occident ou plus précisément la présence Française en Afrique. En effet, les forces militaires françaises étant présentes depuis de longues années, il est loin d’être évident de s’imposer, voire d’asseoir sa domination compte tenu du contexte et du lien particulier existant entre la France et ses anciennes colonies. L’une des méthodes employées afin de contourner cette problématique majeure est donc d’écarter la France comme c’est le cas actuellement au mali[2], de la décrédibiliser auprès des populations locales afin que ces dernières remettent en cause la légitimité française.

Afin d’être efficace dans la mise en place ds ces objectifs, la Russie mise donc sur deux principaux aspects que sont les relais d’influence sur les réseaux sociaux afin de diffuser leur propagande. Ces relais d’influence sur les réseaux sociaux s’accompagnent également d’une guerre informationnelle particulièrement redoutable menée auprès des jeunes esprits.

Mise en place de campagnes de désinformation ciblant notamment la France

Afin d’étendre son influence qui se fait de plus en plus importante, la Russie de Vladimir Poutine a un adversaire avec une ligne de mire : l’armée française. La montée en puissance du groupe Wagner a comme axe principale une campagne sur les réseaux sociaux menée de manière intensive et pour preuve le lancement en ligne sur les réseaux sociaux de plusieurs campagnes de désinformation[3] sans précédent. Ces campagnes de désinformations ont pour but de nuire à l’image de la France auprès de l’opinion internationale mais surtout très important auprès des populations africaines. Ces derniers sont les principaux concernés dans la mesure ou depuis de nombreuses années ils voient les troupes françaises installés dans leur pays avec comme motif : « la lutte contre le terrorisme islamiste ».  En plus de nuire à l’image de la France, ils en profitent également pour redorer leurs blasons auprès des populations locales. Ils mènent donc une propagande pro-russe comme on peut le voir sur cette image[4] qui est très reprise par les pro-russes afin de légitimer leurs actions en Afrique de l’Ouest (Mali).

Leurs messages diffusés massivement sur les réseaux sociaux (Facebook et twitter) sont principalement repris et relayés par des groupes d’internautes anti-français. Il y a donc une idée qui commence à faire son bout de chemin dans le cerveau des populations africaines comme celle concernant le fait que la France est caricaturée comme « la Méchante » et la Russie « la Gentille » venant sauver le peuple Malien. L’objectif derrière tous ces éléments est de faire comprendre que la France n’est plus forcément un allié objectif pour ces anciennes colonies.

Afin de leur permettre d’augmenter l’acceptabilité de leur présence en Afrique, il semblait primordial de faire de la propagande en se servant de certains relais d’influence sur les réseaux sociaux. Comme on le voit ci-dessous [5] le compte « Reverse Side of the medal » en question diffuse très majoritairement des éléments visuels mis en scène ayant tendance à représenter la France comme le bourreau.

Au-delà du fait que la plupart des éléments visuels sont montés comme l’affirme Jack Mandolin expert d’étude en matière de défense avancée, ces informations très favorables à la Russie et inversement pour la France constituent un excellent moyen d’effectuer un lavage de cerveaux auprès des populations locales. Le fait intéressant est qu’une partie non négligeable des followers de ce compte sont d’origine d’Afrique Francophone. Ces derniers ont donc un accès illimité à tous les éléments mis en avant afin d’opérer une stratégie qui vise à discréditer la France.

L’un des éléments permettant une certaine viralité des éléments visuels mis en avant est une analyse des cyber communautés engagées. En effet un certain nombre de communautés sont engagés auprès de ce compte sans forcément interagir de manière systématique, à savoir des comptes provenant d’Afrique francophone, des comptes dont la principale thématique concerne la Russie. En plus de ces deux communautés, on a également une certaine communauté qui est plutôt neutre, à priori ces derniers n’ont pas de parti pris. A partir de ce constat on peut donc partir du principe qu’il y a majoritairement deux grosses communautés dont (Afrique Francophone- Russophone) la plupart des thématiques abordées trouvent une certaine signification à leurs yeux. A partir du moment où chaque élément visuel ou non est mis en avant par le compte principal, les deux communautés autour du compte interagissent entre elles.

On peut également souligner le fait que chacune des parties trouvent des intérêts communs à l’intervention de la Russie par l’intermédiaire du Groupe Wagner en Afrique :

  • D’une part par la communauté russophone très engagée et accordant un soutien indéfectible à Vladimir Poutine
  • Et d’autre part une communauté d’Afrique francophone de plus en plus importante ayant un ressentiment croissant vis-à-vis de la France et donc logiquement une certaine sympathie pour le Groupe Wagner comme on a pu le voir par les éléments visuels mis en avant.

L’homme à la tête de ce groupe de paramilitaires Evgueni Prigogine, pilote de loin toutes ces opérations d’influences. Cette campagne de désinformation est réellement prise au sérieux par les autorités françaises à tel point que ces derniers ont décidé de se doter d’une cellule afin de lutter contre cette guerre qu’elle subit actuellement. En effet les Russes commençaient à instiller l’idée selon laquelle l’armée française armerait de manière discrète les terroristes présents sur place afin de prolonger la guerre, et surtout cela servirait de prétexte pour justifier le maintien de sa présence sur place. Cet argument a une double visée dans la mesure où elle fait très mal à la France, cela abîme la crédibilité de sa présence actuelle au Mali. Mais surtout plus important cela fait monter la frustration d’une partie de la population face à une dégradation de la situation sécuritaire que le déploiement de moyens importants ne parvient pas à enrayer. Derrière cette campagne, attribuée par Paris à la Turquie et à la Russie, apparaît une nouvelle fois la galaxie Wagner dont l’objectif n’a jamais été aussi clair que celui d’enrayer la présence de la France en Afrique.

Selon Saber Jendoubi, journaliste indépendant, « La Russie surfe sur le sentiment anti-français pour s’implanter en RCA. Tous les maux du pays sont attribués à la France ».

L’une des stratégies en matière de désinformation particulièrement efficace mise en place repose sur un ciblage très clair du pays concerné, dans le cas présent c’est l’armée Française. En effet Lobaye Invest une des sociétés écran de Evgueni Prigogine, fondateur du groupe Wagner a participé au financement d’une radio, principale source d’information en Afrique. Dans le cas de la République Centrafricaine, Radio Lengo Sengo (propriété de Prigogine) – média très écouté et diffusé massivement à Bangui à la ligne éditoriale très favorable à la présence russe et résolument anti-française. En plus de cette radio, Lobaye invest participe au financement de certaines associations et ONG aux discours similaires. Enfin, des médias et des journalistes centrafricains ont été approchés pour rédiger ou publier des contenus pro-russes ou anti-français contre rémunération.[7]

Tous ces éléments ainsi que ces acteurs viennent ajouter du poids à la stratégie russe de désinformation massive par différents moyens que sont les relais employés sur les réseaux sociaux. En effet cela permet de mettre à la Russie au profit de la France, malgré son impact important l’effet est d’autant plus fort dans la mesure où les médias sont désormais utilisés comme outil de propagande pro-russe. Cette désinformation massive par les relais des réseaux sociaux et des médias se complètent à une guerre de l’information qui va au-delà de ce qu’on peut imaginer.

Une guerre informationnelle grâce au cinéma

Ce qui rend la stratégie de guerre informationnelle de la Russie particulièrement efficace est qu’elle envisage de prendre part à certains éléments d’influence que la plupart des entités n’envisagent pas. Dans un rapport publié[8] en 2017 par l’IRSEM, cette analyse met en avant les différents leviers utilisés par la Russie afin d’éteindre son influence par la guerre d’influence en Afrique francophone. Ce rapport prend donc l’exemple d’un dessin animé projeté aux enfants vivant en République de Centrafrique et visible sur certaines plateformes de streaming gratuit tel que You tube. L’éléphant, présent sur les armoiries de la République Centrafricaine (symbole de ce pays), y apparaît comme heureux et jouissant de récoltes abondantes. Pris à parti par d’autres animaux sauvages, il demande de l’aide au Lion afin de lui apporter son aide, qui lui aussi submergé doit appeler son ami, l’ours de la Taïga à son secours. Mû par un esprit d’entraide, l’ours venu d’un grand pays du nord qui s’appelle la Russie accourt et ensemble ils parviennent à vaincre les animaux sauvages qui, dans une version anglophone, se rassemblent autour… des drapeaux français et américains. On a donc affaire dans ce cas précis à une influence par le biais de l’industrie cinématographique auprès des enfants de bas âges. A cet âge énormément de jeunes enfants s’identifient à ce type de création culturelle, il n’est donc pas illogique qu’un bon nombre de concitoyens maliens ou centrafricains accueillent le groupe Wagner avec un certain enthousiasme. Cet enthousiasme est d’ailleurs très répandu dans les hautes sphères du pouvoir malien et centrafricains dans la mesure où dans ces deux cas de figure, les autorités politiques ont jugé nécessaire de faire appel à eux sans en référer à la France qui est pourtant un allié de longue date..

Par Guy-Maurel TOI, promotion 2021-2022 du M2 IESCI d’Angers

Webographie

[1] https://www.lemonde.fr/international/article/2021/12/13/l-union-europeenne-sanctionne-les-mercenaires-russes-du-groupe-wagner_6105904_3210.html

[2] https://www.lepoint.fr/monde/barkhane-la-france-s-apprete-a-officialiser-son-depart-du-mali-17-02-2022-2465191_24.php

[3] https://www.rfi.fr/fr/technologies/20211208-le-groupe-russe-wagner-%C3%A0-la-man%C5%93uvre-sur-les-r%C3%A9seaux-sociaux

[4] https://www.franceculture.fr/emissions/les-enjeux-des-reseaux-sociaux/au-mali-le-groupe-wagner-lance-une-campagne-sur-les-reseaux-sociaux

[5] Au Mali, le groupe Wagner lance une campagne sur les réseaux sociaux (franceculture.fr)

[6] https://twitter.com/Jack_Mrgln/status/1464632226801459215?s=20

[7] https://www.oeil-maisondesjournalistes.fr/2020/10/07/centrafrique-russie-journaux-media-mercenaires-meurtres-impunite-journalismisnotacrime/

[8] https://www.irsem.fr/media/5-publications/etude-irsem-83-audinet-le-lion-ok.pdf

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Nusantara : la nouvelle capitale Indonésienne, quand la fuite climatique se substitue à la lutte https://master-iesc-angers.com/nusantara-la-nouvelle-capitale-indonesienne-quand-la-fuite-climatique-se-substitue-a-la-lutte/ Tue, 01 Mar 2022 22:23:33 +0000 https://master-iesc-angers.com/?p=3579 Le 18 Janvier 2022, la chambre basse du Parlement indonésien a approuvé le cadre législatif du projet du président Joko WIDODO annoncé en 2019, du déménagement de la capitale Indonésienne Jakarta vers l’île de Bornéo, pour y construire ex nihilo… Continuer la lecture

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Le 18 Janvier 2022, la chambre basse du Parlement indonésien a approuvé le cadre législatif du projet du président Joko WIDODO annoncé en 2019, du déménagement de la capitale Indonésienne Jakarta vers l’île de Bornéo, pour y construire ex nihilo la nouvelle capitale du pays : Nusantara.

Jakarta est la capitale économique et administrative Indonésienne. C’est une ville dense avec près de 30 millions d’habitants sur toute la conurbation, et c’est la plus grande métropole de l’Asie du Sud-Ouest. Mais la ville souffre de la pollution et de catastrophes naturelles fréquentes. En effet, son air est irrespirable, entre des embouteillages records, les centrales à charbon aux périphéries de la ville et les habitants qui brulent leurs déchets. De surcroît, les tremblements de terre, le climat tropical et les pluies diluviennes, la mauvaise maitrise du pompage massif des nappes phréatiques et de l’évacuation de l’eau, ainsi que la montée des eaux à cause du réchauffement climatique, surexpose la métropole aux inondations. Jakarta perd 18cm d’altitude tous les ans et subit un affaissement de sa zone côtière à cause de la montée des eaux, si bien que 20% de la ville est désormais sous le niveau de la mer. Les estimations prédisent que cette proportion risque de doubler d’ici 2050. Jakarta est la ville qui s’ensevelit le plus rapidement au monde à cause de la montée des eaux et du réchauffement climatique. La capitale qui dynamise le pays manque d’infrastructures pour lutter durablement contre la crise qu’elle traverse.

Dépassé par la situation, le président Joko WIDODO annonçait au parlement indonésien en 2019 son projet : transférer les forces économiques et politiques de la ville de Jakarta vers une nouvelle ville. Cette nouvelle ville, Nusantara, n’existe pas encore. Il s’agit d’une zone située à plus de 2000km de Jakarta, sur l’île de Bornéo, une île essentiellement composée de forêt tropical primaire, sur un archipel partagé entre l’Indonésie, le micro-Etat/sultanat de Brunei et la Malaisie.

Si le projet a été accepté le 18 janvier 2022, c’est parce qu’il est avant tout présenté non pas comme le déménagement du centre dynamique du pays, mais comme l’opportunité de construire une ville compétitive, intelligente, écologique, fondée sur les nouvelles technologies et orientée vers l’économie verte, et localisée à l’abri des inondations et risques séismiques constants.

Sur plan, Nusentara est une ville modèle. Il s’agira d’une ville orientée sur les vélos et les piétons, une ville propre, 0 émissions carbones, qui bénéficiera des derniers progrès de la technologies et l’architecture pour être optimale est équipée de transports en commun dernier cri intégré à l’environnement. Mais ce projet pose problèmes sur plusieurs plans.

En effet, la ville durable sera construite sur une forêt tropicale primaire. Il s’agit d’un écosystème immaculé de l’empreinte humaine, l’un des derniers sanctuaires des orang outans et léopards, et d’autres espèces endémiques en danger. Ce sont plus de 260 000 hectares qui sont prévus dans le prospect de la ville de Nusantara. Cet impact écologique est sans compter sur les perturbations liées à la construction (passages d’engins lourds, pollutions sonores, déchets de constructions, retournement des sols, …)   et les changements dans les plans qui sont à prévoir. Dwi Sawung, une représentante de la plus ancienne ONG indonésienne de défense de l’environnement WALHI, démontre que la construction de Nusentara représente 3 risques majeurs pour l’environnement :

  • Impact sur les systèmes de l’eau et de réchauffement climatique : L’urbanisation intense va perturber l’équilibre de l’intégralité du biome, avec une fragilisation des sols et des troubles pour la végétation. La déforestation concomitante va libérer de grande quantité de carbone et affaiblir les capacités de la région à résorber ses émissions, entretenant le réchauffement climatique qui a conduit au transfert sur l’île.

  • Impact sur la faune et la flore : La fragmentation du territoire et l’activité humaine vont de multiples manières bouleverser la vie sauvage de l’île.

  • Pollution et dégâts environnementaux : Il est prévu de déménager plus de 1,5 millions de personnes sur l’île. Ces Nusantariens par leur simple activité vont contribuer à de multiples pollutions et ravager l’environnement, d’autant plus si les pratiques et modes de vie ne changent pas.

Ces préoccupations, comme dans de nombreux pays émergents, ont été écartés du débat. C’est une faute grave que WALHI, et surement d’autres ONG, combattront pour la sauvegarde de l’environnement dans un monde en pleine crise écologique dont les effets dévastateurs commencent à se faire ressentir dans le monde et à Jakarta.

La seconde grande question sur ce déménagement est d’ordre social. On s’attend à ce que le transfert soit inique et inégal. Qui seront les 1,5 millions d’élus promis à l’Eden Nusentara ? Il s’agira de toute la classe politique et de 8 000 fonctionnaires. C’est moins de 1% de la population qui devrait résider sur l’île sous le statut de fonctionnaire. Le reste sera surement destiné aux employés de la ville, envisagée comme un centre d’affaire. Ce sont 56 180 hectares qui seront consacré au palais présidentiel, au parlement et aux bureaux gouvernementaux, ainsi que des routes pour rallier la capitale administrative à d’autres villes.

Contrairement à ce que l’on pourrait s’attendre d’une ville contrainte de transférer ses pouvoirs pour causes de mauvaise gestion climatique et des infrastructures civiles sur un territoire vierge, la nouvelle capitale est construite dans le faste et l’opulence. C’est une enveloppe de 29 milliards d’euros qui est prévu pour la mise en place du projet, en pleine pandémie.

Plus inquiétant encore, c’est la méthode de financement de la nouvelle capitale. Les fonds publics financeront à hauteur de 19 % le projet, le reste provenant de la coopération entre le gouvernement et les entités commerciales et des investissements directs des entreprises publiques et du secteur privé. La capture des décideurs publics peut désormais commencer avec l’implication des entreprises privés dans la construction du nouveaux siège politique du pays.

De plus, le comité chargé de superviser la construction est dirigé par le prince héritier d’Abou Dhabi, le cheikh Mohammed bin Zayed Al Nahyan – qui n’est pas étranger aux ambitieux projets de constructions- et comprend également Masayoshi Son, le milliardaire fondateur et directeur général de la holding japonaise SoftBank, et l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair, qui dirige actuellement le Tony Blair Institute for Global Change. On peut douter de la neutralité de ces parties dans le projet Nusantara. Cette ironie écologique et sociale permet déjà de percevoir les gagnants de l’humanité à deux vitesses.

Enfin la question économique. Jakarta est le poumon économique indonésien. Ce déménagement apparaît d’abord comme une amputation. Les inondations coûtent annuellement 4,5 milliards de dollars à l’agglomération. Le projet ne fait pas état des infrastructures mise en place pour les habitants restant. De plus, ils seront contraints de partir par la force des choses, migrant vers les lieux où les opportunités sont les plus grandes. S’ils venaient à rejoindre Nusantara, qui ne prévoit pas leur accueil, ce seront des bidonvilles qui se bâtiraient aux alentours, nuisant aux forêts, rivières et aux conditions de vie des arrivants.

En réalité, Nusantara sera construite au centre du pays et entre différentes aires urbaines. Elle devrait être rapidement connectée aux autres. La sphère économique devra donc subir un ajustement conjoncturel qui sera surement résorbé rapidement, comme on a pu le constater avec d’autres déménagement de capitale (Brasilia, Abuja ou Putrajaya). Mais ce transfert se fera au détriment des territoires de biodiversité de l’île qui ne pourront faire face aux nouveaux flux, nécessaire au bon fonctionnement économique de la ville.

Conclusion :

Ce projet, économiquement viable sur plan, est problématique à tous les autres niveaux et est symptomatique de l’impuissance des pays, voire leur désintérêt, dans la crise sociale et écologique que traverse le monde.

En effet, le réchauffement climatique montre ses effets directs sur la vie de certaines populations. Au lieu d’ancrer la problématique dans les esprits, avec l’urgence de faire bouger les mentalités et modes de vie, on préfère ne rien changer et recommencer ailleurs. Ce transfert est une fuite qui ne porte pas son nom.

Encouragée par d’autres puissances, Nusantara est une opportunité pour bâtir une ville nouvelle, sans avoir à déloger des populations, et avec des financements internationaux. Mais la ville va créer d’innombrable perturbations environnementales et des fractures sociales, montrant comment la sphère économique l’emporte sur toutes les autres.

L’Indonésie est prête à remplacer son poumon économique. Ce n’est pas la première fois qu’un pays se décide à de telles modifications territoriales. La montée des eaux et le réchauffement climatiques vont faire croître ce genre de transfert, qui apparaissent comme les solutions les plus abouties, mais sont aussi les moins structurelles. Il faut s’attendre à ce que les cartes soit redessinée dans les décennies à venir, et avec une montée de possible tensions géopolitiques. Car si le Brunei et la Malaisie ne sont pas lésés de ce déménagement, qu’en sera-t-il lorsque d’autres villes d’Asie seront englouties ? Le Japon risque de perdre de nombreuses côtes, or les archipels de la mer de Chine sont disputés entre la Chine et le Japon. Les scénarios du GIEC étaient catastrophiques en 2019 avec comme pire prévision une montée des eaux de 2 mètres. Aujourd’hui on sait que cette montée pourrait atteindre les 6 mètres, et que même si l’on s’arrête demain d’émettre du carbone, il y a une telle inertie que l’on n’arrêtera pas la dynamique menaçante de la montée des eaux.

Déménager la capitale à cause de la crise environnementale pour rebâtir sur les derniers puits de biodiversité, c’est mettre un pansement sur une jambe de bois. Il faut que les Etats discutent de transformations structurelles plutôt qu’envisager des mesures palliatives.

Par Matthieu Gourmelon, promotion 2021-2022 du M2 IESCI

Webographie :

https://www.youtube.com/watch?v=tvGeeFXPkZ0

https://www.lesechos.fr/weekend/business-story/7-pays-qui-ont-change-de-capitale-1212812

https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/2022-01-28/a-quoi-ressemble-nusantara-la-future-capitale-de-lindonesie-qui-demenage-car-jakarta-senfonce-d6cac300-457d-4785-828a-18dc46a19e1f

https://www.franceculture.fr/emissions/et-maintenant/l-indonesie-change-de-capitale-pour-raisons-climatiques

https://www.iqair.com/indonesia/jakarta

https://www.cnews.fr/monde/2022-01-19/indonesie-nusantara-la-nouvelle-capitale-du-pays-devoilee-en-images-1172581

https://www.goodplanet.info/2022/01/19/les-deputes-indonesiens-approuvent-la-construction-dune-nouvelle-capitale-nusantara/

https://www.youtube.com/watch?v=G5JoHoX5iWU

https://www.npr.org/2022/01/26/1075720551/jakarta-indonesia-sinking-into-java-sea-new-capital

https://www.youtube.com/watch?v=UMX9B2oXdpU

 

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Les impacts économiques de la règlementation d’accès à la pornographie en ligne en France https://master-iesc-angers.com/les-impacts-economiques-de-la-reglementation-dacces-a-la-pornographie-en-ligne-en-france/ Fri, 03 Dec 2021 16:23:16 +0000 https://master-iesc-angers.com/?p=3525 La technologie numérique nous a permis d’avoir accès à une quantité incommensurable de ressources et d’informations en ligne. L’ethnologue et anthropologue Marc AUGE affirme que l’accès à internet a gommé les différences entre la fille d’un professeur à Harvard et… Continuer la lecture

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La technologie numérique nous a permis d’avoir accès à une quantité incommensurable de ressources et d’informations en ligne. L’ethnologue et anthropologue Marc AUGE affirme que l’accès à internet a gommé les différences entre la fille d’un professeur à Harvard et un garçon éleveur de chèvres en Afrique. Mais très tôt nous nous sommes tournés vers les offres à caractère pornographique.

La pornographie en ligne a l’avantage d’être anonyme, gratuite, accessible en quelques clics et coups de pouces sur n’importe quel écran, offrant un catalogue qui saura répondre aux fantasmes les plus extravagants. Une recherche sur quatre est liée à la pornographie, et près de 70% de la population française a déjà consulté un site à caractère pornographique. Lors des confinements successifs, un pic de fréquentation a même pu être observé. Mais une statistique inquiète plus que d’autres : c’est l’âge de la première exposition. C’est en moyenne à l’âge de 14 ans et 5 mois que les jeunes français sont confrontés à ces sites dont le contenu peut s’avérer choquant et violent pour un public non averti et surtout non éduqué.

Les associations de protection de l’enfance e-Enfance et La Voix de l’Enfant ont intenté un procès pour bloquer plusieurs sites connus diffusant du contenu pornographique et dont la seule restriction d’entrée est une attestation sur l’honneur de majorité. Malgré qu’elles aient été déboutées de leur demande le 8 octobre 2021, cet énième procès peut interroger sur l’avenir de cette industrie. En effet, l’article 227-24 du Code Pénal dispose que « Le fait soit de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support un message à caractère violent, incitant au terrorisme, pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine ou à inciter des mineurs à se livrer à des jeux les mettant physiquement en danger, soit de faire commerce d’un tel message, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende lorsque ce message est susceptible d’être vu ou perçu par un mineur. » et « Les infractions prévues au présent article sont constituées y compris si l’accès d’un mineur aux messages mentionnés au premier alinéa résulte d’une simple déclaration de celui-ci indiquant qu’il est âgé d’au moins dix-huit ans. ». Ce texte, et les procès qui suivront, risquent de rendre l’accès à la pornographie beaucoup plus difficile et freiner les résultats de l’industrie si une vérification efficiente des consommateurs venait à se faire. En sacrifiant ses caractères anonymes et gratuits, la pornographie en ligne risque de perdre bien plus que ses utilisateurs mineurs.

La pornographie en ligne : histoire, business model et succès

La pornographie connait une restructuration de son secteur en 2006 avec l’apparition de YouPorn, premier site gratuit consacré à la diffusion en ligne de vidéo pornographique. Le site croît rapidement avec une explosion du nombre de visionnage quotidien. La naissance de la pornographie numérique fait s’effondrer la production et la vente des supports DVD, et un grand nombre de studios ferment. Le streaming est aujourd’hui le premier média de consommation du porno et 95% de l’offre est gratuite. L’influence des hubs pornographiques est telle qu’elle oblige des entreprises traditionnelles du secteur à se reconvertir. C’est le cas de la maison Dorcel qui, face à cette concurrence insoutenable, fait désormais la plus grande partie de son chiffre d’affaires en produits érotiques.

Ces sites sont des agrégateurs de vidéos. Ils hébergent et accumulent les flux, leur donnent de la visibilité et grâce à de la publicité ciblée réorientent vers d’autres contenus payants. Ces sites n’ont pour seule vocation que de générer de l’audience. Ces sites sont des vitrines. Les revenus sont issus des publicités et des offres premium. C’est un business model élémentaire des hébergeurs vidéo. Mais ces sites sont pionniers de nombreuses innovations qui ont modifié la navigation web. C’est à la pornographie en ligne que l’on doit l’optimisation du trafic (et ce avant Diggs ou Google Adsense) et l’apparition intempestive d’applet et publicité pop-up qui mettent en avant des publicités et lancent d’autre pages quand l’utilisateur tente d’en quitter une, captant au maximum l’attention des visiteurs. L’audience générée par ces sites est si grande que des entreprises non associées au secteur louent des emplacements publicitaires. L’Oréal a pendant un temps utilisé ces emplacements pour vendre leurs cosmétiques pour homme. Avec plus de 70 millions de streaming quotidien, ces sites connaissent un trafic parmi les plus important de la toile.

Les entreprises propriétaire de ces sites sont généralement situées dans des paradis fiscaux, au Luxembourg notamment, afin d’optimiser encore les revenus. Bien que le secteur soit très opaque, on estime que la pornographie en ligne rapporterait jusqu’à une centaine de milliards d’euro par an.

Le succès du divertissement pornographique est lié à une double concomitance entre la gêne sociale et institutionnelle générée par la consommation de la pornographie et la discrétion et l’accessibilité permise par internet et l’ordinateur personnel. Il n’est plus besoin de se présenter chez son libraire ou en magasin spécialisé et décrire à un inconnu l’exotisme de ses désirs. Désormais quiconque possède un accès internet et un écran peut obtenir satisfaction après avoir tapé quelques mots clés. Le consommateur est maintenant invisible, ce qui permet aussi aux mineurs d’y accéder. On estime que les plus grands consommateurs sont les jeunes âgés de 12 à 17 ans, et ce à partir du téléphone portable. Les contenus sont gratuits et les hébergeurs peu regardant sur ceux qui les consultent permettent à ce large public de se rendre sur les sites, et donc d’augmenter l’audience.

La pornographie en ligne, un quasi monopole

Le secteur est majoritairement contrôlé par l’entreprise MindGeek (autrefois Manwin). Elle est propriétaire de nombreux sites de publications (Pornhub, Redtube, Youporn,…) et studios de production (Brazzers, Digital Playground, Mofos, …). Ainsi comme les entreprises de la tech, la pornographie en ligne s’organise en cluster, dans la vallée de San Fernando dit la PornValley, l’un des premiers centres mondiaux de production de film pornographique destinés à internet. Subsistent quelques concurrents, mais le marché n’en est pas moins fortement concentré.

Cette intégration à la fois horizontale et verticale donne à MindGeek un grand pouvoir d’entreprise. Elle rachète ses concurrents et vante ses productions sur ses sites hébergeurs. Cette stratégie déployée est très proche de celle de Monsanto.

Ce pouvoir permet à MindGeek non seulement d’avoir un impact significatif sur la production des contenus pornographiques, en exerçant une pression sur les coûts pour produire plus pour toujours moins, mais aussi un pouvoir de lobbying en déployant des moyens financiers pour faire face aux scandales qui entourent la pornographie (Accusation sur le non-respect des droits d’auteurs, accès des mineurs, hébergement de vidéos aux contenus illégaux, conditions de travail des performeurs, …). L’une des actions de lobbying récente que l’on peut souligner est celle de la Measure B.

La Measure B est une loi du comté de Los Angeles qui vise à exiger un protocole sanitaire pour les studios de productions et l’utilisation du préservatif pour toutes les scènes qui impliquent une pénétration. MindGeek aurait financé une campagne publicitaire contre cette mesure à hauteur de 268 000 $. Cette campagne d’influence est illégale, mais montre la volonté de l’entreprise de garder une certaine maîtrise sur l’aval de la chaîne de production.

Cependant, cette mesure adoptée en 2012 a eu des effets ambivalents. Si elle a amélioré les conditions sanitaire et l’encadrement des tournages, elle a créé un exode des studios de productions vers des territoires moins regardant, désertant Los Angeles où il ne reste que quelques studios. L’impact économique potentiel d’une telle migration a été estimé par les professionnels du secteur à 6 milliards de dollars[1]. Quand on voit l’énergie et les moyens mobilisés pour empêcher l’adoption d’une telle loi, le manque à gagner et l’aisance avec laquelle elle a été contournée, qu’en serait-il d’un texte qui oblige à une vérification efficiente des consommateurs ?

Quels seraient les dangers d’une vérification des usagers ?

Finalement il s’avère qu’a priori ce danger est presque nul ! En effet cela résulte de deux grandes difficultés : la faisabilité technique d’une telle mesure et le confort des utilisateurs.

La principale limite est technique. Comment restreindre l’accès aux sites déconseillés aux mineurs (quelle que soit leur nature) aux digitales natives alors qu’ils sont parfois plus à l’aise avec la technologie que ceux qui les mettent en place ? Depuis longtemps le contrôle parental, déjà trop peu installé, s’est avéré obsolète car aisément déjoué. Toutes forme de restriction de diffusion de ces contenus, voire de leur consultation (la pornographie est illégale dans 91 pays du monde), est non seulement considérée comme contraire à la liberté d’expression car les contenus pornographiques ne sont pas illicites dans tous les pays, mais n’empêche en rien leur accès. Par exemple, le Pakistan est réputé pour avoir le plus de requête de pornographie homosexuelle, alors que les outils juridiques répriment la pornographie et l’homosexualité. Enfin, comment délimiter la pornographie ? S’il est possible de surveiller les sites qui se déclarent comme tels, les contenus pornographiques pullulent sur l’ensemble des internet, même sur les sites et applications qui n’y sont pas consacrés. On ne peut pour l’instant pas maîtriser la diffusion de ces contenus à moins de couper complètement l’accès à internet ce qui est absolument impensable dans un pays démocratique.  Pire, une restriction aussi dure ne ferait que réorienter les consommateurs de tous âges vers des sites toujours moins surveillés, aux contenus illégaux, illicites et violents.

            La seconde limite concerne le confort des usagers. Il est peu probable que les consommateurs souhaitent renseigner leur identité, justificatif en main, et laisser des sites de cette nature recueillir des données qui concernent leur identité et les associeraient à leurs habitudes de consommation. L’anonymat est un caractère bien trop important pour le consommateur. Le Royaume Uni avait annoncé en 2017 obliger une vérification de l’âge pour accéder aux sites pornographiques, à l’aide de recensement de données ou d’un pass porno en vente chez son libraire. En 2019 la mesure est officiellement abandonnée car elle présente trop de limite technique et des dangers sur les informations personnelles.

Qu’en serait-il si ces sites devenaient payants afin de garantir une traçabilité et l’accès à des moyens de paiements en ligne réservé aux mineurs ? C’est un scenario parmi les moins plausibles pour les spécialistes. En effet, les marges issues des contenus payants sont peu viables (cf. Dorcel) et comme le support reste internet, ils trouveront leur équivalent gratuit, toujours sur des sites moins réglementés. De plus le secteur tout entier en serait fragilisé car les banques prélèvent des commissions trois à dix fois plus élevés pour les transactions concernant la pornographie à cause des risques plus grand de fraude ou de rétractation.

Pour le moment aucun moyen viable n’a été proposé pour restreindre efficacement l’accès aux sites pornographiques. L’espace en ligne étant très libre, il est très difficile de maîtriser le sujet. La concentration du marché, la présence de plus en plus grande de supporter de la pornographie et les difficultés de la régulation de l’espace web font que les diffuseurs de contenus pornographiques sont peu inquiétés par l’arsenal réglementaire en ce qui concerne des restrictions à son accès.

Conclusion

En l’absence d’une autorité internationale efficiente et homogène sur les contenus internet, il est très peu probable que la pornographie en ligne soit atteinte par de quelconques restrictions d’accès. Faute de mieux, peut-être même est-il préférable de se satisfaire de MindGeek, le leader du marché, qui loin de montrer patte blanche donne au moins une tête à couper (ou au moins à surveiller). Bien que la pornographie représente un quart des requêtes en ligne, trop peu de politiciens et économistes ne s’intéressent à la question, laissant le secteur en autorégulation sans dégager d’alternatives démocratiques et viables pour une industrie qui multiplie les scandales. D’autant plus que MindGeek, spécialiste de la gestion de donnée voit presque chaque citoyen du monde passer par son réseau. C’est une incroyable ressource que l’entreprise possède sans contrepouvoir.

 En attendant la France a décidé de réorienter les requêtes pornographiques vers le site du CSA où s’affichera un message de prévention sur les risques d’un tel contenu avant d’y laisser l’accès. Cette décision a surement plus inquiété le webmestre du CSA qui va voir l’affluence de son site explosé que les bureaux de MindGeek.

Par Matthieu Gourmelon, promotion 2021-2022 du M2 IESCI

[1] Chiffre à modéré de ce fait

Sources

http://www.slate.fr/story/134117/porno-uberisation  (Consulté le 31/10/21)

https://www.leparisien.fr/high-tech/acces-des-mineurs-a-la-pornographie-5-minutes-pour-comprendre-lassignation-en-justice-des-fournisseurs-internet-09-09-2021-IDCQWP744FA75KZZQAMJV5YUDI.php (Consulté le 31/10/21)

https://www.numerama.com/tech/746049-blocage-de-sites-pornos-les-internautes-seront-rediriges-sur-le-site-du-csa.html (Consulté le 31/10/21)

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000044174211(Consulté le 31/10/21)

https://questions.assemblee-nationale.fr/q13/13-86672QE.htm (Consulté le 31/10/21)

https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000043409165/(Consulté le 31/10/21)

https://www.marianne.net/monde/interdire-le-porno-aux-mineurs-beaucoup-de-pays-ont-essaye-sans-y-parvenir (Consulté le 31/10/21)

https://www.arte.tv/fr/videos/105478-002-A/peut-on-vraiment-empecher-les-mineurs-d-acceder-aux-contenus-pornos/ (Consulté le 31/10/21)

Ovidie, 2017, Pornocratie : les nouvelles multinationales du sexe, Magneto-presse

https://boowiki.info/art/pornographie-2/la-pornographie-dans-le-monde.html#In_Oceania (Consulté le 31/10/21)

https://theconversation.com/pornographie-en-ligne-une-consommation-massive-un-risque-pour-les-jeunes-et-une-urgence-a-reguler-163735  (Consulté le 31/10/21)

https://www.psycho-ressources.com/bibli/stats-pornographie.html (Consulté le 31/10/21)

https://fr.slideshare.net/tmintsa/memoire-m1-yelengwetatiana150611 (Consulté le 31/10/21)

https://www.bordeaux.business/pornhub-business-comme-autre/ (Consulté le 31/10/21)

https://www.lesinrocks.com/actu/industrie-du-x-port-de-la-capote-obligatoire-1865-03-08-2013/ (Consulté le 31/10/21)

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La crise du groupe Evergrande en Chine : illustration de la nouvelle politique de « prospérité commune » de Pékin https://master-iesc-angers.com/la-crise-du-groupe-evergrande-en-chine-illustration-de-la-nouvelle-politique-de-prosperite-commune-de-pekin/ Wed, 17 Nov 2021 22:33:48 +0000 https://master-iesc-angers.com/?p=3505 Le groupe immobilier Evergrande a été fondé en 1996 à Guangzhou (Canton) en plein boom immobilier chinois par Xu Jiayin, ancien ouvrier sidérurgiste. Sa cible est alors la classe moyenne du pays qui émerge à une vitesse stupéfiante suite au… Continuer la lecture

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Le groupe immobilier Evergrande a été fondé en 1996 à Guangzhou (Canton) en plein boom immobilier chinois par Xu Jiayin, ancien ouvrier sidérurgiste. Sa cible est alors la classe moyenne du pays qui émerge à une vitesse stupéfiante suite au développement économique des dernières décennies. Au cours des années 2000, le groupe connaît une incroyable ascension et devient un acteur de premier ordre sur le marché de l’immobilier chinois, au point d’entrer à la bourse de Hong-Kong en 2009. Dans la foulée, les activités de la société se diversifient et Evergrande prend le contrôle du club de Super League chinoise de Guangzhou, rebaptisé alors Guangzhou Evergrande. L’entreprise se lance également dans les secteurs des produits laitiers, des céréales et du pétrole, puis tente de construire une voiture électrique, et finance cette myriade de projets et de dépenses par un recours massif à l’endettement. Cette pratique ne semble pourtant pas, dans un premier temps, être un frein au développement du groupe qui continue son expansion à un rythme soutenu. En 2017, le PDG du groupe Xu Jiayin devient même l’homme le plus riche d’Asie avec une fortune estimée à 43 milliards de dollars.

Mais depuis la fin de l’été, le deuxième plus grand promoteur immobilier chinois fait trembler l’économie du pays. Le géant criblé de dettes doit aujourd’hui faire face à la colère de millions d’acheteurs qui voient la construction de leurs logements toujours en suspens, mais aussi des investisseurs qui attendent toujours des retours sur leurs placements. Cependant, la situation très préoccupante du groupe n’est pas un fait nouveau, et de nombreux signaux semblaient montrer depuis presque deux ans que les fondations du conglomérat étaient déjà sensiblement fragilisées. En novembre 2018 arrivent par exemple les premiers avertissements de la banque centrale qui ajoute Evergrande à sa liste de conglomérats très endettés à surveiller, signalant qu’un effondrement potentiel pourrait entraîner des risques systémiques.

La deuxième moitié de l’année 2020 marque « le début de la fin » pour la firme désormais basée à Shenzhen. Au mois d’août, les autorités chinoises mettent en place le dispositif des « trois lignes rouges » qui vise à limiter l’endettement des promoteurs. Cette opération coup de poing du gouvernement vise à assainir le marché de l’immobilier et à dégonfler la bulle spéculative sur ce secteur. Elle s’inscrit dans une volonté plus globale du Parti communiste chinois de limiter l’endettement des acteurs économiques locaux, qu’ils soient publics ou privés, afin d’avoir un marché intérieur plus sain. Ce coup de vis général a d’ailleurs déjà eu raison de plusieurs entreprises publiques qui n’ont pas pu encaisser les conséquences de leurs erreurs stratégiques. Le secteur de l’immobilier est quant à lui un cas assez spécial. Il a en effet été pendant plusieurs décennies le théâtre d’une course effrénée et particulièrement dérégulée qui en a fait, avec les exportations, l’un des piliers de l’impressionnante croissance économique chinoise amorcée dans les années 1980 sous Deng Xiaoping, et qui l’amène à peser aujourd’hui près de 30% du PIB. Cette folie de l’immobilier a cependant donné naissance à un nombre conséquent de projets peu viables et de faillites et plus généralement à une situation qui semble désormais insoutenable. En effet, l’empire du milieu compte 3 milliards de mètres carrés invendus qui représentent une capacité de logement de 90 millions de personnes. Depuis 2002, les prix ont été multipliés par 6 et dans certaines grandes mégalopoles comme Shanghaï, Pékin ou Shenzhen, un logement peut coûter l’équivalent de trente voire quarante années de salaire moyen.

Pour Evergrande, qui rappelons-le se finance très majoritairement par endettement, ces nouvelles mesures ont logiquement constitué une nouvelle fragilisation de l’édifice. En août 2020, le groupe a annoncé qu’il risquait de ne pas pouvoir effectuer des paiements dus en janvier 2021, cela a provoqué dès le mois de septembre 2020 une chute de 15% des actions du conglomérat à la bourse de Hong Kong. Une partie des créanciers a alors accepté de renoncer à leurs paiements, évitant temporairement au groupe de régler une ardoise de l’ordre de 13 milliards de dollars. Mais ce répit ne fut que de courte durée car la santé financière du groupe n’a fait que se détériorer tout au long de l’année 2021. Tandis qu’en juin le cabinet de recherche Capital Economics estime qu’Evergrande dispose de 1,3 trillion de yuans (soit plus de 207 milliards de dollars) d’engagements de prévente, ce qui correspond à environ 1,4 million de logements qu’il s’était engagé à construire, l’entreprise annonce fin août qu’elle doit impérativement lever des fonds et vendre des actifs pour éviter un nouveau défaut de paiement. La société révèle en effet dans un document boursier que son passif est désormais chiffré à 305 milliards de dollars, soit tout de même 2% du PIB chinois, et que les risques de défaut de paiement des emprunts sont conséquents. Ces événements marquent alors un nouveau tournant et l’affaire Evergrande prend une toute nouvelle ampleur.

La médiatisation de l’affaire depuis septembre 2021

Alors que des manifestations publiques éclatent devant le siège du groupe à Shenzhen et que la pression médiatique autour de l’affaire ne cesse d’enfler, Evergrande se voit accorder fin septembre un délai supplémentaire de 30 jours pour payer un coupon de 83.5 millions de dollars qu’il n’avait pas pu honorer jusqu’alors. Si au terme de cette période cette dette ne serait pas remboursée, un défaut de paiement serait prononcé et les chances de voir le géant faire faillite n’en seraient que renforcées. Ce délai de grâce n’a néanmoins pas été une période d’accalmie.

Le 4 octobre, le groupe suspend sa cotation à la bourse de Hong Kong sans en expliquer les raisons alors que ses actions ont chuté de plus de 80% depuis le début de l’année et à peine huit jours plus tard, Evergrande manque une triple échéance de paiements à hauteur de 148 millions de dollars.

Une issue plus positive semblait cependant se dessiner avec des rumeurs faisant état de la vente de 50.1% d’une filiale de services immobiliers à une division du groupe Hopson Development Holdings pour 2.5 milliards de dollars, mais là encore le sort en a décidé autrement. Le 20 octobre le promoteur annonce en effet que les négociations ont été rompues suite à des désaccords sur le mode de paiement de l’opération. Le lendemain, le groupe retrouve la bourse de Hong Kong mais voit son titre s’effondrer immédiatement et baisser de plus de 12.5% à la clôture. Alors que son destin semblait scellé, Evergrande a finalement réussi à s’acquitter de sa dette de 83.5 millions de dollars à quelques jours seulement de l’échéance de son délai de trente jours et a même vu le cours de ses actions rebondir de 5% dans la foulée. Néanmoins, le conglomérat est loin d’être tiré d’affaire et s’il semble en capacité de rembourser in extremis des intérêts de l’ordre de quelques millions de dollars, le remboursement du principal, qui devrait chiffrer bien au-delà, sera sans doute une épreuve encore plus difficile à surmonter.

Un risque systémique ?

Si le défaut de paiement et la faillite du groupe semblent avoir été pour le moment évités, les déboires d’un groupe aussi vaste qu’Evergrande, qui gère 778 projets en cours dans 223 villes et génère plus de 3 millions d’emplois directs et indirects, soulèvent des inquiétudes quant à un risque systémique pour l’économie chinoise voire mondiale. À titre d’exemple, le marché des métaux, et notamment de l’acier, du cuivre et de l’aluminium, a subi de plein fouet les mésaventures du promoteur chinos. Les cours de ces matériaux indispensables à la construction ont en effet connu des variations significatives, à la hausse comme à la baisse, en fonction de l’évolution de la situation en Chine. De plus, celle-ci reste la deuxième économie du monde et un gigantesque marché pour de nombreux acteurs internationaux. Il semble inévitable que tous les pays qui y exportent pourraient ressentir un ralentissement, notamment les autres pays asiatiques, tandis que les pays occidentaux beaucoup moins dépendants des ventes en Chine seraient eux touchés dans une moindre mesure. Cependant, si l’on a entendu très tôt des comparaisons avec la crise de 2008, il semble que cet épisode ne sera pas un « Lehman Brothers » chinois. Bien que les deux compagnies aient des similitudes, le fait qu’Evergrande évolue sur un marché bien plus fermé et moins connecté au reste du monde limite les risques globaux. Cet événement ne constituera très probablement qu’un ralentissement, et non une crise.

En revanche, les autorités locales ont plusieurs fois rappelé qu’une faillite d’Evergrande constituerait un risque systémique à l’échelle chinoise qui, rappelons-le, dépend énormément du secteur de l’immobilier. Cela pourrait même, à une plus grande échelle, acter la fin du modèle de croissance financé par la dette mis en place sous Deng Xiaoping. Depuis 2008, la dette du secteur privé en Chine a doublé par rapport au PIB, passant de 112 % à 224 % en 2020. Dans n’importe quelle autre économie développée cette propension à autant se reposer sur de la dette privée aurait provoqué une grave crise financière, mais le fait que la Chine ait le contrôle sur la quasi-totalité des composantes essentielles son économie lui permet de mettre en place un tel système dans lequel jusqu’à peu, les banques pouvaient encore allègrement prêter à un acteur surendetté. Ce procédé a cependant des contre-coups et à participé à l’émergence d’un marché de l’immobilier trop longtemps resté à l’écart des régulations, dont les prix n’ont cessé de flamber et où désormais plusieurs millions de bâtiments restent inoccupés, en témoignent les villes fantômes qui fleurissent un peu partout sur le territoire. L’endettement massif d’Evergrande n’est pas un fait nouveau, mais la situation n’a réellement commencé à dégénérer que l’an dernier lorsque les autorités ont durci les règles pour contrer la bulle immobilière locale et éviter un effet domino sur les acteurs nationaux dépendant de ces grands groupes. À titre d’exemple, les activités du promoteur concernent 128 banques et 120 autres institutions non-bancaires qui redoutent toutes un défaut de paiement, sans compter les milliers de fournisseurs qui attendent d’être rémunérés et les millions de particuliers qui ne savent pas si le logement qu’ils ont acheté sur plan leur sera livré un jour.

Sur le secteur de l’immobilier les effets sont d’ailleurs déjà visibles. Les ventes de terrains à construire ralentissent, ce qui représente un vrai manque à gagner pour les collectivités locales, mais plus généralement, la situation du conglomérat a lancé une vague de froid sur les investissements immobiliers : pour la première fois depuis six ans, le prix des logements neufs a reculé d’environ 1%. S’il venait à se prolonger, ce ralentissement du secteur pourrait donc sonner la fin du rythme actuel de la croissance chinoise et devrait enclencher une baisse des richesses des ménages et donc de la consommation intérieure.

L’attitude très en retrait de Pékin

Ce qui semble toutefois le plus intéressant et surprenant est l’attitude presque effacée de Pékin qui n’a pas exprimé publiquement son intention de venir en aide au promoteur. Cette attitude est bien entendu volontaire et reflète la volonté de Xi Jinping de changer drastiquement son modèle de croissance et de mettre en place une « prospérité commune » qui devra réduire les inégalités qui bafouent les idéaux égalitaires du Parti communiste chinois.

Dès lors, que va faire le gouvernement du cas très encombrant qu’est Evergrande? Il semble probable que la politique des « trois lignes rouges » restera en vigueur mais que les autorités vont veiller à restructurer le conglomérat et à éviter de trop gros dégâts sur les entreprises et les ménages. Ce qui semble désormais clair c’est que  Pékin a l’intention de faire d’Evergrande, et sûrement d’autres sociétés très endettées un exemple. Cela signifiera sans doute de grosses pertes pour les actionnaires et les détenteurs d’obligations mais aussi une restructuration de la direction du groupe, voire même un éclatement et une revente de ses entités. Un autre enjeu pour le gouvernement concerne les dizaines de milliers de personnes qui ont déjà prépayé les 1.4 millions de logements d’une valeur de 200 milliards de dollars et qui ne sont pas encore achevés. Bien que la Banque centrale chinoise, la PBOC, ait injecté des milliards de dollars de liquidités pour éviter toute panique sur les marchés, pour l’heure, Pékin ne semble pas disposé à renflouer les caisses du promoteur, au contraire, les autorités ont même demandé à Xu Jiayin de puiser dans sa fortune pour payer les dettes encore dues par sa société. Même son de cloche du côté des investisseurs, l’objectif est de rendre ces derniers plus au fait des réalités et des dérives du milieu et les encourager à placer leur épargne sur des secteurs plus sains. Le gouvernement veut à la fois envoyer un signal fort sur le surendettement des entreprises et contrôler tout impact plus large sur son économie.

Si la Chine gère cette affaire avec adresse, elle aura prouvé sa capacité à réprimer les excès du capitalisme qu’elle souhaite désormais combattre avec son objectif de « prospérité commune ». Elle aura également purgé une partie structurante de ses excès de dette et aura l’opportunité de se concentrer davantage sur les industries qu’elle souhaite développer pour sa croissance future. Comme le résume Richard Vague, « La crise d’Evergrande peut faire partie de sa transition, bien que douloureuse, de ce que certains ont appelé sa stratégie “construire, construire, construire” à une stratégie “inventer, inventer, inventer” qui se concentre plutôt sur les industries du futur ».

La Chine a montré qu’elle était en mesure de gérer ce type de situation par le passé et, selon toute vraisemblance, elle saura également gérer Evergrande.

 Par Louis-Mael Jouanno, promotion 2021-2022 du M2 IESCI

Sources web

  • The Economic Times. (2021, 24 septembre). « The rise and demise of Chinese property firm Evergrande ». The Economic Times
  • Zhifan Liu. (2021, 21 septembre). « Le géant Evergrande au bord de la faillite, Pékin silencieux ». Libération
  • Simon Leplâtre. (2021, 4 octobre). « Xu Jiayin, le patron mégalo d’Evergrande qui fait trembler la planète finance ». La Matinale du Monde
  • Etienne Goetz. (2021, 23 septembre). « Les déboires du promoteur font tanguer les cours des métaux ». Les Echos
  • Marion Heilmann. (2021, 23 septembre). « L’affaire Evergrande en 7 questions ». Les Echos
  • Clare Jim. (2021, 24 septembre). « ENCADRÉ-Pourquoi Evergrande constitue un risque systémique potentiel ». Boursorama
  • Bastien Bouchaud. (2021, 27 septembre). « Comment Evergrande menace le miracle économique chinois ». Les Echos
  • The Economic Times. (2021, 24 septembre). « For Xi Jinping and China Evergrande, a delicate balancing act ». The Economic Times
  • Sophie Rolland. (2021, 27 septembre). « Trente jours de grâce pour Evergrande, trente jours d’incertitude pour les marchés ». Les Echos
  • William Gerlach. (2021, 28 septembre). « Opinion | De quoi Evergrande est-il le symbole ? ». Les Echos – Le Cercle
  • Nicolas Baverez. (2021, 4 octobre). « Baverez – Evergrande ou la fin des “ quarante glorieuses “ chinoises ». Le Point
  • Mark Leon Goldberg. (2021, 4 octobre). « Will China’s Evergrande Crisis Unleash a Global Economic Contagion? ». Undispatch
  • Tom Westbrook, Donny Kwok. (2021, 4 octobre). « Evergrande va céder 51% d’une de ses filiales pour 5 milliards de dollars, rapporte la presse ». Challenges
  • François Chimits. (2021, 6 octobre). « Chine : “ Le géant immobilier Evergrande est le symbole des limites d’un modèle économique dont Pékin veut s’extraire “ ». Le Monde
  • Stephen S. Roach. (2021, 7 octobre). « Evergrande : la Chine a bien d’autres démons ». Les Echos
  • Dominique Baillard. (2021, 14 septembre). « Chine: Evergrande va-t-il entraîner toute l’économie chinoise dans son naufrage? – Aujourd’hui l’économie ». rfi
  • Business Mayor. (2021, 15 octobre). « Xi Jinping’s Evergrande dilemma has repercussions far beyond China ». Business Mayor
  • Les Echos. (2021, 20 octobre). « Evergrande reprend ce jeudi sa cotation en Bourse ». Les Echos
  • Frederic Schaeffer. (2021, 21 octobre). « Evergrande se rapproche de la faillite ». Les Echos
  • (2021, 22 octobre). « Le promoteur immobilier chinois Evergrande évite de justesse un défaut de paiement ». France24
  • (2021, 4 octobre). « Le géant chinois Evergrande suspend ses opérations à la bourse de Hong Kong ». France24
  • Richard Vague. (2021, 28 septembre). « Will China’s Debt Bomb Explode? ». Democracy
  • Le Figaro. (2021, 27 octobre). « Pékin presse le patron d’Evergrande de régler l’ardoise ». Le Figaro

 

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Impact de la crise Covid sur le secteur de la restauration : analyse des sociétés Flunch et Five Guys https://master-iesc-angers.com/impact-de-la-crise-covid-sur-le-secteur-de-la-restauration-analyse-des-societes-flunch-et-five-guys/ Thu, 10 Jun 2021 10:19:56 +0000 https://master-iesc-angers.com/?p=3468 Flunch est une société par actions simplifiée créée le 4 juin 1981, chaîne de restauration en libre-service française, exploitée par le groupe Agapes, présente aujourd’hui en France, en Espagne, en Pologne et en Italie. Five Guys, une compagnie à responsabilité… Continuer la lecture

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Flunch est une société par actions simplifiée créée le 4 juin 1981, chaîne de restauration en libre-service française, exploitée par le groupe Agapes, présente aujourd’hui en France, en Espagne, en Pologne et en Italie. Five Guys, une compagnie à responsabilité limitée créée en 1986, chaîne américaine de restauration rapide haut de gamme. Elle est spécialisée dans les hamburgers, les hot-dogs et les frites, et ne cesse d’accroître son développement partout à travers le monde. Le but de cette analyse n’est pas seulement de relater la situation actuelle des deux entreprises, mais bel et bien de faire état de leur situation et de leurs stratégies envisagées avant et après le coronavirus, et de faire une comparaison entre ces enseignes, dans le but de visualiser sur le court et le long terme, le meilleur modèle économique envisageable pour un potentiel investisseur.

« En première ligne, les chaines de restauration. Deux enseignes sur trois pourraient ne pas survivre selon un cabinet spécialisé. »

Viktor Frédéric, journaliste pour France 3, 24 juillet 2020

Si la plupart des secteurs sont aujourd’hui impactés par cette crise du coronavirus, le secteur de la restauration s’avère être un secteur des plus touchés. En effet, selon le cabinet Gira Conseil, 2 enseignes sur 3 pourraient ne pas survivre à cette crise. Ce sont tous les types de restaurants qui sont touchés. Qu’il s’agisse des chaînes de restaurations ou des étoilés, aucun n’est épargné. 15% des restaurants pourraient d’ici la fin de l’année 2020, ne pas rouvrir leurs portes. La crise du coronavirus aurait en 2020, engendré une baisse de 50 à 55% de chiffre d’affaires pour le secteur de la restauration par rapport à 2019, soit une baisse d’environ 30 milliards d’euros. Si l’on regarde l’ensemble du secteur de la restauration et de l’hôtellerie, 2 établissements sur 5 envisageraient de se séparer d’une partie de leurs salariés, supposant ainsi un nombre total de 200 000 emplois supprimés d’ici la fin de l’année 2020.

Ayant connaissance de l’état et des stratégies envisagées par les deux enseignes, quel serait pour un investisseur le modèle économique le plus approprié dans lequel il pourrait investir au mieux son capital financier ?

Les ingrédients pour une recette à moitié réussie

Flunch, l’arrivée de Thierry Bart peut changer la donne

Si Flunch a su faire ses preuves auprès du public français dès les années 70, la première chaîne de restauration en libre-service, inspirée du modèle de restauration en libre-service américain, est aujourd’hui victime de l’échec de son modèle économique : la cafétéria. Le premier restaurant créé en 1971 à Englos dans le Nord, avait pour but de conserver l’ascendante présence de la clientèle de la galerie de son centre commercial. L’enseigne a su rapidement s’imprégner de ce modèle économique de cafétéria et a vu son nombre de restaurants augmenter. En effet, le concept de cafétéria a été au départ si bien mené par l’enseigne nordiste, grâce à son concept de repas à bas prix, qu’elle s’est rapidement imposée avec ses 255 restaurants et 8500 collaborateurs, comme l’un des leaders du marché de la restaurant française. Cependant, si en 2012, son chiffre d’affaires était de 511 576 500 €, l’enseigne a été victime au fil des années de l’échec de son système économique, ayant pour conséquence la perte considérable de sa clientèle et la fermeture de certains de ces restaurants déficitaires. Entre 2014 et 2019, Flunch a perdu 13 % de son chiffre d’affaires et 10 % de ces clients. L’enseigne diminue chaque année le montant de ses investissements, soit plus de 23 % en trois ans ainsi que ses dépenses publicitaires de plus de 30 %. La crise du coronavirus a donc engendré une perte totale de 5 millions d’euros d’économie pour les salariés, à la suite de l’annonce d’une chute de 47,71 % de la valeur du FCP Agap Action. En 2020, d’après de récentes sources d’informations, le chiffre d’affaires de l’enseigne aurait plongé de près de 212 millions d’euros et l’enseigne aurait demandée à être placée sous procédure de sauvegarde.

La société est aujourd’hui présidée par le groupe AGAPES, et dirigée par Thierry Bart. Un homme qui, grâce à son expérience de direction générale de 30 ans, a de quoi faire pencher la balance pour l’enseigne française. Anciennement directeur chez le groupe « Elior Group », une entreprise multinationale française spécialisée dans la restauration collective et les services au chiffre d’affaires de 4.9 milliards d’euros en 2019, il est depuis octobre 2019, directeur général délégué du groupe « Agapes Restauration », un groupe de l’Association familiale Mulliez, créé en 1971, engagée dans le domaine de l’alimentation.

« Bien avant la crise sanitaire, l’entreprise n’était déjà pas en grande forme, on a déjà vécu plusieurs plans sociaux. On en était conscients, on était lucides. » 

Grégory Dubois, délégué syndical central CFDT, 27 janvier 2021

Bien avant que le coronavirus n’apparaisse, la société luttait déjà pour sa survie. Depuis plusieurs années déjà, la filiale française subit l’ascension des autres chaînes de restaurations telles que McDonald’s, Burger King, Five Guys dont le business model diffère de Flunch. Cette crise du coronavirus n’a donc fait qu’accélérer son érosion. Une érosion qui ne date visiblement pas d’aujourd’hui car en 2018 déjà, après avoir évoqué l’idée d’un plan de renouvellement fondé sur la tentative de différenciation (épicerie, cave à vin, rôtisserie), le développement d’une offre de produits supérieurs bio, la digitalisation et la mise à disposition de services associés (ventes à emporter, réservations en ligne), le concept ne trouve guère de clients et n’arrive pas à évoluer, ce qui le mène tout droit à un échec cuisant. En revanche, Flunch a tout de même tiré profit de ce concept en conservant leur système de board digital, leurs bippers en grillade et leur carte MyFlunch.

En 2020, avec l’arrivée du nouveau directeur Thierry Bart, et de son nouveau plan “cap à 5 ans”, l’objectif est de refaire à neuf sa marque en se positionnant non plus comme étant une cafétéria mais comme un Food Hall. Un plan regroupant 6 grands axes, favorisant tout d’abord les relations avec les producteurs locaux, mettant l’accent sur des prix plus raisonnables, sur son activité et sur l’expérience des consommateurs, leur proposant ainsi de nouveaux moyens de commander. Ce plan envisage également l’idée de s’implanter davantage autour des sites les plus convoités par la clientèle (autoroutes notamment). L’arrivée du nouveau dirigeant pourra-t-elle changer la donne pour Flunch ? Pourra-elle mettre à profit l’ensemble des plans prévus ? En tout cas aujourd’hui, à défaut de persévérer sur leur tentative de renouvellement de stratégie en 2018, l’entreprise française semble déterminée à innover et à revoir le jour, malgré un fort ralentissement causé par cette crise sanitaire, et malgré en 2021, une procédure qui place l’enseigne sous sauvegarde, ce qui ne fait que compliquer davantage leurs plans.

La Covid-19, premier vrai obstacle pour Five Guys

Five Guys, est une chaîne américaine de restauration rapide haut de gamme, qui a ouvert dès 1986 son premier restaurant à Arlington en Virginie. Cette fameuse enseigne a été inventée par la famille Murrell et plus précisément par les 5 enfants, qui avaient le choix entre étudier ou monter une affaire. Le choix fut évident pour les enfants Murrell, qui passèrent ainsi de nombreuses années à perfectionner leur concept de restauration. Un concept, qui a si bien fonctionné, qu’en moins de 18 mois dans les années 2003, conscients de l’immense succès de leur restaurant auprès des américains, s’empressent déjà d’offrir 300 franchises à travers le pays. Cette franchisation de masse fait alors parler d’elle partout aux Etats-Unis, dans des nouvelles telles que Nation’s Restaurant News, Restaurant Business Magazine ou encore Franchise Times, ce qui a davantage fait exploser l’enseigne américaine. Le restaurant qui n’était à l’époque que très petit, a pris un envol fulgurant et a créé un tel engouement, qu’il est devenu l’un des restaurants les plus aimés de Washington DC. Il a même été gratifié du « meilleur burger de la région métropolitaine ». 30 ans après, ce sont plus de 1500 restaurants qui sont ouverts, et 1500 autres qui n’attendent qu’à être convoités par leur clientèle.

L’enseigne est en France, dirigée par John Eckbert, un homme particulièrement impliqué dans le processus de développement de Five Guys car en 2010, il s’associe avec Sir Charles Dunstone et Roger Taylor pour bâtir une nouvelle plateforme de croissance dans l’industrie alimentaire et des boissons. Ensemble, ils ont identifié Five Guys comme étant la première offre de burger haut de gamme aux États-Unis et ont réussi à convaincre la famille Murrell de créer une coentreprise, faisant ainsi venir Five Guys au Royaume-Uni. Five Guys a été lancé à Covent Garden le 4 juillet 2013. La coentreprise a ouvert plus de 140 magasins en 6 ans, avec des fleurons européens ouverts et commercialisés à Paris, Madrid et Francfort. On voit alors, que Five Guys est une enseigne qui a su rapidement attirer l’œil de grands investisseurs, a vu son nombre de magasins augmenter en peu de temps et a su convaincre son public. L’entreprise détient par ailleurs des résultats financiers conséquents. On estime son chiffre d’affaires en 2016, date à laquelle l’enseigne américaine s’implante en France, aux alentours de 750 millions d’euros. Concernant le chiffre d’affaires en France, on voit également qu’il ne cesse d’augmenter depuis 2016. [Voir graphiques ci-dessous].

 

Source :  https://www.pappers.fr/entreprise/five-guys-france-817518244

Si le chiffre d’affaires est positif depuis 2016, le résultat ne l’est cependant pas. En effet, le résultat net de Five Guys depuis 2016, s’apparente à un déficit plutôt qu’à un bénéfice. On voit donc qu’il n’y a pas nécessairement de corrélation entre chiffre d’affaires et résultat net.

 

Source :  https://www.pappers.fr/entreprise/five-guys-france-817518244

Comme le montre ce compte de résultat de la société Flunch ci-dessous, des années 2006 jusqu’aux années 2012 (les données récentes n’étant pas disponibles), le chiffre d’affaires en 2006 était de 414 952 000€ avec un résultat net à 17 408 000€. Cependant, on remarque que plus on avance dans le temps, en 2008, le chiffre d’affaires étant de 429 488 000€, et plus le résultat net baisse, 12 256 000€. Il en est de même pour 2012, avec 511 576 000€ de chiffre d’affaires et un résultat net de 7 029 000€.

 Même constat donc que pour Five Guys. Le chiffre d’affaires peut augmenter d’années en années, mais le résultat peut lui chuter bien au contraire. On voit donc que le bénéfice de Flunch est au même titre que son chiffre d’affaires (graphique 5) en chute libre, et ce depuis de nombreuses années déjà, ce n’est pas récent.

 

Source :  https://www.bilansgratuits.fr/entreprise/bilans/32077251000022.htm

« Ouvrir une dizaine de restaurants par an. On ne nous a pas demandé d’en faire une centaine mais nous accélérons. »

Directeur général de Five Guys France, Vincent Lemaître, 25 février 2019

Soucieux de leur présence aux yeux du monde, la société américaine prévoyait avant même que la crise n’apparaisse, de développer leur stratégie d’expansion à travers le globe. En effet, la société familiale qui s’est implantée en France depuis près de 5 ans, avait comme objectif d’ajouter une dizaine de restaurants par an, en plus de ces 19 actuellement installés en France.

Cependant, cette crise du coronavirus a bel et bien ralenti l’expansion souhaitée de Five Guys, en mettant une pression sur les résultats de l’enseigne, qui peine à comptabiliser les effets et les pertes engendrées par le coronavirus.

« On March 25, we furloughed 50 percent of our corporate staff and reduced compensation for all remaining employees. Owners and senior executives have not received compensation since March 11. […] In addition, we promise to do all that we can to keep our employees, customers and the community safe – all while delivering you the best dining experience we can. »

The Murrell Family Founders, Five Guys, 8 mai 2020

Cet extrait provient d’un communiqué des fondateurs en personnes, l’entreprise américaine a été contrainte de mettre en place des mesures drastiques pour faire face à cette crise. C’est pour cette raison que le 25 mars dernier, la société américaine a licencié 50 % de son personnel et réduit la rémunération de tous les autres employés. Les propriétaires et les cadres supérieurs n’ont pas reçu de rémunération depuis le 11 mars. Les 5 frères promettent à travers leur communiqué, de faire tout leur possible pour assurer la sécurité de leurs employés, de leurs clients et de la communauté, tout en leur offrant la meilleure expérience culinaire possible.

Analyse et choix des ingrédients, la recette idéale

Flunch, vers une possible échappatoire

Après avoir tenté l’impossible en 2018 avec leur plan de renouvellement, Flunch revient en 2020 avec un nouveau directeur et un plan qui à première vue semble solide. Cependant à première vue, la situation actuelle de Flunch semble tout de même être la plus fragile par rapport à son opposant, Five Guys. En effet, Flunch bien avant que le coronavirus n’existe, semblait être dans une situation qui ne leur permettait plus de se confronter aux autres enseignes. Leur concept qui fonctionnait certes depuis les années 70 du fait du nombre croissant de centres commerciaux en France, n’attire guère de monde aujourd’hui. Le leader français des cafétérias avait donc pour seul objectif de prouver que son concept tenait encore la route, c’est du moins ce qu’ils ont tenté de faire en 2018. Ce modèle économique qui a longtemps été un atout majeur est devenu aujourd’hui sa plus grosse faiblesse. [Voir graphique ci-dessous]

 

Comme nous le montre ce graphique, le modèle économique de Flunch devient sa plus grande faiblesse. Cette faiblesse ne date cependant pas d’aujourd’hui, cette crise sanitaire n’a fait que remuer le couteau dans la plaie d’une entreprise déjà bien fragilisée, qui fermait déjà quelques-uns de ces restaurants, et qui par conséquent licenciait du personnel. Pour ce qui est de Five Guys, le nombre de licenciements n’est pas représentatif de son activité régulière hors crise. En effet cette crise sanitaire a mis à mal pendant une période, l’entreprise américaine qui a dû licencier son personnel. On voit donc que d’un côté, Five Guys a été directement impacté dans son activité à cause de la crise sanitaire, alors que Flunch bien avant que la crise sanitaire ne commence peinait déjà à faire surface.

Pour comprendre comment l’enseigne a perdu la plupart de sa clientèle il faut remonter à quelques années. Flunch dans ses débuts, accompagnait les clients dans les zones commerciales, mais le restaurant n’était pas ouvert le week-end, première limite. Au fil des années, la fréquence des personnes dans les centres commerciaux a diminué, victime de la fulgurante apparition du commerce en ligne, venant directement impacter le commerce physique. A noter aussi, qu’au regard du développement du domaine de la restauration en France, le concept de cafétéria a rapidement « pris un coup de vieux » et s’est vu perdre un nombre conséquent de clients qui souhaitaient vivre des expériences autres que celles leur rappelant le service parfois très basique de la cantine, à savoir des repas où les personnes, armés de leurs couverts, de leur plateau et de leur carte de cantine, allaient faire la queue pour choisir leur entrée, leur plat et leur dessert puis s’asseyaient à table, pour « déguster » leur repas dans des assiettes et des plateaux bas de gamme en plastique. Flunch est donc finalement devenu le choix par dépit des consommateurs, qui se sont vite tournés vers des nouveaux modèles de restauration qui marchent comme McDonald’s, Burger King ou encore Five Guys. Des restaurants qui, de par de leur originalité et leur fraîcheur sont venus enlacer les clients, friands de nouvelles expériences gustatives.

Récemment, avec l’arrivée de leur nouveau dirigeant Thierry Bart, les plans diffèrent et le cap à 5 ans relève notre attention. Mais est-il trop tard pour l’enseigne ? Aura-t-elle l’opportunité de se renouveler ? Il est aujourd’hui difficile pour une enseigne d’innover un tout nouveau concept car beaucoup existent déjà, ce qui laisse peu de choix aux nouveaux arrivants sur le marché. Bien que Flunch ne soit pas un nouvel arrivant, elle nécessite tout de même d’innover son modèle économique pour tenter de retrouver sa place sur le marché, et conquérir ou reconquérir ses clients. Nous ne doutons pas sur la capacité de l’enseigne à modifier son modèle économique si les moyens leurs étaient accordés, mais serait-ce suffisant pour récupérer une clientèle abandonnée depuis fort longtemps ?

« Les incertitudes sont encore nombreuses du fait des conséquences du Covid (crise économique, télétravail, arrêt du tourisme), aussi ce projet de redéploiement sera progressif et maîtrisé à travers des tests sur les restaurants afin d’évaluer les résultats et investissements nécessaires pour le généraliser. »

Thierry Bart, directeur de Flunch France, 30 septembre 2020

Ainsi, comme le montre Thierry Bart dans cet extrait, cette crise du coronavirus a stoppé net le développement de cette nouvelle stratégie envisagée, laissant alors place à un contexte d’incertitude du fait des lourdes conséquences du coronavirus, combinée à une impossibilité de projection à long terme et un cap à 5 ans qui pour l’instant, tombe totalement à l’eau à cause de cette procédure de sauvegarde.

Five Guys, défaitiste par les chiffres mais vainqueur par la digitalisation

Rares sont les personnes qui ne connaissent pas cette fameuse enseigne Five Guys, qui depuis quelques années déjà ne cesse d’augmenter son nombre de restaurants en France, et qui envisage encore d’en ouvrir d’autres. En effet, les 5 frères ont depuis le lancement de leur premier restaurant opté pour la qualité et pour la diversité de leurs produits, les projetant dans le haut du panier. L’enseigne a su rapidement attirer le grand public en France notamment et est aujourd’hui ancré dans l’histoire de la restauration rapide haut de gamme.

Mais d’où vient ce succès si rapide de l’enseigne ? Pourquoi un produit qui d’apparence est en moyenne plus cher que les autres enseignes de restauration rapide, fonctionne si bien ? Pour répondre à cela, plusieurs points peuvent être relevés. Five Guys qui n’était à l’origine qu’un projet familial, s’est rapidement transformé en une usine déployée partout à travers le globe. Cependant, c’est un restaurant qui de par son histoire et sa décoration intérieure assez modeste et simpliste, conserve une certaine ambiance familiale, une certaine impression de déguster chez soi des bons burgers frais fait maison. Ce n’est pas le clou du spectacle. En effet, si son succès est encore aujourd’hui naissant et grandissant, il en est de même pour son emplacement stratégique. A titre d’exemple, McDonald’s, un concurrent direct de Five Guys, détient dans le monde 35000 établissements. Five Guys, n’en détient que 1441. La différence est colossale. Five Guys a fait le choix à la différence de McDonald’s, de s’installer dans le centre-ville de grandes villes, comme Paris aux Champs-Elysées, qui est le plus grand magasin Five Guys au monde, avec un total de 1200 mètres carrés. C’est dorénavant le premier restaurant de la chaîne américaine en termes de fréquentation et de chiffre d’affaires.

Cependant, à la suite de la crise sanitaire, leurs plans d’expansion ont quelque peu été freinés, leur empêchant alors d’accroître leur expansion sur le marché de la restauration rapide haut de gamme. Bien que cette chaîne de restauration ait été elle aussi impactée par cette crise du coronavirus, étant une enseigne qui a d’ores et déjà su convaincre ses nombreux investisseurs et fidèles clients, elle saura retrouver le chemin qui mènera à sa réussite. Une hypothèse possiblement soutenue par l’ouverture de son nouveau restaurant à Strasbourg en 2020, ou celui au Havre en 2021. Cela montre que cette crise sanitaire ne les a pas abattus, ils souhaitent en effet adopter une posture offensive en ouvrant un nouveau restaurant dans cette difficile période de crise. Comme l’ont indiqué les fondateurs dans leur communiqué, l’enseigne a dû passer par des périodes de licenciements de masse, et des périodes où les cadres n’étaient pas ou peu payés.

Le bilan économique de Five Guys a bel et bien été impacté par cette crise, mais a en contrepartie été l’heureux bénéficiaire du système de livraisons et de click-and-collect pour ses clients. En effet, dans cette période du coronavirus, si les restaurants ne sont pour autant pas ouverts, la digitalisation de la restauration et l’opportunité pour les clients de consommer chez eux bénéficie aux grandes chaines de restauration qui continuent d’alimenter leur chiffre d’affaires. A l’inverse de son opposant Flunch qui peine à faire surface et à tirer parti de cette digitalisation, Five Guys semble avoir de meilleures armes pour faire face à cette crise sanitaire qui devrait se poursuivre jusqu’en 2021.

Les ingrédients pour une bonne recette, une balance plutôt équilibrée

 

Comme nous pouvons le voir sur le graphique [voir ci-dessus], le chiffre d’affaires de Flunch est en chute libre depuis 2018, alors que celui de Five Guys ne cesse d’augmenter depuis son arrivée en France 2016. Le modèle économique défaillant de Flunch, et la crise sanitaire ne cessent de faire du mal à l’enseigne française.

Bien que l’avenir des deux enseignes soit incertain, nulle ne peut à ce jour, déclarer Flunch comme étant une enseigne totalement perdue et sans avenir malgré le fait qu’elle soit désormais placée sous procédure de sauvegarde, ou Five Guys comme étant l’enseigne intouchable. Que ce serait-il passé si, après cette crise du coronavirus et après cette arrivée de Thierry Bart, Flunch serait enfin parvenu à redonner du fil à retordre aux autres enseignes ? Après son échec en 2018, l’entreprise a aujourd’hui plus de recul quant aux projets à faire ou à ne pas développer, tout comme ce qu’il est actuellement conseillé de conserver ou de modifier comme son concept de cafétéria. L’enseigne avait donc tout pour bien repartir. A l’inverse, que se passerait-il si après cette crise du coronavirus, Five Guys n’arrivait plus à joindre les deux bouts et finissait par périr ?

 

Alors que la chaine de restauration Courtepaille dirigée par Guillaume Pautonnier, a pour cause du coronavirus, déposé le bilan en juillet 2020, après avoir été placé en redressement judiciaire, puis rachetée par son concurrent direct Buffalo Grill le 25 septembre dernier, Flunch demande à son tour à être placée sous procédure de sauvegarde, doit céder une soixante d’établissements et remettre en cause un total de 1300 emplois. Nous avions donc à travers une première analyse du sujet, émis l’idée que Flunch pouvait sombrer davantage après son dernier échec en date en 2018, quant à leur plan de renouvellement. Flunch devait impérativement ne pas refaire les mêmes erreurs, investir davantage dans la digitalisation et la mise en place de services associés, car certains concurrents comme Five Guys, bénéficient d’ores et déjà de cet avantage. La stratégie préalablement annoncée par Flunch, comme l’avait décidé le nouveau dirigeant Thierry Bart, était celle de changer de modèle économique. Malheureusement cette crise sanitaire aura eu raison d’eux. Leur concept de cafétéria ne fonctionnant plus, leur obligation aurait été celle d’innover et d’intégrer le marché du « Food Hall », pour tenter de contourner au mieux cette crise sanitaire. [Voir graphique 4]

 

La crise sanitaire a bel et bien ralenti un des souhaits de la part de l’entreprise familiale Five Guys, d’ouvrir 10 restaurants par an, qui se contente donc d’attendre de reprendre une activité normale. Pour ce qui est de Flunch, son objectif de mettre en place le plan Cap 5 ans et de passer au Food Hall tombe totalement à l’eau, l’enseigne doit aujourd’hui faire face à trois nouveaux obstacles, une possible fermeture de ses magasins, le licenciement d’un grand nombre de salariés (graphique 4), et doit sortir de cette procédure de sauvegarde.

« La procédure de sauvegarde « devrait permettre à l’entreprise de se donner du temps en termes de trésorerie en attendant la reprise de l’activité commerciale dont la date reste toujours incertaine, et de poursuivre son plan de transformation […] On ne s’attendait pas à un plan d’une telle ampleur […] bien avant la crise sanitaire, l’entreprise n’était déjà pas en grande forme, on a déjà vécu plusieurs plans sociaux. On en était conscients, on était lucides. » » Enseigne Flunch / Grégory Dubois, délégué syndical central CFDT, 27 janvier 2021

Pour ce qui est de Five Guys, nous n’avons pas spécialement de stratégies à proposer, outre le fait de continuer leur développement à l’international, tout en conservant leur aspect familial, la qualité de leur offre et de leurs produits, et l’utilisation de la digitalisation de leurs services, qui pendant cette période de coronavirus semble être le point culminant de l’enseigne. Cependant, il ne faut pour autant pas se reposer sur ses lauriers, car il faudra après la crise du coronavirus, rebondir et poursuivre les efforts de réouverture et d’expansion préalablement engagés avant la crise sanitaire.

Par Louis-Maël Jouanno et Antonin Gatard, promotion 2020-2021 du M2 IESCI

Bibliographie

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  • Graphique 1 :

 

 

 

  • Graphique 2 :

 

 

 

 

 

  • Graphique 5 (informations relatives au chiffre d’affaires) :

 

 

 

 

 

 

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L’impact croissant de la fluctuation des matières premières sur l’économie mondiale https://master-iesc-angers.com/limpact-croissant-de-la-fluctuation-des-matieres-premieres-sur-leconomie-mondiale/ Wed, 28 Apr 2021 08:53:51 +0000 https://master-iesc-angers.com/?p=3459 « Avec la mondialisation, nous sommes tous interdépendants. On disait autrefois : lorsque les États-Unis éternuent, le Mexique s’enrhume. ». Cette citation de Joseph Stiglitz illustre parfaitement l’idée, qu’en économie, chaque action a des conséquences. Ethiquement parlant, on ne peut donc pas… Continuer la lecture

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« Avec la mondialisation, nous sommes tous interdépendants. On disait autrefois : lorsque les États-Unis éternuent, le Mexique s’enrhume. ». Cette citation de Joseph Stiglitz illustre parfaitement l’idée, qu’en économie, chaque action a des conséquences. Ethiquement parlant, on ne peut donc pas agir de manière individualiste. Pourtant, aujourd’hui, notre économie, grâce ou à cause de la financiarisation massive, est centrée autour des marchés financiers. Tout se vend et s’achète, chaque élément a donc un prix.

C’est notamment le cas des matières premières, qui peuvent se définir selon Philipe Chalmin, économiste et spécialiste des marchés des matières premières, de la manière suivante : « des produits à l’état brut ou ayant subi une première transformation sur le lieu de production pour les rendre propres à l’échange international ». Elles peuvent appartenir à différentes catégories telles que l’énergie (pétrole, gaz naturel, charbon…), les minerais et métaux (cuivre, aluminium…), les produits agricoles destinés à l’alimentation (blé, maïs, riz…) ou à l’industrie (coton, bois, laine…). Ces produits représentent près d’un tiers des échanges du commerce mondial.

Elles peuvent être aussi désignées par d’autres termes, pour les Nations unies comme « produits de basses » ou au sens plus large « commodité » lorsqu’elles subissent plus de modifications. Ces denrées sont soumises à une intense fluctuation des cours de la bourse et à de fortes incertitudes liées à leurs environnements naturels. Souvent, moins prises en considération, elles sont pourtant à la base de l’alimentation, pour les produits agricoles ou bien de la production, pour les énergies. De plus, peu considérées, l’actualité ne les évoque souvent que lorsque leurs prix flambent.

Depuis les années 30, le marché des matières premières était strictement réglementé. Dans, les années 2000, c’est un véritable tournant, le président des États-Unis, Bill Clinton, et le président de la réserve fédérale des États-Unis, Alan Greenspan, font passer un projet de loi supprimant la limitation du nombre de tradeurs pouvant spéculer sur les produits dits « de basses ». Le marché se libéralise, est déréglementé et les spéculateurs peuvent alors spéculer sans limites. Toutefois, en 2008, on constate que les prix augmentent fortement alors que la demande, à cause de la crise, diminue. Cette conséquence résulte du nombre important de capitaux spéculatif émis. Des 20% de spéculateurs intéressés par le marché dans les années 2000, ce taux est passé à 80% en 2008, d’où l’achat de masse et l’augmentation importante des prix.

L’investissement de masse dans les cours des matières premières s’explique par plusieurs facteurs sociétaux. Depuis une vingtaine d’années, on assiste à l’émergence des pays en développement, qui représentent aujourd’hui, sur la scène internationale, une force économique non négligeable, notamment celle des BRICS. Ils ne sont plus seulement des lieux de production mais bien des acteurs qui influent et agissent sur les processus de croissances mondiales. La Chine, par exemple, possède de nombreuses entreprises influentes, surtout dans le domaine de l’électronique. De plus, la question environnementale n’est plus à prendre à la légère. Les matières premières sont directement influencées par la météo. Si elle est déréglée, les denrées peuvent se faire plus rares et les stocks se déséquilibrer. Les prix vont alors augmenter. Enfin, il y a les risques imprévisibles, comme la pandémie mondiale de la Covid-19, rencontrée depuis janvier 2020 et qui influe directement sur la demande. Ces nombreux facteurs vont donc peser sur les cours de manière positive ou négative.

Le rôle d’un négociant dans ce jeu de l’offre et de la demande est donc de jouer avec les différents risques : les contextes sociétaux, les partenaires, les produits, les concurrents et les transports. Son objectif est d’acheter un produit au prix le plus bas en le revendant le plus cher possible en fonction du marché. Toutefois, le producteur doit être assez rémunéré pour être incité à continuer sa production, pourtant ce n’est pas toujours le cas. Mais alors, face à cette volonté d’obtenir toujours le meilleur prix, est-ce que la libéralisation du marché des matières premières est une bonne chose ?

L’effet papillon

Le scientifique américain, Edward Lorenz, se posait la question suivante : « le battement d’ailes d’un papillon au Brésil peut-il provoquer une tornade au Texas ? », cette théorie appelée « effet papillon » ou aussi « théorie du chaos » consiste à montrer qu’un  évènement futile peut provoquer des réactions en chaîne et avoir de lourdes conséquences. Pour le docteur en mathématiques Yaneer Bar-Yam, cette théorie s’applique parfaitement aux marchés financiers. Les prix des matières premières fixés par les spéculateurs en bourse d’Atlanta, de Chicago et de Londres influent donc directement sur les prix d’achat des denrées alimentaires achetées par les consommateurs. Lorsque ces prix augmentent trop, des situations extrêmes peuvent naitre et provoquer des révolutions, des migrations, des guerres ou des conflits.

La guerre de l’eau en Australie

Dans le cadre de la libéralisation du marché des matières premières impulsée par Margaret Thatcher à la fin des années 80, l’Australie a fait le choix de privatiser son eau et de l’intégrer aux marchés financiers, afin qu’elle devienne une matière spéculative. Ce choix résulte essentiellement d’un phénomène : la raréfaction de l’eau. L’Australie présente de nombreuses zones arides et de grandes étendues de terres de plus en plus touchées par la sécheresse.

Ce pays utilise donc un système de distribution spécifique. Au début de chaque saison, tous les ans, un quota d’eau est attribué en fonction : de la taille de l’exploitation agricole ou de l’importance de la population pour une ville, des réserves d’eau et des prévisions climatiques. On peut alors exploiter ces quotas comme on le souhaite, de n’importe quelle manière. Par la suite, si on dispose de trop ou pas assez d’eau, celle-ci peut être revendue ou achetée sur des marchés privés, ce qui a pour conséquence une forte spéculation.

On constate que ce système est soutenu par les ONG écologistes car ce fonctionnement permet d’éviter le gaspillage de l’eau et de mieux gérer cette ressource rare. Toutefois, il existe aussi de nombreux désavantages, tels que le fait d’exclure les petits producteurs du système, ne pouvant plus se permettre de payer cette ressource de base. Seules les grandes exploitations, pouvant se payer un « water manager » et qui peuvent donc acheter au meilleur prix, ont accès à cette ressource. On exclut alors du système un grand nombre de travailleurs qui ont besoin de cette ressource essentielle pour travailler.  De plus, on remarque, ces dernières années, que le nombre de ménages a qui on a coupé l’eau, n’a cessé d’augmenter, un bien qui au contraire de l’électricité, est une source vitale.

La question qui se pose donc est « est-ce que la meilleure solution pour préserver l’eau est de passer par les marchés ? ». Ce modèle s’est peu à peu exporté en Californie. Pourtant, ce système résiste encore en Europe, qui voit l’eau, pour l’instant, comme un bien public et non comme une marchandise. Toutefois, en raison de la pression qui s’accroît d’année en année, en ce qui concerne la gestion des matières premières, ce système pourrait s’étendre à d’autres pays. Il n’est pourtant pas à prendre à la légère en raison des conséquences importantes sur la population et la production en général.

L’éclosion du « Printemps arabe »

En 2010, la Russie, pays parmi les plus grands producteurs de blé au monde, perd près de 30% de sa récolte à la suite d’incendies. La bourse s’affole et les cours bondissent de près de 60%. Le prix du boisseau de blé double et atteint des records, jusqu’à 6,75 dollars. Cette flambée des prix a de lourdes conséquences sur la population pour qui cette matière première est un produit de base, notamment pour les populations les plus pauvres.

Le 17 décembre 2010, en Tunisie, Mohamed Bouazizi, un marchand de fruits et légumes s’immole par le feu. Cet évènement est de trop pour une population qui ne supporte plus la montée des prix des produits de première nécessité (le blé), l’absence d’aide aux populations pauvres et les régimes autoritaires. C’est l’avènement du « Printemps arabe », qui amène avec lui les émeutes, les protestations et les guerres civiles, jusqu’à la destitution du gouvernement de Bachar el-Assad en Syrie. Ce mouvement d’ampleur va s’étendre à la Jordanie, l’Egypte, la Libye, le Maroc et la Syrie et donner à la population la force de s’exprimer et contester les pouvoirs en place.

L’effet papillon prend ici tout son sens. D’un simple évènement climatique aboutit un considérable changement politique et sociétal. La spéculation, qui provoque cet état de transition a donc des conséquences indirectes non négligeables sur les populations.

L’or noir et ses conséquences

Ces dernières années, avec les bouleversements sociétaux qu’ont rencontrés certains pays, on constate que les cours du pétrole ont énormément fluctué. Tout d’abord, en 2011, débute le « Printemps arabe », puis l’Irak rentre en conflit avec l’État Islamique. La même année, à la suite de ces évènements, les prix grimpent, passant de 4 à 100 dollars le baril. Pourtant, les quantités n’ont quant à elles pas diminué. Cela nous montre que les spéculateurs ont anticipé les prix. Les spéculations se sont donc essentiellement reposées sur des convictions plutôt que sur la réalité.

Les pays producteurs de pétrole s’enrichissent. Toutefois, certains de ces pays sont victimes de la « malédiction des ressources naturelles », c’est-à-dire que cette ressource, qu’est le pétrole, est source d’argent rapide et facile. Les produits fabriqués dans le pays deviennent trop chers pour être exportés. On doit alors importer des produits de l’extérieur car ils deviennent moins chers que la production nationale. L’économie intérieure se réduit. Le pays devient alors dépendant de sa seule ressource produite. C’est notamment le cas pour le Venezuela, durement touché par la baisse des cours en 2014, qui a vu son taux de chômage grimper en flèche. Aujourd’hui, le pays est victime d’un fort taux de chômage, d’un PIB qui ne cesse de diminuer et d’une dette qui s’accroît de jour en jour, la crise du Covid n’ayant pas amélioré la situation.

Les denrées alimentaires se font donc de plus en plus rares en raison de la forte inflation des produits et de la petite quantité importée, contraignant les habitants à acheter des produits sur le marché noir. De plus, le contexte social est très instable à cause de la « dictature » mise en place depuis de nombreuses années. Face à cette crise, afin de fuir la pauvreté, certaines femmes choisissent de se faire stériliser et de nombreuses personnes migrent vers d’autres pays afin de trouver de meilleures situations. On assiste donc depuis plusieurs années à une diminution de la population.

Une situation entre enrichissement et inégalités

La libéralisation des marchés a de nombreux avantages car cela permet : la concurrence entre différents acteurs, la diminution des prix et la diversification des produits et des services. Toutefois, en ce qui concerne le domaine des matières premières, le contexte est plus sensible, que ce soit pour l’alimentaire ou l’énergie. Malheureusement, on constate que ce sont souvent les populations les plus précaires qui sont les plus touchées par les fluctuations de ces prix. La notion éthique est bien souvent mise de côté, voire oubliée. Mais alors, peut-on avancer l’argument que la mise en place de ces produits sur le marché contribue à une meilleure gestion de ces ressources qui se font de plus en plus rares ? Pourrait-on trouver d’autres systèmes qui garantissent un juste revenu au producteur et un prix acceptable pour le consommateur ? Est-ce que la mise en place de règles, plus souples qu’avant les années 2000 est possible ? Depuis leurs libéralisations sur le marché, ces ressources n’ont cessé de prendre de l’importance, elles s’imposent souvent, comme bien plus rentables pour les investisseurs.

Nous sommes forcés de constater qu’elles rapportent bien trop d’argent pour être encadrées ou limitées. De plus, depuis plusieurs années, on assiste à l’essor de la génération algorithme, ces machines capables de spéculer dans des délais de l’ordre de la nanoseconde, qui anticipent et gèrent les risques. Cette nouvelle forme de spéculation s’éloigne encore plus de la réalité néanmoins elle a pourtant de réelles conséquences physiques sur les hommes. Mais alors, dans un monde sur lequel nous avons trop peu de contrôle, est-il possible de concevoir un juste équilibre entre producteur et consommateur ?

Par Aude LEMONNIER, étudiante en master 2 intelligence économique et stratégies compétitives

Webographie :

  • (2010, 8 août). INCENDIES EN RUSSIE – Le prix du blé s’envole. Le Point. https://www.lepoint.fr/economie/incendies-en-russie-le-prix-du-ble-s-envole-07-08-2010-1223018_28.php#
  • (2019a, décembre 17). « Le mariage entre la finance et l’eau a déjà commencé » – Interview de Jérôme Fritel | ARTE [Vidéo]. YouTube. https://www.youtube.com/watch?v=4V5jH6ue_WU
  • (2019b, décembre 18). Main basse sur l’eau : la bataille de l’or bleu | ARTE [Vidéo]. YouTube. https://www.youtube.com/watch?v=LsanRHMTS2g&t=77s
  • (2021, février). Venezuela. Coface. https://www.coface.com/fr/Etudes-economiques-et-risque-pays/Venezuela
  • Desjardins études économiques. (2016, 15 février). Dans les circonstances, les prix des matières premières s’en tirent assez bien. Desjardins études économiques. https://www.desjardins.com/ressources/pdf/tmp1602-f.pdf?resVer=1455552159000
  • Guillaume Allier. (2019, 21 septembre). La situation économique du pays s’aggrave depuis l’arrivée au pouvoir de Maduro en 2013. https://www.challenges.fr/economie/venezuela-les-chiffres-de-la-crise-economique_638922
  • Laetitia Clavreul. (2008, 10 décembre). La chute des prix des matières premières agricoles s’accélère. Le Monde. https://www.lemonde.fr/la-crise-financiere/article/2008/10/09/la-chute-des-prix-des-matieres-premieres-agricoles-s-accelere_1104971_1101386.html
  • Nora Bouazzouni. (2013, 17 décembre). Mohamed Bouazizi, l’immolation qui a déclenché le printemps arabe. France Info. https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/mohamed-bouazizi-l-immolation-qui-a-declenche-le-printemps-arabe_459202.html
  • Prod Production. (2014, 5 septembre). Traders – Le marché secret des matières premières [Vidéo]. https://www.youtube.com/watch?v=2cyNEoGGGpU
  • (s. d.). Vénézuéla. Statistica. https://fr.statista.com/statistiques/794694/taux-de-chomage-venezuela/
  • Sylvain Kahn. (2013, 6 novembre). Y-a-t-il main basse sur les matières premières ? France Culture. https://www.franceculture.fr/emissions/planete-terre/y-t-il-main-basse-sur-les-matieres-premieres
  • THE DOCUMENTARY. (2021, 7 février). Richesse inédit – enquête sur les spéculateurs de la crise et du chaos [Vidéo]. https://www.youtube.com/watch?v=r4Z8e_6BO_k
  • (s. d.). Effet papillon. Wikipedia. https://fr.wikipedia.org/wiki/Effet_papillon
  • Wikipédia. (s. d.). Printemps arabe. Wikipédia. https://fr.wikipedia.org/wiki/Printemps_arabe

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Le tourisme marocain après la crise sanitaire du coronavirus : simple relance de l’activité ou refonte profonde du modèle touristique ? https://master-iesc-angers.com/le-tourisme-marocain-apres-la-crise-sanitaire-du-coronavirus-simple-relance-de-lactivite-ou-refonte-profonde-du-modele-touristique/ Thu, 08 Apr 2021 12:27:25 +0000 https://master-iesc-angers.com/?p=3430 Il est admis que, partout dans le monde, le tourisme a été parmi les secteurs les plus touchés par la crise sanitaire de 2020. Étant l’unique produit de consommation pour lequel le consommateur doit se déplacer pour consommer sur le… Continuer la lecture

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Il est admis que, partout dans le monde, le tourisme a été parmi les secteurs les plus touchés par la crise sanitaire de 2020. Étant l’unique produit de consommation pour lequel le consommateur doit se déplacer pour consommer sur le lieu de production, l’interruption brutale des circulations nationales et internationales s’est traduite par un arrêt de l’activité. Or, le manque à gagner est très important, surtout pour des pays comme le Maroc où l’activité a un poids considérable dans l’économie et la société. C’est ainsi que, selon diverses sources, le tourisme serait au Maroc le deuxième secteur contributeur au produit intérieur brut (PIB) et créateur d’emplois. Il a généré des recettes de 73,1 milliards de dirhams (DH) en 2019, ce qui correspond selon l’Office des changes à 18 % des exportations des biens et services de la même année (un euro équivaut à 10,8 dirhams (DH) (cours du 20 juin 2020).  Il est l’un des premiers contributeurs à la balance des paiements, a représenté 6,8 % du PIB en 2019 et généré 548 000 emplois directs, soit près de 5 % de l’emploi, dans l’ensemble de l’économie.

Il va de soi qu’à la veille d’une sortie du confinement annoncée, les réflexions, les débats, les scénarios et les plans se multiplient quant au tourisme de l’après-COVID-19. Cependant, ces réflexions et propositions tournent toutes autour de la relance du secteur dans l’immédiat, soit à court terme (comment organiser les établissements sur le plan sanitaire), soit à moyen terme (quelles actions entamer et quel segment cibler pour faire revenir les touristes). Or, pour le Maroc, on peut faire l’hypothèse que la crise qui a frappé la planète n’a pas seulement mis le tourisme à l’arrêt depuis le 20 mars 2020, mais elle a aussi révélé les faiblesses structurelles de cette activité économique. Il faut donc se pencher également sur les suites à long terme.

Ne faut-il pas mettre à profit cette pause imposée pour non pas réfléchir aux seuls moyens de relancer le secteur dans l’immédiat, mais revoir de fond en comble le modèle du tourisme que le Maroc a choisi dès les années 1960, en se plaçant sur le marché du tourisme international ? Car bien avant le COVID‑19, le modèle touristique marocain, qui est le même tout autour du bassin méditerranéen, a montré de sérieux signes de vieillesse. Cela vient en partie du fait que le produit offert, les aménagements et le fonctionnement ne tiennent plus compte des mutations du tourisme international dit postfordiste. La question qui se pose alors est : Après cette pause forcée, le Maroc doit-il continuer à suivre le même modèle touristique ou bien doit-il se contenter de relancer simplement l’activité en utilisant des palliatifs à chaque baisse et attendre la prochaine crise ?

Pour y répondre, nous proposons une démarche en trois temps. En premier, il faut rappeler que si la crise actuelle est inédite, il y a eu durant toute l’histoire du tourisme marocain moderne une succession de crises qui se sont traduites toujours par des baisses plus ou moins importantes. Ces crises étant toutes liées au fait que le modèle touristique marocain est fortement dépendant d’une clientèle étrangère, la seule solution préconisée à chaque fois recourt à la demande interne, toujours utilisée comme substitution. Et cette fois-ci encore on ne déroge pas à la règle. Or, cette demande domestique, bien réelle, doit être conçue dans le cadre d’une révision globale du modèle touristique marocain et non comme un simple palliatif à l’occasion de chaque crise. Ce modèle souffre de nombreux handicaps que la crise a révélé et accentué et la deuxième partie de cet article s’arrêtera sur l’analyse de ces handicaps avant d’entrevoir, dans une troisième partie, quelques pistes pour revisiter le modèle touristique marocain.

La forte volatilité du tourisme marocain

La succession régulière de crises

Le coup d’arrêt qui affecte le tourisme à la suite de la crise de la COVID-19 est d’une violence sans précédent. N’empêche que cette activité a toujours été très sensible aux turbulences et aux événements, qu’ils soient d’origine interne ou externe. Cela est dû au fait que le touriste, importateur de ce service, doit se déplacer sur le lieu de sa production pour le consommer. Or, le Maroc, en raison de sa situation géographique, comme les autres destinations méditerranéennes du sud et de l’est, se trouve en première ligne de contact entre l’Europe et les civilisations orientales et fait donc l’objet de tensions vives.

Il en résulte que le rythme des arrivées des étrangers dans ces pays est extrêmement irrégulier et saccadé. Trois types de conjonctures affectent le tourisme marocain : les conflits sociaux et l’instabilité politique ; le terrorisme et l’insécurité ; et le ralentissement économique et le chômage. Ces événements ne sont pas obligatoirement localisés au Maroc en tant que destination. Ils peuvent concerner d’autres destinations (pays arabes lors des événements de 2011) et le terrorisme peut affecter d’autres pays de la région (Tunisie, Turquie). La perception et l’image des destinations du sud ou des pays arabes étant souvent indifférenciées chez les touristes européens, les turbulences d’une destination, même éloignée, se traduisent par une chute des arrivées dans d’autres destinations, même les plus stables et les plus sûres. Enfin, les crises économiques qui frappent l’Europe en tant que foyer émetteur d’une demande touristique internationale agissent aussi sur sa baisse. L’examen des statistiques touristiques officielles du Maroc révèle une croissance relativement rapide à la fin des années 1960 et au début des années 1970. Cependant, dès 1973, l’évolution des arrivées va être marquée par de très fortes fluctuation.

Construite sur la base des seules entrées des visiteurs étrangers et n’intégrant donc pas les arrivées des Marocains résidant à l’étranger, l’illustration 1 montre bien ces fluctuations (1,2 million en 1973, 900 000 en 1976, 1,5 million en 1985, 3,2 millions en 1992, etc.), avec des périodes d’expansion (1970-2000), de croissance modérée (années 1980), mais aussi des stagnations, voire des baisses assez brutales. La dernière de ces périodes de crise a commencé au milieu des années 1990 et la remontée, très lente, a été interrompue de nombreux creux.

Ces pertes de marchés étalées sur une longue durée correspondent en fait à une multitude de crises que séparent des périodes de reprises. L’irrégularité constante correspond aux effets de différents événements nationaux, régionaux ou internationaux sur les déplacements des touristes. Après la première année record de 1973, une baisse interrompt la forte progression (1967-1973) et correspond à la conjoncture nationale marocaine née de la tentative de putsch de juillet 1971 rendant le Maroc peu sûr. Arrive ensuite le vallon de 1976 qui commençait déjà à se creuser à partir de 1974, traduisant la crise internationale (choc pétrolier) qui sévit principalement en Europe, gros fournisseur de touristes au Maroc.

À cette conjoncture économique s’ajoutent les effets de la guerre d’octobre de 1973 au Proche-Orient et l’atmosphère d’insécurité dans le sud marocain, liée à la question du Sahara et amplifiée par les médias occidentaux. La conjonction de cette série d’événements explique la baisse considérable de 1973 à 1976. On assiste ensuite à une reprise jusqu’au pic de 1991, les arrivées passant de 1,4 million à 3,2. Suit la chute brutale de 1995, qui ramène les arrivées au seuil de 1991 (1,5 M) sous l’effet de la guerre du Golfe (invasion de l’Irak par les Américains – 1990-1991) et de la fermeture de la frontière avec l’Algérie à la suite d’un attentat visant directement le tourisme au Maroc (attaque d’un hôtel à Marrakech en 1994).

Après une reprise difficile jusqu’en 1999, le tourisme va à nouveau subir les soubresauts des attentats du 11 septembre 2001 et de ceux de Casablanca en 2003, de l’épidémie du SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère, 2002-2003), puis de la crise financière de 2008 et de l’attentat à la bombe de Marrakech en 2011. Perpétré dans un café de la place emblématique de Jamaa El Fna durant la haute saison (avril), cet attentat qui se solde par 17 morts et 20 blessés va à nouveau se traduire par une chute des arrivées. Le tourisme reprend toutefois, pour replonger à nouveau avec l’assassinat en septembre 2014 d’un guide de tourisme niçois en Kabylie.

La reprise réelle va s’affirmer à nouveau jusqu’en 2019, année clôturée avec des indicateurs au vert : hausse des arrivées des touristes étrangers dépassant 7 millions qui, augmentée des Marocains résidant à l’étranger, atteignent 12 932 260 arrivées. Et c’est dans ce contexte d’embellie qu’intervient la crise de la COVID-19 de 2020.Le premier enseignement à tirer de ces fluctuations est le caractère fortement dépendant et vulnérable de cette activité économique. Le second est l’intervention de la crise COVID-19 dans un secteur qui est habitué aux crises conjoncturelles et qui a toujours fait preuve de résilience pour repartir. La crise actuelle est cependant sans précédent. Elle touche toute la planète et de ce fait ne permet pas le fonctionnement du principe des vases communicants : lors des crises précédentes, des flux qui se dirigeaient vers certaines destinations pouvaient, en raison des turbulences, être déviés vers des destinations similaires. Avec la COVID-19, toutes les destinations sont verrouillées.

Face à ces crises une seule et unique solution : le tourisme domestique

L’impact de la crise actuelle (COVID-19) est brutal. Sur les plans économiques et financiers, le Maroc fait face à quatre chocs : le confinement et ce qui s’ensuit en termes de diminution des recettes de l’État en raison de la baisse de l’activité, la hausse des taux d’intérêt, la chute des cours des phosphates et l’arrêt du tourisme. Contraints de suspendre leurs activités dès la mi-mars 2020, plus de 8000 entreprises touristiques (hébergement, restauration, agences de voyages, transport touristique et location de voiture) sont à l’arrêt. Rien que pendant le mois de mars, le pays a perdu une centaine de milliers d’arrivées et on évalue les pertes que subira le secteur entre 2020 et 2022 à 138 milliards de DH.

Pour la reprise, les professionnels sont en attente de l’appui de l’État qui leur permettra de traverser la période de crise (subventions de salaires, exonération de l’impôt sur le revenu, report des paiements d’impôts, financement du fonds de roulement et rééchelonnement des crédits en cours). Mais ce qui est le plus attendu est l’annonce de la date de réouverture des frontières internationales, nécessaire pour préparer le reste de la saison estivale. Sinon ce sont près de 80 milliards de dirhams de recettes en devises qui sont en jeu et qui partiront ailleurs avec tout ce qui s’ensuivra en pertes d’emplois directs et indirects et en faillites en chaîne.

En attendant, et comme lors des crises précédentes, tous les espoirs sont placés dans la demande intérieure. Face à cette crise sans précédent, la solution immédiate est toujours la même : le tourisme intérieur. En raison des annulations des réservations internationales, les professionnels se tournent vers la demande nationale pour sauver la saison en attendant des temps meilleurs. La dimension interne n’a pas été prise en compte initialement par le modèle du tourisme tel que configuré par les politiques publiques des années 1960 et 1970. Pourtant cette demande a déjà été mise en évidence dès la fin des années 1980 (Berriane, 1990 ; 1992 ; 2009), en dépit de l’idée défendue par les économistes de l’époque selon laquelle les pays en voie de développement étaient incapables d’émettre une demande interne en tourisme et en loisirs (Baretje et Defert, 1972).

Pourtant des déplacements liés aux loisirs remontaient loin dans le temps au sein de la société marocaine avec la fréquentation des Moussem[1] ; au-delà du caractère religieux de ces fêtes, les gens recherchaient les distractions pour occuper le temps libre dégagé juste après les récoltes. Dès les années 1980, l’ampleur des déplacements internes était telle qu’un Marocain citadin sur trois partait chaque été en vacances et que certaines petites et moyennes villes d’accueil voyaient leur population doubler ou même tripler au cours des mois d’été (Berriane, 1990). Mais cette demande n’était reconnue ni par les professionnels, ni par les responsables du tourisme, puisqu’elle ne générait pas de devises.

C’est à la suite de la guerre du Golfe (début des années 1990) et la crise qui a suivi que décideurs et hôteliers se tournent vers cette demande qu’ils découvrent et qu’ils sollicitent pour compenser le manque à gagner du fait des annulations massives des voyagistes étrangers. Ils se rendent compte alors à quel point ils ignoraient tous des besoins et des attentes de cette clientèle qui se distinguait bien de la clientèle internationale. Or, les aménagements et les types d’hébergements réalisés jusqu’alors répondaient peu aux attentes de la majorité des touristes nationaux. Pourtant la recherche avait bien analysé les différences entre les deux clientèles, comme on le verra plus bas.

Depuis, les chutes conjoncturelles et répétitives des arrivées de touristes étrangers révèlent à chaque fois la montée spectaculaire et continue de la demande interne. Finalement, le tourisme intérieur va être intégré progressivement dans les stratégies de l’État, des collectivités locales et des professionnels du tourisme ; mais il sera toujours traité comme complément et moyen de compensation et non pour lui-même.

Des faiblesses révélées ou accentuées par la COVID-19

Les fortes disparités territoriales

Malgré une importante demande pour le produit culturel et la grande richesse de ce dernier, les politiques publiques continuent à privilégier le tourisme balnéaire et quelques destinations de l’intérieur comme Marrakech. De ce fait, les formes de tourisme dominantes sont basées sur le « tout balnéaire » ainsi qu’une concentration et une fréquentation massives des littoraux et de certains sites de l’intérieur (Agadir et Marrakech concentrent 62,6 % de la demande) au détriment d’une demande diffuse, irriguant l’intérieur des pays. Le tourisme participe alors, en les accusant, aux déséquilibres territoriaux dont souffre le pays.

Cette concentration de l’offre et de la demande limite grandement la diffusion des retombées du tourisme, en termes d’emplois et d’injection de flux monétaires dans les régions en difficulté, car celles-ci sont peu prises en compte par les implantations touristiques. On évoque souvent les très forts déséquilibres régionaux entre un Maroc qui a su profiter au maximum du modèle de développement suivi jusqu’à maintenant et un autre laissé pour compte car n’ayant pas pu ou su s’intégrer dans ce modèle.

Par ses implantations très sélectives en termes géographiques, non seulement le tourisme avantage certains territoires au détriment d’autres, en orientant infrastructures et équipements vers ces territoires et en y attirant la main-d’œuvre nécessaire, mais il participe à ces déséquilibres et contribue à l’injustice territoriale, l’une des caractéristiques de la crise que vit le pays. Les concentrations spatiales mises en évidence se doublent de fortes concentrations au sein des établissements puisque le type de tourisme de masse pratiqué suppose des établissements de grande taille : alors que la taille moyenne des établissements hôteliers dans tout le Maroc tourne autour de 66 lits, celle d’Agadir, destination par excellence de ce tourisme de masse, atteint 270 lits ! Ces gros établissements supposent de grandes concentrations et une très forte promiscuité, ce qui s’avère être un point faible aujourd’hui face aux nouvelles exigences sanitaires. Ce tourisme qui mobilise de grands groupes accuse cette densité des touristes qu’on va retrouver ailleurs, plages, marchés, lieux de visites, etc., ainsi que le transport touristique.

La non-prise en compte des effets des changements climatiques

Par ailleurs, la Méditerranée et le Maroc appartiennent aux cinq destinations touristiques mondiales[2] exposées aux effets des dérèglements climatiques et considérées comme des points chauds de la relation tourisme–changements climatiques. Le concept de « confort climatique », paramètre pris en compte dans ces rapports, va jouer dans l’avenir sur la variation des flux des arrivées et des taux de départ. L’augmentation sensible des températures moyennes en Europe influe déjà dans certains cas sur le confort climatique et sur les taux de départ ; les températures plus douces en hiver vont se traduire par une baisse des départs vers les rivages ensoleillés.

Le fait que le Maroc dépende fortement, comme on l’a vu, de la clientèle européenne et que les politiques publiques privilégient encore un produit touristique basé essentiellement sur la plage et le soleil augmente considérablement la vulnérabilité de son tourisme quand la clientèle européenne diminue ses départs (par exemple en raison des modifications climatiques). La progression de la sécheresse au Maroc va se traduire également par la baisse des ressources en eau dans des zones de destinations qui souffrent déjà de stress hydrique.

Enfin, la montée du niveau de la mer a des conséquences directes sur les installations balnéaires trop proches de la ligne de rivage. Au Maroc, la préférence des implantations touristiques « pieds dans l’eau » se traduit par des impacts négatifs : forte sollicitation du trait de côte et dégradation des plages de sable sur plusieurs sites. Cette tendance à privilégier le trait de côte dans les implantations touristiques (baie de Tanger autrefois et baie de Taghazoute aujourd’hui) ignore les effets des changements climatiques annoncés et qui se traduiraient entre autres par un recul du rivage, déjà réel, menaçant les investissements touristiques.

Autre répercussion sur le tourisme de ces dérèglements climatiques, on annonce l’augmentation de phénomènes environnementaux extrêmes (crues et inondations) et une perte des biodiversités terrestre et marine qui ajouteront aux difficultés. Mais c’est l’annonce de l’augmentation des épidémies qui risque de marquer les esprits avec l’épisode actuel. On peut s’attendre de ce fait à ce que la reprise du tourisme soit défavorisée par un traumatisme viral et que la résilience du tourisme, autrefois soulignée, soit, cette fois, traumatisée par la persistance de la peur et du manque de confiance.

La non-prise en compte des mutations de la demande touristique postfordiste

La demande touristique européenne, principal foyer d’émission des touristes vers le Maroc, accorde encore une primauté au tropisme balnéaire. Mais on y assiste aussi au développement d’un nouveau marché touristique lié à de nouveaux comportements de vacances. Besoin d’évasion et de découverte et montée de la conscience écologique et culturaliste orientent la demande vers des produits plus « doux » dans lesquels la découverte – notamment celle de l’Autre – est mise en valeur.

C’est un réel tournant dans l’évolution de la demande touristique pour la Méditerranée et le Maroc, qui se traduit par le développement de différents produits de niche dont la principale destination est le milieu rural. Parallèlement, le secteur touristique comme activité économique internationale vit de profondes mutations. Jusqu’aux années 1990, le tourisme a fonctionné selon un modèle fordiste : production de masse, standardisation, inflexibilité du produit pour une économie d’échelle, prix réduits, autonomie limitée des touristes car contrôlés par l’offre qui laisse à la demande peu de marge dans le choix des destinations et des produits et forte concentration des voyagistes (Telfer et Shapley, 2008).

Aujourd’hui le tourisme postfordiste, ou « nouveau tourisme », prône au contraire la non-standardisation et la flexibilité des produits et tient compte plus de la demande que de l’offre dans le choix des destinations et des produits. Il se caractérise par l’autonomie des touristes, l’usage des nouvelles technologies de l’information et de la communication, et la promotion d’un mode de développement touristique alternatif. Les touristes privilégient dorénavant la qualité de l’offre et sa conformité aux critères socio-environnementaux du « tourisme durable ». Bref, avec ce nouveau tourisme, on est en train de passer du tourisme de masse au tourisme individuel, du tourisme sédentaire au tourisme mobile, et du tourisme balnéaire au tourisme des arrière-pays.

Du coup, les options qui continuent à orienter les investissements vers le littoral doivent être repensées. Les effets de ces évolutions se traduisent pour la Méditerranée et le Maroc par l’émergence d’une demande plus ou moins spontanée qui souvent précède l’offre et investit l’intérieur de ces pays, tout en s’affranchissant, dans un premier temps, des canaux classiques de commercialisation. En même temps les plateformes collaboratives qui relient directement clients et hébergeurs à domicile, comme Airbnb, contrôlent une partie non négligeable de la demande qui se dirige vers le Maroc et qui échappe aux formes d’hébergement commercial classiques. Or, les politiques publiques continuent à raisonner en ignorant ces profondes mutations, en privilégiant le tropisme balnéaire et le fonctionnement de type fordiste. Pourtant, cette demande nouvelle est bien arrivée au Maroc et elle a suscité partout à l’intérieur du pays une offre assez remarquable sur laquelle nous reviendrons et qui peut s’accommoder des crises comme celle que nous vivons actuellement.

La non-prise en compte de la demande interne

La demande intérieure se démarque nettement de la demande internationale avec deux types de flux. Le premier s’apparente au tourisme international, se dirige vers les établissements hôteliers classés (hôtels classés, résidences touristiques et villages de vacances), où les nationaux consomment déjà jusqu’à 30 % du total des nuitées ; le second s’éloigne dans ses comportements et ses caractéristiques du tourisme international et s’adresse pour son hébergement à la location chez l’habitant ou au logement chez des parents et amis.

Ce dernier illustre la grande diversité sociale des flux touristiques nationaux et le rôle d’entraînement que jouent les émigrés marocains à l’étranger lors de leurs retours annuels au pays. Il illustre surtout la spécificité de ce tourisme marocain marqué par des déplacements essentiellement en famille ou avec des amis (80 % des départs), une prédominance des séjours en bord de mer (plus de 67 % des séjours), des conduites touristiques ni traditionnelles ni modernes, une préférence pour les destinations du nord du pays (plus de 50 %) et pour des résidences touristiques sous forme de studios dotés d’un coin cuisine (self-catering), car mieux adaptées aux arrivées en groupe ou en famille.

Diverses enquêtes confirment que la composante interne est en train de devenir l’une des tendances les plus fortes du tourisme marocain. Or, aucune stratégie tenant compte des spécificités de cette demande interne n’a été préconisée à ce jour. À partir de la décennie 2000, un plan d’action est certes mis au point. Le programme Biladi (mon pays) s’est donné comme objectif de doubler le nombre des voyages vacances des Marocains, la réalisation de ressorts touristiques à petits prix (30 000 lits entre résidences hôtelières et campings), le lancement de campagnes de promotion comme Kounouz Biladi (les trésors de mon pays) et des encouragements pour amener des agences de voyages à s’occuper de ce créneau. Cependant, cette volonté s’est heurtée à la tendance à considérer cette demande comme un palliatif à l’absence de demande internationale. La capacité d’hébergement du programme Biladi adaptée et destinée à cette clientèle ne s’est pas beaucoup améliorée : 18 ans après (2018), il n’y avait encore que 3272 lits sur les 30 000 lits programmés spécialement pour cette demande interne ! Quant aux campagnes de Kounouz Biladi, elles n’étaient programmées que durant la basse saison du tourisme international et les établissements hôteliers ne se pliaient aux campagnes promotionnelles que durant cette saison[3].

 Aujourd’hui, en pleine crise COVID-19, on se tourne vers la même solution du touriste marocain sauveur des saisons menacées. Le discours officiel du ministère de tutelle va dans le même sens et les différents organismes régionaux (comme les conseils régionaux du tourisme – CRT) ou professionnels (les différentes fédérations) organisent, en visio-conférence, réunion sur réunion pour élaborer des stratégies destinées à attirer le maximum de touristes marocains.

Enfin, diverses initiatives individuelles ou de groupes mettant à profit les nouveaux moyens de communications et les réseaux sociaux font la promotion auprès des Marocains de sites touristiques, de destinations spécifiques, et proposent des produits tout-compris avec des réductions annoncées sans précédent et atteignant parfois 65 %. Le Marocain considéré comme touriste potentiel est à nouveau reconnu et convoité. Mais, comme toujours, il y a fort à craindre qu’une fois la crise derrière nous, que l’embellie et la demande internationale soient de retour et qu’on oublie à nouveau cette dimension.

C’est la raison pour laquelle il nous semble que l’intégration réelle de la demande interne au modèle touristique marocain reste à réaliser comme élément essentiel de la révision de ce modèle. Pour cela, il est urgent que le Maroc, dans la redéfinition de ses politiques d’après-COVID, tienne compte des faiblesses structurelles de son modèle et se résolve à le revisiter. Cette demande intérieure, si elle est prise en compte comme dimension principale du tourisme, pourrait renforcer le caractère de proximité du tourisme marocain, ce qui réduira quelque peu les effets négatifs de crises semblables à celle que traverse la planète tourisme actuellement. Et si l’on ajoute à cela les projets très avancés des lignes de trains à grande vitesse qui permettraient dans un avenir proche une accessibilité du Maroc par le train au lieu de l’avion pollueur, le Maroc pourrait développer, en ces temps du « tout écologique », un tourisme de proximité vis-à-vis de l’Europe[4].

Pour une transition touristique au Maroc : plaidoyer pour un tourisme territorial et durable

Les quatre éléments passés en revue ainsi que les interactions entre ces éléments et la crise de la COVID-19 participent des conditions à observer en vue d’encadrer une nouvelle vision du tourisme au Maroc de l’après- COVID-19. La prise en compte de ces conditions parmi d’autres pourrait assurer le passage d’un modèle touristique classique qui a fait ses preuves, mais qui est aujourd’hui dépassé, vers un autre modèle qu’imposent ces nouvelles conditions.

De nombreux auteurs, mais aussi des praticiens et des organisations non gouvernementales (ONG) parlent à ce sujet qu’il faut réaliser une véritable transition touristique (Landel, 2016 ; Torrente, 2016 ; Berriane, 2020a ; 2020b) permettant d’accélérer le passage d’une forme de tourisme dominante, qualifiée de tourisme fordiste ou de tourisme « carboné » et correspondant au tourisme de masse bien connu, vers un tourisme qualifié de durable ou territorial et aujourd’hui encore plus souhaitable, après cette crise sanitaire.

Ce nouveau tourisme devrait mobiliser des ressources spécifiques à un territoire, comme les paysages, les sites patrimoniaux, les espaces naturels, auxquelles il associe des ambiances, des pratiques culturelles, récréatives, culinaires, etc., le tout faisant émerger une destination (Kadri et al., 2011) marquée par de forts liens à son territoire. Pour mobiliser ces ressources, en faire des produits locaux et les ancrer au territoire, ce sont les acteurs locaux qui devraient se mobiliser. Ce tourisme devrait développer et favoriser les communautés d’accueil.

Pour cela, les initiatives doivent en effet trouver leur origine chez les acteurs locaux qui proposent des offres touristiques débouchant sur des constructions par le bas de nouvelles territorialités. La gouvernance de ces destinations se fait par des organisations territorialisées mobilisant différents types d’acteurs publics, privés et associatifs, le tout reposant sur des projets construits par le bas, évolutifs et tenant compte des vulnérabilités qu’accusent les dérèglements climatiques. Or, justement, à côté des destinations classiques, fruits des politiques publiques, l’arrivée d’une demande spontanée souhaitant sortir des sentiers battus et l’organisation d’une offre émanant des acteurs locaux pour y répondre disséminent déjà un peu partout au Maroc un nouveau tourisme.

On assiste, de ce fait, à la construction dans des régions périphériques de nouvelles destinations touristiques non programmées par les politiques publiques. La montée de ce nouveau tourisme pourrait, justement, soulager quelque peu les effets négatifs des fortes concentrations mises en évidence plus haut. En effet, même si elle se fait en marge des politiques publiques, la tendance à l’émergence de ces nouvelles destinations du tourisme rural tend à disséminer davantage le tourisme dans les espaces les plus lointains et à réduire quelque peu les grandes densités du tourisme balnéaire.

Et si les politiques publiques se décident à s’appuyer sur ces tendances, elles pourraient proposer une alternative aux fortes densités et à la promiscuité que met à profit le virus pour se propager. Cela rendra un peu plus sûre et un peu plus attractive la destination Maroc. Si elles rassurent, ces constructions spontanées et dispersées souffriront cependant d’une sérieuse vulnérabilité. Il s’agit des insuffisances criantes dans l’encadrement sanitaire au Maroc en général et en milieu rural en particulier[5]. En général, dans les villes touristiques, le touriste en cas d’ennuis de santé s’adresse aux cabinets de la médecine privée et non aux structures hospitalières publiques.

Mais, outre le fait que le milieu rural est très peu doté en médecins privés qui préfèrent ouvrir leur cabinet en ville, les crises sanitaires comme celle de la COVID‑19 nécessitent une prise en charge hospitalière. Finalement, si le tourisme de demain doit cohabiter avec un ou plusieurs virus, la faiblesse des infrastructures sanitaires constituera un sérieux point négatif pour le Maroc.

Ces nouvelles destinations en gestation ont besoin donc d’un accompagnement de la puissance publique qui dépasse les infrastructures touristiques et embrasse tout le développement en milieu rural du pays, y compris l’encadrement sanitaire. En attendant, il est urgent de réfléchir au tourisme de l’après-COVID-19 en s’inscrivant dans cette transition touristique et en travaillant sur la révision du modèle touristique. Cela dit, si parler de transition touristique signifie passer d’un modèle à un autre, le tourisme territorial et durable ne signifie pas sacrifier le tourisme classique tel qu’il a fonctionné jusqu’à maintenant.

Le nouveau modèle ambitionne justement de faire cohabiter les deux formes, soit un tourisme de masse qui continuera à entretenir les concentrations déjà mentionnées et un nouveau tourisme territorial qui rééquilibrera quelque peu les retombées sur les arrière-pays. Enfin, ce nouveau tourisme devrait intégrer autrement la dimension interne en considérant ses spécificités en termes de modes d’hébergement adaptés et de produits culturels particuliers. Dans cette conquête de la demande domestique, on peut rebondir sur la tragédie de la COVID‑19 qui, ayant obligé les ménages marocains à un confinement de plusieurs mois, a développé chez eux un besoin inédit en évasion et en connaissance du pays.

Conclusion

À la veille d’un déconfinement et d’une réouverture des frontières qui se font attendre, plusieurs campagnes publicitaires lancées notamment par l’Office national marocain du tourisme ciblent pour la première fois le touriste intérieur en essayant de le sensibiliser à la connaissance de son pays. Cela d’autant plus que le segment le plus prometteur de la demande intérieure, car disposant des moyens pour partir en vacances, se projette à l’étranger, notamment en Espagne voisine. Mais il est plus qu’urgent de ne plus se limiter à réveiller cette demande interne seulement en temps de crise et de la traiter dans le cadre d’un nouveau tourisme territorial, solidaire et durable.

Par Ghizlane Ajouhi, promotion 2020-2021 du M2 IESCI

[1] Fêtes annuelles qui faisaient affluer des tribus vers le tombeau d’un saint patron et qui, outre des activités relevant du sacré, était l’occasion d’activités ludiques, de fêtes et des spectacles. Intervenant en milieu rural après les saisons des récoltes, les moussem ont été considérés comme les premières manifestations de loisirs et de tourisme au Maroc (voir à ce propos Berriane, 1990 ; 1993).

[2] Le bassin méditerranéen, les Caraïbes, l’océan Indien et ses petits pays insulaires, l’océan Pacifique et ses petits pays insulaires, ainsi que l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

[3] La presse spécialisée a fait écho, durant la première campagne de 2003 (printemps et été), de ces désistements par des titres très suggestifs : « Agadir/Tourisme : Kounouz Biladi ? Repassez ! » ; « Une stratégie uniquement sur le papier » ; « Aucune chambre disponible pour cette formule » ; « La clientèle nationale, cinquième roue de la charrue » ; « Tourisme : Kounouz Biladi en panne » ; « Désistement des hôtels partenaires ». Lors des deuxième et troisième campagnes (2009 et 2012), les hôteliers ont davantage adhéré à ce programme.

[4] Une première ligne de TGV est déjà en fonction entre Tanger et Casablanca et permet aujourd’hui de joindre directement cette ville par train rapide à partir de n’importe quelle ville européenne, avec une courte interruption pour la traversée du détroit de Gibraltar. Le prolongement de cette ligne vers Marrakech et Agadir est en chantier.

[5] On estime à 1,64 le nombre de personnel médical par 1000 habitants, soit sous le seuil critique de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui est de 2,5. Et la situation en milieu rural est encore plus dramatique.

Bibliographie

Baretje, René et Pierre P. Defert, 1972, Aspects économiques du tourisme, Paris, Berget Lavrault.

Berriane, Mohamed, 1993, « Le moussem au Maroc : tradition et changements », Géographie et cultures, Laboratoire Espace et Culture

Berriane, Mohamed et Abdallah Laouina (dir.), 1993, Aménagement des littoraux et évolution des côtes, l’environnement des côtes marocaines en péril, Rabat, Comité national de géographie du Maroc.

Intergovernmental Panel on Climate Change (IPCC), 2014, Impacts, Adaptation, and Vulnerability. Part A: Global and Sectoral Aspects. Working Group II Contribution to the Fifth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change,

Kadri, Boulem, Mohamed Reda Khomsi et Maria Bondarenko, 2011, « Le concept de destination », Téoros

Landel, Pierre-Antoine, 2016, « Faire de la transition touristique un levier du renforcement des capacités ? », Bulletin de l’Académie Hassan II des sciences et techniques.

Oussoulous, Nada, 2019, L’émergence d’une destination de tourisme rural et rôle des résidents étrangers : Le cas du pays d’Ouarzazate, thèse de doctorat en géographie, Université Mohammed V, Rabat, et Université Paul-Valéry, Montpellier.

Oussoulous, Nada et Mohamed Berriane, 2020, « Populations locales et développement du tourisme rural dans les oasis du Draa : l’appropriation des innovations », dans Mohamed Berriane (dir.), Savoirs et patrimoines locaux, des atouts pour le développement des arrière-pays au Maroc ? Contribution au débat sur la question du développement au Maroc, Hassan II Academy Press,

Plan bleu, 2012, « Tourisme : Activités économiques et développement durable », Les notes du Plan bleu

Sharpley, Richard et David J. Telfer, 2008, Tourism and Development in the Developing World, Londres, New York, Routledge.

Torrente, Pierre, 2016, « La transition du tourisme en Méditerranée : entre théorie et nécessité », Bulletin de l’Académie Hassan II des sciences et techniques

Weigert, Maxime, 2013, Tourisme et intégration euro-méditerranéenne : Quel rôle pour les firmes touristiques dans l’évolution du tourisme au Maghreb ?, thèse de doctorat en géographie, Université Paris I Panthéon-Sorbonne.

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Les banques ont un rôle crucial dans le système économique. En exerçant le rôle d’intermédiaire entre les détenteurs et les apporteurs de capitaux, elles permettent le financement l’économie, maintenir les taux et combler les déficits budgétaires.

De par leur rôle dans la responsabilité sociétale, et  en tant qu’instrument clé du maintien du système économique, la crise de la Covid-19 les a replacées sur le devant de la scène.

Mais en tant qu’entreprise de droits privés, elles ne sont pas non plus épargnées par un environnement économique concurrentiel féroce depuis une trentaine d’années, les obligeant ainsi à revoir leur stratégie.   Cette concurrence, qui était déjà significative entre banques dites « traditionnelles », est exacerbée avec le phénomène des nouveaux entrants tels que les grands commerçants, les FinTech, les « néobanques »[1] (Orange banque, N26 ou encore Révolut), les opérateurs de télécommunication ou encore les géants d’internet.

De ce fait, pour préserver leurs avantages concurrentiels, les banques dites « traditionnelles » ne peuvent donc plus se contenter de leur seul univers, elles doivent aussi innover en permanence et se battre sur le terrain des innovations, poussées par les technologies numériques.

L’enjeu pour les banques aujourd’hui sera de trouver cet équilibre ténu entre leur histoire et raison d’être, avec le monde financier “technologisé” qui est celui d’aujourd’hui et qui sera, encore davantage, celui de demain.

Une mutation déjà en marche

Les banques françaises dans la course de la taille critique

Dès les années 1995, les banques avaient déjà commencé des stratégies de croissance externe pour atteindre la taille critique et préserver leurs marges, trouver des nouvelles sources de revenu et soutenir leur produit net bancaire (PNB).

Quelques exemples parmi les fusions et acquisitions importantes :

  • Rachat du CIC par la Banque fédérative Crédit mutuel en 1998,
  • Rachat de Paribas par BNP en 2000,
  • Rachat du Crédit Lyonnais, devenu LCL, par le Crédit Agricole en 2003,
  • Rapprochement de la Caisse d’épargne et de la Banque Populaire pour constituer la BPCE en 2009.

Dernièrement, décembre 2020, la Société générale et le Crédit du Nord ont été jusqu’à annoncer la fusion de leurs réseaux de détail, faisant disparaitre une des deux marques. Cette fusion provoquera la fermeture de 600 agences d’ici fin 2024, permettant ainsi des synergies et préservant le résultat.

Depuis les années 2010, le secteur bancaire français est dominé par cinq groupes : BNP Paribas, BPCE (Banques Populaires-Caisses d’Épargne), Crédit Agricole, Crédit Mutuel et Société Générale, qui représentent environ 80% des crédits distribués et 90% des dépôts collectés.

Avec une concentration très avancée, le secteur bancaire français reste oligopolistique.

Une politique de diversification des produits

Parallèlement à ce mouvement de concentration, les banques françaises ont aussi diversifié leurs services : conquête des marchés « proches » comme les assurances, avec la notion de « bancassurance », l’immobilier, les services et les banques en ligne (Boursorama, filiale de la Société Générale), mais aussi, en développant de plus en plus de produits ou services hors domaine bancaire, comme les services à la personne à domicile, les offres d’abonnement de téléphonie mobile ou encore les systèmes de protection du domicile.

Le Crédit Mutuel-CIC, par exemple, a déployé une offre de location de vélo avec assistance électrique à Paris, Lyon et Strasbourg. A la Caisse d’Épargne Midi-Pyrénées, les équipes envisagent un avenir dans la domotique.

Mais les banques ne s’arrêtent pas là. Certaines exploitent déjà le marché des partenariats avec les grandes enseignes. BNPP, par exemple,  propose des invitations à des événements sportifs ou culturels et des réductions dans diverses grandes enseignes à ses clients Priority. La Banque Postale communique sur les avantages Sephora, Interflora ou encore Alinéa.

Le secteur bancaire entre dans l’ère du numérique

Cette transformation du secteur bancaire ne peut être réalisable sans une ambition numérique. En effet, le virage du numérique est primordial, mais reste extrêmement délicat. Il regroupe plusieurs catégories à la fois. Les banques doivent tenir compte non seulement des innovations technologiques et des évolutions des produits, mais aussi de nouveaux modèles économiques et de nouveaux concurrents.

Ces transformations obligent donc une réorganisation en interne sur différentes thématiques en même temps. Par exemple, la gestion des ressources humaines, face aux transformations que connaissent les banques, est, par définition, un enjeu transversal. Les acteurs sont en effet confrontés à un double défi : trouver les compétences nécessaires pour se transformer et gérer l’obsolescence de certaines compétences, d’un côté, et, de l’autre, réussir à trouver l’équilibre entre digital et la possibilité d’interagir avec des conseillers.

Si, dès les années 2010, les banques ont bien pris conscience de ce nouveau virage, les projets digitaux restent toujours des projets très lourds et toujours « en-cours ».  Même si certaines banques sont plus avancées que d’autres, les transformations du type Core Système (qui touche à leurs activités banque de détail) restent problématique.

Ce que la crise Covid a changé

« Il y a eu un moment de stupeur au mois de mars, on était peu nombreux à s’attendre à une décision aussi radicale », affirme un cadre dirigeant d’une banque de Maine et Loire, lors de son interview du 8 janvier 2021.

Les mesures sanitaires prises par le gouvernement, conduisant au confinement de l’ensemble de la population, ont bouleversé les interactions des différents acteurs économiques. Pour préserver la continuité de l’activité toutes les banques ont dû activer des plans d’urgence.

La nécessité d’adopter le digital, provoquée par la crise sanitaire, a modifié très rapidement les schémas organisationnels internes et la relation clients-fournisseurs. D’une relation directe, parfois hybride avec un mélange de numérique et de contacts réels, les banques se sont retrouvées à exercer un lien 100% digital.

Accélération de la transformation du système d’information et de l’organisation

Les infrastructures informatiques ont été mises à rude épreuve. Le système d’information bancaire, qui était initialement conçu comme une forteresse quasi hermétique et inviolable, doit s’ouvrir dans la précipitation. Par exemple, la Société Générale a dû déployer en 15 jours l’accès à distance de 50 000 collaborateurs. Les transactions à distance ont été décuplées. Le télétravail a dû être généralisé. 90% des salariés hors agences ont pu être placés en télétravail pour certaines banques. Des activités jusqu’ici inéligibles au télétravail, telles que les opérations de paiements ou de trading se sont retrouvées en quelques jours réalisées à distance par des collaborateurs équipés en urgence. Les processus ont dû être adaptés. Il y a eu des simplifications des procédures opérationnelles, des recours intensifs aux outils digitaux pour faire face à l’afflux des demandes de prêts garantis par l’Etat (PGE), des recours à la robotisation des traitements d’information, ou encore des workflows d’approbation de signatures digitales.

Accélération de la digitalisation du parcours clients

Du côté de la relation clientèle, les processus ont aussi été bouleversés. Les clients ont dû s’adapter à l’utilisation des canaux d’accès digitaux. Même si le digital est ancré dans les usages des Français, il n’a progressé que lentement : seulement 14% via mobile selon la dernière étude Deloitte. Avec ses 545 points de vente par million d’habitants en France (chiffre 2020), l’agence bancaire est jusqu’à présent le canal majeur pour toutes les opérations, hors consultation de soldes bancaires et virements (moins de 20% en agence). Or, pendant la crise sanitaire, le taux d’utilisation des canaux d’accès à distance a parfois été multiplié par 2 pour certains établissements. (Source : revue bancaire)

Les conséquences dans le secteur bancaire

Les mesures bâloises à l’épreuve

Si les banques ne sont pas à l’origine de la crise sanitaire, elles pourraient, en revanche, être une partie de la solution, en étant utilisées comme instruments pour favoriser la reprise économique. Les banques vont à la fois permettre d’éviter les faillites des entreprises et jouer leur rôle de financeur de l’économie réelle.

En effet, l’impact économique de la crise sanitaire pourrait laisser craindre une généralisation des défauts de paiements. A date, les mesures prises par la Banque Centrale Européenne (BCE) et autres instances de régulation rendent cela peu probable. En revanche, le risque d’insolvabilité des banques peut être réel. Après la crise financière de 2008, les accords Bâle III ont permis de relever les niveaux de fonds propres de 8 à 10,5%. La crise de la covid 19 sera un révélateur de l’efficacité des mesures bâloises post 2008. Les banques françaises sont sans aucun doute plus résilientes et robustes qu’en 2008, mais si la pandémie perdure, une dégradation durable de l’économie, ajoutée à un contexte de taux bas depuis quelques années, pourraient entrainer de fait les banques dans une spirale déficitaire.

« Pendant très longtemps, nous avons eu un système de banque assuranciel très performante économiquement. On arrivait dans ce système à répondre dans de bonnes conditions aux exigences baloises, que ça soit en termes de fonds propres ou en termes de liquidités. Mais dans le futur, il y aura moins de marge de manœuvre pour répondre à ces exigences. La question de la baisse de la rentabilité du secteur financier pendant une période plus ou moins longue n’est pas à exclure. Le contexte de taux bas a beaucoup impacté la rentabilité des banques. », explique un dirigeant d’une banque de Maine et Loire, lors de son interview du 11 janvier 2021.

Un nouveau modèle économique, organisationnel et technologique

La crise sanitaire a été un accélérateur de la transformation numérique. De nombreux freins psychologiques ont été levés. L’expérience de la crise a prouvé que les clients et les collaborateurs étaient prêts à l’accepter.

Cette digitalisation accélérée par nécessité a provoqué :

  • une accélération dans les nouvelles habitudes des modes de travail
  • une accélération dans les modifications de processus
  • une accélération dans un nouveau mode d’interaction client

De nouvelles habitudes des modes de travail à créer

Si la crise sanitaire a été un formidable accélérateur, elle a aussi révélé les faiblesses de la précipitation.

Sur le plan organisationnel, les salariés ayant fait du télétravail, sont peu enclins à revenir à une organisation présentielle totale après le premier confinement : pertes de temps dans les transports ou encore angoisses des collègues ensemble pendant des réunions. La révision du cadre légal du travail pour flexibiliser les conditions de mobilisation des salariés doit donc être accélérée.

En revanche, il y a eu un renversement de tendance après le deuxième confinement, où les collaborateurs ont demandé à revenir en présentiel malgré les consignes du gouvernement en faveur du télétravail.

Néanmoins, il y a eu malgré tout une accélération du télétravail, qui a permis de révéler des difficultés managériales, du maintien de la motivation des équipes, car les collaborateurs et managers n’étaient ni préparés, ni formés au télétravail.

« Pendant la crise, nous avons pris conscience que nous ne pouvions pas faire tant de choses que ça à distance. La crise sanitaire nous a permis de comprendre ce qu’on pouvait offrir ou pas, ce qu’il nous manquait, et pour demain ce qu’il faut que nous fassions. Par exemple, après la crise, les conseillers ont demandé à revenir en agence. Beaucoup ont réalisé que toute la semaine en télétravail n’était pas facile. Nous avons investi dans la formation pour les aider.», a expliqué un cadre dirigeant d’une banque. 

D’un point de vue organisationnel, les banques qui étaient sur un modèle reposant sur le lien de proximité, doivent aujourd’hui trouver un juste équilibre dans cette nouvelle relation « digitale-physique ».

Une nouvelle relation clients à imaginer

Du côté de la relation client, la crise de la covid-19 a donc changé le paradigme pour un nouveau mode relationnel à la fois 100% digital et 100% physique. Le nouveau défi est à la fois la gestion des réseaux d’agences, et l’accompagnement de la clientèle vers une « consommation autonome » associée d’un conseil à plus forte valeur ajoutée, « le conseiller augmenté ».

Le nombre d’agences en France, de 35 837 en 2019 n’a baissé que de 7,5% en 10 ans. La France compte 545 agences pour 1 million d’habitants, derrière l’Espagne (558 agences), mais bien loin devant la moyenne constatée dans la zone euro qui est de 285 agences [2].

Si aujourd’hui, grâce aux investissements digitaux de ces vingt dernières années, l’écart en matière d’offre et d’expérience client entre les banques traditionnelles et les néo-banques s’est fortement réduit, il n’en reste pas moins des enjeux stratégiques importants, portant sur l’innovation des usages et la valeur client perçue. Les clients attendent, à la fois, de l’autonomie dans les tâches quotidiennes, et souhaitent bénéficier dans le même temps de conseils personnalisés. Les clients veulent avoir accès aux services bancaires aussi facilement qu’ils le peuvent avec des applications de type Uber, Spotify ou Deliveroo. Le « Online Merge Offline »[3] (OMO) pourrait correspondre à un « must have » stratégique pour les banques dans les années à venir.

« Il n’y aura plus de différence positive avec le digital pour les banques. En revanche, il y aura bien une différence négative si on ne le fait pas. », affirme un cadre dirigeant d’une banque.

Le défi de la maitrise des nouvelles technologies à relever

Les processus qui ont été mis en place dans l’urgence ont vu apparaître des fragilités liées aux risques et aux contrôles.

Afin d’assurer la continuité de l’ensemble des activités dans une situation quasi absolue de télétravail des effectifs, les infrastructures techniques ont été fortement sollicitées, allant parfois jusqu’à la limite de leurs capacités.  Les différentes étapes et points de contrôles des déploiements n’ont pas pu être totalement vérifiés.

D’une part, les enjeux de cyber-sécurité, démultipliés par les problématiques de confidentialité des informations manipulées, ont été confrontés à une augmentation des risques opérationnels. En interne, par exemple, la plupart des banques ayant mis en place un workflow digital sont revenues sur leur workflow classique.

En externe, le paiement sans contact, devenant la nouvelle norme, doit nécessiter des adaptations importantes en termes de sécurité et d’infrastructure.

D’après le magasin UFC Que Choisir, le paiement sans contact est deux fois plus fraudé que celui par carte bancaire avec code secret. Le paiement à distance est de son côté dix-sept fois plus fraudé.

Les initiatives de modernisation des infrastructures et des dispositifs de gestion de crise devront être renforcés et devenir complets à plus long terme.

D’autre part, dans l’industrie bancaire, « le legacy » datant des années 70 et qui gère les comptes clients, demeurait jusqu’à maintenant le système dominant. Bien que les banques se soient approprié les dernières innovations sur les smartphones, applications, méthodes biométriques d’identification etc… très peu d’entre elles se sont véritablement lancées sur la refonte de leur Core système, de l’open banking [4], ou encore de l’utilisation des données bancaires. Les concepts comme BAAP (Bank As A Platform), BAAS (Bank As A Service) ou même fournisseurs de données ne sont pas encore envisagés.

La banque de demain

La pandémie peut laisser présager un risque de contre-performance pour l’ensemble de l’économie mondiale, et plus particulièrement pour les banques qui jouent un rôle majeur de coordinateurs. Face à cette incertitude, les banques risquent donc de freiner leur capacité d’investissement à un moment crucial, où au contraire, elles se doivent d’investir encore plus pour imaginer leur futur.

« En tant que dirigeant, il faut être vigilant à ne pas sacrifier l’investissement de préservation, voire l’investissement de développement. L’investissement, c’est la préservation du MCO (Maintien en Condition Opérationnelle) au quotidien, et de continuer à flécher son investissement pour continuer de développer de nouveaux services. Le risque pour le secteur bancaire, et notamment pour certains établissements, est de ne plus être en mesure d’assurer ce deuxième pilier. », alerte le dirigeant d’une banque.

Les banques ont bénéficié d’un élan formidable avec la crise sanitaire, qui a bousculé à la fois l’organisation du travail, le management, les relations clients ou encore la gestion interne, et ouvert le champ des possibles à l’Open banque, ou encore de nouveaux concepts tel que BAAS et BAAP. L’accélération de la transformation numérique, et notamment la data, pourraient être des alliés de taille pour rebâtir un modèle bancaire plus agile et plus résilient.

Tout ceci montre que le secteur bancaire possède depuis longtemps une richesse d’informations à exploiter au travers de ses données, une véritable nouvelle richesse des banques, bien plus que le volume des capitaux qu’elles peuvent détenir. La maîtrise et l’exploitation de la donnée, et surtout de la donnée en temps réel peut devenir une véritable source de communication et de prise de décision.

Sur ce point, il est fort probable que la data soit un avantage concurrentiel décisif et un levier majeur dans la transformation du secteur bancaire.

Mais cette accélération a aussi mis en avant les fragilités comme un Core Système datant des années 70. Si le virage du digital doit être envisagé, il faut aussi opérer un changement en profondeur des systèmes d’information. Ce sont des investissements lourds mais qui ne peuvent pas être reculés indéfiniment.

De plus, côté relation clients, la crise sanitaire a aussi montré que les collaborateurs n’étaient pas assez préparés, ni au télétravail et ni à une clientèle maintenant habituée à la possibilité du digital et qui devient extrêmement exigeante. Si le virage du digital doit être entrepris, il doit l’être avec une réflexion en parallèle sur les changements en profondeur des métiers de la banque. Ce change management doit s’articuler à la fois sur une évolution des tâches opérationnelles et d’une réévaluation des compétences clés, pour tendre vers une plus grande expertise et une capacité à améliorer l’expérience du client.

L’après Covid-19 a montré que le « self care »[5] a des limites, il ne suffit pas d’avoir la nouvelle application, il faut aussi accompagner le lien humain à la clientèle, qui en ces temps de distanciation sociale est de plus en plus nécessaire.

« L’enquête de CASA[6] a montré que la proximité relationnelle a été un élément de rassurance pendant et après la crise. Il n’y a pas eu le même soutien avec les banques en ligne. Cette proximité relationnelle est très importante dans les moments compliqués, sur les populations qui ont été fragilisées par la crise. Nous avons su soutenir ceux qui étaient particulièrement touchés par la crise comme les artisans, ou encore les particuliers touchés par le chômage. L’IRC[7] n’a jamais autant augmenté qu’en 2020, et c’est vrai pour quasiment toutes les caisses du groupe. Cet indice de confiance a prouvé notre capacité à réagir et à soutenir nos clients dans des moments difficile. », explique un cadre dirigeant d’une banque.

La pandémie a permis aux banques de montrer qu’elles pouvaient jouer pleinement un rôle sociétal

Par exemple, concernant le « geste mutualiste », le Crédit Agricole ou encore le Crédit Mutuel-CIC, ont mobilisé chacun 200 millions d’euros pour accompagner les professionnels, artisans, commerçants, et les aider à passer le cap.

De ce fait, parmi les 25 marques les plus utiles citées pendant le confinement, une banque a été nommée pour la première fois. Le Crédit Agricole apparait ainsi parmi Tiktok, Leroy Merlin, Picard Surgelés ou encore Fortnite[8].

Autre fait révélateur de l’après Covid, là où Orange Banque, la néobanque qui revendique plus d’un million de clients en France et qui émarge dans le club des néobanques millionnaires, accuse 549 millions d’euros de pertes accumulées en 3 ans (selon Les Echos), le Crédit Agricole, leader de la banque de détail en France, affiche quant à lui, à fin septembre 2020, un résultat net sous-jacent de 4,7 milliards d’euros, en baisse de seulement 300 millions d’euros par rapport à 2019, tout en intégrant une hausse du coût du risque de près de 1,5 milliards d’euros.

La crise sanitaire a de ce fait révélé que les banques dites « classiques » peuvent déployer leurs SI extrêmement rapidement. Pour la plupart très solides financièrement, elles ont montré en outre, et ont su faire connaître, leur capacité à apporter une contribution réelle au soutien de l’activité économique.

Si les néo-banques ont effectivement gagné des parts de marché, les banques classiques ayant un réseau dense, comme le Crédit Agricole ou encore le Crédit Mutuel, en ont aussi gagné. La proximité relationnelle et un réseau dense restent des atouts concurrentiels. 

« Il n’y a pas eu de démonstration sur le fait que, sur les dernières années, les banques à réseaux étaient définitivement condamnées. Pour notre part, nous avons gagné des parts de marché. », affirme un cadre dirigeant d’une banque. 

La banque doit aller encore plus loin en tant que partie prenante. Si la Covid-19 a permis de mettre la responsabilité sociétale des banques sur le devant de la scène, la banque pourrait être une « entreprise à mission ». Pour ce dirigeant de banque, respecter la législation ne suffit plus.

« Il faut aller plus loin, et se forger sa propre philosophie d’acteur économique, sur ce qui est un projet moyen et long terme, et qui répond à la fois à un équilibre économique, mais aussi à une création de valeur dans la durée pour la société. Il faut que, partout où nous le pouvons, de façon continue, venions influencer la transformation écologique et environnementale, en soyons partie prenante. », a-t-il affirmé. Et ceci, même si, effectivement, il admet qu’à date il n’est pas possible de créer de façon définitive une préférence sur un positionnement particulier si la contrepartie n’est pas en mesure de payer pour consommer le service, et ajoute : « C’est aussi cette réalité qui nous rattrape. »

Il conclut : « Cette crise a aussi rappelé le fait que nous sommes des animaux sociaux. Concernant la digitalisation, bien sûr que nous sommes déjà en train de basculer. Dans le monde de demain, on sera moins nombreux, mais on aura quand même besoin des deux piliers de services. Demain, toutes les banques auront des apps comme « WeChat », qui ne sera pas un avantage concurrentiel. Le vrai avantage concurrentiel sera notre capacité à faire muter nos métiers sur un marché en contraction. »

Malgré les défis qui les attendent, les banques sont peut-être donc les grandes bénéficiaires de cette crise, là où les néobanques, elles, ont montré les limites de leur modèle.

Par Thao Noet et Ammar Aleid, promotion 2020-2021 du M2 IESCI

Références :

(Les sites internet ont été consultés entre le 18 et 23 décembre 2020)

De Coussergues, S., Bourdeaux, G. & Gabteni, H. (2020). 1. Le secteur bancaire français. Dans : , S. de Coussergues, G. Bourdeaux & H. Gabteni (Dir), Gestion de la banque: Tous les principes et outils à connaître (pp. 3-40). Paris: Dunod.

Groupe Crédit Agricole : https://www.credit-agricole.com/notre-groupe/decouvrir-le-groupe-credit-agricole

Crédit Agricole Anjou Maine : https://www.credit-agricole.fr/ca-anjou-maine/particulier.html

Statista :

https://fr.statista.com/statistiques/492273/part-cinq-grands-groupes-bancaires-total-bilan-bancaire-france

Le Figaro :

https://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/le-classement-des-banques-traditionnelles-qui-negocient-le-mieux-le-virage-de-la-digitalisation-20200130

Presse citron :

https://www.presse-citron.net/comment-le-groupe-bnp-paribas-a-reussi-son-virage-numerique/

Études et analyses :

https://www.etudes-et-analyses.com/marketing/marketing-bancaire/etude-de-cas/forces-porter-credit-agricole-487803.html

BFM TV :

https://www.bfmtv.com/economie/experts/guillaume-almeras/les-nouvelles-strategies-bancaires-sont-elles-vraiment-pertinentes_AN-201905070213.html

Culture banque :

Classement des banques françaises en 2019

La Tribune :

https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/covid-19-le-secteur-bancaire-est-il-pret-a-etre-un-acteur-de-la-reprise-848680.html

France Transaction :

https://www.francetransactions.com/actus/news-banques/banques-un-secteur-en-mutation-44-000-suppressions-de-postes-annoncees-en.html

France Culture :

https://www.franceculture.fr/economie/covid-19-de-lattitude-des-banques-en-temps-de-crise

CGI :

https://www.cgi.fr/fr-fr/blog/covid-19-accelerateur-transformation-secteur-bancaire

Revue d’économie financière :

https://www.oklein.fr/strategies-de-la-banque-de-detail-face-a-la-revolution-technologique-retrouvez-mon-analyse-parue-dans-le-dernier-numero-de-la-revue-deconomie-financiere-intitule-technologies-et-mutat-2/

Revue banque :

http://www.revue-banque.fr/banque-detail-assurance/article/crise-covid-19-renforce-les-attentes-clientele-pro

Fédération bancaire française :

http://www.fbf.fr/fr/espace-presse/communiques/un-secteur-bancaire-au-service-de-l’economie-francaise-et-un-dialogue-social-actif,-mobilises-pour-assurer-la-securite-des-salaries-et-des-clients

http://fbf.fr/fr/files/APGCYU/MEMO%2005%20-%20Emploi%20dans%20les%20banques_octobre%202020.pdf

http://www.fbf.fr/fr/espace-presse/communiques/signature-de-l’accord-pour-la-gestion-previsionnelle-des-emplois-et-des-competences-(gpec)

Observatoire des métiers de la banque :

http://www.observatoire-metiers-banque.fr/f/chiffresTendances/sf/plus/s/contours_2020

http://www.observatoire-metiers-banque.fr/f/etudes/sf/plus/s/impact_numerique_charge_clientele_particuliers

Économie matin

http://www.economiematin.fr/news-Covid-19-fraude-bancaire-désemplit-pas-malgre-crise

[1] On appelle  « néo-banque », une banque soumise aux mêmes obligations réglementaires et prudentielles que les banques traditionnelles mais qui ne disposent ni d’une structure en « dur », ni d’un réseau d’agences. L’ensemble de leurs services n’est accessible qu’à travers internet même si quelques représentations physiques sont possibles.

[2] Source : https://www.optionfinance.fr/actualites/actualites-generales/detail/le-nombre-dagences-baisse-moins-en-france.html

[3] Le concept OMO a été introduit par Alibaba pour le marché chinois. Il fait suite au mouvement O2O (Online To Offline). Aujourd’hui, les informations captées « online » permettent d’agir « offline » grâce à IOT (Internet Of Things). Par exemple, le réfrigérateur va envoyer la liste des courses directement au caddy conduit par le consommateur dans un supermarché. En passant devant les rayons, le consommateur recevra alors des publicités sur des produits qui lui sont spécialement dédiés.

[4] La notion d’Open Banking est apparu dans la deuxième Directive européenne des services de paiements (DSP2) de 2013

[5] Le self care est vise à donner aux clients la possibilité d’avoir des ressources en ligne et/ou des espaces collaboratifs pour trouver des réponses 24h/24 et 7j/7, en instantané. Les clients ont la possibilité de gérer leurs problèmes ou demandes en toute autonomie, grâce à des supports numériques variés, qui peuvent aller de l’application aux informations sur un site, jusqu’au chatbot ou la FAQ dynamique. (Source : https://blog.smart-tribune.com/selfcare-definition).

[6] CASA : Crédit Agricole SA

[7] IRC : Indice de recommandation Clients. Cet indice permet d’évaluer l’image de l’entreprise et la probabilité des clients à la recommander à son entourage.

[8] https://www.influencia.net/fr/actualites/in,tendances,decathlon-arte-carrefour-doctolib-vinted-ces-marques-plus-utiles-nos-vies,10591.html

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La génération Z : entre données exploitables et opportunité économique, quels sont les enjeux pour l’économie ? https://master-iesc-angers.com/la-generation-z-entre-donnees-exploitables-et-opportunite-economique-quels-sont-les-enjeux-pour-leconomie/ Wed, 06 Jan 2021 21:58:30 +0000 https://master-iesc-angers.com/?p=3336 La nouvelle tendance des outils contemporains, bien que plus intelligents et plus performants que les versions antérieures, sont des incitations qui favorisent l’attraction et permettent de mieux cerner les attentes des populations ciblées. Comme l’avait énoncé Freud, « Le maintien de… Continuer la lecture

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La nouvelle tendance des outils contemporains, bien que plus intelligents et plus performants que les versions antérieures, sont des incitations qui favorisent l’attraction et permettent de mieux cerner les attentes des populations ciblées. Comme l’avait énoncé Freud, « Le maintien de la civilisation offre la possibilité d’obtenir de chaque nouvelle génération une nouvelle transformation des penchants, condition d’une civilisation meilleure ». Cette approche, en le rapportant au sens du thème, renvoie aux reflets naissants et des nouvelles formes engendrées par les avancées technologiques et dont la génération actuelle est actrice à part entière. Ainsi, avec les diverses technologies et les outils numériques, les méthodes utilisées par les géants de la Big Tech laissent sceptiques une bonne partie des utilisateurs, mais occasionnent aussi l’émergence de nouvelles méthodes d’interaction, de promotion et d’innovation.

Les questions d’usage de données et de préservation de la sécurité des utilisateurs sont devenues problématiques puisque les utilisateurs sont devenus le bien en soi. Loin de là, il demeure une part importante de ces derniers qui ne se soucient pas de ces avancées et des risques potentiels puisqu’ils voient en ces dernières l’opportunité de bâtir un monde nouveau avec de nouvelles formes de pensées et d’organisation. De ce fait, l’identification des enjeux d’une telle démarche permettra de situer cette dernière qui se trouve à la limite d’une donnée exploitable et en même temps une opportunité économique de réinventer les pratiques de cette civilisation.

Bref aperçu sur la génération Z

L’étude des cohortes est un moyen utilisé par les démographes pour identifier un ensemble d’individus ayant vécu un fait ou un événement au même instant. Ce terme particulier est utilisé pour identifier plusieurs catégories d’événements et lorsqu’il revient à identifier une cohorte de naissances, le concept « génération » est utilisé en ce sens. En quelque sorte, la génération Z représente celle des personnes nées entre le milieu des années 1990 et le début des années de 2012. C’est une période qui fait l’objet de discussions puisqu’elle n’a jamais été clairement définie et plusieurs groupes ont effectué des études et utilisé le terme en considérant une période de référence qui leur était propre. Plusieurs institutions et groupes de chercheurs ont considéré des périodes distinctes comme Bloomberg qui a retenu la période 1997-2012 ; Jean Twenge 1995, Forbes 1995-2010, Pew Research, Harvard, The Economist et The Wall Street journal ont considéré (1997) alors que la plupart des sociologues considèrent plutôt l’année 1995.

Cette génération est en effet celle qui est la plus touchée par les révolutions technologiques avec l’usage de l’internet et des différents outils numériques comme les réseaux sociaux, les mobiles, les objets connectés, le marketing ciblé et les divers moyens dont l’information en est à la base. En ce sens, elle est la génération des 4 C (communication, collaboration, connexion, créativité) grâce à l’usage de ces technologies.

Avancées technologiques et implications contemporaines

Le succès de l’avancée technologique avec la digitalisation, l’émergence de nouvelles formes entrepreneuriales et le succès des plateformes est, en effet, lié avec cette préparation des esprits qu’on retrouve chez cette génération. Les études effectuées montrent la différence qui existent dans l’usage des outils et le temps d’adaptation plutôt plus faible observé chez les jeunes de cette génération. Le Pew Research (2019), un centre de recherche dans le domaine des statistiques et démographiques aux USA, a réalisé une étude et présenté les résultats relevant les différences d’utilisation dans les nouveaux outils entre la génération Z et celle qui la précède. En ce sens, cette information est pertinente pour expliquer le succès des outils numériques qui est évident chez cette catégorie d’âge. Cette différence est liée également à l’emploi des réseaux sociaux, le nombre de jeunes qui sont des influenceurs notamment sur les plateformes monétisées qui sont générateurs de revenus et de visibilité.

Cette croissance exponentielle n’est pas seulement associée à l’utilisation des réseaux sociaux. Elle est aussi liée à l’utilisation des produits offerts par les nouvelles formes d’entreprises telles les Néo-banques, et le commerce en ligne qui a révolutionné le mode d’organisation dans la société. Ces entreprises, qui ont su intégrer de nouveaux outils au sein de leur management, ont connu des succès grâce à leur efficacité au niveau de leur politique marketing, mais aussi en répondant aux besoins d’une communauté jeune qui profitent davantage de ces nouveaux outils. En retour, l’intégration de processus comme la monétisation des plateformes, l’ajout des publicités, le marketing ciblé, l’exploitation des données comportementales, l’analyse des informations via des algorithmes sont autant de facteurs qui permettent d’exploiter les habitudes de cette communauté puisqu’elles permettent d’exploiter des informations et de prévoir leur choix et leurs habitudes de consommation.

Dans un article publié par « The Express » en janvier 2020, on est amené à identifier des faits qui ont engendré une nouvelle logique dans la mentalité de cette génération et qui ont un rapport avec les crises récentes. De ce fait, cette génération prend conscience des échecs de la précédente génération et a décidé de miser sur un monde dont elle assure le contrôle. Ainsi, plusieurs constats ont été effectués comme :

  • Une réduction dans les prêts d’études
  • Un lancement accru des activités en ligne en particulier sur les réseaux sociaux et les plateformes monétisés comme Instagram, TikTok et YouTube
  • La création de leur propre entreprise et la génération de revenus grâce à l’internet
  • Des habitudes de consommation plus élevées pour les produits médias
  • Un comportement plus entreprenant, diversifié et très relié aux outils technologiques

Analyse opportunités/menaces et enjeux pour l’économie

L’analyse des opportunités et menaces permet d’anticiper les actions à adopter en vue d’une meilleure réponse aux événements ultérieurs. Pour plusieurs entreprises, la génération Z se veut une force d’attraction qui a des incidences énormes sur les tendances économiques actuelles. Cette dernière a une habitude de consommation qui est différente de celles précédentes et elle a plutôt tendance à imposer ses choix sur le marché contrairement aux précédentes générations. Une étude de Bank of America, en août dernier, stipule qu’environ 90 % de la génération Z vivent dans les économies émergentes et influencent le monde vers un univers totalement connecté.

De ce fait, divers secteurs émergeront comme ceux du paiement électronique, le luxe, l’E-commerce, les médias, l’ESG (environnement, social, gouvernance) alors que d’autres comme les marchés de l’alcool, de la viande, des voyages et des voitures tendront plutôt vers une forte baisse en raison des tendances mondiales et des préoccupations de cette nouvelle génération.

Comme le soulevait Lichtenberg, « il faut faire quelque chose de nouveau pour voir du nouveau ». D’après plusieurs spécialistes, la génération Z est une génération qui a pris conscience des difficultés liées au monde par la survenue des crises économiques. En ce sens, elle s’approprie de ce monde et bénéficie de l’émergence des outils technologiques et de l’internet qui tend à simplifier les conditions de travail en favorisant de nouvelles formes d’entreprises et de gestion. Ces dernières ont agi sur les coûts de communication et promu des solutions adaptées par l’amélioration de l’accessibilité à des informations et une meilleure participation par rapport aux instruments traditionnels. La gestion du temps et des rendements, la facilité d’innovation, le processus d’organisation et de communication simplifié sont d’autant d’éléments qui entrent en compte.

Toutefois, le succès du numérique n’est pas sans conséquence. En effet, il existe de nombreux défis et ils concernent des problématiques que seule la qualité des réglementations et la responsabilité éthique et sociale commune peuvent faire respecter. Il s’agit en effet de la confiance, de l’influence négative des facteurs humains sur les réseaux, de la croissance de l’individualisation, de la qualité de la liberté d’expression, de l’influence négative sur des réglementations politiques et finalement la question de confidentialité et de souveraineté numérique.

Par Francy JUSMÉ, promotion 2020-2021 du M2 IESCI d’Angers

Sources

 

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