Environnement Archives - Master Intelligence Economique et Stratégies Compétitives Le Master Intelligence Economique qui combine analyse économique, outils de veille, e-réputation, gestion de crise et big data via une formation sur deux ans. Mon, 20 Nov 2023 10:49:59 +0000 fr-FR hourly 1 Actions Concrètes ou Leurres, la RSE C’est Pas Que du Vert ! https://master-iesc-angers.com/actions-concretes-ou-leurres-la-rse-cest-pas-que-du-vert/ Mon, 20 Nov 2023 10:49:59 +0000 https://master-iesc-angers.com/?p=3678 Entre durcissement des mesures, sanctions et actions concrètes de la part de certaines entreprises, la RSE ou Responsabilité Sociétale des Entreprises continue toujours son sillage afin de conscientiser les entreprises et de réduire l’impact de leur activité sur l’environnement et… Continuer la lecture

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Entre durcissement des mesures, sanctions et actions concrètes de la part de certaines entreprises, la RSE ou Responsabilité Sociétale des Entreprises continue toujours son sillage afin de conscientiser les entreprises et de réduire l’impact de leur activité sur l’environnement et la société.

Créée en 2006, la norme iso 26000 a pour objectif de définir le concept de RSE et ses principes, permettant de la mettre en œuvre au sein de l’entreprise.

Cependant, elle n’a pas un caractère obligatoire mais constitue un ensemble de recommandations invitant les entreprises à inclure une démarche RSE dans leurs activités.

Certaines d’entre elles ont vite compris l’utilité de se lancer dans une nouvelle phase alliant rentabilité financière et respect des normes de la RSE. En effet avec des consommateurs de plus en plus intéressés par l’origine des produits utilisés, par leur impact sur l’environnement et leurs conséquences sur les conditions de vie, il est devenu plus que nécessaire pour les entreprises de revoir leur processus de fabrication et de procéder à une politique de RSE ; à l’instar de l’Oréal qui cible l’atteinte de son objectif zéro carbone sur tous ses sites d’ici 2030.

D’autres comme Danone sont allées plus loin en adoptant le statut de « société à mission », statut découlant de la loi Pacte qui permet de concrétiser sa vision de la RSE en se dotant de raison d’être et en y mettant les moyens nécessaires pour pouvoir atteindre les objectifs fixés.

Cependant la transparence n’est pas toujours au rendez-vous. Au moment où certaines d’entre-elles essaient de réduire leurs impacts, d’autres se limitent juste au greenwashing ou à l’écoblanchiment.

L’Oréal, une vision RSE au cœur de l’entreprise

Créé en 1909 par le chimiste Eugene Schuller qui a mis au point une teinture de cheveux afin de répondre à la mode du moment où les femmes adoptaient un style de cheveux courts et blonds, l’Oréal n’a cessé de s’adapter aux changements et ainsi de se projeter dans l’avenir. L’Oréal a très tôt compris l’enjeu de mettre en place une politique de RSE. Parmi les actions menées par l’entreprise nous pouvons citer :

Le solidarity sourcing qui doit permettre l’inclusion des producteurs ou fournisseurs qui ont difficilement accès aux importants appels d’offres mais aussi les entreprises qui recrutent des personnes en situation d’handicap leur permettant ainsi l’accès à l’emploi.

L’écobeautyscore, une méthode qui permet de mesurer l’impact qu’un produit pourrait avoir sur l’environnement et la société avec des notations A B C D, dans l’ordre alphabétique. Pour favoriser un cadre référentiel unique, l’Oréal a mis l’écobeautyscore à la disposition de ses concurrents.

Par son programme « l’Oréal pour le futur », la société envisage de réduire les émissions de CO2, de respecter la biodiversité, de préserver les ressources naturelles mais aussi de promouvoir une gestion plus responsable de l’eau. L’entreprise veut réduire aussi bien les impacts directs qu’indirects de son activité en prenant en compte le rôle écoresponsable que le client peut adopter vis-à-vis de ses produits.

En 2019, l’Oréal a reçu le titre de GLOBAL COMPACT LEAD de l’ONU, comme société exemplaire dans son engagement sur l’environnement, la lutte anti-corruption et le respect des droits humains.

Danone, Première entreprise cotée en bourse à adopter le statut de « société à mission »

La loi Pacte (Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises) a été instaurée en 2019. Elle permet aux entreprises qui le souhaitent d’intégrer les notions de « raisons d’être » et de « sociétés à missions » dans leur statut juridique. L’adoption de ce statut conduit l’entreprise à avoir un programme d’action en accord avec sa raison d’être.

La raison d’être de l’entreprise a été définit par l’Observatoire de la Responsabilité Sociétale des Entreprises (ORSE), et le Collège des Directeurs du Développement Durable(C3D) comme « une expression de l’utilité sociétale de l’entreprise qui sera, pour elle, à la fois une boussole et un garde-fou quant aux décisions du conseil d’administrations et du directoire. »

Elle permet non seulement de ne plus limiter  la RSE à une action de mécénat ou juste à une question de conformité mais plutôt à une dimension qui doit être au cœur de la stratégie de l’entreprise. Mais aussi, elle vise à mesurer et à prendre en compte la portée de chaque décision avant son application.

En ayant une raison d’être l’entreprise s’engage à adopter et à maintenir une ligne de conduite qui donnera un sens à son activité.

La qualité de société à mission est un statut que toute entreprise peut adopter quel que soit son statut juridique. L’adoption de ce statut implique le respect des conditions suivantes :

  • L’entreprise doit définir sa raison d’être
  • Elle doit préciser un ou plusieurs objectifs sociaux ou environnementaux qu’elle doit poursuivre
  • Elle doit mettre en place un comité de suivi comportant au moins un salarié de l’entreprise
  • Ensuite l’exécution des objectifs doit faire l’objet d’une vérification par un organisme tiers indépendant

Lorsque l’entreprise ne respecte pas ses engagements en tant que société à mission, le statut lui est retiré et elle devra l’enlever dans tous ses documents juridiques et officiels. Ce qui peut renvoyer une mauvaise image de la firme. Le statut société à mission a donc un aspect contraignant qui fait que les entreprises qui l’adoptent se voit obliger de respecter leurs engagements et de ne pas l’utiliser comme un outil de marketing.

En 2022 selon l’Observatoire des sociétés à mission, environ 1008 entreprises françaises se sont dotées du statut de sociétés à mission contre 505 en 2021, ce qui est considérable en termes d’avancement.

« Apporter la santé par l’alimentation au plus grand nombre »

En 2020, Emmanuel Fabert, le patron de Danone s’est engagé avec 99% de vote favorable des actionnaires à intégrer Danone comme « société à mission ».

Avec ce nouveau statut Emmanuel Fabert ne fait que continuer sa lancée dans le cadre d’un nouveau type d’entreprise qui incarne un rôle sociétal. En effet le patron de Danone était bien avant cela investi dans la RSE au sein de son entreprise.

En 2016, cela s’est traduit par le rachat de Whitewave géant américain du bio et des produits laitiers végétaux faisant du groupe le leader mondial de ce secteur. En plus de cela en 2017, il a lancé le programme « One Planet, One Heath » , programme qui a pour ambition d’améliorer la qualité nutritionnelle de leur produit mais aussi de revoir les emballages pour être plus responsable envers l’environnement.

Néanmoins, en 2021 le patron de Danone, a été évincé de son poste de président du groupe Danone par des actionnaires hostiles qui lui reprochaient des résultats peu satisfaisants en termes de performance boursière. Ces actionnaires hostiles sont connus sous le nom de fonds activistes.

Une étude menée par les professeurs Rodolphe Durand (HEC Paris), Mark DesJardine (Pennsylvania State University) et Emilio Marti (Erasmus University Rotterdam), a montré que les fonds spéculatifs activistes seraient deux fois plus susceptibles de cibler les entreprises socialement responsables plutôt que les autres. Et selon Activist Insight, au moins 839 entreprises ont été ciblées par un hedge fund activiste en 2019.

Pour protéger ses entreprises engagées dans la responsabilité sociétale, il devient plus que nécessaire de mettre en place des lois afin que ces fonds activistes ne soient pas un frein pour la RSE.

Cela étant, les fonds activistes ne sont pas les seuls à impacter la RSE. Certaines entreprises essaient de renvoyer une image de marque éco-responsable qui ne reflète pas la réalité.

Selon une enquête menée par la DGCCRF, en 2021 et 2022, sur les 1100 établissements contrôlés, une allégation sur 4 présentait un cas de non-conformité.

Cette pratique a conduit à une plus grande méfiance de la part des consommateurs vis-à-vis des produits et des organismes qui n’hésitent pas à dénoncer les cas ou soupçons de pratique frauduleuse

Pourtant, quel que soit notre position : consommateurs, entreprises ou pouvoir public, nous sommes tous concernés par les enjeux climatiques. Il est impératif de mettre en place une gestion plus durable des ressources naturelles disponibles.

Par Berthe Souane, promotion 2023-2024 du M2 IESCI

Webographie

La RSE chez L’Oréal : une transformation qui n’a rien de cosmétique ! | Cairn.info (univ-angers.fr)

Politique RSE chez L’Oréal : les bonnes pratiques à retenir (changethework.com)

Danone “Société à Mission”

Danone : Emmanuel Faber évincé par le conseil d’administration | Les Echos

Fonds activistes, qui sont ces investisseurs qui arrivent en Europe- Elliott (etonnante-epoque.fr)

Comment devenir une société à mission ? | economie.gouv.fr

Guide ORSE – C3D « Loi Pacte & Raison d’être : et si on passait à la pratique ? » – Orse.org

Fonds activistes, qui sont ces investisseurs qui arrivent en Europe- Elliott (etonnante-epoque.fr)

Une étude révèle que les fonds spéculatifs activistes compromettent la responsabilité sociale des entreprises | HEC Paris

Greenwashing-infographie.pdf (economie.gouv.fr)

Bilan de la première grande enquête de la DGCCRF sur l’écoblanchiment des produits non-alimentaires et des services : un quart d’anomalies et de nombreuses suites | economie.gouv.fr

REPORTAGE. Greenwashing, labels écologiques trompeurs : en immersion avec les inspecteurs de la DGCCRF dans un camping de l’Aude – ladepeche.fr

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Nusantara : la nouvelle capitale Indonésienne, quand la fuite climatique se substitue à la lutte https://master-iesc-angers.com/nusantara-la-nouvelle-capitale-indonesienne-quand-la-fuite-climatique-se-substitue-a-la-lutte/ Tue, 01 Mar 2022 22:23:33 +0000 https://master-iesc-angers.com/?p=3579 Le 18 Janvier 2022, la chambre basse du Parlement indonésien a approuvé le cadre législatif du projet du président Joko WIDODO annoncé en 2019, du déménagement de la capitale Indonésienne Jakarta vers l’île de Bornéo, pour y construire ex nihilo… Continuer la lecture

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Le 18 Janvier 2022, la chambre basse du Parlement indonésien a approuvé le cadre législatif du projet du président Joko WIDODO annoncé en 2019, du déménagement de la capitale Indonésienne Jakarta vers l’île de Bornéo, pour y construire ex nihilo la nouvelle capitale du pays : Nusantara.

Jakarta est la capitale économique et administrative Indonésienne. C’est une ville dense avec près de 30 millions d’habitants sur toute la conurbation, et c’est la plus grande métropole de l’Asie du Sud-Ouest. Mais la ville souffre de la pollution et de catastrophes naturelles fréquentes. En effet, son air est irrespirable, entre des embouteillages records, les centrales à charbon aux périphéries de la ville et les habitants qui brulent leurs déchets. De surcroît, les tremblements de terre, le climat tropical et les pluies diluviennes, la mauvaise maitrise du pompage massif des nappes phréatiques et de l’évacuation de l’eau, ainsi que la montée des eaux à cause du réchauffement climatique, surexpose la métropole aux inondations. Jakarta perd 18cm d’altitude tous les ans et subit un affaissement de sa zone côtière à cause de la montée des eaux, si bien que 20% de la ville est désormais sous le niveau de la mer. Les estimations prédisent que cette proportion risque de doubler d’ici 2050. Jakarta est la ville qui s’ensevelit le plus rapidement au monde à cause de la montée des eaux et du réchauffement climatique. La capitale qui dynamise le pays manque d’infrastructures pour lutter durablement contre la crise qu’elle traverse.

Dépassé par la situation, le président Joko WIDODO annonçait au parlement indonésien en 2019 son projet : transférer les forces économiques et politiques de la ville de Jakarta vers une nouvelle ville. Cette nouvelle ville, Nusantara, n’existe pas encore. Il s’agit d’une zone située à plus de 2000km de Jakarta, sur l’île de Bornéo, une île essentiellement composée de forêt tropical primaire, sur un archipel partagé entre l’Indonésie, le micro-Etat/sultanat de Brunei et la Malaisie.

Si le projet a été accepté le 18 janvier 2022, c’est parce qu’il est avant tout présenté non pas comme le déménagement du centre dynamique du pays, mais comme l’opportunité de construire une ville compétitive, intelligente, écologique, fondée sur les nouvelles technologies et orientée vers l’économie verte, et localisée à l’abri des inondations et risques séismiques constants.

Sur plan, Nusentara est une ville modèle. Il s’agira d’une ville orientée sur les vélos et les piétons, une ville propre, 0 émissions carbones, qui bénéficiera des derniers progrès de la technologies et l’architecture pour être optimale est équipée de transports en commun dernier cri intégré à l’environnement. Mais ce projet pose problèmes sur plusieurs plans.

En effet, la ville durable sera construite sur une forêt tropicale primaire. Il s’agit d’un écosystème immaculé de l’empreinte humaine, l’un des derniers sanctuaires des orang outans et léopards, et d’autres espèces endémiques en danger. Ce sont plus de 260 000 hectares qui sont prévus dans le prospect de la ville de Nusantara. Cet impact écologique est sans compter sur les perturbations liées à la construction (passages d’engins lourds, pollutions sonores, déchets de constructions, retournement des sols, …)   et les changements dans les plans qui sont à prévoir. Dwi Sawung, une représentante de la plus ancienne ONG indonésienne de défense de l’environnement WALHI, démontre que la construction de Nusentara représente 3 risques majeurs pour l’environnement :

  • Impact sur les systèmes de l’eau et de réchauffement climatique : L’urbanisation intense va perturber l’équilibre de l’intégralité du biome, avec une fragilisation des sols et des troubles pour la végétation. La déforestation concomitante va libérer de grande quantité de carbone et affaiblir les capacités de la région à résorber ses émissions, entretenant le réchauffement climatique qui a conduit au transfert sur l’île.

  • Impact sur la faune et la flore : La fragmentation du territoire et l’activité humaine vont de multiples manières bouleverser la vie sauvage de l’île.

  • Pollution et dégâts environnementaux : Il est prévu de déménager plus de 1,5 millions de personnes sur l’île. Ces Nusantariens par leur simple activité vont contribuer à de multiples pollutions et ravager l’environnement, d’autant plus si les pratiques et modes de vie ne changent pas.

Ces préoccupations, comme dans de nombreux pays émergents, ont été écartés du débat. C’est une faute grave que WALHI, et surement d’autres ONG, combattront pour la sauvegarde de l’environnement dans un monde en pleine crise écologique dont les effets dévastateurs commencent à se faire ressentir dans le monde et à Jakarta.

La seconde grande question sur ce déménagement est d’ordre social. On s’attend à ce que le transfert soit inique et inégal. Qui seront les 1,5 millions d’élus promis à l’Eden Nusentara ? Il s’agira de toute la classe politique et de 8 000 fonctionnaires. C’est moins de 1% de la population qui devrait résider sur l’île sous le statut de fonctionnaire. Le reste sera surement destiné aux employés de la ville, envisagée comme un centre d’affaire. Ce sont 56 180 hectares qui seront consacré au palais présidentiel, au parlement et aux bureaux gouvernementaux, ainsi que des routes pour rallier la capitale administrative à d’autres villes.

Contrairement à ce que l’on pourrait s’attendre d’une ville contrainte de transférer ses pouvoirs pour causes de mauvaise gestion climatique et des infrastructures civiles sur un territoire vierge, la nouvelle capitale est construite dans le faste et l’opulence. C’est une enveloppe de 29 milliards d’euros qui est prévu pour la mise en place du projet, en pleine pandémie.

Plus inquiétant encore, c’est la méthode de financement de la nouvelle capitale. Les fonds publics financeront à hauteur de 19 % le projet, le reste provenant de la coopération entre le gouvernement et les entités commerciales et des investissements directs des entreprises publiques et du secteur privé. La capture des décideurs publics peut désormais commencer avec l’implication des entreprises privés dans la construction du nouveaux siège politique du pays.

De plus, le comité chargé de superviser la construction est dirigé par le prince héritier d’Abou Dhabi, le cheikh Mohammed bin Zayed Al Nahyan – qui n’est pas étranger aux ambitieux projets de constructions- et comprend également Masayoshi Son, le milliardaire fondateur et directeur général de la holding japonaise SoftBank, et l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair, qui dirige actuellement le Tony Blair Institute for Global Change. On peut douter de la neutralité de ces parties dans le projet Nusantara. Cette ironie écologique et sociale permet déjà de percevoir les gagnants de l’humanité à deux vitesses.

Enfin la question économique. Jakarta est le poumon économique indonésien. Ce déménagement apparaît d’abord comme une amputation. Les inondations coûtent annuellement 4,5 milliards de dollars à l’agglomération. Le projet ne fait pas état des infrastructures mise en place pour les habitants restant. De plus, ils seront contraints de partir par la force des choses, migrant vers les lieux où les opportunités sont les plus grandes. S’ils venaient à rejoindre Nusantara, qui ne prévoit pas leur accueil, ce seront des bidonvilles qui se bâtiraient aux alentours, nuisant aux forêts, rivières et aux conditions de vie des arrivants.

En réalité, Nusantara sera construite au centre du pays et entre différentes aires urbaines. Elle devrait être rapidement connectée aux autres. La sphère économique devra donc subir un ajustement conjoncturel qui sera surement résorbé rapidement, comme on a pu le constater avec d’autres déménagement de capitale (Brasilia, Abuja ou Putrajaya). Mais ce transfert se fera au détriment des territoires de biodiversité de l’île qui ne pourront faire face aux nouveaux flux, nécessaire au bon fonctionnement économique de la ville.

Conclusion :

Ce projet, économiquement viable sur plan, est problématique à tous les autres niveaux et est symptomatique de l’impuissance des pays, voire leur désintérêt, dans la crise sociale et écologique que traverse le monde.

En effet, le réchauffement climatique montre ses effets directs sur la vie de certaines populations. Au lieu d’ancrer la problématique dans les esprits, avec l’urgence de faire bouger les mentalités et modes de vie, on préfère ne rien changer et recommencer ailleurs. Ce transfert est une fuite qui ne porte pas son nom.

Encouragée par d’autres puissances, Nusantara est une opportunité pour bâtir une ville nouvelle, sans avoir à déloger des populations, et avec des financements internationaux. Mais la ville va créer d’innombrable perturbations environnementales et des fractures sociales, montrant comment la sphère économique l’emporte sur toutes les autres.

L’Indonésie est prête à remplacer son poumon économique. Ce n’est pas la première fois qu’un pays se décide à de telles modifications territoriales. La montée des eaux et le réchauffement climatiques vont faire croître ce genre de transfert, qui apparaissent comme les solutions les plus abouties, mais sont aussi les moins structurelles. Il faut s’attendre à ce que les cartes soit redessinée dans les décennies à venir, et avec une montée de possible tensions géopolitiques. Car si le Brunei et la Malaisie ne sont pas lésés de ce déménagement, qu’en sera-t-il lorsque d’autres villes d’Asie seront englouties ? Le Japon risque de perdre de nombreuses côtes, or les archipels de la mer de Chine sont disputés entre la Chine et le Japon. Les scénarios du GIEC étaient catastrophiques en 2019 avec comme pire prévision une montée des eaux de 2 mètres. Aujourd’hui on sait que cette montée pourrait atteindre les 6 mètres, et que même si l’on s’arrête demain d’émettre du carbone, il y a une telle inertie que l’on n’arrêtera pas la dynamique menaçante de la montée des eaux.

Déménager la capitale à cause de la crise environnementale pour rebâtir sur les derniers puits de biodiversité, c’est mettre un pansement sur une jambe de bois. Il faut que les Etats discutent de transformations structurelles plutôt qu’envisager des mesures palliatives.

Par Matthieu Gourmelon, promotion 2021-2022 du M2 IESCI

Webographie :

https://www.youtube.com/watch?v=tvGeeFXPkZ0

https://www.lesechos.fr/weekend/business-story/7-pays-qui-ont-change-de-capitale-1212812

https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/2022-01-28/a-quoi-ressemble-nusantara-la-future-capitale-de-lindonesie-qui-demenage-car-jakarta-senfonce-d6cac300-457d-4785-828a-18dc46a19e1f

https://www.franceculture.fr/emissions/et-maintenant/l-indonesie-change-de-capitale-pour-raisons-climatiques

https://www.iqair.com/indonesia/jakarta

https://www.cnews.fr/monde/2022-01-19/indonesie-nusantara-la-nouvelle-capitale-du-pays-devoilee-en-images-1172581

https://www.goodplanet.info/2022/01/19/les-deputes-indonesiens-approuvent-la-construction-dune-nouvelle-capitale-nusantara/

https://www.youtube.com/watch?v=G5JoHoX5iWU

https://www.npr.org/2022/01/26/1075720551/jakarta-indonesia-sinking-into-java-sea-new-capital

https://www.youtube.com/watch?v=UMX9B2oXdpU

 

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Le repositionnement stratégique de la France sur le nucléaire pour produire une énergie décarbonée https://master-iesc-angers.com/le-repositionnement-strategique-de-la-france-sur-le-nucleaire-pour-produire-une-energie-decarbonee/ Wed, 15 Dec 2021 13:22:43 +0000 https://master-iesc-angers.com/?p=3536 Les enjeux de souveraineté énergétique sont au cœur des stratégies de développement, voire de survie économique des nations depuis les diverses révolutions industrielles et les avancées technologiques qu’elles ont entraînées. Relativement dépourvue en ressources naturelles susceptibles de subvenir à ses… Continuer la lecture

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Les enjeux de souveraineté énergétique sont au cœur des stratégies de développement, voire de survie économique des nations depuis les diverses révolutions industrielles et les avancées technologiques qu’elles ont entraînées. Relativement dépourvue en ressources naturelles susceptibles de subvenir à ses besoins en la matière, telles que le pétrole ou le gaz, la France a décidé dans les années 1960 de se tourner vers une technologie alors très en vogue : le nucléaire. Le recours à l’uranium permettait en effet de faire face aux fluctuations des marchés de l’énergie et aux aléas géopolitiques survenant au niveau des pays producteurs de ressources fossiles, tout en développant un système d’approvisionnement énergétique aux coûts davantage prévisibles. Après les réussites des projets expérimentaux de la fin des années 1950, les trois décennies suivantes ont vu l’expansion fulgurante du parc nucléaire français qui comptait près de 60 réacteurs à l’aube des années 1990.

Cependant, cet élan a connu un net ralentissement à la suite notamment de la catastrophe de Tchernobyl de 1986 et au ralentissement de la croissance économique du pays. La décennie 1990 et le début des années 2000 n’ont ainsi vu que l’achèvement de projets en cours et aucun nouveau chantier n’a été entamé. Par la suite, la popularité du nucléaire en France a continué à se détériorer, suite au fiasco de la construction de la centrale nucléaire d’Olkiluoto en Finlande, débutée en 2003 et confiée à Areva (aujourd’hui Orano), qui a vu son échéance être sans cesse repoussée (la mise en service du réacteur EPR est prévue pour 2022) et ses coûts exploser ; ou encore au terrible accident survenu en mars 2011 à Fukushima. À l’instar de Tchernobyl, cet incident au Japon a suscité un émoi mondial et a fait ressurgir de vives inquiétudes sur les questions de sûreté liées à cette technologie.

Représentant plus de 75% de sa production énergétique, le recours au nucléaire a toutefois été confirmé en France avec des mesures de surveillance sensiblement renforcées. Mais la conjoncture de l’époque, couplée à l’opposition de plus en plus véhémente de l’opinion publique a dessiné une tendance générale se dirigeant vers une réduction significative de l’usage de l’atome. Dans le courant des années 2010, le gouvernement a annoncé vouloir réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % d’ici 2025, mais en 2017, cette échéance a été repoussée de dix ans. Par ailleurs, en 2020, la centrale de Fessenheim, qui était alors la plus ancienne encore en activité, a été définitivement arrêtée. En parallèle, il a été décidé que 14 des désormais 56 réacteurs actuellement en service devaient subir le même sort avec la même date butoir de 2035.

Ainsi, le parc nucléaire français compte aujourd’hui 56 réacteurs fonctionnant tous sur la même technologie à eau pressurisée, et un réacteur de troisième génération (EPR) est en construction à Flamanville depuis 2007 et sera mis en service en 2023. Ce parc est néanmoins assez ancien, la plupart des réacteurs ont plus de 30 ans et les derniers mis en service sont ceux de Civaux en 2002 (fig 1 & 2).

À l’aube de l’année 2021 le sort du nucléaire en France et dans de nombreux autres pays semblait alors scellé, mais contre toute attente, cette année aura vu la tendance s’inverser et un certain retour en force de l’énergie atomique à l’échelle mondiale.

En réponse à l’urgence climatique, le retour en force du nucléaire

La remontée en flèche de la cote de popularité du nucléaire vient pour beaucoup des mesures prises par divers pays pour réduire leur recours aux énergies fossiles. Face à l’urgence climatique, la France a par exemple affiché sa volonté de produire une énergie la plus décarbonée possible. Or dans cette optique, le nucléaire a l’avantage de proposer une solution, certes loin d’être parfaite, mais qui a l’avantage d’être pilotable, efficace et non émettrice de CO2. Par ailleurs, ce regain d’intérêt se retrouve dans les chiffres, d’après le sondage Odoxa « Retour de flamme des Français en faveur du nucléaire » de 2021, 59 % d’entre eux sont aujourd’hui favorables au nucléaire alors qu’ils n’étaient que 47% en 2018.

En France, le Président de la République a annoncé le 12 octobre 2021 un ambitieux plan de relance baptisé « France 2030 » qui se voit doté d’une enveloppe de 30 milliards d’euros répartis sur 5 ans afin de poursuivre les efforts dans la compétitivité industrielle et les technologies d’avenir et à ce titre, huit milliards sont accordés au secteur de l’énergie. L’un des objectifs fixés à cette filière est notamment de faire émerger en France des réacteurs nucléaires de petite taille, innovants et avec une meilleure gestion des déchets.

Par ailleurs, Emmanuel Macron a annoncé le 9 novembre 2021 lors d’une allocution télévisée la construction de nouveaux réacteurs nucléaires. Il n’a cependant pas précisé leur nombre ou leur localisation mais tout porte à croire que ces chantiers concernent des EPR, à l’instar du réacteur de Flamanville qui sera le premier de ce type en France au terme de sa complétion prévue pour 2023.

L’acronyme EPR signifie « European Pressurized Reactor ». Ce type de réacteur d’une puissance d’environ 1 600 MW est né d’un accord de coopération signé entre Framatome et Siemens datant de 1989. Celui-ci devait développer une nouvelle technologie de réacteur pour les marchés français et allemands, mais aussi pour l’export. Toutefois l’Allemagne se retire en 1998 après l’arrivée des verts au gouvernement, et laisse le projet aux mains des français EDF et Areva (né en 2001 de la fusion de Framatome, Cogema et CEA Industrie). La conception de l’EPR permet en théorie une exploitation d’au moins 60 ans. Aujourd’hui il n’existe que ? réacteurs de ce type en service et ceux-ci se situent sur la centrale chinoise de Taishan, dans le sud-est de la Chine. Construits pendant neuf ans avec la participation d’EDF, leurs mises en service datent respectivement de 2018 et 2019. L’un de ces deux EPR a d’ailleurs rencontré des problèmes en juin dernier, forçant sa mise à l’arrêt et créant de premiers doutes sur l’usage de cette nouvelle technologie. La cause de cet incident n’a été identifiée que très récemment et il semblerait qu’un défaut de conception de la cuve soit en cause, ce qui a poussé la CRIIRAD (Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité) à mettre en garde contre de potentiels problèmes similaires sur d’autres EPR.

Malgré ce premier « accroc » pour ce nouveau procédé, le regain d’intérêt pour l’atome de la part de l’exécutif français et de l’opinion public reste une réalité. Dans ce nouveau contexte, on peut notamment mettre en exergue les incessantes actions d’influence et de lobbying menées par les défenseurs du secteur. Les grands acteurs du nucléaire (EDF, Orano, Framatome,…) ont par exemple créé en juin 2018 le Groupement des industriels français de l’énergie nucléaire (GIFEN), qui a pour but de donner plus de visibilité aux acteurs de la filière, en France et à l’international.

Par ailleurs, les militants pro-nucléaires commencent aussi à se faire entendre. À ce titre, le collectif « les Voix du nucléaire » s’est fait connaître en 2020 en manifestant contre la fermeture de la centrale de Fessenheim devant les locaux de Greenpeace. Nombre de personnalités politiques de tous bords ont aussi changé leur fusil d’épaule et affichent désormais leur soutien au nucléaire, comme François de Rugy ou Pascal Canfin. Certaines d’entre elles ont même créé des associations visant à faire du lobby pour l’atome, à l’image de Patrimoine Nucléaire et Climat (PNC) fondé par l’ancien président de l’Assemblée nationale Bernard Accoyer. Cet organisme prône le nucléaire auprès des élus locaux et à Bruxelles et est très présent dans la presse. Il bénéficie en outre du soutien de nombreuses personnalités influentes comme les anciens ministres Arnaud Montebourg et Jean-Pierre Chevènement, les parlementaires André Chassaigne du Parti communiste et Julien Aubert des Républicains, ou encore du climatologue François-Marie Bréon pour ne citer qu’eux. Ce changement d’avis ne concerne pas que des personnages publics et le même constat peut aussi être fait du côté des industriels de l’éolien et du solaire qui, d’après l’article de L’Obs, concèdent que le nucléaire devra faire partie du futur mix énergétique français.

Enfin, les ressorts d’influence passent désormais aussi par les NTIC où des outils comme Twitter et YouTube sont de formidables relais des idées. À ce titre, l’expert du climat et défenseur du nucléaire Jean-Marc Jancovici rassemble désormais une audience significative sur ces nouveaux médias et ses diverses interventions sont très suivies.

Ce retour en force se retrouve également à l’échelle mondiale, même si après l’accident de Fukushima d’il y a dix ans la filière semblait condamnée. À la suite de cet événement, plusieurs pays ont alors renoncé au nucléaire et bon nombre de projets de construction de centrales ont été arrêtés ou retardés. Mais la COP 26 de novembre 2021 a vu le retour en grâce de l’uranium. En effet, face aux grandes interrogations posées par le réchauffement climatique et au retard sur les objectifs climatiques et la transition énergétique, les arguments d’énergie propre, relativement peu coûteuse et permanente fournis par le nucléaire finissent par convaincre. Comme le déclare Rafael Mariano Grossi, le directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) à l’AFP « Cette COP est peut-être la première où l’énergie nucléaire a une chaise à la table, où elle a été considérée et a pu échanger sans le fardeau idéologique qui existait avant ».

De plus, à l’occasion de cet événement, 12 syndicats de plusieurs pays ont exprimé dans une tribune que cette énergie est « propre, fiable et abordable » et qu’elle est source de nombreux emplois. Pour appuyer leur propos, ces derniers ont déclaré que « sans nouvel investissement, plus de 100 gigawatts de capacité nucléaire, qui permettent d’alimenter 200 millions de foyers, seront perdues d’ici 2040. Cela nous coûterait probablement un demi-million d’emplois et représenterait la plus grande perte d’énergie propre de l’histoire du monde ». D’après les informations du Figaro, ces syndicats représentent les organisations GMB, Prospect et Unite the Union (Royaume-Uni), CFE-CGC Energies et CFE-CGC Métallurgie (France), IBEW (Etats-Unis et Canada), CNWC (Canada), Fédération Energie (Belgique), Odborovy svaz ECHO (République tchèque), EVDNZ (Hongrie), SCNE (Roumanie), ZOES (Slovaquie), et proviennent donc sans surprise de pays ayant un fort attrait pour l’atome.

Néanmoins, les ambitions de retour au nucléaire de plusieurs acteurs majeurs dont la France ne plaîsent pas à tous et les tensions s’intensifient, notamment entre pays européens. En effet, suite aux pressions exercées par l’hexagone pour relancer l’énergie atomique en Europe, une coalition de cinq États membres de l’UE dirigée par l’Allemagne s’est formée pour demander à la Commission européenne d’exclure le nucléaire de la taxonomie européenne pour une finance durable. Cela représente un réel enjeu pour le secteur car cette taxonomie est une sorte de classification qui facilite l’accès à des financements à taux avantageux aux activités économiques considérées comme durables. Cette alliance dont font aussi partie l’Autriche, le Danemark, le Luxembourg et le Portugal estime que « l’énergie nucléaire est incompatible avec le principe consistant à « ne pas causer de préjudice important » (Do no significant harm) du règlement sur la taxonomie de l’UE ». Ces pays, qui pour la plupart ont déjà mené des actions sur leurs territoires pour sortir du nucléaire, semblent par ailleurs résolus à obtenir gain de cause et n’hésiteront sûrement pas à contester devant les tribunaux de l’UE l’adoption de cette technologie dans la taxonomie européenne sur la finance durable.

Le positionnement stratégique de la France sur la filière prometteuse des SMR, ou comment rester un leader du nucléaire

Malgré la réticence de ses voisins européens, la France est donc bien décidée à compter sur le nucléaire pour son approvisionnement énergétique futur et à rester une puissance de premier ordre dans ce domaine. Mais l’ambition française ne s’arrête pas là, et notre pays a même accéléré ses efforts dans un sous-secteur qui fait maintenant beaucoup parler de lui, celui des petits réacteurs modulaires appelés SMR.

Après avoir bâti des réacteurs toujours plus puissants, l’industrie souhaite se diversifier et une grande attention est désormais accordée aux nouveaux réacteurs SMR. Les Small modular reactors sont d’une puissance plus faible, les plus petits peuvent produire dix mégawatts (MW), les plus gros jusqu’à 300 MW quand, à titre de comparaison, les centrales françaises produisent entre 900 et 1 450 MW. Ces entités répondent à divers usages : les plus petites pourraient être utilisées dans le domaine militaire ou spatial, celles de taille intermédiaire pour les industries très gourmandes en électricité (pétrochimie, bitumineux, gros ports…), et les plus puissantes pour alimenter des réseaux électriques plus petits et moins bien desservis que celui de la France.

L’avantage principal de ces SMR réside dans le fait qu’ils sont conçus pour être fabriqués en usine de façon modulaire et standardisée, et qu’ils peuvent rapidement être mis en opération sur site. Par ailleurs, la plupart des projets de SMR se base sur le procédé du nucléaire civil actuel de troisième génération à eau pressurisée, qui équipe tout le parc français. Mais certains pays comme la Chine, la Corée du Sud, le Japon ou encore le Canada, développent des SMR de quatrième génération utilisant de nouvelles technologies comme les sels fondus, le gaz à haute température ou les neutrons rapides.

Néanmoins, il n’existe à ce jour aucune usine dans le monde capable de produire ces réacteurs à la chaîne. L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) précise par ailleurs que « les économies d’échelle obtenues par la production en série de ces modules ne seront pas atteintes avant d’atteindre un certain nombre de réacteurs ». Cette technologie est en effet très récente et il n’y a pour le moment pas de marché réellement établi. Le principal enjeu sera donc d’arriver à uniformiser les normes internationales de sûreté afin de proposer un modèle standardisé, qui n’a pas besoin d’être adapté à chaque pays, et qui doit permettre d’abaisser les coûts de fabrication. On estime que ces derniers pourraient avoisiner un à deux milliards d’euros contre 7 à 8 milliards pour un EPR grâce à la production en série. À leurs débuts, ces SMR risquent donc de produire une électricité plus chère que les réacteurs traditionnels, mais ils constituent toutefois un atout certain pour répondre aux problématiques de pays isolés, avec un réseau électrique encore peu développé ou fortement dépendants d’une production énergétique fossile.

La France s’est d’ores et déjà intéressé à cette technologie de rupture. En 2017, l’État a en effet lancé le projet « Nuward » (pour NUclear forWARD), un SMR de 170 MW à eau pressurisée. Les grands spécialistes du domaine, à savoir le Commissariat à l’énergie atomique (CEA), EDF, le groupe naval militaire Naval Group et le spécialiste des réacteurs compacts TechnicAtome se sont alors alliés pour produire ce petit réacteur modulaire français. Si les trois premiers acteurs sont des noms bien connus du nucléaire en France, TechnicAtome est, assez injustement, bien moins connu.

Cette PME qui emploie un peu moins de 2000 personnes est détenue par l’Etat (50,32 %), EDF (9,03 %), le CEA et Naval Group (20,3 % chacun). Elle est par ailleurs le champion européen de la conception des réacteurs nucléaires compacts et constitue une pièce maîtresse du projet Nuward, dont l’expertise sera utilisée pour le développement de la chaudière nucléaire du SMR. Le savoir-faire unique de TechnicAtome date de plus de 50 ans et lui permet d’encapsuler des quantités d’énergie et de puissance très supérieures à ce qui se fait traditionnellement dans le nucléaire civil. Selon son PDG Loïc Rocard, cela est « susceptible de donner un avantage concurrentiel décisif dans le monde des SMR ». Cette compétence a été utilisée auparavant au profit de la marine nationale pour la propulsion navale nucléaire militaire des sous-marins SNA et SNLE ainsi que du porte-avions Charles de Gaulle. Bien que le premier SMR français ne devrait voir le jour au mieux qu’en 2035, ce projet est suivi avec beaucoup d’intérêt par le gouvernement. Un milliard d’euros a déjà été octroyé dans le cadre du plan 2030 pour accélérer les travaux sur Nuward, et avant cela en décembre 2020, le chef de l’Etat avait déjà apporté un soutien de 50 millions d’euros à cette technologie.

Le projet Nuward est en premier lieu prévu pour l’export, car avec des réacteurs déjà très puissants, dont un EPR sur le point d’être terminé à Flamanville, la France n’aurait pas forcément besoin de ces petits réacteurs. L’utilisation des centrales actuelles et de potentiels futurs EPR additionnés au développement massif des énergies renouvelables rendent l’usage des SMR peu pertinent pour les pays déjà nucléarisés. EDF a donc pour ambition d’exporter un produit performant et compétitif, en plus de son offre de réacteur de forte puissance de type EPR. À ce titre, le PDG d’EDF Jean-Bernard Lévy a étendu en septembre dernier sa coopération aux SMR avec la compagnie tchèque CEZ (fig 3). La République tchèque reste le troisième consommateur de charbon après l’Allemagne et la Pologne en Europe, et souhaite poursuivre ses efforts pour réduire son empreinte carbone en agrandissant son parc constitué actuellement de six réacteurs nucléaires.

Néanmoins, malgré la mobilisation d’acteurs de pointe en la matière et le soutien de l’État, le projet Nuward accuse un réel retard par rapport à ses concurrents américain, chinois ou russe. En juillet dernier, la Chine annonçait par exemple le début du chantier d’un SMR sur l’île de Hainan, qui devra à terme alimenter 526 000 foyers. La seule centrale à SMR aujourd’hui opérationnelle est construite sur une barge en Russie et a été mise en service en mai 2020 par l’agence nucléaire russe Rosatom. Elle est équipée de deux réacteurs de 35 MW qui alimentent Pevek, une ville isolée de Sibérie orientale. Mais au total, ce ne sont pas moins de 70 projets qui sont à l’étude partout dans le monde, et la plupart sont en avance sur Nuward (fig 4). Les Russes espèrent par exemple finaliser leur RITM-200N en 2028, tandis que les Chinois, les Américains et les Coréens sont aussi très avancés dans leurs projets respectifs.

Aux États-Unis, la start-up NuScale Power, financée par des investisseurs privés et par le Département de l’énergie des États-Unis, a notamment déjà reçu l’approbation de son design par l’Autorité de sûreté américaine (NRC) en 2020. Malgré l’état d’avancement impressionnant des concurrents internationaux, le PDG de TechnicAtome se veut rassurant et déclare que  « cet écart ne sera pas problématique dès lors que la solution française sera bonne, compacte, compétitive et s’inscrira dans l’environnement des réseaux de transport d’électricité de façon harmonieuse » et ajoute que « si nous avons un bon produit, il a des chances de trouver un marché. Son marché est le remplacement des tranches d’électricité à base de charbon, qui est notoirement un marché mondial en devenir ».

Le nucléaire semble définitivement revenu sur le devant de la scène en France et plus globalement dans le monde. Face aux menaces climatiques de plus en plus insistantes qui poussent les pays à viser une décarbonation de leur production électrique, et aux pressions des citoyens qui exigent des actions concrètes de la part de leurs dirigeants, cette tendance n’est au final pas si surprenante. Bien que loin d’être parfaite, cette source d’énergie à néanmoins l’avantage d’être plus constante et plus abordable que beaucoup d’autres. Mais malgré la volonté du chef de l’Etat français de bâtir de nouvelles centrales et de conserver une part significative pour le nucléaire dans le mix énergétique, le temps où l’atome était le fer de lance de notre approvisionnement énergétique est révolu. D’ici 2035, sa part doit chuter à 50% et la dynamique actuelle est clairement en faveur des énergies renouvelables et de l’hydrogène.

Néanmoins, pour rester un pays de pointe en la matière, car rappelons-le, la France est le pays le plus nucléarisé au monde lorsque les chiffres sont rapportés au nombre d’habitants, notre pays compte bien innover. Malgré une entrée tardive sur le secteur des SMR, le projet Nuward, porté par des acteurs disposant de compétences qui n’ont certainement rien à envier aux meilleurs mondiaux et pleinement soutenu par l’État, semble très prometteur. Par ailleurs, la présence d’un acteur français ne sera pas de trop dans la compétition mondiale, pour des raisons géopolitiques mais aussi économiques, afin de préserver la compétitivité nationale dans un secteur encore primordial pour notre pays.

L’année 2021 a donc marqué un tournant dans l’histoire du nucléaire, et ce malgré l’opposition encore très présente et la pertinence des arguments avancés par divers organismes anti-nucléaires. À titre d’exemple, Yves Marignac, porte-parole de négawatt déclare que « le paravent climatique permet aux partisans du nucléaire d’occulter tous les autres enjeux, lourds, que soulève pourtant le recours à l’atome ».

Mais malgré ces légitimes inquiétudes liées entre autres à la sûreté et au traitement des déchets radioactifs, le nucléaire a, semble-t-il, encore un rôle à jouer. Il n’est certes plus la source d’énergie dominante, mais doit désormais servir de relais vers une production qui à l’avenir reposera, espérons-le, le plus possible sur des énergies renouvelables.

Par Louis-Maël Jouanno, promotion 2021-2022 du M2 IESCI

Sources web

  • Nikolaus J. Kurmayer, traduit par Anne-Sophie Gayet. (2021, 12 novembre). « COP26 : cinq États membres de l’UE s’allient contre le nucléaire ». Euractiv

 

  • Le Figaro avec AFP. (2021, 5 novembre). « Climat: pendant la COP26, le nucléaire défendu par un groupement de syndicats ». Le Figaro

 

  • (2021). « Le nucléaire d’EDF ». EDF

 

  • (2021, 11 mars). « Retour de flamme des Français en faveur du nucléaire ». Odoxa

 

  • Le Point. (2021, 7 novembre). « COP26 : le retour en grâce du nucléaire ». Le Point

 

  • (2021, 5 octobre). « Nucléaire : que sont les SMR, ces “mini réacteurs” dans lesquels la France veut à son tour investir ? » franceinfo

 

  • Thomas Leroy. (2021, 27 octobre). « Avec l’arrivée de nouveaux EPR, à quoi vont servir les mini-réacteurs nucléaires? ». BFM Business

 

  • (2021, 12 octobre). « France 2030 : un plan d’investissement pour la France de demain » gouvernement.fr

 

  • Fabien Magnenou. (2021, 13 octobre). « France 2030 : quel avenir industriel pour les SMR, ces “petits” réacteurs nucléaires vantés par Emmanuel Macron ? » franceinfo

 

  • Enrique Moreira. (2021, 12 octobre). « Nucléaire : la France parie sur les mini-réacteurs ». Les Echos

 

  • Céline Deluzarche. (2021, 12 octobre). « Les mini-réacteurs nucléaires SMR vont-ils conquérir le monde ? ». Futura Sciences

 

  • Aurélie Barbaux. (2021, 7 octobre). « [Repères] Tout comprendre aux SMR, ces petits réacteurs nucléaires modulaires prisés par Emmanuel Macron ». L’usine nouvelle

 

  • La Tribune. (2021, 10 avril). « Pourquoi Nuward, le petit réacteur modulaire (SMR) à la française, reste très prometteur ». La Tribune

 

  • L’Obs. (2021, 18 novembre). « Comment le lobby du nucléaire tente de gagner la bataille des idées ». L’Obs

 

  • (2021, 9 novembre). « Nucléaire : Emmanuel Macron annonce la construction de nouveaux réacteurs ». franceinfo

 

  • Florian Maussion. (2021, 26 octobre). « Le nucléaire français en 5 graphiques ». Les Echos

 

  • Florian Maussion. (2021, 10 novembre). « Nucléaire : cinq choses à savoir sur les EPR ». Les Echos

 

  • Emmanuel Grasland. (2021, 12 octobre). « TechnicAtome, l’atout français dans la course aux petits réacteurs nucléaires ». Les Echos

 

  • « Industrie nucléaire en France ». Wikipédia

 

  • « Liste des réacteurs nucléaires en France ». Wikipédia

 

  • Le Parisien avec AFP. (2021, 28 novembre). « Incident nucléaire sur l’EPR de Taishan en Chine : la cause identifiée ». Le Parisien

 

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Les Datacenters : entre impératifs économiques et responsabilités sociétales https://master-iesc-angers.com/les-datacenters-entre-imperatifs-economiques-et-responsabilites-societales/ Tue, 02 Mar 2021 10:19:23 +0000 https://master-iesc-angers.com/?p=3370 « Au royaume de la reine rouge, tous les sujets doivent courir le plus vite possible pour rester sur place. Comme le fait remarquer Alice, perplexe et abasourdie, c’est là un moyen bien fatiguant de n’aller nulle part !  » Lewis… Continuer la lecture

L’article Les Datacenters : entre impératifs économiques et responsabilités sociétales est apparu en premier sur Master Intelligence Economique et Stratégies Compétitives.

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« Au royaume de la reine rouge, tous les sujets doivent courir le plus vite possible pour rester sur place. Comme le fait remarquer Alice, perplexe et abasourdie, c’est là un moyen bien fatiguant de n’aller nulle part !  » Lewis Carroll.

Si Georges Orwell avait 1984, nous avons 1989. Cette date est retenue par la plupart d’entre nous comme la chute du mur de Berlin, marquant l’effondrement du bloc soviétique et l’avènement du modèle capitaliste, mais c’est aussi une date que certains économistes qualifient comme marquant le début de la troisième révolution industrielle.

En effet, dès les années 1990[1], les ordinateurs et internet se massifient sur le continent américain. Dès les années 2000, ce phénomène se répand en Europe. On parle alors de  nouvelle économie ou de l’économie numérique.

Les progrès des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) et le développement d’Internet ont engendré un tel engouement que les investisseurs finançaient pratiquement les yeux fermés le «e-business » ou les « start up ». L’économie mondiale pense alors avoir trouvé son Graal. Le chiffre d’affaires mondial directement généré par Internet était estimé à 4 milliards de dollars en 1994, atteint les 301 milliards de dollars en 1998, pour afficher 2 000 milliards de dollars en 2019[2].

« Le siècle Internet va tout changer », a déclaré John Chambers, patron de Cisco Systems.

Ce que l’on dit moins, c’est que ce nouveau modèle économique repose sur les datacenters. Infrastructures essentielles et vitales pour cette nouvelle économie, de par leur constitution, ils vont engendrer à la fois l’effervescence d’une nouvelle croissance avec un impact environnemental majeur, une inégalité exacerbée entre les pays développés et le reste du monde, ainsi qu’une facture informatique de plus en plus conséquente, que les DSI [3]doivent absolument réduire sous peine de ne plus pouvoir assurer d’autres besoins.

Quand on parle de Datacenter, de quoi parle-t-on ?

Si nous devions retenir une définition synthétique mais suffisamment complète d’un datacenter, celle de Cisco semble la plus à propos : “Dans sa forme la plus simple, le datacenter est une installation physique utilisée par les entreprises pour héberger des applications et des données stratégiques. La conception d’un datacenter repose sur un réseau de ressources de traitement et de stockage capable de distribuer des applications et des données partagées. Les composants clés d’une conception de datacenter sont les routeurs, les commutateurs, les pare-feu, les systèmes de stockage, les serveurs et les contrôleurs de distribution d’applications.”

De par sa composition, le datacenter a donc besoin à la fois d’électricité, en grande quantité, et de refroidissement : le matériel actif dans un datacenter chauffant énormément, il se doit d’être refroidi sous peine de se voir détruit par une surchauffe de ses composants.

Même si les constructeurs informatiques ont fait des efforts considérables dans la réduction de la consommation électrique, tout en progressant sur les performances, les usages en IT sont devenus gargantuesques, avec l’avènement des smartphones, du cloud, de l’IA et de fait du réseau. Aujourd’hui, il n’est pas rare qu’une simple application sur un smartphone ou sur un ordinateur, via une simple page web, consomme chacun de ces items en grande quantité. A chaque fois que nous ouvrons notre application mail, par exemple, nous consommons, sans nous en rendre compte, du temps processeur, du disque dur et du réseau pour afficher notre email.

De plus, avec l’avènement de l’ère du nouvel or noir[4], la facture économique et énergétique est doublée ; nos moindres faits et gestes sont analysés par les grandes sociétés informatiques. Ces analyses indirectes à notre volonté (affinage de nos profils et analyse de nos comportements) entraînent alors à nouveau une consommation en processeurs, disques et réseaux.

Nous avons donc des machines qui coûtent de plus en plus chères, qui consomment de l’énergie, et qui dégagent une chaleur que l’on doit éliminer. Les opérateurs de datacenters ont donc dû mettre en place différentes stratégies.

  • La stratégie du refroidissement par air ventilé/refroidi, avec des optimisations pour réduire le besoin (couloir chaud/froid et haute densité).

C’est cette stratégie qui est la plus utilisée dans le monde.

  • Le refroidissement par simple air ventilé, voire auto-ventilé, en utilisant un principe de cheminées. L’air froid est aspiré de l’extérieur par un effet d’aspiration et il est rejeté au centre. Cette stratégie ne peut être utilisée que dans des pays où les températures ne montent que très peu, et où l’humidité n’excède pas un certain seuil, pour être probante vis à vis du modèle précédent

  • Le refroidissement par eau permet de refroidir certains composants par un circuit d’eau fermé. L’eau est ensuite refroidie par air ou par un système de refroidissement propre. Ce système est assez efficace mais comporte des risques et il demande beaucoup d’entretien.

Ces stratégies sont responsables de, et expliquent la fracture numérique indirecte vis à vis d’une partie de la population mondiale.

La fracture numérique par les datacenters

 

La 1ère image recense les grappes de datacenters dans le monde. Leur nombre est en constante évolution, car jamais dans l’histoire humaine nous n’avons autant consommé de produits numériques. En transposant l’image numéro 2, qui recense les câbles sous-marins et terrestres de l’opérateur China Telecom, qu’il possède en propre ou en partage avec les plus gros opérateurs télécom mondiaux, nous voyons immédiatement l’hyper concentration des nœuds d’information au niveau mondial : Asie, Europe et États-Unis.

 Les États-Unis, berceau d’internet, possèdent de ce fait un des réseaux les plus maillés, qui leur permet de fournir un maximum de services, comme le montre cette image des opérateurs présents aux US.

Chaque point représente un datacenter, ou du moins un point de présence. Ce maillage fort permet donc une grande résilience à travers le pays, mais aussi une rapidité d’accès à l’information.

L’emplacement des datacenters est donc stratégique pour le développement de l’économie numérique.

La vitesse d’accès aux informations reste le nerf de la guerre, et la plupart des utilisateurs de plateformes web ou d’applications sur smartphone sont peu tolérants aux applications qui mettent une minute à se charger. Une page web doit voir son Time to first byte (TTFB)[5] être le plus bas possible, au risque de voir ses utilisateurs fermer l’onglet ou switcher sur une autre application.

Si une vidéo est trop longue à charger, le consommateur est déjà passé à la suivante. Si un site e-commerce voit ses images de  produits se charger lentement, ou une lenteur sur le paiement, alors la confiance du consommateur vis-à-vis du site s’écroule.

Le privilège des pays développés

Les pays développés bénéficient de moyens économiques importants pour permettre le financement de la construction de datacenters, même dans des régions nécessitant une forte consommation d’énergie pour le refroidissement. Ainsi, ils peuvent avoir des datacenters qui sont à l’origine de la donnée au plus proche de leurs utilisateurs. Cela réduit drastiquement les temps d’attente pour les utilisateurs, et fluidifie leur expérience. Pour les entreprises, avoir à disposition des machines de calculs et de stockage de données, sans avoir un upfront important, permet à de petites structures, et même à de plus larges organisations, de se lancer dans des projets qui auraient été difficilement finançables il y a encore quelques années. Cet atout est primordial dans la stratégie de développement d’une économie numérique.

Aujourd’hui, les infrastructures européennes réussissent à être mutualisées pour permettre ainsi une diminution des coûts, avec des bases de données qui peuvent être mises dans un pays, les middlewares[6] dans un autre, et les frontaux[7] exposés dans les points de présence. Il n’est pas rare de voir des types d’instances réservées à la donnée dans certains pays et celles réservées aux calculs dans d’autres. Cette rentabilité des Clouds providers leur permet ainsi de proposer des rabais substantiels, permettant ainsi la diminution de la facture IT.

Un déséquilibre dans les pays en voie de développement

Les cartes ne sont pas les mêmes pour les pays en voie de développement.  D’un point de vue technique, même s’il n’est pas impossible de mettre en place des datacenters dans des pays avec un climat de type saharien, ou proches de l’équateur, les coûts engendrés pour garantir le refroidissement et l’assèchement de l’air seront économiquement pharamineux et de ce fait non rentables pour les acteurs économiques locaux. Le niveau de vie des habitants ne permettra pas une démocratisation massive.

Si un pays comme les Émirats Arabes Unis peut disposer des plus grands opérateurs télécom et de datacenters, malgré sa géographie entourée de désert et une température moyenne en journée oscillant entre 19.5 °c et 36.5°c au plus fort, un pays comme le Pakistan ne pourrait pas avoir une même infrastructure. Le salaire moyen annuel aux Émirats Arabe Unis en 2018 était de 155 000 dollars (source HSBC Expat Explorer 2018), alors que le Pakistan (Dubaï – Karachi 1,181.11 km) n’affiche qu’un revenu moyen de 1530 $ par habitant en 2019 (source : Banque mondiale), et une géopolitique peu favorable.

Lorsque l’implantation locale est difficile, la stratégie la plus pertinente est donc de se connecter à ces acteurs via les réseaux et câbles qui serpentent le monde. Mais d’autres difficultés entrent en jeux, comme la sécurisation des câbles ou encore la physique.

Entre souveraineté, stratégie économique et impératifs environnementaux

La sécurisation des moyens de transport physique de l’information est un enjeu stratégique.

Dans les pays en voie de développement, aussi incroyable que cela puisse paraître, la redondance des connexions par les opérateurs n’est pas toujours garantie. Les câbles sous-marins sont parfois mis à mal par la pêche industrielle, ou encore par le prix d’une pose longue et coûteuse, sans parler de leur entretien.

Les opérateurs se partagent le câble, et eux-mêmes sous-louent leur propre bande passante à prix d’or. Au sein des pays en voie de développement, il est possible de voir dans certains pays, comme le Vietnam, des situations ubuesques où, aux heures de pointe, les accès à Facebook rappellent l’internet de la fin des années 90. Les opérateurs locaux et étatiques vendent à prix d’or de la bande passante aux entreprises vers les data centers les plus proches dans la logique informatique à Taïwan ou Hong Kong. De plus, la mise en œuvre de data center en local reste compliquée à cause des inondations fréquentes lors des moussons.

En réseau, c’est la physique et la vitesse de la lumière qui interviennent dans l’inertie de l’expansion numérique pour ces pays. Pour rappel, la vitesse maximale de la lumière est de 300 000 km/s. Dans les fibres actuelles, la célérité de la lumière est d’environ 200 000 km/s. Donc en théorie, une liaison directe entre Paris et Nouméa serait de 90 ms mais, en pratique, le signal passe par plusieurs répéteurs, et on obtient une latence de 280 ms. Les routes empruntées par les réseaux ne sont pas forcément les plus directes ; cela entraine des latences importantes qui impactent énormément les performances des applications.

Un autre exemple :

Au-delà de la limite physique, on voit que les infrastructures jouent un rôle primordial dans la vitesse et la qualité de l’information. A cela, ajoutons la perte de paquets qui, selon le protocole, engendrera, ou non, une réémission de l’information. Par exemple, une vidéo qui subira une perte de paquets importante sera hachurée et inaudible (un mot sur deux)

La transmission des flux se conçoit au niveau international, et des gros nœuds se dessinent en Asie, en Europe, et aux États-Unis. Pour l’Europe, les plus gros nœuds de concentration sont sur Francfort, Amsterdam et Dublin, où l’on retrouve les plus gros opérateurs télécom mais aussi Cloud Service Providers.

Leur disposition géographique n’est pas anodine. En dehors des contraintes météorologiques, les enjeux économiques et stratégiques sont importants.

L’Irlande, avec une politique fiscale avantageuse (12,5% d’impôt pour les entreprises), est devenue un lieu emblématique de l’installation des datacenters dans l’Union Européenne, malgré la menace énergétique. En France, lors de l’inauguration du 8ème datacenter d’Equinix février 2019 à Pantin, Bruno Le Maire, Ministre de l’économie et des Finances affirme : ”Il n’y a pas, au 21ème siècle, de souveraineté́ politique sans souveraineté́ technologique. L’un va avec l’autre. (…) Notre ambition c’est que la France soit la première terre d’accueil de datacenters en Europe.”

La nouvelle route de la soie numérique a fait son apparition dans le cadre de la BRI[8]. Elle empruntera un long parcours terrien, ce qui est assez rare, et verra un de ses nœuds arriver sur Francfort avant d’avoir parcouru plusieurs milliers de kilomètres, en passant par plusieurs pays. Quant aux nœuds transatlantiques, ils arrivent sur l’ouest du Royaume Unis et sur l’Irlande, là où sont les datacenters.

Pour la partie ouest Afrique, plusieurs nœuds existent sur Gibraltar, tandis que pour la partie Asie et Est Afrique, c’est en sous-marin,  avec pour destination Marseille, qui distribue sur l’ensemble de l’Europe.

Les implantations sont donc stratégiques, car elles répondent non seulement à un besoin économique pour les sociétés, mais aussi une très forte volonté de préserver la souveraineté technologique par l’hébergement des données en proximité immédiate.

La souveraineté par la proximité immédiate des données

L’émergence de nouvelles demandes comme l’industrie 4.0 (avec ses usines connectées), la e-Santé, la smart city, les enjeux de l’IA ou encore du big data, provoque l’apparition de nouveaux services, qui obligent les hébergeurs à s’agrandir et se diversifier dans le respect de la sécurité de l’alimentation électrique.

Même si  la position géographique importe peu, les datacenters répondent à des critères de facilité d’accès exigés par les acteurs du territoire. Dit autrement, la demande engendrant l’offre, et l’offre engendrant la demande, l’installation d’un data center à un emplacement donné modifie l’écosystème et va permettre d’ouvrir de nouvelles opportunités, tandis que l’optimisation de cette connectivité par ces nouveaux usages va permettre ainsi la transformation profonde de la société.

Toujours du côté de Pékin, entre souveraineté et exigence économique, un immense datacenter (investissement total estimé de près de 12 milliards de yuan, soit 1,69 milliard de dollars, avec un revenu estimé à 10 milliards de yuan par an) verra donc le jour au Tibet vers 2025, pour connecter la Chine et l’Asie du Sud. Si le climat du Tibet présente un avantage technique considérable, les basses températures en altitude permettent de réaliser aussi des économies considérables en énergie, les serveurs nécessitant moins de climatisation.

Mais surtout, cette installation va permettre à la Chine de faire de la région le point de contact vers les pays d’Asie du Sud tels que l’Inde, le Népal, le Bangladesh. Comme affirme Hu Xiao, directeur général de Ningsuan Technologies interrogé par le Global Times, « Un datacenter pour le cloud est comme une ambassade de données offshore pour les entreprises chinoises et leurs homologues en Asie du Sud ».

Les datacenters sont de ce fait  interconnectés aux opérateurs internationaux de premier rang, ainsi qu’aux opérateurs nationaux et régionaux. Ce sont donc des nœuds de communication à très haut débit, qui nécessitent énormément d’électricité.

Le premier défi devient donc celui de l’adéquation avec la transition écologique.  Internet est en effet devenu un des plus gros pollueurs de la planète

Si Internet était un pays, il serait le 3ème plus gros consommateur d’électricité au monde avec 1500 TWH par an, derrière la Chine et les États-Unis. Au total, le numérique consomme 10 à 15 % de l’électricité mondiale, soit l’équivalent de 100 réacteurs nucléaires, tandis qu’un data center consomme autant d’électricité que 30 000 habitants européens.

La conscience écologique qui émerge de plus en plus au sein des sociétés occidentales met en exergue un dilemme difficile à résoudre pour les Cloud Providers. La construction des datacenters et leur fonctionnement ont un impact non négligeable sur les empreintes carbone. Même si les plus grands, comme Microsoft, s’engagent à être négatifs sur leur dette carbone d’ici 2030, cela passe par des astuces de consommation d’un côté, pour rembourser sa dette sur un autre secteur d’activité qui, lui, ne crée pas de carbone, voire en consomme. Les besoins en ressource de calculs, de stockage ne cessent de croître, et l’augmentation du potentiel client ne fera qu’accentuer la consommation directe ou indirecte de produit chez les Cloud providers.

Il faut garder en tête que sur l’empreinte carbone d’un datacenter, au-delà du bâtiment et de sa consommation électrique pour faire fonctionner les climatisations ou systèmes de refroidissement alternatifs, il y a aussi la construction des machines, leurs transports jusqu’au data center et enfin leur recyclage si c’est possible.

Quid de l’origine de l’électricité.

La France, par exemple, est principalement nucléaire. Si son électricité est assez faible en carbone, il en est tout autrement pour son voisin allemand, dont les centrales à charbon tournent à plein régime. Il y a quelques années, Facebook avait été durement critiqué, car l’installation de l’un de ses plus gros data center était proche d’une centrale à charbon au États-Unis.

Les pays en voie de développement seront aussi pénalisés sur leur empreinte carbone, car, dans ces pays, le nucléaire est assez rare, et une transition vers le solaire ou l’éolien n’est que plus rarement envisagée ou possible.

Le deuxième défi se situe du côté des DSI.  L’enjeu de demain sera la maîtrise des coûts de l’IT

Le marché de l’hébergement est en plein essor. L’économie mondiale du cloud aujourd’hui se monte  à plusieurs milliards de dollars. Les données de Gartner montrent un marché mondial de l’infrastructure en tant que service (IaaS), avec un chiffre d’affaires 2018 de 32,4 milliards de dollars, soit une croissance de 31,3% par rapport aux 24,7 milliards de dollars de 2017. Parmi les cinq plus gros fournisseurs (soit 80% de la part de marché mondiale du cloud IaaS en 2018), se trouvent Amazon (47,8%), Microsoft (15,5%), Alibaba (7,7%), Google (4,0%) et IBM (1,8%).

En 2019, le marché du « platform as a service (PaaS) », a généré plus de 20 milliards de chiffre d’affaires. Ce chiffre devrait doubler d’ici 2022. Le marché continue de croître, avec plus de 360 fournisseurs et 550 services de plateformes de cloud computing dans 22 catégories.

Les dépenses informatiques à travers le monde devraient atteindre 3870 milliards de dollars en 2021, soit une augmentation de 3,7 % par rapport à 2019, selon Gartner. Pour l’an prochain, le secteur du logiciel augmentera de +7,2 %, tandis que les systèmes de data centers vont enregistrer + 5,2 %. Gartner confirme l’expansion des grands fournisseurs d’infrastructures, qui vont accélérer la construction de centres de données à l’échelle mondiale.

L’augmentation des dépenses IT est de ce fait très liée au développement du cloud. Les Américains sont loin devant le reste du monde, puisqu’ils représenteraient à eux seuls plus de la moitié des dépenses mondiales. Le Royaume-Uni et  la Chine suivent.

Les entreprises qui vont se détacher et réussir sont celles qui investiront le plus dans le cloud. L’investissement en IT, et surtout dans l’infrastructure n’est pas neutre. Pour autant, si les besoins en informatique des entreprises augmentent, elles ont moins d’argent à y consacrer. Pour rester dans une politique de maîtrise des coûts, elles vont devoir réduire les budgets alloués à d’autres domaines, comme changer les téléphones portables ou les imprimantes. Les DSI vont donc dépenser davantage dans des domaines qui vont accélérer leur activité numérique, comme l’IaaS ou des logiciels de gestion de la relation client, mais au détriment d’autres investissements .

Au final, la place des datacenters traduit à elle seule tous les paradoxes de l’économie numérique, entre un développement sous ecstasy et l’impossibilité environnementale. D’un point de vue géopolitique, on s’aperçoit que les pays en voie de développement ne sont pas du tout favorisés pour l’accès au numérique, que cela soit par l’implantation stratégique des data centers par les grands acteurs du numérique, mais aussi par la connexion à internet ou aux opérateurs télécom. Même si les dits acteurs s’implantent de plus en plus dans les régions à ce jour non couvertes, les travaux sur les aménagements des infrastructures réseaux restent longs, coûteux et difficiles. Les inégalités se creusent donc de plus en plus entre les pays développés et le reste du monde. La facture numérique existe. Ces sociétés ne font pas dans l’altruisme, il faut qu’il y ait un enjeu économique pour eux.

Même si plusieurs projets sont en cours pour résoudre ce problème d’accès à internet avec une latence plus basse et un coût mutualisé afin de le rendre accessible au plus grand nombre (le plus connu étant Starlink de Elon Musk),  le développement de l’économie numérique est non seulement loin de répondre à la prospérité de tous, mais crée aussi un impact écologique peut-être irréversible.

La viabilité des datacenters pourrait être remise en question. Le modèle économique reste à repenser, peut être, pour un monde plus juste, plus égalitaire, et peut être plus vivable.

Robert CODRON-CTO Auchan International Technology

Ngoc-Thao NOET M2-IESCI UA

20 février 2021

[1] Le paradoxe de Solow  (1987) : « On voit des ordinateurs partout, sauf dans les statistiques de productivité »

[2] source : https://www.economie.gouv.fr/facileco/nouvelle-economie# et https://blog.lengow.com/fr/ecommerce-monde-2019.

[3] DSI : Direction des Systèmes d’Information

[4] Nouvel or noir : la data comme « carburant » de l’économie numérique

[5] TTFB : temps pour le premier octet. C’est le temps que le navigateur doit attendre avant de recevoir son premier octet de données du serveur. Plus il faut du temps pour obtenir ces données, plus il faut du temps pour afficher votre page.

[6] Un middleware est une interface qui permet la mise en relation de plusieurs applications hétérogènes. C’est une sorte de passerelle pour faciliter l’échange de données entre deux systèmes distincts.

[7] Un frontal désigne une interface de communication entre plusieurs applications hétérogènes, une sorte de point d’entrée uniformisé pour des services différents.

[8] BRI : Road and Belt Initiative. Cette route de la soie numérique va permettre à la Chine d’établir et de sécuriser une connectivité continue, et développer des normes communes et la progression de sa politique en matière de nouvelles technologies.

Sources : 

(Les sites ont été consultés entre le 10 et 20 février 2020)

YouTube : 

-Un Data Centre, qu’est-ce que c’est ?   https://www.youtube.com/watch?v=1vEnHDEcswo

-Faut-il limiter le nombre des data centers ? – Vox Pop – ARTE :   https://www.youtube.com/watch?v=y923bPwAot0

-Datacenter : comprendre l’essentiel en 9 minutes : https://www.youtube.com/watch?v=rO6bXt7d2L8

 

Les Horizons : 

https://leshorizons.net/datacenter/

 

écoconso : du conseil à l’action

https://www.ecoconso.be/fr/content/diminuer-limpact-du-numerique-sur-le-climat

 

Think Tank : The Shift Project

Lean ICT – Les impacts environnementaux du Numérique

 

Le Monde : 

Impacts environnementaux du numérique : de quoi parle-t-on ?

 

France DataCenter :

Lexique Datacenter

 

Ministère de l’économie, des finances et de la relance :

https://www.economie.gouv.fr/facileco/nouvelle-economie#

 

Ministère de l’économie et des finances

https://minefi.hosting.augure.com/Augure_Minefi/r/ContenuEnLigne/Download?id=175AEC89-F63E-4731-BDE6-58EC566929AB&filename=1045%20-%20Discours%20Bruno%20LE%20MAIRE%20-%20Inauguration%20Datacenter%20Equinix.pdf

 

Data center magazine :

Jaguar Network lance la construction d’un troisième datacenter à Lyon

Xerfi :

https://www.xerfi.com/etudes/20SAE39.pdf?103536

Kinsta :

Part de Marché du Cloud – un Regard sur L’écosystème du Cloud en 2021

Le siècle digital :
https://siecledigital.fr/2020/03/26/le-trafic-internet-mondial-en-hausse-de-70-en-raison-du-confinement/

Gartner :
https://www.gartner.com/en/newsroom/press-releases/2019-07-29-gartner-says-worldwide-iaas-public-cloud-services-market-grew-31point3-percent-in-2018

Zdnet :

https://www.zdnet.fr/actualites/chiffres-cles-les-depenses-it-dans-le-monde-39790261.htm

Le Mag IT :

https://www.lemagit.fr/actualites/252467561/Cloud-IaaS-les-entreprises-preferent-les-geants-AWS-Azure-et-Google

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Entre réchauffement climatique et nouvelles routes polaires : vers quelle géostratégie mondiale nous tourner ? https://master-iesc-angers.com/entre-rechauffement-climatique-et-nouvelles-routes-polaires-vers-quelle-geostrategie-mondiale-nous-tourner/ Mon, 04 May 2020 13:21:14 +0000 https://master-iesc-angers.com/?p=3201 Depuis plusieurs années maintenant, nous avons connaissance du réchauffement climatique engendré par l’activité humaine, qui se traduit par la fonte des glaces, notamment en Arctique. A cet endroit du monde, le réchauffement climatique se fait deux fois plus rapidement que… Continuer la lecture

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Depuis plusieurs années maintenant, nous avons connaissance du réchauffement climatique engendré par l’activité humaine, qui se traduit par la fonte des glaces, notamment en Arctique. A cet endroit du monde, le réchauffement climatique se fait deux fois plus rapidement que partout ailleurs sur la planète : ces 25 dernières années, la surface de l’arctique a diminué de 40%. La banquise se réduisant progressivement, cela permet l’exploitation économique de ce territoire. Catastrophe écologique pour certains et opportunité pour d’autres avec les fonds marins riches en biodiversité et l’ouverture de nouvelles routes maritimes plus rentables pour certaines entreprises. Situation gagnante pour certains pays comme le Nord de l’Europe et l’Asie, ces nouvelles routes vont entraîner des pertes pour les régions proches du Tropique du Cancer, comme celles se trouvant proche du Canal de Suez. Ces nouvelles routes polaires (NRP) sont au nombre de trois : tout d’abord, on retrouve le passage du Nord – Est, qui longe la Russie entre le détroit de Béring jusqu’en Europe, route qui est aujourd’hui déjà accessible à certaines périodes. Ensuite, il y a le passage du Nord – Ouest qui passe près des côtes canadiennes entre le détroit de Béring et le Groenland. Enfin, si le réchauffement climatique continu sur cette voie, on risque de voir s’ouvrir la route transpolaire, passant par le pôle Nord, qui rallie également le détroit de Béring au Nord de l’Europe.

Les nouvelles routes polaires : des territoires riches à divers niveaux

L’ouverture des nouvelles routes polaires va entraîner une modification du paysage commercial : déjà fréquenté l’été par certains navires précédés d’un brise – glace, l’utilisation des NRP pourrai avoir lieu en toute saison d’ici quelques années s’il n’y a pas de politiques efficaces pour lutter contre le réchauffement climatique.

Celles – ci permettront de réduire la distance que les navires peuvent parcourir face aux routes dites « traditionnelles » selon le port de départ et celui d’arrivée : en effet, si on prend la route entre Le Havre et Dakar, elle restera inchangée et passera toujours par le Canal de Suez ; or entre Alger et Tokyo, l’utilisation de la route Nord – Est ou Transpolaire sera plus courte que la route actuelle d’environ 1 000 km. Pour les bateaux qui doivent relier l’Asie et l’Europe, qui passent aujourd’hui par le canal de Panama, ces NRP vont réduire la distance de près de 6 000 km. De manière plus générale, c’est ce que met en évidence le tableau ci – contre : dans l’échantillon de 99 pays ici pris en compte, on peut voir que la part des trajets commerciaux affectée par l’ouverture des NRP serait de l’ordre de 1,8% et 2,8%, avec une distance réduite en moyenne de 12,4% à 16,5%.  Certes comme ces chiffres l’indiquent, seule une faible part des trajets commerciaux sont touchés mais ceux qui le sont ont, de prime abord, une réduction de coûts notamment avec la baisse du temps de transports et la baisse de la consommation de pétrole. Ces pourcentages varient en fonction de la nouvelle route utilisée : le passage Nord – Est longeant la Russie et celui Nord – Ouest le Canada pourront être ouverts tout au long de l’année d’ici 2050, en prenant en compte les conditions climatiques actuelles. En ce qui concerne la route Transpolaire, celle – ci ouvrira plus tardivement vu qu’elle passe au plus près du pôle Nord.

Les effets sur le commerce de l’ouverture des NRP peuvent être anticipés en évaluant les effets de réallocation de commerce : s’il devient moins coûteux et plus rapide de faire passer les marchandises entre l’Asie et l’Europe du Nord en passant par la route Nord – Est, alors certains marchands vont choisir de réallouer leur activités vers les zones portuaires du Nord de l’Europe, comme Rotterdam. Les ports situés dans le Nord vont donc gagner en accessibilité : selon l’analyse du CEPII de 2018, le Japon, la Chine, La Corée du Sud ou encore le Royaume – Uni, la Norvège et l’Allemagne pourront voir augmenter leurs exportations entre 0,04% et 1,11%, en prenant en compte la route empruntée et l’élasticité du commerce.

En plus de ces nouvelles routes maritimes, le territoire polaire est source de richesses. On y retrouve notamment du pétrole et du gaz, ressources naturelles qui restent encore aujourd’hui difficiles à évaluer. Selon les estimations d’IFP Energies Nouvelles, ce territoire posséderait entre 13% et 30% des réserves mondiales.

Il ne faut pas oublier que l’ensemble de ces avantages sont à mettre en parallèle avec le coût d’exploitation de ces nouvelles routes. Les investissements, les équipements pour naviguer dans ce territoire, le coût des assurances, le droit de passage, … sont autant d’éléments coûteux à prendre en compte dans les calculs pour les entreprises. Ces avantages sont encore aujourd’hui incertains.

Un territoire fragile source de conflits naissants

Même si les impacts peuvent être positifs pour certains, les pays proches du Tropique du Cancer comme c’est le cas pour les Caraïbes, l’océan Indien ou la Méditerranée vont être désavantagés. Ces régions bénéficient du commerce de par leur proximité avec les marchés européens et américains or si prochainement le commerce passe par les routes polaires, l’avantage de ses zones sera amoindri. Selon une étude réalisée par le CEPII en 2018, la Jamaïque serait le pays qui souffrira le plus avec une baisse de son commerce de 0,02% à 0,21%. Malgré tout, ces NRP auront un faible impact sur le commerce mondial, notamment au regard des dommages environnementaux que cela implique. Aussi, le coût de navigation sera plus élevé que par les voies traditionnelles : même avec la fonte des glaces, les icebergs seront toujours fréquents en Arctique ; le ravitaillement ou le sauvetage des navires en périls seront plus coûteux vu que la zone est plus difficile d’accès.

De plus, encore aujourd’hui, l’Arctique n’est protégé par aucun traité international, entrainant des tensions géopolitiques. C’est ce que développe Pierre Michel, conseiller scientifique à l’ambassade de France à Washington, qui explique que “Ça crée aussi des contentieux puisqu’aujourd’hui le Canada revendique la souveraineté sur toutes les îles au nord du Canada, mais cette revendication du Canada est remise en cause par les Américains qui veulent que justement ça devienne une route commerciale ouverte à tous. Donc tout ça n’est pas du tout réglé à ce jour. Ce qui se passe en Arctique a des influence sur le monde entier, donc je ne pense pas qu’on va en arriver à une zone de non-droit où tout et n’importe quoi se passera.” Or le Canada n’est pas le seul à avoir des vues sur cette région du globe.

La Russie commence à déployer ses militaires, environ 6 000 hommes, dans son cercle Arctique pour protéger ces nouvelles ressources. Dans cette optique, la Russie a débuté la construction de brises – glace nucléaires, pour favoriser le commerce par la route Nord – Est et ce le plus tôt possible et peu importe la saison. Aussi, le pays lorgne sur les eaux proches de ses côtes. Comme on peut le remarquer dans la carte ci – contre, la Russie, comme tout autre pays, est en droit de revendiquer sa souveraineté, en vertu de la Convention de l’ONU, sur ce que l’on appelle les zones économiques exclusives et les eaux territoriales. Or ce n’est pas le seul pays à vouloir prendre dès aujourd’hui des mesures concernant ces nouvelles zones. Les Etats – Unis sous la présidence de Barack Obama, se sont positionné sur la protection de cette zone, à l’inverse de la Russie. L’ancien président a décrété l’interdiction permanente de forages dans les régions polaires sous souveraineté américaine comme c’est le cas de l’Alaska, de la mer de Beaufort ou des Tchoukes.

De plus, l’exploitation des ressources naturelles posent de véritables problèmes écologiques. Selon les chercheurs de l’université de Laval au Québec, « la question de l’extraction en Arctique soulève le risque de marées noires, dans un environnement dont la vulnérabilité face à un déversement de ce type est élevé ». Dans ce sens, le Conseil de l’Arctique pointe du doigt le fait qu’aucun pays n’est capable, avec ses moyens actuels, de réagir efficacement et rapidement en cas de marée noire dans cette zone.

 

Pour conclure, et au travers de ce que cet article a pu mettre en évidence, ces nouvelles routes polaires, même si elles sont sources d’avantages pour certaines régions et certaines entreprises, n’augmenteront que de peu le commerce mondial : entre 0,04% et 0,32%, au profit des zones telles que le nord de l’Europe et de l’Asie, et au dépit de la zone proche du tropique du Cancer. De plus, l’utilisation des ressources locales comme le gaz ou le pétrole accentuera encore plus le réchauffement climatique. A noter également que ces eaux et les ressources naturelles présentes en ces lieux sont sources de conflits entre certains Etats comme la Russie, le Canada et encore les Etats – Unis qui vont chercher à revendiquer leur souveraineté sur les eaux territoriales et sur les zones économiques exclusives. Même si l’exploitation économique de cette zone engendre des bénéfices, ils resteront minimes face à la perte et à la destruction massive de l’environnement et de l’écosystème de l’Arctique. Une exploitation économique oui, mais à quel prix environnemental.

Par Clarisse Bouet, promotion 2019-2020 du M2 IESCI

Sources

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Réveil d’un long sommeil : réponse de l’écologie à l’économie https://master-iesc-angers.com/reveil-dun-long-sommeil-reponse-de-lecologie-a-leconomie/ Mon, 09 Mar 2020 13:06:36 +0000 https://master-iesc-angers.com/?p=3149 Nous ne devrions jamais oublier, comme le disait l’éminente politicologue et philosophe Hannah Arendt dans son oeuvre La condition de l’homme moderne, que « le pouvoir jaillit parmi les hommes quand ils agissent ensemble ». Imaginez qu’un matin au réveil, en ouvrant vos… Continuer la lecture

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Nous ne devrions jamais oublier, comme le disait l’éminente politicologue et philosophe Hannah Arendt dans son oeuvre La condition de l’homme moderne, que « le pouvoir jaillit parmi les hommes quand ils agissent ensemble ».

Imaginez qu’un matin au réveil, en ouvrant vos volets à une heure habituellement chaotique, vous soyez particulièrement frappé par l’éloquent silence qui règne dans l’avenue bordant votre immeuble. Curieux n’est-ce pas ? A la place de l’incessant balais de voitures et autres engins à moteur, c’est bien le chant limpide de dizaines d’oiseaux que vous percevez. Imaginez que, même après vous être frotté plusieurs fois les yeux pour tenter de le croire, vous constatiez que le bitume a laisse place à une pelouse verdoyante dispersée entre de petits chemins de petit sable et de pierre. Imaginez que les files de voitures ont laissé place à une joyeuse comédie humaine ou piétons et cyclistes vivent en règne.

Légitimement, vous vous demandez ce qu’il s’est donc passé durant cette nuit, si vous ne faites pas l’objet d’une quelconque folie. C’est pourtant bien ce qu’il m’est arrivé, ce que je vais vous conter.

Désorientée par le paysage et la vie qui s’imposaient à moi, je décidais de descendre pour assister à ce spectacle de plus près.  Une curiosité intensément vivifiante s’emparait ainsi de mon être tout entier allant jusqu’à faire crier mon ventre de famine, me rappelant la fragilité de notre condition humaine, tenue par d’innombrables et d’insatiables besoins. Je descendais alors les marches de l’immeuble et ouvrais la porte. C’est ainsi un autre monde que j’observais complètement perdue, désorientée, médusée, émerveillée.

Tout était transformé, d’un autre temps et ma conscience peinait à assimiler ce flot de nouveautés. Mes sens étaient décuplés. J’entendais le chant des oiseaux avec toute l’intensité que le calme environnant autorisait, je sentais l’odeur de l’herbe fraîchement coupée, des magnifiques fleurs qui bordaient les allées, dont les effluves n’étaient nullement entachées par l’odeur des fumées des moteurs. J’observais avec davantage de lumière et de couleurs ce paysage de toute beauté qui n’était plus que végétation et minéralité. C’est alors que, cherchant le supermarché qui dominait l’angle de la rue mais qui visiblement avait été remplacé par un commerce à l’aspect particulier, je m’apercevais qu’un jardin était cultivé juste à côté. Une abondance de légumes d’une variété et d’une beauté indescriptible. De magnifiques salades aux feuilles évasées et aux cœurs généreux, des tomates d’une incroyable diversité, certaines charnues d’autres plus petites et fermes. L’odeur prononcée de leurs feuilles me parvenait et j’imaginais alors leurs délicieuses saveurs. Il y avait également des concombres et je percevais au loin du persil, de la coriandre et enfin un grand champ de pommes de terre. A côté se trouvait aussi d’énormes potimarrons qui me rappelaient les délicieux veloutés hivernaux de maman que nous dégustions dans une silencieuse délectation. C’était un paradis de légumes, une oeuvre d’art végétale dans laquelle la vivacité des couleurs et des formes contrastait avec le calme ambiant. Enfin, alors que je tournais le regard sur ma droite, je constatais la présence d’un magnifique pommier chargé de ses plus beaux attributs.

Ne pouvant résister, je me mettais sur la pointe des pieds et parvenais à saisir l’une d’entre elle. Je la croquais ainsi à pleines dents et c’est un voyage dans le temps que je faisais ainsi en cet instant. Cette pomme, d’un parfum qui n’avait d’égal nul autre pareil, me ramenait à mon enfance dans le verger de mon grand-père dans lequel les fruits avaient un goût de soleil et de nature. Je m’employais à ne pas laisser échapper le jus qui s’en extrayait, c’était un si doux mélange d’acidité et de sucré, d’un croquant et d’une fraîcheur qui me transportait. Je la dégustais avec une frénésie telle que durant ce moment rien d’autre ne comptait, je ne percevais plus rien d’autre du monde, j’étais comme figée, transportée, habitée.

Un picotis douloureux parvenant de mon pied me réveillait alors de ce voyage gustatif, et lorsque que je baissais les yeux pour voir ce qui venait de me piquer, je remarquais une poule à l’oeil vif et impatient. « Elle aime les pommes elle aussi ! Enfin surtout les pelures » me lance une dame que je n’avais jusqu’alors pas aperçu. Elle était assise sur un petit tabouret de bois et s’employait visiblement à la réparation d’un vélo. « Tu sembles perdue petite, ça va ? ». « Oui ! » M’empressais-je répondre. « Tout va bien, je suis juste si désorientée ». Sans me répondre davantage elle me prenait la main et m’entraînait avec elle. Je ne sais ce qu’il s’était passé cette nuit-là, mais mon incompréhension s’effaçait laissant place à une curiosité grandissante, brûlante, de découvrir tout ce que ce nouveau monde comprenait.

« Ici il s’agit de tous nos commerces du quartier d’Angevina. Nous avons le Repair café dont je m’occupe qui répare tout ce qui peut l’être ici, nos deux épiceries, notre maison de santé, notre boulangerie, et enfin là-bas nos animaux.

Tu trouveras également chez Babette de quoi te divertir et t’instruire avec ces nombreux livres. Aussi, au bout de la rue tu rencontreras la fine équipe d’Alban, Robin, Michel, Anne et Lucile, de vrais artistes ceux-là !  Mais avant va donc prendre quelque chose à boire petite, tu as tant à découvrir ici » me dit-elle d’un regard qui semblait comprendre exactement mes interrogations.

Alors que je me dirigeais vers la boulangerie, j’apercevais juste derrière un moulin. Je n’en croyais pas mes yeux. J’avançais alors rapidement et contournais la bâtisse dont l’aspect, bien que curieux, n’en était pour autant pas moins agréable. Je ne sais de quoi étaient faits ses murs et son toit mais ce n’était certainement pas de béton. Derrière, il y a avait donc un magnifique moulin qui fonctionnait avec ses murs de pierres et ses eaux. Je rencontrais Martin et Jacques et tout en dégustant un délicieux petit pain de farine d’épeautre et un délicieux café de racines de pissenlit torréfiées, ces derniers me faisait une visite en expliquant fièrement leurs techniques traditionnelles de travail, leurs cultures de céréales issues de semences ancestrales locales précieusement gardées durant des générations. « Nous sommes fiers de participer à notre autonomie et à notre survie. Après tant d’années de chaos et de reconstruction, nous pouvons admettre que nous avons réussi » dit Martin d’un air songeur. Je le regardais alors interdite et me disais en mon fort intérieur que j’avais dû sommeiller durant une période qui dépassait l’entendement, sommeil qui m’avait visiblement préservé de dures années de difficulté. Je me demandais vraiment ce qu’il s’était passé, combien de temps cela avait-il duré, à quoi ressemblait les alentours. Je voulais comprendre. Ce que je ne savais pas encore c’est que ce que j’apprendrai par la suite dépassait tout ce que j’aurais pu imaginer.

Je continuais mon périple à travers ce quartier dont il me restait tout à comprendre et à découvrir. Je m’avançais en direction de l’une des épiceries lorsque sur ma droite j’apercevais un groupe de 5 enfants qui, chargés de caisse de bois remplis de fruits et légumes s’apprêtaient à entrer dans l’épicerie. « Tu ne comprends rien Maxime ! Madame Petavie nous l’a déjà expliqué une montagne de fois ! Tu dois toujours aligner un oeillet de dinde entre chaque pied de tomate pour les protéger des maladies et ravageurs. Il est aussi nécessaire de mettre des capucines, les fleurs adorées des pucerons. Aussi, à la fin d’une culture nous devons toujours tapisser le sol des feuilles des arbres ainsi que du fumier des poules pour nourrir la terre ! Tu le sais bien pourtant ». J’étais médusée par l’attitude générale de ces enfants qui semblaient dotés d’une maturité, d’une intelligence collective et d’une connaissance de la nature que je n’avais jusqu’alors jamais observé. Ou étaient donc passés ces enfants derrière leurs tablettes et autres appareils électroniques se refusant, pour la plupart, à manger un quelconque légume ?

C’est alors que l’un d’entre eux, sans m’adresser aucune parole me prenait la main et m’emmenait derrière l’épicerie. Ici s’étendaient de magnifiques champs de céréales et d’arbres. A côté il y avait un grand parc dans lequel plein d’animaux cohabitaient, des chèvres, des poules, des vaches. Je reconnaissais alors les cultures de blé, d’avoine, de sarrasin et d’épeautre. Il y avait également de magnifiques chênes, quelques peupliers, des tilleuls et au loin on pouvait apercevoir de nombreux mélèzes. La végétation y était foisonnante et cela me laissait sans voix. Je commençais à comprendre que ce que l’on souhaitait me montrer : une totale symbiose avec la nature et une totale autonomie alimentaire. Ici l’alimentation était le résultat d’un travail collectif et organisé par des êtres humains aux besoins simples et dont l’attitude transpirait la résilience.

J’apprenais ainsi que la majorité des fruits et légumes étaient cultivés au printemps et en été, qu’il s’ensuivait une période de récolte et de conservation en tout genre : les légumes secs et frais étaient mis en bocaux et conservés via des techniques naturelles telles que la lactofermentation. Les céréales étaient, quant à eux, moulus et conservés dans de grands bacs faisant également l’objet d’une transformation locale. Les fruits étaient mangés frais, conservés dans des caves ou transformés en compotes et confitures.  Enfin, ils disposaient même d’une culture de fruits secs, en particulier de noyers et de noisetiers qu’ils transformaient en huile, poudre et autres mets délicieux. Ici l’alimentation était simple puisque locale et autogérée. Les animaux qui y vivaient étaient pour la plupart rescapés d’anciens élevages, incapables de vivre seuls et étaient traités avec toute le respect qu’un être vivant méritait.

Ils disposaient d’un jardin sous serre également avec laquelle ils tentaient une production hivernale de fruits et légumes mais aussi de produits exotiques dont ils tentaient une culture expérimentale à partir de semences du monde d’avant, le cacao en faisait partie. Tout était organisé selon les bases de la permaculture avec la création d’un réel écosystème dans lequel végétations, insectes et animaux étaient tous traités avec une infinie attention, à la hauteur de leur indispensable contribution. L’eau était utilisée avec parcimonie et réutilisée le plus possible ; mais avec leur système de captage des eaux de pluie et une bonne préservation des sols cela n’était plus vraiment un problème. Ici le sol, l’être le plus vivant de notre planète, était riche et remplissait ses fonctions à la perfection. Il nourrissait, hydratait, soignait et habillait.

Carla, une jeune fille enthousiasmante âgée de douze ans me lançait soudainement « nous avons notre serre du monde éloigné ! Oui tu sais ces lointains pays exotiques qu’autrefois vous exploitiez. Et bien moi je vais bientôt goûter le cacao ! Mes parents m’ont expliqué qu’avant vous mangiez cela en quantité, que de grands bateaux et de gros avions vous l’apportaient quotidiennement mais que cela était mal et avait provoqué une catastrophe de notre Terre. Je n’ai pas connu cela mais je trouve l’ancien monde bizarre. Je veux dire je ne comprends pas pourquoi vous aviez cette certitude que tout pouvait se posséder et de façon illimitée ! La nature est si précieuse et si extraordinaire, nos forêts, nos océans et nos sols nous apportent tant. Il faut aussi beaucoup de travail et de temps pour réussir à se nourrir convenablement, cela ne peut être le fruit d’un caprice ou d’un pillage ! Papa et maman m’ont expliqué le système d’avant, la croissance et tout ça mais je ne comprendrai jamais je crois. A mon avis, nous autres êtres humains ne sommes qu’une pièce d’un immense puzzle, tous indispensables et interdépendants. Notre force nous la puisons dans notre intelligence collective et dans notre symbiose avec tous les éléments de notre écosystème.  Vivre, selon moi, consiste donc en l’apprentissage et la compréhension de qui je suis et de l’endroit où je vis, du fonctionnement de notre vaisseau Terre et de la vie qui y règne, mais aussi de ma capacité de subvenir à mes besoins sans éprouver une quelconque dépendance. Vivre c’est aussi s’amuser, créer, partager, collaborer avec les autres. Je ne vois d’autres sens à la vie, tu ne penses pas toi ? Mais pourquoi pleures-tu ? » Me questionne-t-elle alors.

J’étais submergée par le naturel avec lequel cet enfant m’expliquait ce qui me paraissait essentiel dans nos sociétés d’antan, ce que j’avais réalisé, ce que je voulais tenter de créer mais sans véritables possibilités. Elle incarnait des heures d’explorations d’autres possibles, des questionnements en tout genre, une tristesse grandissante face à l’incompatibilité entre mes ambitions et le monde qui m’entourait. Tous ces rêves étaient devenus réalité.

Une autonomie alimentaire, une société basée sur la coopération et l’entraide ou l’argent n’existait tout bonnement plus, dans laquelle les enfants apprenaient tant les mathématiques qu’à devenir empathiques, tant la philosophie et la littérature que la couture et la permaculture. Un monde dans lequel chacun avait vraiment sa place, dans lequel tout le monde développait ses qualités personnelles et interpersonnelles, ou chacun se levait chaque matin avec une soif de vivre et de contribuer à la communauté, en somme où tout le monde faisait ce qui vraiment l’animait. Un monde dans lequel tout le monde était pleinement ancré dans le réel, vivant, un monde sans virtualité, sans volonté d’échapper à la réalité.

Cet émerveillement n’était rien en comparaison avec toutes les découvertes qui m’attendaient encore, faisant à la fois l’objet d’une créativité et d’une simplicité déconcertante. Ici tout avait du sens, de l’utilité, de l’humanité, de la profondeur, de la chaleur et une forme de candeur. Par la suite je découvrais le Repair café où l’on réparait tout ce que l’on trouvait, mais également où l’on dispensait des ateliers de créations, allant du mobilier aux ustensiles en tout genre.

J’apprenais également que le quartier était complètement autonome en énergie, qu’il disposait d’éoliennes fabriquées à partir de matériel abandonné mais aussi de panneaux solaires, de biomasse et de bois qu’ils s’employaient à replanter en grande quantité. Je découvrais par ricochet que les maisons étaient toutes construites en des matériaux écologiques, parfois de bois, de paille, de terre cuite. L’isolation était faite de laine de chanvre ou de la laine des moutons laissés en pâturage. Les sols étaient faits de liège et les murs principalement de bois.

Tous les immeubles avaient laissé place à de petites maisons toutes quasiment similaires et transcrivant cette même idée de simplicité et de respect écologique et sociale. Le confort y était tout autant suffisant que résilient. On se lavait avec l’eau de pluie chauffée grâce à l’énergie solaire et il n’y avait que des toilettes sèches. En hiver, on cuisinait beaucoup grâce au feu de bois, les plats étaient conservés en extérieur faisant office de réfrigérateur naturel. On développait les moindres petites astuces permettant de recourir le moins possible à l’usage de l’électricité produite par les sources d’énergies renouvelables.

L’habitat n’était envisagé ici que comme l’outil de repos et d’intimité nécessaire lorsque la fin de journée pointait le bout de son nez. Le reste du temps, les personnes étaient occupées à contribuer à leur communauté par l’exercice de leurs diverses missions. Le partage était une valeur naturelle et nombreux étaient les ateliers et espace communs.

Concernant l’apprentissage, les enfants suivaient une éducation riche comme décrite précédemment, dans laquelle on mélangeait connaissances et savoir-faire. Ainsi tout le monde suivait, au-delà des matières classiques, un apprentissage du fonctionnement de notre Terre et de ses ressources. Il y avait également de nombreuses pratiques : la pratique du jardin, de l’élevage raisonné des animaux, de la couture car ici on apprenait aussi à s’habiller et se chausser. On apprenait également les bases de la médecine naturelle pour se soigner des petits maux par les plantes et on apprenait à écouter son corps, à méditer, à communiquer. Le sport était une culture, on cultivait l’idée d’un esprit sain dans un corps sain. Enfin, on apprenait comment fonctionnait les outils permettant de bénéficier de l’eau et de l’électricité. Très tôt tout le monde connaissait la valeur de ce confort, ce qu’il en coûtait pour en bénéficier et en faisait ainsi un usage d’une infinie sobriété.

Je rencontrais finalement le groupe que m’avait évoqué la dame qui réparait le vélo, des savants fous, d’une inventivité hors paire qui faisait tout un tas d’objets, de mobiliers à partir de tissus, plastiques, bois, et tout autres matériaux retrouvés. Ils fabriquaient également des vêtements, sacs, objets de décoration tout aussi utiles que déroutants. Ici tout fonctionnait également sur la base de la créativité mais aussi de l’échange et du partage. Les habitants se prêtaient ce qu’ils n’utilisaient qu’occasionnellement, s’échangeaient des choses dans une dynamique d’usages croisés. Le matérialisme et l’individualisme, encouragés par le capitalisme du monde que je connaissais ne semblaient jamais avoir existé. Ici tout n’était que résilience, sobriété, apprentissage et partage. On ne disposait que de ce dont on avait réellement besoin, on se donnait les moyens de vivre par nous-mêmes et on redécouvrait l’humain dans toute sa splendeur. « Ce soir c’est le dîner du quartier d’ailleurs ! On participe tous et ensuite on se diverti devant une pièce de théâtre organisée par le club des lecteurs. Tu vas voir à quel point on s’amuse ! » S’exclamait Lucile d’une vivacité tant communicative qu’enchanteresse.

Enfin, j’apprenais que dans ce quartier il n’y avait nullement de règles, que chacun savait naturellement ce qu’il avait à faire, n’hésitait pas à manifester le besoin d’aide, à exprimer une détresse ou une joie. Ici on favorisait l’informel, la créativité et la complémentarité. Il n’y avait de règles qu’en ce qui s’apparentait aux conflits que l’on résolvait par un mécanisme d’écoute et de médiation. En matière de prise de décision, il existait un système de démocratie participative et en cas de difficulté, les opposants devaient proposer des alternatives.

Mais comment cela était-il possible ? Qu’avait donc subit le monde pour qu’il fasse l’objet d’un tel changement ? Et alors que je laissais libre court au flot de questionnements qui m’assaillait, j’apercevais une maison qui n’était pas comme les autres. Elle était plus petite, ressemblant davantage aux constructions que j’avais l’habitude de voir dans le monde d’avant. Elle n’avait pas d’étage, était de forme carrée et possédait un charmant petit perron. Alors que je m’arrêtais pour l’observer plus longuement, je voyais une vieille dame qui me regardait derrière l’une des fenêtres. J’étais alors prise d’une irrépressible curiosité qui me poussait à l’entrée de la porter de la maison. Sans même prendre la précaution de frapper à la porte je m’introduisais dedans. La vieille dame était assise et me regardait paisiblement, comme si elle m’attendait, comme si j’étais parfaitement au bon endroit au bon moment. Je m’assaillais en face d’elle et elle me saisissait la main. Je fermais instantanément les yeux et je voyais enfin. Je voyais le chaos qui avait régné, je voyais les tsunamis, les tremblements de terre, le fonte des glaces qui avaient fait disparaitre tant de pays. Je voyais les gens hurler, les gens mourir, de faim, de soif, de chaleur, d’intoxication, de désespoir. Je voyais des villes littéralement fondues par un soleil devenu tueur en série. Je voyais des villes abandonnées par l’humanité qui n’étaient plus que méthane et toxicité. J’avais la nausée, la tête me tournait, je ne pouvais soutenir le regard devant tant d’atrocités. Je voulais crier, m’enfuir mais j’étais prisonnière.

Bip bip bip : le réveil sonne, il est 7h15. Je suis en sueur. J’entends le ronronnement des voitures, les klaxons. J’ouvre les volets, c’est bruyant, ça sent mauvais, la vision du ciel est entrecoupée de ces mêmes immeubles laids. Je perçois déjà les ondes négatives d’un monde stressé. Tout cela n’était bien qu’un rêve et pourtant, il semblerait que cette fiction ne soit pas si fictive.

C’est ainsi  au nom de notre humanité qu’il est nécessaire d’expliquer à quel point nous somme liés à la nature dans sa diversité. Dans une société qui nous a fait oublier l’essentiel, nous faisons croire que béton et technologies sont nos seules chances de survie, que la croissance et le progrès sont intimement liés, que l’homme et la nature sont opposés.

Ce récit est une invitation à une après-midi de randonnée troquée contre une journée  shopping un samedi ensoleillé. Une invitation à l’émerveillement de la naissance d’un fruit ou d’un légume que l’on a soi-même planté. Une invitation à la pureté du silence d’un réveil au milieu d’une nature indomptée. Une invitation à la pureté et à la force des éléments, à une randonnée glaciaire, à une nage dans l’océan, à une course dans le vent. En somme, une invitation à retrouver notre modeste place d’homme face à cette biodiversité.

C’est au nom de cet amour profond et indescriptible que je ressens pour la nature que j’ai écris cet article. C’est une ode à l’envahissement de tout mes sens, à un sentiment de plénitude inégalé, à l’odeur de l’herbe fraichement coupée, de la terre récemment retournée, de la pluie tout juste tombée, d’une végétation de toute beauté, au subtile toucher d’une neige immaculée, un émerveillement sans limites qui fascine et inspire mon être tout entier.

Nous devons nous saisir de cette crise pour développer notre conscience à la fois de nous-mêmes et de l’environnement dans lequel nous évoluons. Il est essentiel que nous développions notre sagesse et comment ? En explorant, en étant curieux de tout et en renonçant à l’ignorance. C’est en comprenant le fonctionnement de notre Terre que nous comprenons la fragilité de nos existences et la nécessité de développer des modes de vie plus en adéquation avec nous-mêmes.

Nous devons réinventer nos sociétés dans tous ces aspects, utiliser ce magnifique réveil écologique pour repenser complètement le système tout entier. Repenser à l’échange de savoir-faire, au troc, au partage, au développement du local comme économie viable, humaine et écologique. C’est notamment ce que Serge Latouche résume dans son livre La voie de la décroissance. Vers une société d’abondance frugale lorsqu’il évoque les diverses formes d’actions à implanter au coeur de notre monde : « réévaluer, reconceptualiser, restructurer, relocaliser, redistribuer, réduire, réutiliser, recycler » ; il ne tient qu’à nous de nous en emparer.

Enfin, nous devons réapprendre à devenir maîtres de nos vies pleinement, être acteur de notre alimentation, de notre production d’énergie, de notre démocratie, de notre santé, de notre éducation. Mais avant cela il faut réaliser notre modeste condition. Pourquoi l’acquisition de compétences informatiques est devenue plus normale, utile, valorisant que de savoir planter un plant de tomates ?

Rachel Carson disait «  Mais l’homme est une partie de la nature, et son combat contre cette nature est inévitablement un combat contre lui-même ». Cela semble prendre tout son sens dans notre monde actuel.

Aussi, je souhaiterais m’adresser à toutes ces personnes qui penseraient cela utopique, ou qui tout simplement penseraient ne pas avoir le temps, le luxe ou l’appétence pour notre survie. Je souhaiterais que vous vous posiez 5minutes et que vous vous demandiez : quel sens a votre vie ? Aimez-vous ce que vous faites chaque jour ? Qu’est-ce qui est essentiel pour vous ? Etes-vous heureux ? Et si l’on vous disait qu’en réalité vous aviez tous les outils pour vous affranchir de tous les carcans que nous maintenons par notre docile obéissance ? Et si demain le boss humiliant et stressant n’existait plus, si les préoccupations financières disparaissaient, si vous aviez l’opportunité de faire ce qui vraiment vous animiez, sans nul souci matériel, sans nulle contrainte de temps, ne voudriez-vous pas le tenter ?

Imaginez que ce matin nous refusions tous d’aller travailler, que les messieurs du btp s’emploient à emprunter les machines pour dé-bitumer tous les quartiers, que les jardiniers occupés à dompter une nature qui doit être joliment présentée se mettent à jardiner, que quelques médecins fatigués viennent les aider, que les ingénieurs expriment leur créativité dans de magnifiques frugalités, que nous décidions ensemble d’être maîtres de nos vies, de créer une vraie démocratie, d’abolir le système financier, de réinventer l’humanité. Pourquoi cela est-il si utopique ? Parce que nous ne l’avons pas encore fait. Nous avons perdus le contrôle de ce que nous buvons, de ce que nous mangeons, des matières avec lesquelles nous nous habillons, parfumons, chouchoutons. Nous perdons toujours davantage notre sociabilité, notre capacité à s’écouter, notre possibilité de coopérer.

Enfin je terminerai par l’un des passages les plus éloquents du livre de Cyril Dion, un passage qui devrait à tous nous intimer l’ordre d’arrêter tout de suite toutes nos activités, de descendre dans la rue et de commencer à créer une nouvelle société.

« Imaginez que l’essentiel des activités humaines ne soit pas dédié à gagner de l’argent, augmenter le profit, doper la croissance, inverser la courbe du chômage, relancer la consommation des ménages, gagner des parts de marché, vendre, acheter, contenir la menace terroriste, préserver nos acquis, rembourser nos crédits, se plonger dans des monceaux de divertissements destinés à nous faire oublier le peu de sens que nous trouvons à nos existences et notre peur panique de mourir… mais à comprendre ce que nous fabriquons sur cette planète, à exprimer nos talents, à faire grandir nos capacités physiques et mentales, à coopérer pour résoudre les immenses problèmes que notre espèce a créés, à devenir meilleurs, individuellement et collectivement. Que nous passions la majeure partie de notre temps à faire ce que nous aimons, à être utiles aux autres, à marcher dans la nature, à faire l’amour, à vivre des relations passionnantes, à créer. Impossible, n’est-ce pas ? Utopiste. Bisounours. Simpliste. Et pourtant. Tout ce que je viens de décrire existe déjà en germe dans des écoles en France, dans des écoquartiers aux Pays-Bas, dans des écovillages en Ecosse (…). Imaginez, si l’ensemble de l’énergie productive et créative des personnes qui travaillent chaque jour sur la planète n’était pas concentrée à faire tourner la machine économique, mais à pratiquer des activités qui leur donnent une irrépressible envie de sauter du lit chaque matin, et que cette énergie soit mise au service de projets à forte utilité écologique et sociale… Il y a fort à parier que le monde changerait rapidement (…)”.

Par Alexia de Rechapt, promotion 2019-2020 du M2 IESCI

Sources :

Un million de révolutions tranquilles – Bénédicte Manier

Petit manuel de résistance contemporaine – Cyril Dion

 

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Présentation et analyse contextuelle de la théorie de Jeremy Rifkin https://master-iesc-angers.com/presentation-et-analyse-contextuelle-de-la-theorie-de-jeremy-rifkin/ Tue, 18 Feb 2020 15:29:22 +0000 https://master-iesc-angers.com/?p=3135 L’humanité a connu jusqu’à maintenant deux grandes révolutions industrielles, la première fût celle du charbon et de la machine à vapeur en 1765. Un an plus tard la seconde révolution industrielle eu lieu : 1870 marque le début de l’ère… Continuer la lecture

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L’humanité a connu jusqu’à maintenant deux grandes révolutions industrielles, la première fût celle du charbon et de la machine à vapeur en 1765. Un an plus tard la seconde révolution industrielle eu lieu : 1870 marque le début de l’ère du pétrole et du moteur à explosion. Aujourd’hui de nombreuses théories se bousculent pour savoir si le début d’internet et des NTIC a marqué le début d’une troisième révolution industrielle. Un auteur s’est d’ailleurs largement intéressé à la question : Jeremy Rifkin. Selon lui l’humanité ne serait pas encore passée dans la troisième révolution industrielle mais cela ne saurait tarder. En effet il y a deux éléments indispensables et caractérisant les révolutions industrielles.

Le premier élément dont il est question est une innovation dans les méthodes de communication. La première révolution eu la machine à vapeur et donc l’imprimerie, la seconde le moteur à explosion et donc l’automobile. Avec internet et les NTIC on peut clairement dire que l’on a atteint ce premier objectif de révolutionner nos méthodes de communication.

A contrario le second objectif que nous n’avons pas encore atteint, et qui constitue la seconde caractéristique d’une révolution industrielle, est un nouveau moyen de produire de l’énergie. En effet la production d’électricité par le biais du charbon, puis du pétrole, avait constitué un élément majeur dans les créations d’innovation inhérentes à ces révolutions.

C’est ici qui Jeremy Rifkin propose de changer notre méthode de production en passant aux énergies vertes, aux énergies renouvelables et c’est tout l’objet de sa théorie de « La Troisième Révolution Industrielle ».

Il s’agira donc de présenter et d’analyser quatre des cinq idées fondamentales de Jeremy Rifkin, les cinq piliers de la troisième révolution industrielle. Le cinquième pilier étant le passage à des transports uniquement électriques et donc découlant des quatre premiers piliers il ne sera pas traité. Le but est de faire un rappel de l’idéologie de Mr Rifkin tout en y apportant un premier regard critique. En effet ces cinq piliers qu’il décrit dans son livre La troisième révolution industrielle, œuvre parût en 2012, commencent à pouvoir se vérifier, 6 ans après. Il s’agira donc de faire une analyse non pas uniquement théorique mais aussi pratique au vu de l’évolution du monde depuis 2012.

1) Le choix de l’énergie verte

L’utilisation des énergies renouvelables comme principal moteur de la production d’énergie est le premier pilier que propose Jeremy Rifkin. Il propose notamment de fonder la production d’énergie mondiale sur cinq types d’énergies en particulier : le solaire, l’éolien, l’hydraulique, le géothermique et la biomasse. En effet, les énergies fossiles étant vouées à disparaître, il paraît plutôt logique de se tourner vers ce type d’énergie qui ne produit pas de déchets, contrairement à l’énergie nucléaire. De plus, et à l’aide de nombreuses études ayant été menées auparavant, Mr Rifkin développe l’idée selon laquelle les énergies renouvelables citées précédemment peuvent fournir assez d’électricité pour répondre aux besoins mondiaux voir plus et cela dans un avenir proche. Mais il y a un point sur lequel nous pouvons remettre en cause l’analyse de Mr Rifkin : se donne-t-on vraiment les moyens pour que les énergies vertes répondent à l’ensemble des besoins énergétique de l’humanité ?

Cette question fondamentale remet en cause l’ensemble du premier pilier de Jeremy Rifkin, il semble donc important d’y répondre. En premier lieu il serait intéressant de connaître à l’heure actuelle l’évolution du mix énergétique européen, six ans après la présentation de cette théorie. J’ai choisi de prendre l’exemple de l’Europe car c’était, selon l’auteur, la région la plus prometteuse en termes de développement de l’énergie verte. On peut déjà avoir un début de réponse, et ce grâce au graphique qui suit. En effet on observe bien une augmentation de la part des énergies renouvelables au sein de l’Union Européenne, mais un passage de 14,4 % à 17 % en 4 ans paraît tout de même assez limité pour que 30 % de notre énergie proviennent d’énergies vertes d’ici 2030.

On peut alors se poser la question de savoir pourquoi, en 4 ans, la part des énergies renouvelables n’a-t-elle pas plus augmentée ?

L’un des éléments de la réponse pourrait éventuellement venir de la réglementation européenne. Pour bien comprendre l’idée selon laquelle la réglementation européenne rend les énergies non renouvelables nécessaires à l’autonomie énergétique de l’Europe, il faut d’abord savoir que la production d’énergie éolienne et solaire (éléments phares de la théorie de Rifkin) a des coûts de production directs extrêmement élevés. La conséquence de cela est que ce type d’énergie se développe uniquement sous l’impulsion de subventions publiques. Or l’Europe est dans un système de marché de l’électricité ultra libéralisé, ces subventions sur le marché électrique font alors office d’exception ce qui induit un double problème : d’un côté le prix de l’électricité augmente, de par le fait que la plupart des subventions soient financées par une hausse de l’impôt sur l’électricité, et d’un autre coté les centrales de non-renouvelables sont toujours nécessaires, filet de sécurité indispensable au vu de l’intermittence de la production d’énergies renouvelable.

Finalement, et au vu de la situation européenne actuelle, on peut penser que produire de l’énergie par le biais de grandes centrales à énergie renouvelable telles que les grands parcs

Éoliens ou solaires ne pourra en aucun cas répondre à la demande énergétique actuelle, du moins aujourd’hui et dans un futur proche.

2) 190 millions de centrales électriques

Le deuxième pilier de Jeremy Rifkin est une suite assez logique du premier. En effet il s’agit ici de donner une autre fonction aux maisons et immeubles qui abritent les européens : les transformer en mini-centrale électrique. L’auteur soulève l’idée selon laquelle nous avons gardé les vieilles habitudes de tout centraliser comme nous le faisions avec les énergies fossiles, or « le soleil brille tous les jours sur toute la terre, même si son intensité varie. Le vent souffle dans le monde entier, même si sa fréquence est intermittente. Partout où nous posons les pieds, il y a sous la surface du sol un noyau géothermique extrêmement chaud. Nous produisons tous des ordures. ».

Ce deuxième pilier semble tout de suite plus réaliste à mon sens, et ce pour deux raisons majeures : la première est le fait que l’intérêt des populations des pays développés pour le réchauffement climatique ainsi que la production d’énergie propre ne fait qu’augmenter au fil du temps. La seconde raison est l’amélioration technique des équipements mit en vente pour que les particuliers puissent produire leur propre électricité et en baisse le coût.

Il paraît tout d’abord essentiel de préciser la corrélation qu’il y a selon moi entre intérêt des populations et production d’électricité au niveau individuel : au jour d’aujourd’hui si certains ménages produisent eux-mêmes leur électricité cela vient en grande partie de leur initiative et des aides potentielles que l’État peut leur apporter pour leur installation, et non d’une campagne publique promouvant l’autoproduction d’électricité. L’intérêt que porte la population pour les problématiques d’énergies renouvelables est donc au cœur du débat ici.

Or on remarque bien aujourd’hui l’intérêt grandissant des populations pour le réchauffement climatique. Pour le souligner on peut reprendre une enquête IFOP dont les résultats ont été publiés l’année dernière. Un point intéressant de cette étude est un tableau qui recense « les risques jugés les plus préoccupants » en France, on remarque alors qu’en 2002 seulement 20% de la population voyaient les risques liés aux changements climatiques comme les risques jugés les plus préoccupants contre 52% en 2017 (voir le tableau en annexe).

Cette opinion évolutive des populations a d’ailleurs bien des conséquences, notamment sur les politiques publiques elles-mêmes. En effet pareillement à l’opinion publique, l’intérêt des gouvernements pour le réchauffement climatique n’a cessé d’augmenter au fil du temps et cela se remarque notamment par le nombre d’initiatives prisent au niveau mondial depuis 2008 et le « paquet énergie climat » adopté par l’Union Européenne : en 2009 la conférence de Copenhague, en 2010 la création du Fonds vert (suite à la COP16 de Cancun), en 2015 la COP21 à Paris, etc..

Ensuite, les équipements permettant une autoproduction de l’électricité à un niveau individuel sont moins chers et plus performants : c’est la seconde raison pour laquelle je pense ce pilier réaliste.

Tout d’abord pour les prix de ces équipements on prendra en exemple ici le prix des panneaux photovoltaïques, moyen principal qu’utilisent les particuliers pour produire leur propre énergie. Au fil des dernières années le prix du photovoltaïque s’est littéralement effondré et c’est l’une des raisons pour laquelle, à mon avis, l’autoproduction d’énergie va rentrer dans les mœurs de notre société.

Mais la baisse des prix n’est pas le seul paramètre faisant de l’autoproduction d’électricité la nouvelle mode du consommateur depuis quelques années. En effet le progrès technique dans le domaine du photovoltaïque a également un impact important. Encore aujourd’hui de nombreuses nouvelles innovations sont à venir. Par exemple les nouvelles cellules solaires dites thermos photovoltaïques.

Ces cellules permettraient de convertir jusqu’à 80% de l’énergie solaire en électricité contre 30% actuellement ce qui rendrait les panneaux photovoltaïques encore plus prisés qu’ils ne le sont actuellement. Autre exemple avec la mini éolienne mise au point par les frères George en 2016 : pour un investissement de 50 000 roupies, soit 675 euros cette mini-éolienne peut répondre aux demandes énergétiques d’un ménage se trouvant dans un pays en voie de développement.

Pour conclure sur ce second pilier je pense que la mise en place de « 190 millions de centrales électriques » est possible et se fera sans aucun doute dans un futur plus ou moins proche, selon l’évolution des technologies permettant la production d’électricité à un niveau individuel, les prix étant aujourd’hui déjà assez bas.

3) Le soleil ne brille pas tout le temps, le vent ne souffle pas toujours

Dans ce troisième pilier Jeremy Rifkin pose le problème de l’intermittence des énergies renouvelables. En effet que peut faire un continent qui dépend à hauteur de 40% des énergies vertes, si sur la même période le vent arrête de souffler et qu’une dépression passe sur la région, empêchant ainsi les rayons du soleil d’atteindre les panneaux solaires ? Pour répondre à cette question l’auteur nous explique que le seul moyen qu’à l’humanité pour intégrer véritablement les énergies renouvelables à la société est de développer une nouvelle forme de stockage de l’énergie. Pour ce faire, et après avoir étudié les différentes possibilités qu’il y avait en 2012, il nous conseil de nous concentrer sur le stockage de l’énergie grâce à l’hydrogène et notamment par le biais de l’électrolyse.

Pour ce qui est de ce troisième pilier de la théorie de Jeremy Rifkin on peut avoir une double vision : d’un côté on pourrait dire qu’on ne peut pas, aujourd’hui, faire une réelle critique de ce troisième pilier qu’expose Jeremy Rifkin mais plutôt un état d’avancement des recherches. En effet la solution hydrogène pour le stockage de l’énergie est encore aujourd’hui la solution qui semble la plus prometteuse, de par ses coûts moindres par rapport aux batteries, de par son aspect pratique par rapport aux stations de transfert d’énergie par pompage (STEP) et de par le fait que l’hydrogène soit présent partout sur Terre.

D’un autre coté apparaît une idée selon laquelle ce troisième pilier ne serait tout simplement pas utile. En effet on entre au jour d’aujourd’hui de plus en plus dans une économie collaborative et ce depuis plusieurs années. On peut alors se poser la question : et si on partageait directement l’énergie que nous produisons de façon efficiente au lieu de la stocker en grande quantité ? On aurait alors seulement besoin de stocker l’énergie en petite quantité et ce pour pallier aux différences entre production et consommation dans certains cas. Avec le développement des technologies liées aux énergies renouvelables un partage direct entre auto-producteurs et consommateurs permettrait de rayer le problème du stockage d’énergie de la liste des piliers qu’il faudrait mettre en place selon Mr Rifkin.

Pour ce qui est de l’actuel état des lieux concernant la solution hydrogène on peut souligner l’initiative d’une startup française Sylfen. En effet, et c’est une première mondiale, le système de stockage d’énergie « Smart Energy Hub » est un système hybride alliant stockage par batteries et hydrogène. Ce système a été développé dans l’optique du second pilier de Jeremy Rifkin : permettre aux bâtiments une autoconsommation de leur énergie. Avec un rendement électrique plus haut que la moyenne l’installation pourrait ainsi permettre à de grands bâtiments alimentés à partir d’énergies renouvelables de prétendre à une autonomie « électrique supérieure à 95% » selon Sylfen.

Au final le troisième pilier de Jeremy Rifkin est pour moi un semi-pilier. En fait l’utilité de ce pilier dépend à mon sens entièrement du quatrième pilier de sa théorie. En effet si le quatrième pilier est mis en place de façon générale et efficiente sur l’ensemble d’un territoire, voire d’un continent, l’utilité du troisième serait négligeable.

4) L’internet de l’énergie

La création d’un réseau électrique intelligent est le quatrième pilier de la théorie de Jeremy Rifkin sur la troisième révolution industrielle. En effet l’un des aspects de sa théorie est aussi de passer dans une économie beaucoup plus coopérative, et ce notamment par le biais d’un partage équitable de l’énergie entre les producteurs autonomes et les consommateurs.

Ce réseau pourrait, selon Rifkin, permettre plusieurs choses : tout d’abord une meilleure gestion des variations de production et de consommation ainsi qu’une meilleure fiabilité puisqu’une meilleure gestion des variations s’accompagnera naturellement par une baisse du nombre de pannes ou de coupures.

Enfin ce réseau intelligent permettrait de faire des économies, au sens monétaire du terme. En effet dans l’idée de Rifkin on pourrait par exemple avoir des compteurs numériques indiquant le prix de l’électricité en temps réel et ainsi pouvoir ajuster ses consommations d’énergie en fonction de l’heure à laquelle le prix est au plus bas. La réalisation de ce pilier me semble aujourd’hui tout à fait possible mais souffre tout de même d’un obstacle assez grand : la coopération internationale.

En effet pour qu’un tel réseau électrique soit suffisamment efficient il faut qu’il soit mis en place de façon internationale notamment en Europe. Or lorsque l’on voit aujourd’hui l’état des relations internationales, et ce partout dans le monde, on se doit de douter qu’un tel réseau puisse être mis en place dans un futur proche. En effet on peut prendre ici toujours l’exemple de l’Europe, qui subit une constante montée des parties populistes depuis quelques années : comment pourrait-on mettre en place un tel réseau après le vote décisif des italiens pour un gouvernement populiste, après un Royaume Uni qui a choisi l’option du Brexit et après une montée constante des partis populistes dans divers pays européens comme la France et l’Allemagne. Si les dirigeants européens ne peuvent s’entendre sur des questions telles que l’immigration et les règles budgétaires européennes comment pourraient-ils se mettre en accord sur une question aussi importante que l’énergie ?

Finalement je pense que la théorie de la troisième révolution industrielle de Jeremy Rifkin n’est pas applicable aujourd’hui ni dans un futur proche pour des raisons technologiques mais aussi de politiques nationales et international. Mais a contrario il y a bien des aspects de sa théorie applicable aujourd’hui même aussi demain, je parle notamment du deuxième et quatrième pilier que l’on mettra sûrement en place.

Par Victor Munter, promotion 2019-2020 du M2 IESCI

Bibliographie / webographie

RIFKIN, J. (2013). La 3ème révolution industrielle. Comment le pouvoir latéral va transformer

l’énergie, l’économie et le monde (Babel).

GADREY, J. (2010). Adieu à la croissance, bien vivre dans un monde solidaire. (Alternative

économiques/ Les petits matins)

JAGLIN, S., VERDEIL, E. (2013) Énergie et villes des pays émergents : des transitions en

question. Flux, N°93-94, p 7 à 18.

https://ec.europa.eu/eurostat/fr/home

http://microgridmedia.com/its-like-the-early-days-of-the-internet-blockchain-based-brooklyn-microgrid-tests-p2p-energy-trading/

http://sylfen.com/fr/accueil/

https://www.alternatives-economiques.fr/lavenir-radieux-photovoltaique/00082495

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L’inspiration du vivant peut il être en adéquation avec l’intelligence artificielle ? https://master-iesc-angers.com/linspiration-du-vivant-peut-il-etre-en-adequation-avec-lintelligence-artificielle/ Wed, 12 Feb 2020 13:56:06 +0000 https://master-iesc-angers.com/?p=3131 A l’heure de l’intelligence artificielle et des algorithmes dotés à la fois d’une grande capacité de calcul et permettant le stockage de grandes quantités de données pouvant être utilisées dans la prise de décisions stratégiques. La quête de performance informationnelle… Continuer la lecture

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A l’heure de l’intelligence artificielle et des algorithmes dotés à la fois d’une grande capacité de calcul et permettant le stockage de grandes quantités de données pouvant être utilisées dans la prise de décisions stratégiques. La quête de performance informationnelle et de l’innovation reste un enjeu important dans le processus de recherche et davantage pour les organisations. La connaissance source d’innovation n’est alors plus considérée comme une ressource à optimiser mais comme une ressource à mobiliser tout au long du processus de production pour organiser la recherche et une prise de décision efficace. La connaissance va être créée pour intervenir au sein de l’organisation en interne par une meilleure organisation et à l’extérieur de celle-ci afin de comprendre, d’organiser et de contrôle l’incertitude liée à un environnement complexe. La prise en compte des différentes parties prenantes ainsi que la recherche informationnelle vont alors jouer un rôle essentiel dans la recherche de performance industrielle et organisationnelle afin d’optimiser les ressources nécessaires au fonctionnement de l’organisation.

L’arrivée du web et la transformation avec les NTIC ont facilité la transmission de connaissance aussi bien dans sa rapidité qui est immédiate que dans la diminution de son coût de transmission. L’intelligence artificielle nécessitant l’usage du Big Data et des réseaux sociaux afin de collecter le maximum d’informations brutes pour être utiles à la prise de décision a donné lieu à une nouvelle forme de compétitivité : la compétitivité informationnelle. Ce nouveau mode de collecte qui génère de grandes quantités de données ne permet pas à l’homme de les traiter de manière efficace et rapide. L’intelligence artificielle permet avec l’aide de programmes de deep learning et la mise en place de programmes algorithmiques de remplir seul le cycle de l’information : collecter, traiter, analyser et diffuser l’information au bon moment.

Cependant, les programmes algorithmiques sont mis en place par l’homme car l’intelligence artificielle ne possède pas les capacités de réflexion d’un humain ni son raisonnement. La sélection de l’information utile se faisant par algorithmes, l’intelligence artificielle va obéir aux ordres de l’homme qui aura intégré à celle-ci des méthodes de détection et de corrélations afin de capter le maximum d’informations pertinentes. Cependant, l’IA peut oublier de prendre en compte certains paramètres pourtant indispensables à une bonne remontée d’informations ou chercher à créer elle-même des corrélations artificielles afin de créer un résultat fictif se rapprochant vaguement de la réalité.

En parallèle avec l’IA, le biomimétisme s’appuie sur l’inspiration de ce qui entoure l’Homme : la nature et le vivant. Le biomimétisme cherche à s’inspirer ainsi de 3.8 milliards d’années d’évolution en copiant les formes, matériaux et procédés issus du vivant sans exploiter les ressources de la Terre. L’IA va être intégré à ce processus de recherche par sa capacité d’analyse servant ainsi d’appuie à l’innovation et à la recherche de nouvelles solutions plus durable et écologique pour la Terre.

A. L’origine du biomimétisme

Le biomimétisme s’inspire de l’économie de la connaissance qui a toujours existé par le fait de s’appuyer sur la transformation de connaissances acquises par l’homme afin de les développer, de les faire évoluer permettant ainsi d’acquérir de nouvelles connaissances. Le biomimétisme se veut interdisciplinaire : médecine, recherche, industrie, architecture, défense… Dont le but premier reste de mettre au point des procédés et organisations permettant le développement durable et soutenable de la société. Par la crise économique et écologique liée à la surexploitation des ressources naturelles, le biomimétisme est vu comme une voie de recours, vecteur de mutations s’appuyant sur une économie utilisant des ressources naturelles, tournée vers la transition écologique et sociale. La bio-inspiration cherche à « repenser le système de production » en le rendant moins polluant et plus respectueux de l’environnement.

Quelques précurseurs

Otto SCHMITT

Otto SCHMITT est un chercheur, professeur d’université, inventeur et ingénieur américain créateur de l’amplificateur différentiel[i] qui reprend les bases du circuit du fonctionnement du système nerveux et de l’état de fonctionnement de celui-ci après la propagation d’impulsions le long d’un réseau de fibres nerveuses. Issue de ces activités médicales, SCHMITT créé le terme de « biomimétisme » comme étant : « un nouveau domaine de recherche au sein de la bioingénierie médicale ». Il crée également l’indice « Santhosha » utilisé pour définir la qualité de vie à plusieurs niveaux.

Janine BENYUS

Également théorisé par l’américaine Janine BENYUS, scientifique, consultante en innovation, connue pour ses travaux en biomimétisme notamment avec son ouvrage : « Biomimicry : Innovation Inspired by Nature »[2] publié en 1997 et a cofondé « Biomimicry Guild » : une guilde du biomimétisme qui vise à s’inspirer du vivant en prenant exemple sur « 3.8 milliards d’années de technologie adaptative ». Théoricienne du biomimétisme, Janine BENYUS a contribué à vulgariser la notion de biomimétisme. Elle met ainsi en avant la capacité d’adaptation auquel ont dû faire face près de 30 millions d’espèces vivant dans le monde afin de créer des processus de production durables qui restent propices à toutes les formes de vie sans créer de déchets. BENYUS propose une définition du biomimétisme qui s’inspire de la nature en définissant l’énergie solaire comme principale source d’énergie et son utilisation mesurée. Elle met l’accent sur le recyclage et l’absence de déchets dans le cycle de la nature notamment à travers la coopération entre les espèces. Elle utilise la contrainte comme source de création de richesses.

Idriss Jamil ABERKANE

Idriss Jamil ABERKANE est titulaire d’un Master en « Approche interdisciplinaires du vivant » à l’Université de médecine Paris-Descartes et notamment d’un doctorat en sciences de gestion à l’Université Paris-Saclay et d’un doctorat en littérature générale et comparée à l’Université de Strasbourg. Il publie un essai en 2016 intitulé « Libérez votre cerveau ! », ouvrage de vulgarisation sur les neurosciences. ABERKANE vente le caractère inépuisable de la connaissance en mettant en avant le biomimétisme en déclarant au cours d’interview : « la nature est le plus grand gisement de connaissances sur Terre. C’est une bibliothèque qui a 4 milliards d’années de recherches et de développement donc il faut la lire plutôt que de la bruler ». Conférencier en biomimétisme et bio-inspiration, auteur du livre : « Âge de la connaissance » publié en 2018 chez Rober Laffont.

ABERKANE développe trois principes fondamentaux de l’économie de la connaissance qui sont en lien avec le biomimétisme.

  • L’échange de connaissances n’est pas un échange à somme nul : l’échange ne privera pas la personne qui a transmis une connaissance de celle-ci contrairement à un échange monétaire.
  • L’échange de connaissances n’est pas instantané
  • Les combinaisons de savoirs ne sont pas linéaires mais permettent d’acquérir de nouvelles connaissances afin de créer une synergie des savoirs.

Dans son ouvrage : « L’Âge de la connaissance » paru en 2018, l’auteur fait une différence entre la connaissance qui est reproductible et l’information qui ne l’est pas. L’auteur insiste également sur la compréhension, plus importante que la connaissance car elle permet d’acquérir de l’expérience et d’améliorer sa connaissance dans un domaine. Il cherche à mettre en évidence le besoin de recherche et l’importance de la connaissance qui reste supérieure à l’information et à l’intelligence artificielle du fait que celle-ci peut se transmettre et n’est pas à somme nul mais exponentielle. ABERKANE développe dans son livre la notion de « Blue Economy » qui invite à s’inspirer du vivant pour organiser une société intégrant à la fois les notions d’économie circulaire et le biomimétisme. Elle n’a pas pour but de désindustrialiser mais de développer l’intelligence humaine et le modèle de production actuel en convergence avec la nature. La Blue Economy vise à produire « comme la nature » : sans émettre de déchets de manière circulaire si bien que la production d’un bien entraine des coûts de production négatifs par le recyclage des déchets lié à celle-ci.

L’auteur définit l’existence de déchets comme étant : « un problème, et un problème, c’est une ignorance, donc une absence de connaissance… » (P.451). Pour l’auteur, l’économie de l’attention et du temps est nécessaire dans le processus d’acquisition de connaissances afin de créer une synergie des savoirs : « La connaissance extraite d’une source est proportionnelle au produit de l’attention et du temps » (p. 151).

B. La recherche dans le Biomimétisme

1. Les principaux acteurs français et européens

Biomimicry Europa

Biomimicry Europa est une association à but non lucratif née en 2006 à Bruxelles qui a pour mission de promouvoir le biomimétisme. Le comité français de Biomimicry Europa est créé en 2010 à Paris en vue de promouvoir le biomimétisme en France. L’association vise à apporter une pluralité de point de vue et partage la même conviction par l’observation des systèmes vivants, source d’inspiration pour accélérer l’innovation. L’association a formé quatre groupes de travail : le groupe « pollinisateurs » qui mène des actions liées à l’éducation et à la sensibilisation de larges audiences (conférences, expositions, enseignements…). Le groupe « passereux » vise à communiquer sur le biomimétisme auprès de divers publics par la rédaction d’articles, animation de blogs…). Le groupe « champignons » qui fournit des services afin de développer le réseau de réflexion engagé lors des rencontres LIPS (Life Inspired Principles for Sustainability) afin d’analyser les bases de données biologiques et écologiques pour illustrer les principes du biomimétisme du vivant avec des exemples concrets. Le groupe « Humus » qui mène des actions en lien avec la recherche d’innovation autour du biomimétisme sur le terrain avec la mise en place de programme de plantation d’arbres par exemple.

Le Centre Européen d’Excellence en Biomimétisme de Senlis

En France, le centre de formation et de recherche CEEBIOS : Centre Européen d’Excellence en Biomimétisme de Senlis crée en 2014 est une association de recherche en biomimétisme intégré depuis 2015 au ministère de l’environnement dans le cadre de sa stratégie nationale de transition écologique. L’objectif du CEEBIOS est de cartographier l’ensemble des acteurs publics et privés du biomimétisme en France, de fédérer et coordonner les régions et collectivités françaises sous l’impulsion du Ministère de la Transition écologique et solidaire. Il est en charge d’animer les groupes d’innovation stratégique selon les domaines : habitat, matériaux, biomimétisme marin, gestion de l’information, la formation et la coordination interrégionale.

Le Centre Européen d’Excellence en Biomimétisme de Senlis accompagne l’innovation par la mise en place de formations à travers un recensement des cursus diplômants disponibles en Europe, la fédération nationale des acteurs de l’enseignement dans différents groupes de travail et l’expérimentation d’une plateforme nationale de dépôts de projets étudiants. Le CEEBIOS a réalisé en 2017 une cartographie des différents cursus en bio-inspiration à l’échelle européenne.[3]

Une organisation par groupes de travail

Le CEEBIOS s’organise autour de six groupes de travail afin d’orienter les réflexions et recherches en biomimétisme et bio-inspiration autour de secteurs d’activités et de domaines particuliers.

Le groupe d’innovation stratégique « Habitat bio-inspiré » donne accès à des documents supports, opportunités et cas d’études de l’habitat bio-inspiré, des journées de conférences et la création d’un réseau d’adhérents industriels réunis autour des enjeux de l’habitat bio-inspirés qui facilite l’émergence de projets de recherche.

Le groupe d’innovation stratégique « Matériaux bio-inspirés » donne accès comme le groupe « habitat bio-inspiré » à des documents supports couvrant l’exploration du vivant et servant à identifier des technologies autour des enjeux des matériaux bio-inspirés facilitant l’émergence de projets de recherche. L’objectif à court terme est d’accompagner l’appropriation de la démarche biomimétique et d’identifier les sujets à explorer et de contribuer à la structuration de la filière par la mise en place de normes et de label « matériaux bio-inspirés » permettant ainsi une meilleure communication.

Le groupe « Gestion de l’information » a vocation à rassembler et faire réfléchir l’ensemble des organismes et personnes étudiants les systèmes d’informations et de communication du vivant. L’objectif recherché est d’identifier de nouvelles sources d’innovations bio-inspirées à exploiter pour contribuer à une économie plus soutenable.

Le groupe « Formation » tend à fédérer des acteurs de l’enseignement autour d’un groupe de travail. Le CEEBIOS a cartographié l’ensemble des formations sur le biomimétisme et la bio-inspiration.

Le groupe de « coordination interrégionale » guidé par le Ministère de l’Environnement, de l’énergie et de la mer[4] depuis 2017 encourage la mission de coordination interrégionale dont l’objectif est d’accompagner les régions à identifier les opportunités du biomimétisme selon les compétences territoriales industrielles et académiques. Les objectifs de ce groupe de travail sont d’informer sur le biomimétisme comme levier d’innovation au niveau national et international : il vise à préciser les spécificités régionales : orientations politiques de recherche et d’innovation, la structuration d’un réseau de l’innovation, la priorité en faveur de l’écologie et le partage de retour d’expérience des régions engagées dans une démarche de biomimétisme. Le CEEBIOS est en charge de coconstruire une feuille de route pour le développement et la recherche bio-inspiré sur le territoire national.

Le groupe « Biomimétisme marin » regroupe les innovations inspirées des ressources marines et de la nature. Il vise à mieux comprendre les services écosystémiques de l’océan. La région Nouvelle-Aquitaine avec le CEEBIOS a créé un pôle d’excellence dédié au biomimétisme marin implanté à Biarritz en partenariat avec la Communité d’Agglomération Pays-Basque.

La région Nouvelle Aquitaine, pôle d’excellence du biomimétisme

La Région Nouvelle-Aquitaine souhaite mettre en place des formations au sein de ses Universités afin de soutenir le développement de la bio-inspiration et du biomimétisme. La région a également lancée des groupes de travail concernant l’habitat-bâtiment, la chimie-matériaux et la croissance bleu ou Blue Economy : mode de production inspirer de la nature prenant en compte la réutilisation des déchets issue de la production de biens. La région souhaite ainsi à terme obtenir à la fois un effet de structure qui correspond aux impacts liés aux économies réalisées dans les achats d’énergies et matières première par l’adoption d’une démarche biomimétique et un effet de volume par l’accroissement du chiffre d’affaires issue du développement de nouveaux biens et services issus de la biomimétique.

En lien avec le CEEBIOS, l’étude VertigoLab publié en 2018 vise à créer un pôle d’excellence et de compétences dédié au biomimétisme marin regroupant ainsi différents acteurs.

  • Les laboratoires de Biarritz qui s’inspirent d’une algue rouge : la Gélidium Sesquipedale pour élaborer une formule entrant dans la composition de crème solaire certifiée bio afin de réduire l’impact écologique que celle-ci ont sur l’environnement marin notamment des coraux et ressources halieutique.
  • La biotech industrielle Fermentalg de Bordeaux en lien avec la ville de Paris et le groupe Suez réalise un programme de recherche écologique sur la capture de CO2 dans l’air par le biais de microalgues, végétaux photosynthétiques permettant de récolter le CO2 d’une centaine d’arbres.
  • Le secteur agricole présente un intérêt pour une pratique durable par le développement de laboratoires ouvert mais aussi de recherche sur l’appauvrissement des sols, la lutte contre les parasites et ravageurs de culture, le changement climatiques et la pollution des sols.

2. Les domaines et découvertes importantes

Le système de fixation crochets et boucles textile

George De Mestral, fondateur de l’entreprise Velcro Compagnies est le célèbre inventeur du « Scratch » ou système de fixation crochets et boucle textile. Cette invention s’inspire du fruit de bardane accroché aux poils de son chien qu’il essaie alors d’enlever après être parti chasser en forêt. MESTRAL a alors observé le fruit au microscope et constaté que celui-ci possédait des épines qui se terminaient par des crochets déformables. Cette découverte lui donna l’idée de créer un type de fermeture rapide semblable aux épines de bardane.

La combinaison sportive de natation LZR Racer[5]

En 2008, Speedo commercialise la LZR Racer, combinaison de nataion avec laquelle tomberont 79 records du monde sur cette même année. Il aura fallu 3 ans, une coopération entre les ingénieurs de Speedo et de la Nasa, de plusieurs universités américaines et des experts dans la dynamique des fluides ainsi que 400 corps d’athlètes d’élite scannés pour élaborer un moule de la combinaison s’inspirant de la peau de requin. Cette invention aura nécessité le dépôt de 16 brevets pour créer une combinaison qui s’inspire du dessin de la peau de requin. Elle se caractérise par l’existence de rugosités présente chez le requin qui vont créer des micro-turbulences qui vont permettre au nageur une meilleure aspiration dans leurs coulées et diminuer la trainée de 5% selon le créateur Speedo. La combinaison formée de polyuréthane résiste au chlore et possède des coutures soudées par ultrasons réduisant la trainée de 6% liée aux frictions de la peau. Jugée trop efficace, elle sera interdite par la FINA (Fédération Internationale de Natation) en 2010.

Le pneu à la structure alvéolaire

Recherchant un pneu increvable, la structure alvéolaire du pneu n’a pas besoin d’air sous pression pour être utilisé. Le pneu possède une bande de caoutchoucs qui repose sur une structure alvéolaire en plastique permettant d’absorber les chocs et d’être anti-crevaison. Le pneu se veut résistant et faire le moins de bruit possible et diminuant la chaleur générée lors du roulement. L’usage qui en est fait reste l’usage militaire cependant, cette structure peut provoquer un déséquilibre et causer des vibrations lors d’un roulage à haute vitesse.

Le Eastgate Building au Zimbabwe

Inspiré d’une termitière, le centre commercial serait à 90% moins énergivore et régulerait sa température par le même procédé qu’une termitière. En effet, celle-ci subissent de grands changements de températures, chaudes le jour, les trous du bas de la pyramide sont débouchés à la base de la pyramide pour y faire entrer l’air chaud contrairement à la nuit où il fait plus froid et où les termites ferment les trous dans le nid permettant d’emmagasiner de la chaleur à l’intérieur de la termitière.

Conclusion

Le biomimétisme vise à s’inspirer du plus grand centre de recherche et de développement du monde à savoir la nature forte de plus de 3.5 milliards d’années d’évolution et d’adaptation. Le biomimétisme est le fait d’innover en s’inspirant du vivant et de la nature : économe en énergie et fonctionnant en circuit court, la nature recycle tout et ne produit donc pas de déchets. Il vise à imiter les comportements des espèces, copier le fonctionnement des écosystèmes et les procédés en adéquation avec une perspective de développement durable. La nature est une source infinie d’innovations durable et écologique pour la société. Le biomimétisme prend en compte le domaine de l’énergie, la santé, la gestion des déchets, l’habitat, les transports… L’IA va ainsi venir en complément du biomimétisme afin de collecter, analyser et traité de grandes quantités d’informations permettant de rechercher de nouveaux procédés d’innovations présent dans la nature afin de les développer et de les reproduire pour l’Homme.

Par Jacques Fauché, promotion 2019-2020 du M2 IESCI

Webographie et Bibliographie

Site internet du Centre Européen d’Excellence en Biomimétisme de Senlis

https://ceebios.com/site-ordener/

Évaluation du potentiel de développement de la biomimétique en région Nouvelle-Aquitaine 2018. VertigoLab, Économie & environnement

http://vertigolab.eu/wp-content/uploads/2018/01/Rapport-biomim%C3%A9tisme-en-NA_VF.pdf

« La Nouvelle-Aquitaine une région bio-inspirée, cartographie des acteurs et évaluation des retombées socio-économiques » avril 2018

https://issuu.com/conseilregional/docs/dossier_aquitaine_compil_impression

« L’océan source d’inspiration et d’innovation », site de la région Nouvelle-Aquitaine. Le 18 mars 2017

https://www.nouvelle-aquitaine.fr/toutes-actualites/ocean-source-inspiration-innovation.html

 « L’Âge de la connaissance ». Idriss Jamil ABERKANE publié en 2018 édition

« Biomimétisme : les 10 inventions les plus impressionnantes inspirées de la nature, publié par Marc- Alexandre PIETTE le 20 novembre 2013 sur le site Affaire de gars

[1 L’amplificateur différentiel est utilisé pour enregistrer et mesurer les influx nerveux : activité électrochimique transmise à la suite d’une stimulation d’un récepteur sensoriel qui se propage le long du nerf sensible et remonte jusqu’au cerveau puis se redirige vers les organes effecteurs de cette stimulation.

[2 Traduit en 2011 sous le titre de « Biomimétisme : Quand la nature inspire des innovations durables », édition : Rue de l’échiquier.

[3 Cartographie des cursus universitaire en bio-inspiration à l’échelle européenne.

http://ceebios.com/wp-content/uploads/2017/11/Synth%C3%A8se-des-formations-en-Europe-V2.pdf

[4 Le Ministère de la Transition Écologique et Solidaire et le CEEBIOS ont publié un état des lieux sur le biomimétisme en France en juillet 2018

https://drive.google.com/file/d/1mEmytyfRGtBAOG6UW5LUSyvz6VCFqovs/view

[5 « Natation : le triomphe de la peau de requin ». Publié par Paul MOLGA. Les Échos, le 13 août 2008 https://www.lesechos.fr/2008/08/natation-le-triomphe-de-la-peau-de-requin-495564

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Une terrienne à d’autres terriens https://master-iesc-angers.com/une-terrienne-a-dautres-terriens/ Wed, 05 Feb 2020 12:56:50 +0000 https://master-iesc-angers.com/?p=3123 C’est par une préoccupante, bien qu’agréable, chaude journée du mois de janvier 2020 que j’ai ressentie pour la première fois le réchauffement climatique. Cela vous surprendra peut-être puisque le phénomène n’est certes pas nouveau et loin d’être méconnu. Toutefois, mon… Continuer la lecture

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C’est par une préoccupante, bien qu’agréable, chaude journée du mois de janvier 2020 que j’ai ressentie pour la première fois le réchauffement climatique. Cela vous surprendra peut-être puisque le phénomène n’est certes pas nouveau et loin d’être méconnu. Toutefois, mon expérience personnelle, celle qui éveille davantage ma conscience et qui a instillé l’obsession d’un réveil écologique, ne s’est réalisée qu’en cet instant. Peut-être parce que pour la première fois j’étais en mesure d’être attentive à ce changement, de l’observer, de le comparer, de le quantifier. Peut-être aussi parce qu’avait resurgi un souvenir d’une sortie matinale du mois de décembre durant laquelle je m’étais étrangement sentie au printemps sans vraiment pouvoir l’expliquer. Puis je me suis souvenue du chant des oiseaux, un chant qui n’avait jusqu’à l’heure jamais, ou tout du moins selon mes souvenirs, bercé mes sorties hivernales. C’était donc pour cela que ce vent de nostalgie printanière avait soufflé ce jour-là ; et c’est ainsi lors d’une conversation anodine avec l’un de mes proches que je réalisais l’anormalité de la situation. « Avant, du mois de novembre au mois de mars, il nous était impossible de voir le bitume tant tout était couvert de neige. L’hiver c’était cette période de l’année durant laquelle l’homme, la nature et les animaux ralentissaient leurs activités, se reposaient, hibernaient » me dit alors l’un de mes proches. Que peut-on dire de ce repos lorsqu’un soleil radieux, accompagné d’une des plus douces températures pointent le bout de leur nez, que les oiseaux chantent et que les fleurs bourgeonnent ?

Ainsi, il semblerait qu’après avoir réussi à créer une société en décalage avec notre humanité, nous avons également réussi à faire de notre planète un lieu qui imite cette contradiction, cette hostilité à la nature. Certains considérerons ces changements comme normaux, le résumerons à une histoire de cycle voir à un changement désirable.

D’autres noteront cette anormalité et la nécessité de réagir en ralentissant, et j’en fais partie. Alors je me dis qu’il faut en parler, évoquer mes ressentis, connaissances et engagements personnels pour partager, diffuser, susciter des réactions. Parce que s’engager dans la dynamique du changement, dans la lutte contre le réchauffement climatique, ce n’est pas être utopiste, fou ou surréaliste au contraire ; c’est avoir l’audace de penser les choses différemment, de prendre ses responsabilités et de changer malgré une réalité et un futur compromis ou potentiellement sombre. Mais justement, faisons de cette incertitude la clé d’une ambition sans limite dans la création d’un avenir meilleur, marqué par plus d’humanité et de verdure.

L’écologie, le défi de l’environnement, la lutte contre le réchauffement climatique tant de termes vastes, complexes soulevant d’insolubles questionnements. C’est à mon sens l’une des équations les plus complexes de notre monde actuel, suscitant désaccord, méfiance, désintérêt, peur, une équation tant en contradiction avec nos modes de vie actuel qu’il en devient tentant d’abandonner toute tentative de compréhension ou d’action.

Comment inciter à une baisse de la consommation alors que le monde techno-industriel, maître de nos sociétés modernes, est toujours davantage dans la course à la croissance et à la consommation ?

Comment penser une transition écologique lorsqu’en réalité il s’agit d’une transition énergétique, déplaçant la consommation d’énergies fossiles vers la consommation de matériaux rares ?

Comment penser un changement viable dans un monde qui connaît une croissance démographique exponentielle ?

Comment reprendre le contrôle de nos vies alors même que nous sommes assaillis de contraintes, nécessités, besoins financiers ?

Comment trouver le temps et les ressources pour redonner à nos vies la simplicité et la nature dont elles ont besoin pour s’épanouir ?

Comment agir alors que les dangers semblent si loin et hypothétiques ?

Comment imaginer et créer un autre monde que celui dans lequel nous avons toujours vécu ?

Quelle crédibilité personnelle ai-je sur ces sujets ?

Tant de questions qui soulèvent de nombreux problèmes, mais cela ne signifie pas que les solutions n’existent pas, cela signifie simplement que la réponse doit être collective pour engendrer un impact proportionnel à la cause elle-même : notre planète, notre humanité, notre vie à tous. Questionnons-nous alors : le progrès doit-il nécessairement résider dans l’idée du pas en avant ? N’a-t-on pas atteint les limites d’un système de consommation et de confort néfaste pour notre ensemble ? Ne serait-il pas venu le moment de considérer le pas de côté comme le véritable progrès vers lequel nous devons tous avancer ?

Ce texte a ainsi pour ambition d’évoquer la cause écologique, d’en explorer certains de ses contours. Ce texte est une invitation à une action collective, à l’émergence d’une société qui tente coûte que coûte d’être reconnaissante et digne envers notre planète et envers nous-mêmes.

Réveillons-nous, effrayons-nous, agissons, changeons et vite ! Mais pour cela il faut comprendre et apprendre.

Je ne suis qu’une messagère parmi tant d’autres, une personne avec ses failles et ses contradictions mais qui ne peut persister dans l’inaction. C’est une invitation à ceux qui n’ont pas encore fait de faire et à ceux qui font de faire encore plus.

L’homme dévastateur

Réaliser notre impact est un premier pas essentiel vers l’action car si nous ne réalisons pas le mal que nous faisons, nous persisterons dans cette dynamique.

Prendre conscience des nombreuses inepties du monde actuel afin de s’imaginer un  monde dans lequel, si nous persistons dans l’inaction, tout ne sera que chaos et survie. Nous n’avons pas le temps, nous sommes occupés, nous avons besoin d’argent pour vivre ! Ne vous inquiétez pas, si nous continuons dans le déni, les catastrophes à venir feront de notre quotidien actuel un lointain souvenir, dans lequel nous aurons peut-être un reste de dérision pour rire de la futilité des priorités que l’on pensait nôtres.

C’est l’ensemble de notre système qu’il faut repenser, et jusqu’où sommes-nous prêts à aller pour sauver notre monde ? Renoncer à manger de la viande, renoncer à voyager en avion, encourager nos déplacements à pied ou à vélo lorsque cela est possible, limiter nos consommations d’internet, résister aux tentations du capitalisme. Certains voient dans tout cela un effort, une contrainte ou même une privation injustifiée pour quelque chose qui n’existe pas pour eux, alors pourquoi ? Si vous êtes dans ce cas, dites vous que votre ignorance ne fait que nuire en réalité à votre propre situation, que ne pas prendre conscience, que persister dans ce modèle actuel de confort apparent ne vous mènerez en réalité qu’à encourager un système de destruction totale. Alors je le répète et je m’inclus dedans : réveillons-nous et prenons nos responsabilités. Soyons ambitieux, courageux, imaginons de nouvelles façons de vivre, soyons ouverts sur ce qu’il se passe dans le monde entier car il se pourrait bien que notre ami lointain du fin fond de l’Inde devienne notre voisin de pallier en bien plus de temps que nous ne l’aurions imaginé. Pourtant lui n’aura jamais consommé, faute de moyens, autant que nous autres occidentaux mais ce sera l’un des premiers à subir les méfaits du réchauffement climatique.

Ainsi, tenter une lutte contre ce réchauffement c’est nous rendre acteurs et héros d’un monde meilleur à la fois pour notre santé mais également pour notre humanité. C’est renouer avec une nature si longtemps bafouée, contrôlée et même ignorée alors que sans elle nous ne pouvons exister. C’est aussi renouer avec l’humain et lutter contre les inégalités que nous avons créées.

Pollution totale

Nous avons construit un monde entièrement toxique, de l’agriculture à l’élevage industriel en passant par l’alimentation ultra-transformée, les pesticides, les matériaux de construction, les perturbateurs endocriniens dans les cosmétiques et les vêtements. Nous avons créé un système basé sur l’intensif et la consommation à outrance. Peut-être pourrions-nous avoir de la compréhension pour les plus vieilles générations qui ont vécu dans le besoin et la difficulté. Peut-être pourrions-nous encore avoir plus de compréhension et même d’inquiétude pour les jeunes générations occidentales qui n’ont connu qu’abondance et confort, car finalement ce sont à celles-ci qu’il faudra inculquer le contentement du strict nécessaire, l’apprentissage de connaissances plus élémentaires, déconstruisant le monde entier dans lequel elles ont grandi. Mais qu’importe, la réalité est telle que l’heure n’est plus à la compréhension, à l’empathie ou au rejet de la faute sur le voisin : nous sommes tous responsables et nous avons tous participé à la création de ce système. Nous pouvons déjà quantifier la destruction à laquelle nous participons chaque jour :

  • en 2030, 1 homme sur 2 sera stérile.
  • en Europe 100 000 enfants meurent chaque année d’une maladie causée par l’environnement.

Peut-être que cela vous fera vous questionner davantage sur l’ensemble des produits que nous utilisons : d’où viennent-ils, de quoi sont-ils composés ? En a-t-on vraiment besoin ?

Passons à une autre des inepties de ce système global, intensif et démesuré : le pétrole.

Or noir ou or toxique ?

A l’heure actuelle, le pétrole est la base de tout, nos transports et échanges reposent sur lui. Il nous approvisionne et maintient le fonctionnement de notre infrastructure toute entière. Nous avons réussi à nous rendre entièrement dépendants d’une énergie qui s’épuise et qui nous tue lentement. Nous en sommes si dépendants qu’une pénurie de pétrole engendrerait en quelques semaines la pénurie alimentaire des villes et l’extinction des réseaux et d’internet.

Mais alors que nous devrions l’éradiquer ou l’utiliser à d’autres fins salvatrices, nous persistons dans la course au bien être économique, à l’idée de croissance.

Le TRE, ou taux de retour énergétique, représente les infrastructures, la main d’oeuvre et l’énergie combustible utilisés pour obtenir le pétrole. Lorsque cette énergie est plus forte que l’énergie extraite, l’extraction même de l’énergie en question n’a pas de sens et c’est justement ce qui est en train d’arriver.

Un exemple frappant peut en faire l’état : aux USA en 1900 le TRE était de 100/1 c’est-à-dire que pour une unité engagée on en recueillait 100. A l’heure actuelle, il est à 11/1 alors que le TRE nécessaire pour soutenir notre mode de vie actuel devrait être de 12/1. En moins de 2 ans, ce TRE pourrait baisser à 5/1 c’est-à-dire que l’on pour 1 unité engagée nous en recueillerons 5.

Ainsi, non seulement l’extraction du pétrole ne pourra plus soutenir nos modes de vie actuels mais en plus son utilisation tue notre humanité et notre planète. La seule solution viable serait d’utiliser ce qu’il reste de cette énergie fossile dans le développement des énergies renouvelables (qui reposent elles-mêmes sur le pétrole pour être mises en place) tout en acceptant de modifier nos façons de vivre et de consommer, car le modèle énergétique à venir ne pourra pas soutenir ce système de consommation.

Évoquons désormais notre système alimentaire, les chiffres devraient être percutants.

Viande à tout prix, gaspillage alimentaire et exotisme farfelu

La production de viande pollue énormément notre planète en ce sens qu’il faut 15 000 litres d’eau pour produire 1 kg de viande. Aujourd’hui, un français mange 89 kg de viande par an, soit deux fois plus que ses grands-parents.

Le secteur de l’élevage est l’un des plus grand producteur de gaz à effet de serre, il est responsable de 14,5% des gaz à effet de serre mondiaux c’est-à-dire plus que le secteur des transports.

L’élevage intensif a engendré une baisse énorme de la qualité de la viande, a même été classé comme cancérigène probable par l’OMS en 2015, au même rang que l’amiante et est à l’origine de l’épidémie d’antibiorésistance qui sévit depuis 15ans. En vous souhaitant un bon appétit devant votre jolie steak frites du jour, peut-être vous rappellerez vous que ce bout de viande que vous ingurgitez avec une frénésie qui n’a d’égal nulle autre pareille contient très probablement tout autant de chimie et de souffrance qu’il est possible d’imaginer.

D’ailleurs, c’est sur ce sujet éminemment sensible que je me confronte à d’énormes résistances parfois aussi infondées qu’ignorantes. La liberté de chacun reste le fondement sur lequel nous devons toujours rester. Pour autant, j’aimerais intimer à toutes ces personnes qui ne peuvent pas réduire au moins un peu leur consommation hebdomadaire de viande sous prétexte d’une nécessité biologique, physique, gustative, qu’un jour viendra ou ils pourraient en être nécessairement contraints par une planète réduite au chaos.

Aussi étais-je ravie de lire, dans le livre « Les chances qu’il nous reste » d’Erwann Menthéour que l’idée que l’homme est, par nature carnivore est fausse. La science le considère plutôt comme omnivore puisqu’il possède des intestins d’herbivores avec des organes digestifs longs (7 m2 contre 1 m2 pour les carnivores), les herbivores ayant besoin que les aliments restent en stagnation pour absorber les nutriments.

Ce constat est d’autant plus vrai qu’en observant les mâchoires et notamment les premières canines des premiers hommes, ces dernières étaient inadaptées à la consommation de viande. La pratique de la chasse était exceptionnelle et l’homme vivait essentiellement de la cueillette. La consommation de viande se serait en fait développée que dans les régions froides avec un climat plus hostile et un environnement pauvre en végétation.

Au-delà de la problématique liée à l’élevage intensif existe la problématique liée à l’intensivité de nos consommations alimentaires. Comme nous avons les yeux plus gros que le ventre, nous produisons et achetons plus que ce que nous sommes capables d’ingérer ou de conserver. Alors nous gaspillons chaque année 10 millions de tonnes de nourriture et cela a un impact carbone estimé à 15,3 millions de tonnes de CO2.

Enfin, comme nous avons des goûts exotiques, nous faisons importer des produits du monde entier. La mondialisation de notre alimentation est un désastre autant pour notre environnement que pour notre santé. Certains argueront que cette économie globalisée fait vivre de nombreux pays. Je les invite alors à regarder les conditions de vie de nombreuses populations d’Afrique. Un récent article de l’OBS évoquait d’ailleurs la famine qui y règne notamment en raison des événements climatiques de plus en plus dévastateurs : le cyclone Idai a causé des inondations au Mozambique, au Zimbabwe, au Malawi et la hausse des températures impactent les récoltes. Peut-être devrions-nous pensez à cela lorsque l’on achète une mangue, une banane ou autre mets exotiques.

Évoquons désormais un autre pollueur de taille et l’un des plus grands défis à venir.

L’insoupçonné Internet

Internet est le 3ème consommateur d’énergie après la Chine et les USA. Cela est d’autant plus préoccupant lorsque nous savons que notre société se dématérialise toujours davantage, que les données enregistrées deviennent de plus en plus importantes. A titre personnel, je peux dire que c’est l’un de mes plus grands défis. Etant née avec internet, c’est un outil tout à fait naturel et quasiment indispensable à mon quotidien, sans évoquer les technologies dans leur ensemble. Toutefois, je me suis dernièrement interrogée sur les effets pervers de ces technologies toujours plus précises, puissantes, « aidantes » et la nécessité de poser des limites.

Opérer le même constat avec internet est nécessaire. Certes c’est un outil de partage et de connaissances qui présentent d’innombrables avantages, mais notre pratique actuel de ce dernier n’est plus vraiment basée sur un simple principe de nécessité. Il est également un outil puissant de divertissement qui nous contrôle toujours davantage, atrophie notre cerveau, diffuse les rumeurs et fausses informations tout en participant à notre perte d’humanité. Alors là aussi, nous parvenons aux limites de ce système qu’il faut questionner et encadrer.

Qu’en est-il de ces fameux Data center, ces regroupements des serveurs informatiques des géants de la tech notamment de Facebook, Apple, Google qui disposent de onze foyers de production de charbon ? Il s’avère que ces deniers produisent 50 fois plus de CO2 que les autres énergies fossiles. Alors finalement, utiliser internet, le web, les applications c’est également être un pollueur de taille et pour cause : visionner une vidéo en streaming représente la consommation annuelle d’électricité d’un réfrigérateur, inspirant n’est-ce pas ?

Continuons dans le principe du divertissement en évoquant un autre pollueur de taille.

Tourisme de masse

Les bateaux de croisières font partie des plus polluants. Le leader mondial, Carnival Corporation, émet plus d’oxyde de soufre que l’ensemble des 260 millions de voitures du continent.

L’aviation est aussi l’un des modes de transport les plus polluants puisque par trajet, un avion émet 125 fois plus de dioxyde de carbone qu’une voiture individuelle. En plus du CO2, l’avion répand d’autres substances accentuant le réchauffement climatique.

Cela est sans évoquer les désastres que provoque la sur-fréquentation de sites touristiques à succès sur l’environnement et la biodiversité.

Monde chamboulé et chamboulant

C’est à ce moment précis que nous devons nous projeter dans un monde jusqu’alors inconnu, un monde digne d’un scénario apocalyptique. Je pense que la seule manière efficace d’activer réellement le changement collectif repose à la fois sur l’imaginaire d’un futur terriblement désastreux mais également sur la magnifique espérance d’un salut. La question est en réalité de savoir si l’homme est assez sage pour prévenir plutôt que guérir.

Ainsi, si nous persistons dans notre quotidien sans le moindre changement, sans le moindre petit sursaut de conscience, c’est un monde ravagé par tout un ensemble de phénomènes dont nous devrons nous accommoder.

Nous européens, seront certainement considérés comme terre d’accueil, puisque nous disposons d’un territoire moins exposé aux dérives du climat. Pour autant, cela ne signifie pas que nous continuerons à vivre normalement car nous serons déjà engagés dans le terrain de la survie. Nous ferons également face l’arrivée grandissante des migrants climatiques du monde entier ou du moins de ce qu’il en restera : entre sécheresse, fontes des glaces, élévation du niveau des mers et dégel du permafrost qui dégagera dans l’atmosphère du méthane, substance 34 fois plus puissante que le CO2, il se pourrait bien que le planisphère trouve sa représentation amputée d’un bon nombre de pays et d’une part importante de ses populations.

Mais avant cela, nous aurons déjà vécu des années de décadence terrible, subi une hostilité de la part de notre planète Terre encore méconnue par notre humanité, et nous ferons la guerre pour boire et manger.

Enfin, si malgré cela certains d’entre vous se complaisent dans l’idée qu’ils ne verront pas l’ensemble de ces catastrophes advenir, alors bien présomptueux et égoïstes vous serez puisque le futur reste par nature imprévisible et que j’ose espérer que vous avez tous une famille et des générations à venir. Celles-ci seront confrontées, sans nul doute, à ce combat. Ne voulez-vous pas tenter de les préserver un minimum ?

Mais alors que faire ?

Erwann Menthéour, auteur du livre intitulé « Les chances qu’il nous reste » nous invite à la désobéissance, et je ne peux qu’y adhérer. Selon ce dernier, tout est fait pour nous faire sentir inutiles alors que nous sommes les héros de cette crise. La société standardisée vers laquelle nous nous orientons toujours davantage rationnalise notre humanité d’une si forte manière que nous oublions que nous sommes capables de grands changements, que nous sommes acteurs de nos sociétés. « Désobéir, c’est renouer avec notre humanité » énonce Erwann Menthéour  et lorsque j’observe le monde actuel, tiraillé entre sa course à l’économie mondiale et à l’intelligence artificielle, creusant le fossé entre riches et pauvres et relayant l’homme à l’état d’automate de la machine, je me dis que cela est vrai.

Qu’implique donc cette désobéissance ? Des choses assez simples finalement, des choses qui auraient dû constituer la base d’un système éthique, transparent, humain.

Tout d’abord, il faut que nous nous obsédions avec la question climatique et notre empreinte carbone. L’ensemble de nos façons de vivre doit désormais s’organiser toujours davantage en fonction du réchauffement climatique.

Aussi, il ne faut évidemment pas penser que les Etats vont être acteurs d’un mouvement écologiste. La déclaration de Stockholm, depuis 1972, énonce que les problèmes liés à l’environnement n’ont plus la possibilité légale d’entraver le développement économique.  La messe est dite, et c’est d’ailleurs ainsi que nous observons que malgré la nécessité actuelle de promouvoir davantage les productions locales et de cesser les importations, notre président a encouragé l’accélération de la mise en place du CETA, dont nous savons qu’il livrera dans nos assiettes cette bonne viande américaine élevée aux OGM, pesticides et antibiotiques et qui est de surcroit 40% moins chère que la viande française !

Nous devons également cesser de perdre du temps à critiquer ou à se plaindre des injustices qui régissent le monde pour justifier nos inactions.

Nous devons agir au travers de notre rôle de consommateur, comme le disait Coluche « quand on pense qu’il suffirait qu’on arrête de l’acheter pour ne plus que ca se vende ». Nous avons un énorme pouvoir dans les choix de nos achats, faisons ainsi des choix conscients et avisés. L’exemple du bio illustre cela en ce sens que les grands groupes industriels ont fini par devoir respecter ces normes, à changer ses productions car le consommateur le voulait. Il en est de même avec le récent développement des produits alimentaires végétariens ou vegan et des produits en vrac. Le consommateur actuel devient de plus en plus conscient de certaines réalités et les industriels s’alignent : nous avons du pouvoir ! Alors imaginez si de surcroît nous arrêtions de consommer les produits ultra-transformés des entreprises les plus polluantes du monde, quel impact nous aurions ! Parmi les firmes les plus polluantes nous trouvons notamment Coca-cola, Univeler ou encore MARS. Cessons donc de donner du pouvoir à ces dernières !

Arrêtons de consommer tant de boeuf et de porc pour nous et pour notre planète.

Limitons notre usage d’internet et des achats technologiques.

Arrêtons ou diminuons drastiquement l’avion : il pollue 45 fois plus qu’un TGV.

Faisons évoluer notre vision sur le nucléaire en comprenant que malgré le problème des déchets radioactifs, il peut fournir une électricité ayant un très faible impact sur le climat, comparable à l’éolien ou au solaire.

Insufflons aux industriels qu’ils ont également tout à gagner à opérer une transition écologique : un rapport de 2006, initié notamment par David Stern ministre du budget au Royaume-Uni en 2006, avait évalué le coût de l’inaction en matière environnementale entre 5% et 20% du PIB mondial contre 1% si nous agissions. L’augmentation de la fréquence des événements météorologiques extrêmes tels que les inondations, sécheresses, la perte des écosystèmes ou encore les réductions des rendements agricoles nuiront nécessairement à leurs activités. Cet argument peut être un moteur d’une mobilisation inattendue.

Aux individus lambda, votre porte-monnaie est un véritable pouvoir, et savoir quels systèmes vous encouragez par le biais de vos achats peut vous rendre acteur, héro de taille dans ce combat.

Aux ingénieurs, scientifiques ou toute personne ayant des connaissances techniques en la matière : faites-nous peur, vulgarisez les concepts, participez à la prise de conscience et aidez-nous à imaginer nos alternatives !

Aux personnes éminemment riches, votre pouvoir est grand, aussi votre devoir de contribution devrait l’être tout autant.

C’est par 6 que nous occidentaux devons diviser notre mode de vie, alors nous avons du pain sur la planche. Je terminerai en citant la figure du changement en matière de climat, celle qui a rassemblé et agit bien plus que d’éminents personnages politiques n’ont été capables de le faire et ne feront jamais: Greta Thunberg. « Nous avons déjà réglé la crise climatique. Nous savons précisément ce qu’il faut faire. Il ne nous reste plus qu’à nous décider. Economie ou écologie ? Nous devons choisir (…). Car quand le dioxyde de carbone de notre inaltérable société macho atteint les couches supérieures de notre atmosphère et tape littéralement le plafond, quand la loi disant que tout doit grossir, aller plus vite, augmenter, s’oppose à notre survie collective, un nouveau monde se profile ; il n’a jamais été aussi près maintenant ».

Article d’Alexia de Rechapt, promotion 2019-2020 du master IESCI

Bibliographie/Webographie

Erwann Menthéour « Les chances qu’il nous reste »

Greta Thunberg, Svante Thunberg, Beata Ernman Malena Ernman « Scènes du coeur »

https://www.breakfreefromplastic.org/wp-content/uploads/2019/10/branded-2019-web-FINAL-v2-1.pdf

https://www.nouvelobs.com/monde/20200116.OBS23569/la-famine-menace-45-millions-de-personnes-dans-les-pays-d-afrique-australe.html

https://youtu.be/f1_qQDwTmBA?fbclid=IwAR24DqQU5Xi-d-MqRDxfKNJXapk1BGt_1qpbdq1cIRXh7Fi1t33QpGTo0-s

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Dear future, what will we be eating in 2050? https://master-iesc-angers.com/dear-future-what-will-we-be-eating-in-2050/ Fri, 17 Jan 2020 10:33:33 +0000 https://master-iesc-angers.com/?p=3103 Demographic and climate challenges are going to transform significantly the way we are eating today. In 2050, we will be nine billion of human beings on earth and if we keep going on the same food system as today, it… Continuer la lecture

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Demographic and climate challenges are going to transform significantly the way we are eating today. In 2050, we will be nine billion of human beings on earth and if we keep going on the same food system as today, it will be necessary to increase by 70% the food production. That would mainly imply the use of more chemical products and GMO, the increase of saturated and polluted soils and consequently a loss of productivity, a loss of biodiversity and the inevitable increase of the amount of food waste.

We thereby need to think, from now, about new solutions, but what could it be? Will we be resigned to eat pills, meat from laboratories or insects? Does the concern on the future of food is only based on the products we will be using or is there a bigger issue? Isn’t it a whole part of our lives which is going to be completely transformed? In the end, many values, traditions, ways of living are connected to a food system.

By analyzing the future of our food, we are in fact analyzing the general mutations that will shape the future of our society, mutations which will probably be oriented towards two main tendencies, between innovation and tradition. In other words, it seems that there will be the ones that will trust in the capacity of innovation and technology to improve and solve all the challenges of our consumption and production system while others will want to be real actors of the creation of a more traditional one. Both of these systems will inevitably be submitted to the apparition of new products in their diet that will promote the effectiveness of the vision they will be defending or promoting.

I. The apparition of new products

The apparition of new products will be the direct consequence of climate disruption in the sense that we will have to develop stronger and more resistant plants and cereals, able to handle difficult conditions and that do not require many resources. Indeed, there will be first the use of natural products but also the development of what is called the “smart food”.

A. New natural products

In 2050, our food system will effectively be more plant-based in the sense that today’s intensive farming would not be sustainable enough to survive. Thereby, we will be eating more vegetables, legumes and plants proteins than today. This will also encourage the reappearance of old plants species. For instance, we are now cultivating and eating only 30 plants species over 30.000!

  1. New plant species

Among all these species we will cultivate the ones that have an important nutritional intake and that are quite resistant to climate disruption. For instance, we could use the Fonio which is a cereal cultivated in Western Africa for several millennia. Its nutritional capacity is similar to rice and its culture is really easy because it can grow in very arid conditions without needing many water and in very low fertilized soils.

Other forgotten plants will be more produced for all those advantages. For instance, Teff, a cereal cultivated in Ethiopia, contains more fibers than rice and more iron and proteins than the main three cereals. It grows faster (between two and five months) and can adapt to a large variety of climates.

There could also be more production of Moringa, a tropical tree cultivated in India, Sri Lanka and Arabia. Its roots, leaves, fruits, seeds are eatable. Its leaves are rich in minerals, vitamins A, B and C but also in calcium and potassium and it could become an essential plant in the future.

Finally, the Bambara bean would be another source of food. It is one of the main legumes of Western Africa, mainly cultivated in Burkina Faso for now. It is able to grow in areas where very little others plants can. It contributes to the improvement of the fertility of soils by fixing the azote to the ground and its leaves are perfect for animal food while containing many proteins, about 18%.

  1. Insects

In the same way, we will be consuming more insects in the sense that it is a very interesting source of proteins, fibers and minerals while presenting many advantages: it is easier to grow and to collect that animals and it consumes very little water and food. In comparison, a grasshopper needs 12 times less food than beef to produce the same amount of proteins. However, its consumption in Europe will be at first used in order to feed animals or sportsman-woman. The European NGO International Plateform of Insects for Food and Feed announced that the volume of proteins production from insects is going to increase from 2.000 tones in 2018 to more than 1.2million of tones in 2025.

This tendency is already notable and some companies are also already producing products from insects. For instance, the French company Micronutris is using insect’s powder to make biscuits and chocolate. Similarly, the French start-up InnovaFeed is producing food animal from insects.

However it will be essential to make sure it is raised in strict conditions not to develop diseases. It will also be essential to regulate its consumption because insects are essentials to the ecosystem survival. Their impact is estimated to 23% for the world fruits production, 12% for the world vegetable production and 39% fort the world production of coffee and cacao. They are also a source of food for birds.

  1. Algae

Algae will also become common in our food. It is richer in calcium, iron, proteins, vitamins, fibers and antioxidants.

  1. Plant substitutes

Finally we will be eating more meat substitutes such as soybeans, plants proteins and plant milk, rich sources of many nutrients such as proteins, calcium, iron.

However, there will also be the development of smart and artificial food, which will be an alternative for people that will not be dedicating attention or time to food and cooking.

B. Smart food, artificial food

The development of smart food will also be encouraged in a society where cooking or eating times are more and more reduced. Nowadays, many people consider eating as a secondary thing and need to feed themselves easily, rapidly and in many circumstances. To illustrate this idea, some companies are already proposing food in bars or powder such as the American company Soylent or the French ones Feed and Vitaline. For instance, the company Feed is proposing bar or powder which have the same nutritional intake than a real meal while being gluten-free, vegan and biological. But what about satiety and mastication which are essentials for digestion and teeth’s health? In 2013, an American journalist Brian Merchant tried to feed himself exclusively with Soylent powder products. After fifteen days and even if its physical health remained intact he stopped declaring he was feeling depressed.

The concept of artificial meat is also developed and mainly consists in creating meat from cow cells. This synthetic meat represents some advantages in the sense that it allows to save water and it would be a sustainable way of keeping eating meat or even fish.

For instance in 2015 the start-up Wave Foods has created a plant substitute to shrimps by using the main food of the shrimps, an algae to obtain the same taste and the same color of the shrimp. In the same way in 2018 the Memphis Meat Startup, leader in the development of artificial meat has received 20millions dollars of investments.

The apparition of those products is definitely illustrating these two main visions the future food system will be developing: an innovative one and a traditional one.

II. The apparition of new production systems

It seems the main production systems will be mainly divided in two orientations, which are a technological one, and a more traditional one.

A. A techno-oriented production

The development of technologies and innovations, more precisely artificial intelligence and automatized systems are presented as a solution to handle climate disruption and demographic challenge. Many technologies, already developed, are illustrating this reality.

The agriculture will develop new ways of production based on Big Data and technologies so that it will optimize efficiency while preserving more resources. This evolution can be illustrated through many examples. For instance, Biopic is a company creating connected collars allowing to follow in real time and constantly the activity, the health and the reproduction of the livestock. In case there would be a problem, the breeder would be warned by message. In the same way, there will be more and more artificial intelligence systems that will assist or replace human activities through the creation of robots. For instance the constructor Carre has partnered with the Naio Technologies start up to robotize the weeding and the hoeing instead of using herbicides. Finally, the French constructor Fendt is now proposing to remotely control agricultural machinery.

All these technologies are following the same objective of transforming agriculture to a more productive activity by taking into account two main parameters: demographic and climate issues.

More than this technological agriculture, others objects will be part of our food system, giving once more, a place for artificial intelligence activities. The recent apparition of robots and 3D food printer are two examples. Nowadays, people have less time to cook, houses are dedicating less space to it, people are dedicating less attention to it and an individualization phenomenon of eating time can be noticed.

In 2015 Molet Robotics Company has presented a cooker robot supposedly able to cook more than 100 recipes of starred chefs. In the same way it now exists Foodini, a Spanish 3D food impresser able to print cakes, pizzas and pasta. The contemporizing food center of Rennes has also created a 3D printer for crepes. Even if it will probably take time for robots to be able to develop human senses (the touch, the taste, smell etc) and handle many cooking processes, it will be more and more present in our lives.

Finally, many connected objects will be part of our food consumption system by participating in an individualization phenomenon. Through AI systems there will be personal menus. For instance the company Habit is offering the elaboration of menus according to the needs of each one based on genotype. However this practice is not accepted in many countries especially for the ethical concerns it is rousing.

This innovative food system will not be approved by everybody and some people will develop and are even already encouraging a return to the past, to a more traditional system by giving full meaning to the relation with time, nature and sharing. The emergence of this traditional society is mainly characterized by a plant oriented food system that would be the result of a team and local work.

B. A traditional oriented production

In 2050, 75% of the population will live far from nature and cities will become a new territory for farming activities. Some French start up are already proposing those concepts such as Cols verts or Toit Tout Vert. Cols verts is developing farming activities in cities based on cooperation between people while Toit Tout Vert is developing urban greenhouses on roofs. Those products are pesticides free, gmo free and locals.

There is also the development of permaculture that is consisting in the recreation of a real ecosystem based on natural farming activities, cooperation, resources management and allowing food self-sufficiency. Here goes a video illustrating its principles: https://youtu.be/AOLlfyI8O9Q

This traditional system will also be characterized with the development of communities that will promote an entire ecological way of life especially regarding food by satisfying themselves with only local products and avoiding those that are coming from international trade. This movement will indeed be encouraging local productions but also a whole ecological awareness around consumption. They will promote food education by learning and teaching to eat only what we know, to eat less and slowly, and to handle perfectly the production system so that they will develop a critical mind against the gross practices of food industries.

However, due to the constant increase of our population, even those “natural” systems will be submitted to some kind of intensity due to the necessity of feeding everyone. Urban farms are going to develop especially using vertical production which allows great productivity in a little space.

These two ways of production are indeed illustrating deeply the different visions the society will soon encourage and develop. These new visions are presenting deeper concerns on the general evolutions of our society.

  • The apparition of new society’s visions: between tradition and innovation.

First, the tendency of thinking that technologies will be the solution to all the challenges we will have to face appears as too optimistic. Indeed, this perception will only be a way to encourage overproduction and overconsumption that are already killing our societies.

In the same way, how will we be able to handle the energy costs of these systems? Technologies, connected objects, artificial intelligence, Big Data are all existing thanks to electricity. If we are now orienting our food system towards technologies, we will inevitably increase the electricity and energy needs. Will it be sustainable? In the end those systems are not truly long-termed thoughts but just a way to make sure that we will all be fed even on a planet that will become, because of climate disruption, a more difficult place to live.

In addition, the development of this technological society through smart objects and data will once again encourage the process of dehumanization through artificial intelligence systems.

In this world of innovation, food will also be an excuse to control people a little bit more, especially on the products they be eating depending on their weight and others health parameters. Connected objects such as connected refrigerators, connected watches, clothes, products will be a way to standardize our food habits while giving more and more power to the GAFAM.

This techno-oriented food system, characterized by a loose of sociability and time, will lead to inevitable loneliness and to another form of dehumanization. Everyone will be not eating but snacking at anytime while doing everything (walking, working): it will finally become a side activity, secondary or associated to hobbies.

“ We will be living in silent societies, under surveillance. Societies of monitored silence. Resigned to dictatorship promising us to live longer, with the condition of forgetting that living, truly living, it about talking, listening, exchanging, feeling, loving, enjoying, screaming, suffering and transgressing. All those things that monitored silent will forbid,” said Jacques Attali in his book. Is that what we really want?

There are still solutions. Indeed, by developing food and consumption awareness people should becoming real actors of their food system by controlling and knowing it entirely. This will be the only way to promote an ecological consumption system while protecting our humanity through action and cooperation. It would also be a way to rediscover and promote the collective and sharing role of food.

In order to encourage this system, it will be necessary to imitate the development of international trading or create a system that will guarantee at least fair-trade conditions and the respect of production norms. It will also be made possible by a reorganisation of society that will optimise time better for those activities, especially by redefining the balance between work time and personal time.

In conclusion a society defined by more humanity, more cooperation, more cultural and environmental respect, based on the real human notion of time.

Below you will fine guidelines of good food practices according to Jacques Attali:

  • Eat less meat and more veggies: so many nutriments are already in plant products without the necessity of always using animal products.
  • Eating less refined sugar and more plant based sugar such as agave syrup, stevia or coco flower sugar.
  • Eat local and seasonal: products in a perimeter of 120km.
  • Eat slowly: in order to eat less and to facilitate digestion.
  • Eat what you know: stop eating ultra-transformed products and be aware of the body nutritional needs and of the production system so that you will build a consciousness on intensive farming and a critical mind on multinational food firms.
  • Maintain a physical activity in your daily routine.
  • Preserve the pleasure of eating and speaking together.
  • Try to buy products that are assuring a decent life to farmers (through labels such as FairTrade for instance).

Article by Alexia de Rechapt, student in the Master Intelligence Economique et Stratégies Compétitives d’Angers

Sources

Jacques Attali – Histoire de l’alimentation

https://usbeketrica.com/article/enjeux-2030-episode-1-la-food-revolution

https://usbeketrica.com/article/agritech-le-futur-de-l-agriculture-s-invente-maintenant

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