Master Intelligence Economique et Stratégies Compétitives https://master-iesc-angers.com/ Le Master Intelligence Economique qui combine analyse économique, outils de veille, e-réputation, gestion de crise et big data via une formation sur deux ans. Mon, 20 Nov 2023 10:49:59 +0000 fr-FR hourly 1 Actions Concrètes ou Leurres, la RSE C’est Pas Que du Vert ! https://master-iesc-angers.com/actions-concretes-ou-leurres-la-rse-cest-pas-que-du-vert/ Mon, 20 Nov 2023 10:49:59 +0000 https://master-iesc-angers.com/?p=3678 Entre durcissement des mesures, sanctions et actions concrètes de la part de certaines entreprises, la RSE ou Responsabilité Sociétale des Entreprises continue toujours son sillage afin de conscientiser les entreprises et de réduire l’impact de leur activité sur l’environnement et… Continuer la lecture

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Entre durcissement des mesures, sanctions et actions concrètes de la part de certaines entreprises, la RSE ou Responsabilité Sociétale des Entreprises continue toujours son sillage afin de conscientiser les entreprises et de réduire l’impact de leur activité sur l’environnement et la société.

Créée en 2006, la norme iso 26000 a pour objectif de définir le concept de RSE et ses principes, permettant de la mettre en œuvre au sein de l’entreprise.

Cependant, elle n’a pas un caractère obligatoire mais constitue un ensemble de recommandations invitant les entreprises à inclure une démarche RSE dans leurs activités.

Certaines d’entre elles ont vite compris l’utilité de se lancer dans une nouvelle phase alliant rentabilité financière et respect des normes de la RSE. En effet avec des consommateurs de plus en plus intéressés par l’origine des produits utilisés, par leur impact sur l’environnement et leurs conséquences sur les conditions de vie, il est devenu plus que nécessaire pour les entreprises de revoir leur processus de fabrication et de procéder à une politique de RSE ; à l’instar de l’Oréal qui cible l’atteinte de son objectif zéro carbone sur tous ses sites d’ici 2030.

D’autres comme Danone sont allées plus loin en adoptant le statut de « société à mission », statut découlant de la loi Pacte qui permet de concrétiser sa vision de la RSE en se dotant de raison d’être et en y mettant les moyens nécessaires pour pouvoir atteindre les objectifs fixés.

Cependant la transparence n’est pas toujours au rendez-vous. Au moment où certaines d’entre-elles essaient de réduire leurs impacts, d’autres se limitent juste au greenwashing ou à l’écoblanchiment.

L’Oréal, une vision RSE au cœur de l’entreprise

Créé en 1909 par le chimiste Eugene Schuller qui a mis au point une teinture de cheveux afin de répondre à la mode du moment où les femmes adoptaient un style de cheveux courts et blonds, l’Oréal n’a cessé de s’adapter aux changements et ainsi de se projeter dans l’avenir. L’Oréal a très tôt compris l’enjeu de mettre en place une politique de RSE. Parmi les actions menées par l’entreprise nous pouvons citer :

Le solidarity sourcing qui doit permettre l’inclusion des producteurs ou fournisseurs qui ont difficilement accès aux importants appels d’offres mais aussi les entreprises qui recrutent des personnes en situation d’handicap leur permettant ainsi l’accès à l’emploi.

L’écobeautyscore, une méthode qui permet de mesurer l’impact qu’un produit pourrait avoir sur l’environnement et la société avec des notations A B C D, dans l’ordre alphabétique. Pour favoriser un cadre référentiel unique, l’Oréal a mis l’écobeautyscore à la disposition de ses concurrents.

Par son programme « l’Oréal pour le futur », la société envisage de réduire les émissions de CO2, de respecter la biodiversité, de préserver les ressources naturelles mais aussi de promouvoir une gestion plus responsable de l’eau. L’entreprise veut réduire aussi bien les impacts directs qu’indirects de son activité en prenant en compte le rôle écoresponsable que le client peut adopter vis-à-vis de ses produits.

En 2019, l’Oréal a reçu le titre de GLOBAL COMPACT LEAD de l’ONU, comme société exemplaire dans son engagement sur l’environnement, la lutte anti-corruption et le respect des droits humains.

Danone, Première entreprise cotée en bourse à adopter le statut de « société à mission »

La loi Pacte (Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises) a été instaurée en 2019. Elle permet aux entreprises qui le souhaitent d’intégrer les notions de « raisons d’être » et de « sociétés à missions » dans leur statut juridique. L’adoption de ce statut conduit l’entreprise à avoir un programme d’action en accord avec sa raison d’être.

La raison d’être de l’entreprise a été définit par l’Observatoire de la Responsabilité Sociétale des Entreprises (ORSE), et le Collège des Directeurs du Développement Durable(C3D) comme « une expression de l’utilité sociétale de l’entreprise qui sera, pour elle, à la fois une boussole et un garde-fou quant aux décisions du conseil d’administrations et du directoire. »

Elle permet non seulement de ne plus limiter  la RSE à une action de mécénat ou juste à une question de conformité mais plutôt à une dimension qui doit être au cœur de la stratégie de l’entreprise. Mais aussi, elle vise à mesurer et à prendre en compte la portée de chaque décision avant son application.

En ayant une raison d’être l’entreprise s’engage à adopter et à maintenir une ligne de conduite qui donnera un sens à son activité.

La qualité de société à mission est un statut que toute entreprise peut adopter quel que soit son statut juridique. L’adoption de ce statut implique le respect des conditions suivantes :

  • L’entreprise doit définir sa raison d’être
  • Elle doit préciser un ou plusieurs objectifs sociaux ou environnementaux qu’elle doit poursuivre
  • Elle doit mettre en place un comité de suivi comportant au moins un salarié de l’entreprise
  • Ensuite l’exécution des objectifs doit faire l’objet d’une vérification par un organisme tiers indépendant

Lorsque l’entreprise ne respecte pas ses engagements en tant que société à mission, le statut lui est retiré et elle devra l’enlever dans tous ses documents juridiques et officiels. Ce qui peut renvoyer une mauvaise image de la firme. Le statut société à mission a donc un aspect contraignant qui fait que les entreprises qui l’adoptent se voit obliger de respecter leurs engagements et de ne pas l’utiliser comme un outil de marketing.

En 2022 selon l’Observatoire des sociétés à mission, environ 1008 entreprises françaises se sont dotées du statut de sociétés à mission contre 505 en 2021, ce qui est considérable en termes d’avancement.

« Apporter la santé par l’alimentation au plus grand nombre »

En 2020, Emmanuel Fabert, le patron de Danone s’est engagé avec 99% de vote favorable des actionnaires à intégrer Danone comme « société à mission ».

Avec ce nouveau statut Emmanuel Fabert ne fait que continuer sa lancée dans le cadre d’un nouveau type d’entreprise qui incarne un rôle sociétal. En effet le patron de Danone était bien avant cela investi dans la RSE au sein de son entreprise.

En 2016, cela s’est traduit par le rachat de Whitewave géant américain du bio et des produits laitiers végétaux faisant du groupe le leader mondial de ce secteur. En plus de cela en 2017, il a lancé le programme « One Planet, One Heath » , programme qui a pour ambition d’améliorer la qualité nutritionnelle de leur produit mais aussi de revoir les emballages pour être plus responsable envers l’environnement.

Néanmoins, en 2021 le patron de Danone, a été évincé de son poste de président du groupe Danone par des actionnaires hostiles qui lui reprochaient des résultats peu satisfaisants en termes de performance boursière. Ces actionnaires hostiles sont connus sous le nom de fonds activistes.

Une étude menée par les professeurs Rodolphe Durand (HEC Paris), Mark DesJardine (Pennsylvania State University) et Emilio Marti (Erasmus University Rotterdam), a montré que les fonds spéculatifs activistes seraient deux fois plus susceptibles de cibler les entreprises socialement responsables plutôt que les autres. Et selon Activist Insight, au moins 839 entreprises ont été ciblées par un hedge fund activiste en 2019.

Pour protéger ses entreprises engagées dans la responsabilité sociétale, il devient plus que nécessaire de mettre en place des lois afin que ces fonds activistes ne soient pas un frein pour la RSE.

Cela étant, les fonds activistes ne sont pas les seuls à impacter la RSE. Certaines entreprises essaient de renvoyer une image de marque éco-responsable qui ne reflète pas la réalité.

Selon une enquête menée par la DGCCRF, en 2021 et 2022, sur les 1100 établissements contrôlés, une allégation sur 4 présentait un cas de non-conformité.

Cette pratique a conduit à une plus grande méfiance de la part des consommateurs vis-à-vis des produits et des organismes qui n’hésitent pas à dénoncer les cas ou soupçons de pratique frauduleuse

Pourtant, quel que soit notre position : consommateurs, entreprises ou pouvoir public, nous sommes tous concernés par les enjeux climatiques. Il est impératif de mettre en place une gestion plus durable des ressources naturelles disponibles.

Par Berthe Souane, promotion 2023-2024 du M2 IESCI

Webographie

La RSE chez L’Oréal : une transformation qui n’a rien de cosmétique ! | Cairn.info (univ-angers.fr)

Politique RSE chez L’Oréal : les bonnes pratiques à retenir (changethework.com)

Danone “Société à Mission”

Danone : Emmanuel Faber évincé par le conseil d’administration | Les Echos

Fonds activistes, qui sont ces investisseurs qui arrivent en Europe- Elliott (etonnante-epoque.fr)

Comment devenir une société à mission ? | economie.gouv.fr

Guide ORSE – C3D « Loi Pacte & Raison d’être : et si on passait à la pratique ? » – Orse.org

Fonds activistes, qui sont ces investisseurs qui arrivent en Europe- Elliott (etonnante-epoque.fr)

Une étude révèle que les fonds spéculatifs activistes compromettent la responsabilité sociale des entreprises | HEC Paris

Greenwashing-infographie.pdf (economie.gouv.fr)

Bilan de la première grande enquête de la DGCCRF sur l’écoblanchiment des produits non-alimentaires et des services : un quart d’anomalies et de nombreuses suites | economie.gouv.fr

REPORTAGE. Greenwashing, labels écologiques trompeurs : en immersion avec les inspecteurs de la DGCCRF dans un camping de l’Aude – ladepeche.fr

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La place des mégadonnées dans la santé https://master-iesc-angers.com/la-place-des-megadonnees-dans-la-sante/ Sun, 19 Mar 2023 19:16:31 +0000 https://master-iesc-angers.com/?p=3666 Le domaine de la santé gère quotidiennement des quantités remarquables de données issues de systèmes d’information cliniques et opérationnels comme le dossier électronique du patient. Les professionnels de santé développent de nouvelles applications pour élargir considérablement les opportunités pour les… Continuer la lecture

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Le domaine de la santé gère quotidiennement des quantités remarquables de données issues de systèmes d’information cliniques et opérationnels comme le dossier électronique du patient. Les professionnels de santé développent de nouvelles applications pour élargir considérablement les opportunités pour les intervenants afin d’obtenir une plus grande valeur.

L’analyse Big data dans le domaine de la santé intègre des méthodes d’analyse de quantités considérables de données électroniques liées aux soins de santé des patients. Ces données sont extrêmement variables et difficiles à mesurer avec les logiciels et le matériel traditionnels. Il existe divers types de données de santé.

Ces données sont disponibles au sein de différents services de santé ou de sources externes (par exemple les compagnies d’assurance ou les pharmacies). Elles sont structurées (tableaux contenant les résultats des tests) ou non structurées (par exemple, le texte d’une lettre d’un médecin).

Le Big Data est reconnu par quatre caractéristiques, appelées 4V.

Les méthodes utilisées pour les mégadonnées font référence à de nombreuses outils.

Les informaticiens créent régulièrement de nouvelles applications pour aider les professionnels de la santé à développer des opportunités à plus forte valeur. Les organisations bâtissent également des infrastructures avec de grandes capacités en big data pour améliorer la prise de décision.

  • Le machine learning dans le domaine de la santé

Le machine learning est la technique d’analyse la plus appropriée pour de nombreux types de données et bénéficie d’un grand potentiel pour améliorer les résultats de nombreux domaines de recherche dans le domaine de l’analyse prédictive de la santé. Il facilite considérablement le développement de modèles centrés sur le patient pour améliorer le diagnostic et l’intervention. Le machine learning est une technique d’analyse de données qui automatise fortement la création de modèles analytiques. Les techniques de machine learning peuvent être utilisées pour intégrer parfaitement et interpréter notamment des données de santé complexes dans des scénarios où les méthodes statistiques traditionnelles échouent. Divers modèles de machine learning axés principalement sur la prédiction des risques sont généralement évalués afin que le modèle le plus précis soit sélectionné.

Le machine learning est important dans chaque phase du big data.

Les algorithmes du machine learning se sont révélés utiles dans le diagnostic médical, comme la détection du diabète, où des modèles prédictifs plus précis sont nécessaires. Et dans des domaines médicaux comme l’oncologie, où la reconnaissance des formes est importante, comme la radiologie.

  • Analyse des mégadonnées

Le Big data sont des données si volumineuses qu’elles ne peuvent pas être traitées par l’informatique de santé traditionnelle en tant que « système autonome » à l’aide d’un simple logiciel d’analyse. Dans ce contexte ce qui est nécessaire, c’est un modèle plus complexe, à programmation intensive, avec une immense variété de fonctionnalités. La plate-forme open source Hadoop est une référence en la matière.

Le cas d’Hadoop

Un cas d’utilisation de l’écosystème Hadoop est présenté dans une brillante étude de Batarseh et Latif (2016) qui a créé un outil appelé CHESS. CHESS déplace les ensembles de données téléchargés vers Hadoop et place les données agrégées avec beaucoup moins de lignes dans les serveurs SQL pour l’analyse. Par la suite, les utilisateurs y accèdent via le logiciel statistique de leur choix (Excel, Tableau, R, etc.), transforment les données dans le format souhaité. Puis exécutent des tests statistiques pour déterminer l’importance de certains facteurs (par exemple, la démographie) en lien avec certaines données de santé.

L’application s’appuie sur Hadoop pour gérer notamment les problèmes de mégadonnées, permettant aux utilisateurs d’interroger uniquement de petites quantités de données avec un logiciel statistique.

Une nouvelle approche a été trouver en 2016, pour favoriser le contenu des données de santé non structurées. Ainsi engendrer la récupération et le traitement de données de santé structurées et non structurées pour des examens de santé personnalisés. Il s’agit d’une amélioration, car la plupart des applications se limitent à interroger uniquement des données médicales structurées.

En effet, lorsqu’il s’agit de traiter des images médicales et des dossiers médicaux, il importe des logiciels et des plateformes basés sur le cloud tels que LifeImage, qui peuvent partager et acquérir des images médicales volumineuses et d’autres dossiers médicaux. Cependant, il se limite à utiliser des données structurées (par exemple, interroger le poids du patient), à acquérir toutes les images et tous les enregistrements pertinents et à traiter des données non structurées. Certaines des limitations techniques qui ressortent des ensembles de données sur l’environnement Hadoop est que le contenu non structuré des données de santé et des images médicales ne peut pas continuellement être traité de la manière souhaitée.

Une telle approche favorise davantage les professionnels de la santé à bénéficier d’une aide à la prise de décision à partir d’algorithmes automatisés.

Conclusion

Les sources de données volumineuses et des techniques analytiques permettent notamment aux capacités de données volumineuses d’engendrer davantage de valeur. Cela sera davantage facilité par de nouvelles recherches dans ce domaine.

En particulier, le machine learning est la technique la plus couramment appliquée à tous les types de données créées, bénéficiant d’un grand potentiel d’amélioration des résultats. Et ceci, dans de nombreux domaines de recherche dans le domaine de l’analyse prédictive de la santé. Le machine learning est décrit comme un domaine complexe proposant de nombreux types d’outils, de techniques qui peuvent être utilisés pour relever les défis posés par la fusion de données. Par ailleurs, il est également apparent que toutes les technologies appliquées sont utilisées de façon différente dans le big data. Élaborant ainsi des capacités différentes dans le secteur de la santé. Les données cliniques étaient la source la plus couramment utilisée pour l’analyse des données (70 %).

En se basant sur la présentation du logiciel basé sur Hadoop. Cette analyse confirme que les professionnels de santé utilisent principalement des données cliniques ou médicales structurées ou non structurées dans leurs recherches pour développer de nouvelles approches de bilans de santé personnalisés. Par ailleurs, Hadoop permet de concevoir également des modèles commerciaux pour réduire le temps et les coûts de recherche et de traitement tout en maintenant la qualité des données.

Il existe un besoin évident dans le domaine de la santé pour soutenir activement ou améliorer considérablement les capacités de prise de décision des professionnels cliniques. Notamment pour diagnostiquer des maladies et des conditions complexes. Un problème majeur avec les mégadonnées dans le domaine de la santé est que la plupart des données sont souvent non structurées. Cela signifie clairement qu’il existe des obstacles au traitement informatique de la plupart des données. Les experts cliniques s’efforcent donc constamment de développer davantage l’infrastructure pour une analyse la plus efficace possible.

Par Nawel Zenasni, promotion 2022-2023 du M2 IESCI

Références bibliographiques

  • Bendahou, M. (2018). Objets Connectés et Big Data au service de l’E-santé. UNIV EUROPEENNE.
  • Bertucci, F., Le Corroller-Soriano, A. G., Monneur, A., Fluzin, S., Viens, P., Maraninchi, D., & Goncalves, A. (2020). Santé numérique et « cancer hors les murs » , Big Data et intelligence artificielle. Bulletin du Cancer107(1), 102‑112. https://doi.org/10.1016/j.bulcan.2019.07.006
  • Wyber, R., Vaillancourt, S., Perry, W., Mannava, P., Folaranmi, T., & Celi, L. A. (2015). Big data in global health : improving health in low- and middle-income countries. Bulletin of the World Health Organization93(3), 203‑208. https://doi.org/10.2471/blt.14.139022
  • Béranger, J. (2016). La valeur éthique des Big data en santé. Les cahiers du numérique12(1‑2), 109‑132. https://doi.org/10.3166/lcn.12.1-2.109-132
  • Reza Soroushmehr, S. M., & Najarian, K. (2016). Transforming big data into computational models for personalized medicine and health care. Dialogues in Clinical Neuroscience18(3), 339‑343. https://doi.org/10.31887/dcns.2016.18.3/ssoroushmehr
  • Rial-Sebbag, E. (2017). Chapitre 4. La gouvernance des Big data utilisées en santé, un enjeu national et international. Journal international de bioéthique et d’éthique des sciences28(3), 39. https://doi.org/10.3917/jib.283.0039

Vidéos :

  • Cité des sciences et de l’industrie. (2020, août 5). Big data et santé[Vidéo]. YouTube. https://www.youtube.com/watch?v=s8MMg2ps1i0
  • France Culture. (2021, 17 septembre). Santé : promesses et dangers du big data[Vidéo]. YouTube. https://www.youtube.com/watch?v=Ykyy_yNufkA

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Comprendre le fonctionnement du Foreign Exchange FOREX ou marché des changes https://master-iesc-angers.com/comprendre-le-fonctionnement-du-foreign-exchange-forex-ou-marche-des-changes/ Wed, 08 Mar 2023 21:59:01 +0000 https://master-iesc-angers.com/?p=3652 Le FOREX est un marché financier qui joint à la fois des opérateurs financiers, les traders, des institutions financières, des entreprises ainsi que des banques centrales, chacun ayant des objectifs précis dans ce marché et les titres qui sont échangés… Continuer la lecture

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Le FOREX est un marché financier qui joint à la fois des opérateurs financiers, les traders, des institutions financières, des entreprises ainsi que des banques centrales, chacun ayant des objectifs précis dans ce marché et les titres qui sont échangés dans le FOREX sont appelés devises. Les devises les plus traitées sont le dollar américain (USD), le yen japonais (JPY), la livre sterling (GBP), le franc suisse (CHF), le dollar australien (AUD) et l’euro (EUR). Ces devises sont appelées les “majors”, par opposition aux “minors” qui représentent les devises émergentes et exotiques. Le marché des changes est entièrement dématérialisé et décentralisé. Il n’est rattaché à aucune place boursière en particulier, ce marché est accessible à tous car les opérations y sont réalisées de gré à gré. Dans cet article, nous analyserons les différents intervenants de ce marché et les risques auxquels ils sont exposés.

La notion du marché des changes

Le foreign exchange est le marché financier sur lequel les devises sont échangées l’une contre l’autre. Il s’agit du marché le plus liquide et le plus volatile au monde pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il est le plus grand marché financier au monde, avec un volume de transactions quotidiennes de 5 000 milliards de dollars, signifiant qu’il y a beaucoup d’acheteurs et de vendeurs en tout temps, ce qui facilite la liquidité du marché. En plus, le marché des changes est ouvert 24 heures sur 24, 5 jours par semaine, ce qui permet aux traders de participer à tout moment de la journée. Enfin, le marché étant décentralisé, il n’y a pas de lieu physique ou de bourse centralisée où les transactions sont effectuées. Les transactions sont effectuées via un réseau électronique des banques permettant une grande flexibilité et une grande liquidité.

Concernant la volatilité, elle est due aux nombreux facteurs qui influencent les taux de change, comme les taux d’intérêt, les politiques économiques ou encore les événements géopolitiques. Sur le marché des changes, les taux de change qui fluctuent en fonction de l’offre et de la demande de chaque devise, les banques centrales peuvent également intervenir pour stabiliser le taux de change de leur devise nationale.

Une capture d’écran prise à 1h15, le 27 janvier 2023 montre l’évolution des cours de devises sur une période de 5 jours et l’évolution des taux de change avec une base de référence le dollar américain. On voit l’évolution des différentes grandes devises par rapport au dollar. Par exemple, à cet instant, un euro vaut à 1,0897 dollar américain, il y a donc une hausse de l’euro de 0,30 % par rapport au dollar. Sur la deuxième image ci-dessous, une capture prise 10 minutes après, on observe une baisse de la hausse de l’Euro par rapport au dollar, cette hausse est maintenant de 0,21% et un euro vaut 1,0888 dollars américains. Si on s’intéresse aux autres devises comme la livre sterling ou le franc suisse, on peut observer l’évolution significative des cours de devises.

Ces graphiques nous permettent de confirmer la volatilité très présente sur le marché des changes. Le marché des changes est très complexe car il est influencé à la fois par des facteurs exogènes et endogènes au niveau d’un pays.

Le Forex implique deux devises au moins, nous avons une devise de base et une devise de cotation.

  • La devise de base est la première devise mentionnée dans une paire de devises sur le marché des changes (forex). C’est celle contre laquelle la seconde devise, appelée devise cotée, est échangée.
  • La devise cotée, également appelée devise de contrepartie ou devise de contre-devise, est la seconde devise mentionnée dans une paire de devises sur le marché des changes (forex). Elle est échangée contre la première devise, appelée devise de base.

Dans le cas du graphique ci-haut, la devise de base est l’euro et la devise cotée est le dollar américain.

Le marché des changes, comme tout marché financier, est régulé et surveillé de près. En France, c’est l’autorité des marchés financiers AMF qui est chargée de la réglementation et de la surveillance.

Le rôle de l’Autorité des Marchés Financiers

L’Autorité des marchés financiers a un rôle de réglementation et de surveillance sur le marché des changes (FOREX) en France.

En matière de réglementation, l’AMF s’assure que les prestataires de services financiers proposant des produits ou des services liés au marché des changes sont conformes aux lois et règlementations en vigueur, notamment en ce qui concerne la protection des investisseurs et la transparence des informations fournies aux clients.

En matière de surveillance, l’AMF surveille les activités sur le marché des changes pour détecter les comportements frauduleux ou irréguliers et prendre des mesures pour y remédier. Elle peut également mettre en place des mécanismes de surveillance pour détecter les risques systémiques pour la stabilité financière. L’AMF veille aussi à ce que les courtiers Forex agissent de manière légale et éthique, en conformité avec les réglementations en vigueur.

L’AMF peut également intervenir pour résoudre les litiges entre les investisseurs et les prestataires de services financiers sur les marchés des changes, et pour prendre des sanctions administratives ou judiciaires en cas de manquements aux règles. L’AMF travaille en étroite collaboration avec les autres autorités de réglementation et de surveillance, tant au niveau national qu’européen et international, pour renforcer la réglementation et la surveillance des marchés des changes.

Le marché des changes est également affecté par les acteurs qui y interagissent. Il existe plusieurs intervenants qui, en fonction de leurs différents objectifs, peuvent impacter ou non le marché des changes.

Les intervenants sur le marché des changes

Les intervenants sont ceux qui affectent ce marché, ils ont des objectifs divers mais profitent tous des tendances baissières et haussières du marché. Dans le FOREX, les intervenants sont les banques commerciales, les banques centrales, les multinationales, les investisseurs institutionnels, les brokers et les particuliers.

Les banques commerciales ont généralement pour objectif de faire :

  • Le market-making, en achetant et en vendant des devises pour leur propre compte afin de réaliser un bénéfice en exploitant les écarts entre les prix d’achat et de vente. Elles utilisent également des stratégies de “hedging” pour réduire leur propre risque de change en achetant et en vendant simultanément des devises différentes.
  • L’arbitrage afin de profiter des inégalités de prix sur différents marchés. Par exemple, ils peuvent exploiter les écarts de taux d’intérêt entre les devises en achetant une devise à un taux d’intérêt élevé et en vendant immédiatement une autre devise à un taux d’intérêt plus bas.
  • La spéculation consiste à prendre des positions sur les devises en utilisant les anticipations des mouvements futurs des taux de change. Les banques commerciales peuvent utiliser des stratégies de spéculation pour réaliser des bénéfices en achetant une devise qu’elles prévoient de voir apprécier, ou en vendant une devise qu’elles prévoient de voir se déprécier. La spéculation est risquée car elle repose sur des anticipations qui peuvent ne pas se réaliser.

Ces banques doivent disposer des moyens humains généralement spécialisés par fonction trader, saler, arbitragiste, … et des moyens techniques.

L’étude 2022 de EUROMONEY montre que les banques commerciales sont bien les principales intervenantes sur ce marché,  plus de 65 % des parts du marché sont concentrés seulement entre 10 banques.

Les banques centrales peuvent intervenir sur le marché des changes dans le but de maintenir la stabilité de leur monnaie et de protéger leur économie des fluctuations extrêmes des taux de change. Les interventions des banques centrales peuvent prendre plusieurs formes, notamment :

  • Les interventions de change : les banques centrales peuvent acheter ou vendre des devises sur le marché pour influencer les taux de change. Par exemple, si une banque centrale veut renforcer sa monnaie, elle peut acheter sa propre devise sur le marché pour augmenter sa demande et faire monter son cours.
  • Les taux d’intérêt : les banques centrales peuvent utiliser les taux d’intérêt pour influencer les taux de change. Les taux d’intérêt plus élevés attirent les investisseurs et renforcent la monnaie, tandis que les taux d’intérêt plus bas ont l’effet inverse.
  • Les réserves de change : les banques centrales peuvent utiliser leurs réserves de change pour intervenir sur le marché. Les réserves de change sont des devises étrangères qu’une banque centrale détient pour stabiliser le taux de change.

Les principales banques centrales sont donc la Réserve Fédérale des Etats-Unis (FED), la Banque Centrale Européenne (BCE), la Banque du Japon (BOJ), la Banque d’Angleterre (BOE), la Banque Centrale Suisse (BCS), ce sont ces banques qui fixent le taux directeur qui est le taux d’intérêt auquel les banques centrales prêtent de l’argent à d’autres banques. Elles utilisent les taux d’intérêt pour influencer les taux de change en les ajustant pour rendre leur monnaie plus ou moins attractive.

Les entreprises multinationales sont sur le marché des changes pour pouvoir échanger les devises qu’elles ont gagnées dans un pays pour les devises dont elles ont besoin pour payer leurs dépenses dans d’autres pays. Cela leur permet également de couvrir leur risque de fluctuation des taux de change pour les transactions internationales.

Les investisseurs institutionnels sont les investisseurs professionnels tels que les banques, les fonds de pension, les sociétés d’assurance, …. Ils ont généralement des sommes importantes à investir et peuvent utiliser des techniques de trading avancées pour maximiser leurs profits sur le marché des changes. Les investisseurs institutionnels sont considérés comme des acteurs importants sur le marché des changes en raison de la taille importante de leurs investissements et de leur capacité à influencer les taux.

Les “brokers” ou courtiers sur le marché des changes jouent le rôle des intermédiaires entre les acheteurs et les vendeurs de devises. Ils permettent aux traders individuels et aux entreprises d’accéder au marché et de passer des transactions par l’achat et la vente des devises étrangères. Les brokers fournissent également des services et des outils tels que les plateformes de trading en ligne, les cotations en temps réel et les analyses de marché afin d’aider leurs clients à prendre des décisions de trading informées.

Les transactions des banques centrales, des entreprises multinationales, des investisseurs institutionnels et des brokers ne représentent qu’environ 34 % du marché des changes, plus de 66 % étant détenus par les banques commerciales.

Une autre catégorie est celle des traders individuels sur le marché des changes qui sont des particuliers qui y interviennent en utilisant des techniques telles l’analyse technique ou l’analyse fondamentale, pour tenter de prévoir les fluctuations des taux de change et réaliser des profits.  Les individus réalisent également des opérations non commerciales par exemple dans le domaine du tourisme étranger, des pensions, le transfert de salaires, des redevances.

Les risques auxquels les intervenants sont exposés

Les intervenants du marché des changes (FOREX) sont exposés à plusieurs risques, notamment :

  • Le risque de change : le risque que les variations des taux de change aient un impact sur les actifs ou les passifs d’une entreprise ou d’un investisseur.
  • Le risque de contrepartie : Il s’agit du risque que la contrepartie d’une transaction ne soit pas capable de remplir ses obligations financières.
  • Le risque de liquidité : les marchés peuvent être peu liquides, ce qui rendra difficile l’entrée ou la sortie d’un investissement.
  • Le risque de taux d’intérêt sur le marché des changes (FOREX) découle des variations des taux d’intérêt des différentes devises. Les taux d’intérêt ont un impact sur la valeur relative des devises car ils affectent les flux de capitaux entre les différents pays.
  • Le risque de crédit : Il s’agit du risque que la contrepartie ne remplisse pas ses obligations financières. Il existe le risque de contrepartie, le risque de contrepartie systémique, le risque de contrepartie de crédit.
  • Pour les consommateurs qui sont les “traders”, le risque d’investir sur les sites de trading en ligne est lié aux pratiques frauduleuses de ces sites litigieux. En effet, les consommateurs novices dans le domaine, reçoivent des propositions de gains rapides et importants avec un accompagnement de plus en plus personnalisé alors que le Forex est un marché non régulé et constitue de ce fait un marché spéculatif très risqué. Pour contrer ces sites, l’AMF publie une liste noire des sites non autorisés à proposer du Forex qui est mise à jour de façon régulière.

Il est important de noter que ces risques ne sont pas exclusifs et peuvent être interconnectés, il est donc important pour les intervenants du marché des changes de bien comprendre ces risques et de mettre en place des mesures pour les gérer efficacement. Pour gérer le risque de marché sur le marché des changes, les traders et les investisseurs peuvent utiliser des instruments financiers tels que les options et les contrats à terme pour couvrir leurs positions. Il est également important de surveiller les tendances du marché et de diversifier les positions pour réduire les risques.

Le marché des changes ou FOREX est un marché très complexe et volatile qui présente de nombreux risques pour les traders et les investisseurs. Le rôle de l’AMF est de protéger les investisseurs, de promouvoir la transparence du marché. Comme vu plus haut les différents intervenants agissent en fonction de leurs objectifs et sont donc exposés aux risques du marché de différentes manières. Pour gérer ces risques et s’en prémunir, les intervenants utilisent plusieurs instruments financiers et techniques comme diversifier leurs portefeuilles.

Par Sidonie Nkongolo et Fatou Gaye, promotion 2022-2023 du M2 IESCI

Bibliographie

Attention aux investissements de trading en ligne. (n.d.). economie.gouv.fr.

https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/attention-aux-investissements-trading-en-ligne

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Darnet, G. (n.d.). Intervenants du Forex. ABC Forex.

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DEBBICH, Majdi et RAMEIX, Gérard. Nouvelles technologies et protection des épargnants: l’action de l’AMF. Revue d’économie financière, 2015, no 4, p. 155-168.

Nouvelles technologies et protection des épargnants : l’action de l’AMF | Cairn.info

IFCMARKETS. CORP. (2023, January 8). Les intervenants du Marché Financier. IFC Markets. https://www.ifcmarkets.com/fr/introduction/forex-players

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LAMRANI, K., & BENNIS, L. (2022). Intervention des banques centrales sur le marché des changes et leurs contributions à la stabilité financière. Revue Française d’Economie et de Gestion, 3(3).

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L’intelligence économique et les petites et moyennes entreprises https://master-iesc-angers.com/lintelligence-economique-et-les-petites-et-moyennes-entreprises/ Sun, 22 Jan 2023 20:22:37 +0000 https://master-iesc-angers.com/?p=3643 Les petites et moyennes entreprises ont été identifiées comme un des leviers essentiels du développement en ce sens que les effets sur le reste de l’économie en termes de création d’emplois, de différenciation de produit, d’utilisation de facteur de production… Continuer la lecture

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Les petites et moyennes entreprises ont été identifiées comme un des leviers essentiels du développement en ce sens que les effets sur le reste de l’économie en termes de création d’emplois, de différenciation de produit, d’utilisation de facteur de production locaux sont réels. Les PME privées sont une source essentielle d’emplois et sont génératrices de recettes considérables dans de nombreux pays.

Le but de cet article sera donc de mettre l’accent sur l’intérêt que ces entreprises pourraient tirer de la pratique d’IE.

Qu’est-ce qu’une petite ou moyenne entreprise ?

Le secteur privé est constitué par différentes catégories d’acteurs intervenant sur le marché. Parmi ceux-là nous avons de petites et moyennes entreprises (ci-après dénommées PME).  La notion de PME est définie de manière différente selon les institutions. La définition qui a retenu notre attention est celle de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Elles y sont définies comme des entreprises indépendantes qui comptent un nombre de salariés limité dont le plafond le plus fréquent est de 250 salariés, notamment dans l’Union européenne (UE). Elles sont également catégorisées selon leurs actifs financiers. Dans l’UE, les PME sont celles « avec un chiffre d’affaires annuel ne dépassant pas 50 millions d’euros et/ou dont la valeur du bilan ne dépasse pas 43 millions d’euros » (INSEE, 2019). Les petites entreprises sont celles qui emploient moins de 50 salariés, et les micro-entreprises en comptent au maximum dix.

Les PME constituent le poumon économique de la France. Par les économistes, les institutions financières internationales, les autorités publiques, elles ont été unanimement identifiées comme « prioritaires pour la soutenabilité de la croissance française » (Jean-Marc Pillu, Yves Zlotowski, 2014). Ces propos sont appuyés par l’OCDE, qui confirme le rôle majeur joué par ces PME dans la croissance économique, de plus ce sont elles qui créent la plupart des emplois nouveaux. D’après l’INSEE, les PME représentent plus de 99% des entreprises en France. Elles sont d’autant plus importantes dans l’économie dans la mesure où les grandes entreprises réduisent leurs effectifs et externalisent de plus en plus de fonctions en faisant appel à elles en tant que sous-traitants.

D’après les données résultantes des enquêtes de l’OCDE, 30 à 60 % des PME sont innovantes, au sens large du terme. Leur innovation concerne en grande partie les marchés de niche dans le sens de concevoir ou d’améliorer des produits ou des services en fonction de nouveaux besoins sur marché. Aujourd’hui, nous constatons la mise en place de politiques visant à encadrer la création et l’expansion de ces entreprises afin de promouvoir l’innovation et également optimiser la contribution de celles-ci à la croissance.

Les PME étant essentielles pour une économie dynamique, associer une démarche d’IE à leur activité pour renforcer leur culture informationnelle peut représenter un levier de compétitivité.

La culture informationnelle des petites et moyennes entreprises

L’essence de l’IE c’est de nourrir la réflexion et d’alimenter la prise de décision. A cet effet, il est nécessaire qu’elle soit intégrée à la culture même de l’entreprise. C’est à travers la culture d’entreprise que le sentiment d’appartenance qui favorise l’implication collective peut être suscité. Elle permet également de développer la cohésion et la motivation des équipes. Dès lors, intégrer l’IE à la culture de l’entreprise reviendrait à inculquer à ses collaborateurs la culture du partage de l’information ce qui serait un moyen efficace de la faire circuler. Cette culture informationnelle est « un ensemble de connaissances et de savoir-faire partagés dans une communauté qui permettent de situer, de repérer, de qualifier, de traiter et de communiquer des informations de manière pertinente » (Annette Béguin-Verbrugge et Susan Kovacs, 2011).

Dans le cadre d’une veille, une culture informationnelle prononcée transforme les employés en veilleurs et avantage donc la remontée d’informations. Cet engagement de la source humaine est estimé insuffisant auprès des PME selon les rares études menées sur ce sujet spécifique. En effet, les études sur les pratiques informationnelles sont plus orientées vers les milieux scolaire et académique. Très peu d’études scientifiques ont été réalisées sur la sensibilité des PME à l’information.

Néanmoins, une étude de Franck Bulinge met en exergue la relation entre les pratiques informationnelles des PME et leur culture informationnelle. Dans cette étude, il souligne que « les PME, dans leur majorité, font preuve d’un déficit culturel en termes de stratégie, d’information et de technologies » (Bulinge, 2002). Nous nous référons à l’étude qualitative de Claire d’Hennezel sur la culture informationnelle collaborative dans les PME pour appuyer ces propos. Cependant, cette étude réalisée sur des PME du secteur aéronautique spatial défense en Nouvelle Aquitaine a montré que les PME en question ne sont pas sans stratégie d’IE et que cette stratégie est juste informelle, très intuitive et n’engage en général que les dirigeants. La pratique de l’IE dans les petites entreprises est donc érigée « sur une série d’éléments qui sont contraires aux modélisations classiques de la discipline, que ce soit d’un point de vue professionnel ou d’un point de vue scientifique » (Claire d’Hennezel, 2017). A l’issus d’une enquête par questionnaire l’auteur aboutit aux conclusions suivantes :

  • « Les dirigeants ont des comportements d’IE largement intuitifs et peu appris. Leurs pratiques sont largement fondées sur une culture informationnelle collaborative, faite d’échanges et de partage d’informations, d’interrelations avec les contacts du dirigeant, d’exploitation d’un réseau identifié.
  • Ils rencontrent des difficultés à définir avec précision la notion d’intelligence économique qu’ils assimilent à la veille. Ils sont cependant engagés dans des actions stratégiques qui relèvent de l’IE : actions proactives dans un but concurrentiel, démarches de sécurité économique ou actions d’influence de leur environnement ».

Toutefois, le défaut d’appropriation peut être expliqué par un déficit de moyens humains et financiers qui représente un réel obstacle pour ces entreprises. Du fait de la contrainte auxquelles elles sont confrontées, les PME se contentent de ces méthodes « pour accéder aux ressources nécessaires à l’élaboration de leur stratégie et à la gestion quotidienne de leur entreprise » (Claire d’Hennezel, 2017).

Par ailleurs, la particularité de cette pratique informationnelle a fait l’objet de recherches académiques notamment au sein du laboratoire « Groupe d’Etudes et de Recherche Interdisciplinaire en Information et Communication » (GERIICO) de l’université de Lille sous forme de projet de recherche. Un exemple en est le projet PRatiques Informationnelles dans Small and Medium Enterprises (PRISME) destiné à analyser les pratiques informationnelles de 3000 PME-PMI en contexte de veille dans la région Nord Pas-de-Calais. Ce projet était focalisé sur les aspects à la fois organisationnel et technologique et a révélé entre autres résultats que :

  • 38,61% des PME soulignent que la recherche d’information fait partie des tâches habituelles que leurs employés effectuent.
  • Il y a une indication claire que les PME accordent plus d’importance à l’information qu’au fait de la rassembler.
  • Une utilisation de sources comme les newsletters payantes reste modeste. (Notre traduction des résultats)

Nous pouvons donc remarquer que pour la majorité des PME « la culture informationnelle est passive et non intégrée au processus de décision » (Bulinge, 2002). En dépit de ce constat, nous nous intéresserons à la question de savoir dans quelle mesure les PME ont-elles besoin d’associer un système d’IE à leur fonctionnement.

Pourquoi faire de l’intelligence économique quand on est une petite ou moyenne entreprise ?

Comme nous avons pu le voir, la plupart des PME sont conscientes de leur besoin d’information qu’il soit clairement exprimé ou non. A l’ère de l’hyper compétition, la maîtrise de l’information joue un rôle prépondérant dans la compétitivité et la pérennité de toute entreprise. A fortiori pour les PME dont seul un petit effectif atteint une durée de vie de plus de cinq ans.

Selon l’optique de Carayon, « les PME ont besoin d’accéder facilement et au meilleur coût à l’information de premier niveau : informations scientifiques et techniques, statistiques, financières et commerciales, juridiques et légales » (Carayon 2003). A cela s’ajoute le fait que « les PME françaises ne sont pas à l’abri d’une offensive d’IE d’une entreprise de taille analogue, mais dont elle ne soupçonne pas l’arrivée sur son marché » (Martre, 1994). Elles ne sont donc pas à l’abri du besoin de compréhension globale de leur environnement, elles se doivent d’être non seulement à l’affût de toutes les modifications de cet environnement mais également de les anticiper au moyen d’une veille active et ciblée.

De surcroît, cette veille contribue à l’amélioration de la performance du fait qu’elle procure une information utile qui une fois vérifiée, analysée et accumulée de manière dynamique et évolutive, devient une connaissance avec un enjeu majeur pour l’organisme. Toutefois, l’information est jugée utile lorsqu’elle est nécessaire pour « élaborer et mettre en oeuvre de façon cohérente la stratégie et les tactiques nécessaires à l’atteinte des objectifs définis par l’entreprise dans le but d’acquérir et/ou de préserver, voire d’améliorer sa situation dans son environnement concurrentiel » (Martre, 1994).

Il est reconnu que les PME ont une vision court-termiste or, leur pérennité est intimement liée à leur capacité d’anticiper les besoins futurs et de se protéger des nouvelles menaces. En matière de protection, il est donc primordial pour la PME d’assurer la défense de son patrimoine intellectuel et à titre préventif, d’être attentive aux risques de contrefaçon ou de détournement d’innovation dont elle peut être victime. En absence de système d’IE clairement défini, la PME serait davantage dans l’incapacité d’élaborer une stratégie d’influence auprès des décideurs politiques ou administratifs. Tous ces facteurs nous permettent ainsi d’expliquer la pratique d’activités d’IE au sein des PME car elle est par excellence l’activité qui englobe les moyens indispensables lui permettant de pallier sa vulnérabilité.

Un modèle incrémental d’intelligence économique par Franck Bulinge

Maintenant que nous avons vu que le système d’IE n’exclut guère les PME, il importe de trouver une méthode adéquate à leur fonctionnement. Le rythme d’appropriation d’un concept est différent selon les firmes. Une solution à cette spécificité serait la méthode incrémentale proposée par Franck Bulinge et qui permet à chaque structure de définir par elle et pour elle son propre rythme de progression sur l’échelon des pratiques d’IE qu’il a élaboré. Cette méthode découle de différents constats sur l’organisation des PME parmi lesquels, le manque de temps, de moyens ainsi qu’une pratique centrée sur le court terme (Bulinge, 2002). Ainsi, l’auteur distingue trois niveaux d’intelligence synthétisés sur le tableau ci-après :

Ces niveaux d’intelligence renvoient aux piliers de l’IE. La particularité réside dans le fait que l’entreprise a la possibilité selon ses besoins de stagner à la première étape ou d’évoluer vers le niveau supérieur. Cependant la réciproque est fausse car la démarche suit une logique de progression, « les seconds et troisième niveaux ne peuvent être atteints sans une maîtrise du précédent mais ils n’impliquent aucune contrainte de temps ni aucune obligation de recherche du niveau supérieur » (Bulinge, 2002). A ces différents niveaux s’ajoutent des « unités incrémentales » qui résument la progression de cette adaptation « par petits pas ». De cette modélisation, est élaborée la grille de lecture suivante qui permet d’observer la logique de transfert progressif et adapté des méthodes d’IE.

 

L’intelligence informationnelle

A l’image de la veille, cette étape fait référence à la recherche, l’analyse et la diffusion de l’information. L’intelligence informationnelle symbolise donc « les capacités basiques de résolutions de problématiques informationnelles » (Bulinge,2002). Elle représente donc une solution au besoin d’accès à l’information souligné par Carayon et est définie comme étant « la capacité individuelle et collective à comprendre et résoudre les problématiques d’acquisition de données et de transformation de l’information en connaissance opérationnelle, c’est-à-dire orientée vers la décision et l’action. (…) » (Bulinge et Agostinelli, 2005). Il s’agit donc de mettre l’information au service de la prise de décision. Mener une veille informationnelle requiert un certain nombre de compétences qui s’articule autour des points résumés ici :

La démarche de veille que nous proposons et qui s’articule autour de ces compétences fait l’objet d’une épuration pour répondre au mieux au profil de la PME. Le diagnostic et la formulation des besoins en information désignent la capacité à cerner le besoin informationnel et nécessitent une compréhension de l’entreprise, de son contexte pour ainsi distinguer la nature de l’information qu’elle recherche afin de définir son périmètre de surveillance, les acteurs concernés également. La PME doit effectivement se connaître c’est-à-dire la nécessité d’estimer ses capacités en matière d’IE, de déterminer la continuité du dispositif d’IE mais aussi de prendre conscience de ce qu’elle veut faire de l’IE. L’élaboration de cette stratégie est indispensable pour ne pas perdre de vue l’objectif de la recherche.

Il est également nécessaire qu’elle identifie les ressources humaines et matérielles à mobiliser pour sa stratégie de veille. En ce qui concerne les moyens techniques, la PME peut faire recours à des logiciels non payants ou à prix abordables. L’inconvénient des logiciels gratuits est que la majorité ne couvre qu’une partie du processus de veille. Il est cependant possible de travailler sur différentes plateformes pour la collecte, l’analyse ou la diffusion. Une méthode simple est le recours à la recherche avancée sur Twitter et Google alerte. Pour une veille e reputation par exemple, il suffit de mettre une alerte sur le nom de son entreprise. En guise d’exemple de logiciel de veille nous pouvons citer l’agrégateur de contenu Inoreader, utilisable sur différents supports (en application sur appareil mobile ou via une plateforme de navigateur web) il permet de centraliser l’actualité à partir de différentes sources.

Le résultat de la veille peut être du texte ou des données à évaluer. Pour analyser des données, Microsoft Excel permet, grâce à des opérations simples et pratiques, de présenter, d’analyser et d’interpréter à partir de feuilles de calcul, une multitude de données. Pour rester sur une méthode simple, la diffusion peut être faite par simple envoie de mail ou par un système intranet.

Aujourd’hui, il existe des logiciels intégrant tout le processus de veille à des prix gracieux. Le logiciel Sindup en est une illustration, très utilisé par les PME il est au prix de 2400 euros par an et par licence. Les outils de veille ont approximativement le même processus fonctionnel. Il faut dans un premier temps identifier les sources à surveiller, puis paramétrer les requêtes, ensuite définir la structure de stockage et enfin définir les modes de consultation. L’information obtenue de la veille devra ensuite être stockée de manière dynamique car l’information constitue après interprétation et accumulation, la connaissance de l’entreprise.

Toutefois, la manière de faire de la veille sans contrainte d’ordre pécuniaire est d’impliquer les salariés. Une fois la culture informationnelle acquise, la remontée d’information par les salariés peut représenter un vrai atout pour la PME. En effet, ils constituent « une interface cruciale entre l’entreprise et son environnement, qui soit, se déplacent fréquemment hors de l’entreprise pour leurs tâches principales (qui ne sont pas la veille) et par conséquent sont amenés à avoir des contacts intéressants avec l’extérieur, soit parce qu’ils reçoivent » (JAKOBIAK, 2016 ; El HADDANI, 2018). L’intégration de la dimension humaine est donc fondamentale. Ce processus devra inévitablement être récurrent pour permettre à la PME de se tenir à jour et elle implique une reconsidération régulière des besoins.

L’intelligence compétitive

Pour le deuxième pilier, l’auteur fait allusion à une correspondance « à la prise en compte dynamique de l’information dans le processus décisionnel » qui plus loin « suppose la mise en place d’un dispositif formalisé de recueil et de traitement de l’information répondant aux critères de la veille » (Bulinge, 2002). Nous estimons que la collecte, le traitement, l’analyse et la distribution de toute information ou donnée externe à l’entreprise est du ressort de l’intelligence informationnelle dont le résultat procure un potentiel avantage compétitif à la PME.

En termes d’intelligence opérationnelle (IO) ou compétitive (IC), nous proposons donc une élaboration de stratégie opérationnelle mobilisant les données internes de la PME et dont la vocation serait d’optimiser son système d’activité pour la rendre plus compétitive. Cette méthode repose sur l’analyse des données de l’entreprise, particulièrement celles de ses lignes de métier. Il s’agit d’une perspective de supervision opérationnelle en vue de maîtriser voire minimiser les coûts de fonctionnement. Cette analyse dynamique permettra une optimisation de la chaîne de valeur qui donnera lieu à des économies d’échelle. L’optimisation peut se faire par raccourcissement des circuits d’approvisionnement et de distribution ou encore par l’élimination du stockage grâce à une synchronisation de tout le processus. Pour trouver un accueil favorable de son produit ou service par la demande, il importe à la PME de se démarquer de ses concurrents. Elle peut dans ce sens envisager de différencier son offre en proposant de nouveaux designs ou fonctionnalités. Par la suite, il faudra entretenir la demande par le renouvellement de l’offre soit par une sophistication ou une épuration du produit.

Dans cette logique d’IO, l’auteur évoque également l’aspect sécuritaire auquel la PME doit faire face pour protéger ses acquis. Il distingue alors la sécurité passive (fermeture des locaux, vidage des corbeilles, discrétion) de la sécurité active (sauvegarde des fichiers, protection des systèmes) (Bulinge, 2002). Sur ces conditions, il délimite le champ d’action de l’IO. En effet, « il agit sur la prise de conscience par l’ensemble des acteurs des menaces et des opportunités, de leur environnement et de leur position concurrentielle. L’adoption d’une attitude proactive et d’un état d’esprit que nous pouvons qualifier d’intelligence compétitive est suggérée» (Bulinge, 2002).

Dès lors, une sensibilisation du personnel sur les enjeux informationnels est capitale parce que la perte ou fuite d’informations délicates peut s’avérer néfaste pour la pérennité de la structure. Ce volet implique donc la protection juridique de la connaissance et du savoir-faire de l’entreprise. La connaissance concernée par cette démarche est définie comme étant un « ensemble structuré des informations assimilées et intégrées dans un cadre de références qui permet à l’entreprise de conduire ses activités et d’opérer dans un contexte spécifique, en mobilisant pour ce faire, des interprétations différentes » (Durand, 2000).

L’intelligence stratégique

Par l’intelligence stratégique (IS), est abordé l’aspect « réseau et interactivité » de l’entreprise avec son environnement. En management elle renvoie à la capacité de penser l’avenir à défaut de pouvoir le prédire. Elle exige donc « la connaissance et la maîtrise de l’ensemble des méthodologies, des outils et des philosophies d’emploi de l’information dans un environnement interactif et complexe » (Bulinge, 2002). Ce dernier volet que nous pouvons assimiler à l’influence intervient après identification des opportunités et des menaces et pourrait être un levier pour, peut-être transformer ces dernières en opportunités. Cela nécessite une anticipation à l’aide de la veille suivi d’action véhiculant de manière persuasive la stratégie de l’entreprise.

Pour une PME, ces démarches peuvent être effectuées auprès d’auteurs territoriaux en vue d’obtenir une issue favorable aux intérêts que l’entreprise défend. La création des nouvelles relations peut également être considérée par l’entreprise. Nous pouvons citer les opportunités de stratégie relationnelle suivantes :

  • La coopération qui consiste à créer des partenariats avec d’autres entreprises ou fournisseurs.
  • La coopétition qui est une collaboration avec ses concurrents pour remporter un marché, pour innover ou simplement pour économiser des ressources (sur la recherche et développement ou des achats groupés par exemple).
  • L’adhésion à un pôle de compétitivité est également envisageable selon le secteur d’activité et la localisation.

Le concept d’IE est vu pour certains comme un investissement superflu. Or, il représente une aide à la maîtrise de l’incertitude. Les PME doivent donc repenser leur pratique informationnelle en vue de tirer avantage de cet état d’esprit et mode d’action offensive qu’est l’IE. Quoique davantage pratiquée par les grandes entreprises qui y emploient des ressources plus sophistiquées, l’IE est également accessible au petit budget. Nous avons donc proposé une combinaison d’actions ayant pour vocation d’accompagner les PME dans leur volonté de pérenniser leur activité, d’augmenter leur capacité et résultats par l’anticipation et la maîtrise du marché et de ses acteurs. Ce qui nous a soumis à la conception d’une approche en trois niveaux d’intelligence correspondant aux trois piliers de l’IE et basé sur les travaux de Franck BULINGE.

Ce dispositif peut être mis en place par l’entreprise en toute autonomie ou en se faisant assister par les structures d’accompagnement.

Par Fatou Gaye et Sidonie Nkongolo, promotion 2022-2023 du M2 IESCI d’Angers

Bibliographie

BÉGUIN-VERBRUGGE A. et KOVACS S. (2011). « Le cahier et l’écran. Culture informationnelle et premiers apprentissages documentaires ». Systèmes d’information et organisation documentaires, Paris.

BULINGE F. (2002). « Pour une culture de l’information dans les petites et moyennes organisations : un modèle incrémental d’intelligence économique ». Thèse soutenue le 2 décembre 2002. Université de Toulon et du Var. Directeur de recherche, professeur DUMAS P.

BULINGE F., AGOSTINELLI S. (2005). « L’analyse d’information : d’un modèle individuel à une culture collective : management et communication pour une économie de la connaissance ». Revue internationale d’intelligence informationnelle.

CARAYON B. (2003). « Intelligence économique, compétitivité et cohésion Sociale ». Rapport au Premier ministre, La Documentation française.

D’HENNEZEL C. (2017) « Culture informationnelle collaborative et intelligence économique ». Communication et organisation [En ligne], mis en ligne le 01 juin 2020, consulté le 12 Décembre 2022. https://doi.org/10.4000/communicationorganisation.5591

DURAND T. (2000). « Savoir, savoir-faire et savoir-être repenser les compétences de l’entreprise ». Ecole Centrale Paris

EL HADDANI M. (2018). « Modélisation systémique de la veille terrain visant la complémentarité des canaux d’information pour améliorer la compétitivité des entreprises : une application à un groupe industriel ». Thèse soutenue le 23 mars 2018. Université d’Angers. Directeur de recherche, professeur BAULANT C.

JAKOBIAK F. (2016). « Renseignement en entreprise ».

MARTRE H., CLERC P. et HARBULOT C. (1994). « Intelligence économique et stratégie des entreprises ». La Documentation française. Commissariat général du plan.

PILLU J.M., ZLOTOWSKI Y. (2014) « PME françaises : fragiles et indispensables »

 

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Accueillir la coupe du monde : une opportunité économique pour le Qatar https://master-iesc-angers.com/accueillir-la-coupe-du-monde-une-opportunite-economique-pour-le-qatar/ Thu, 19 Jan 2023 13:49:42 +0000 https://master-iesc-angers.com/?p=3639 1.  L’impact de la Coupe du Monde FIFA 2022 sur l’économie, les start-ups et les PME du Qatar. 1.1.  Les revenus les plus élevés de l’histoire de la Coupe du monde La Coupe du monde 2022 devrait atteindre les revenus… Continuer la lecture

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1.  L’impact de la Coupe du Monde FIFA 2022 sur l’économie, les start-ups et les PME du Qatar.

1.1.  Les revenus les plus élevés de l’histoire de la Coupe du monde

La Coupe du monde 2022 devrait atteindre les revenus les plus élevés de l’histoire de la Coupe du monde. La FIFA a vendu les droits de diffusion, environ 240 000 packages d’hospitalité et 3 millions de billets pour le tournoi avant le début de la coupe du monde. En plus de tout cela, les ventes de marketing au cours de la période de 2019 à 2022 dépasseront le chiffre budgété d’environ 1,8 milliard de dollars.

De nombreuses sources ont souligné que les recettes du tournoi dépasseront 6,4 milliards de dollars, un chiffre visé par la FIFA au cours des trois dernières années, car ces recettes seront utilisées pour des activités de développement du sport dans le monde entier. Il est également prévu que le Qatar ajoute près de 17 milliards de dollars à son économie avec la présence des supporters tout au long du tournoi. On estime que le pays a dépensé la somme astronomique de 220 milliards de dollars depuis 2010. C’est 15 fois plus que ce que la Russie a dépensé pour l’événement de 2018. En outre, l’État a dépensé plus de 300 milliards de dollars pour moderniser les infrastructures. Cela comprend le métro de Doha, plusieurs milliers de kilomètres de routes et d’autoroutes, un nouvel aéroport, une nouvelle ville et un nouveau port. Sans oublier les installations gazières et pétrolières.

Selon plusieurs rapports, les analystes financiers estiment que le PIB du Qatar augmentera de 4,1 % d’ici la fin de l’année grâce à la Coupe du monde. Et entre 2022 et 2030, le PIB de la région se situera à une moyenne de 3,2 %. Les rapports soulignent que la Coupe du monde de la FIFA 2022 apportera plus de 20 milliards de dollars à l’économie du Qatar. Des variations sont encore en place, mais une analyse prévisionnelle effectuée par le journal “FocusEconomics” prévoit que la coupe du monde au Qatar triplera la croissance du PIB par rapport à 2021 où elle était de 1,6%.

En outre, le Qatar fait le pari que la Coupe stimulera également le tourisme à plus long terme : Le gouvernement vise 6 millions de visiteurs par an d’ici 2030, contre 2 millions en 2019. Enfin, une partie au moins des infrastructures construites pour la compétition – notamment une ligne de métro à Doha et un aéroport – auront une utilité économique permanente, ce qui correspond aux objectifs d’encouragement du tourisme et de diversification de l’économie.

1.2. Une croissance accrue signifie une augmentation des dépenses

Selon un rapport de presse de l’agence de presse Zawya, les fans de football de la région dépenseront davantage pour socialiser et sortir, par rapport à la précédente Coupe du monde.  Selon les données publiées dans une nouvelle enquête, rapportée par Zawya, plus de la moitié des personnes interrogées – 54 % au Qatar, 45 % en Arabie saoudite et 42 % aux Émirats arabes unis – dépenseront davantage que lors des précédentes Coupes du monde.  En outre, la Coupe du monde devrait entraîner une augmentation des commandes de nourriture. Le niveau des commandes sera de 80 % aux heures de pointe les jours de match, par rapport aux jours normaux, indique le rapport.

1.3. Un marché haussier

Selon un rapport d’Al Jazeera, au cours des dix premiers mois de l’année, le pays a déjà enregistré des entrées de capitaux étrangers à hauteur de 4 milliards de dollars. La bourse du Qatar a, en fait, surperformé ses pairs à l’approche du méga-événement sportif. Et cela devrait continuer même un an après le tournoi.  Selon les rapports, l’indice de la bourse du Qatar, qui mesure les 20 actions les plus liquides et les plus importantes de la bourse, a augmenté de 24,7 % entre le début de l’année et avril 2022.

Cependant, bien qu’il ait baissé et stagné pendant un certain temps, il a augmenté de 12,1 %.  Hormis l’impact économique et la croissance des grandes entreprises, le secteur des PME de la région connaîtra également une croissance importante. Le secteur a en fait été l’un des principaux moteurs économiques du Qatar au cours des dix dernières années. Lors d’une table ronde au GWC Forum 2022 à Doha en novembre, il a été déclaré que le secteur connaîtra une croissance importante dans les années à venir. Il a également été dit que, au cours des quatre dernières années, il y a eu une croissance en termes de contribution des PME de la région à l’économie du Qatar.

1.3.            Startups

Selon le site web YourStory, sur leur édition du Golfe, les startups de la région montrent également un intérêt significatif pour la Coupe du monde. Arvex, une entreprise technologique basée à Doha, propose des visites virtuelles à 360 degrés du stade international Khalifa de Doha.  Dans le but d’apporter les plus hautes formes de technologie à la Coupe du monde, la région a injecté des fonds dans la startup technologique qatarie sKora. L’intelligence artificielle (IA) utilisée par la plateforme sKora permettra d’identifier les talents et de préparer les athlètes sur la base d’informations précieuses. Les systèmes de sKora feront l’inventaire des caractéristiques, des compétences et des performances uniques des athlètes pour générer des données et des informations basées sur l’IA, qui à leur tour traceront le bon parcours professionnel pour eux.  Pour le Qatar, la Coupe du monde est un moyen de mettre en valeur et d’encourager d’autres industries dans la région et de dépasser sa dépendance au pétrole et au gaz. La collaboration avec des start-ups comme Arvex encourage les entreprises et les entrepreneurs locaux.  La Supreme Committee for Delivery & Legacy au Qatar a offert un mentorat, de l’argent et une formation aux startups et aux idées qui avaient le potentiel de contribuer à ses préparatifs pour la Coupe du monde.

Un professeur de physique de la Virginia Commonwealth University, au Qatar, a reçu une subvention pour mener des recherches sur un composite de polystyrène pour les matériaux d’isolation qui seront utilisés lors de la Coupe du monde. Un groupe d’ingénieurs saoudiens, composé uniquement de femmes, qui a utilisé les déchets du palmier dattier pour fabriquer des sièges dans le stade, a reçu des subventions.  Aujourd’hui, avec la Coupe du monde, le talent et l’esprit d’entreprise qatari sont fortement encouragés. Il sera intéressant de voir comment les choses se dérouleront après le grand événement.

2.  Un prix à payer pour ces gains ?

2.1.  L’inflation va s’aggraver

D’autre part, les facteurs de la demande exacerberont les pressions inflationnistes existantes, ce qui entraînera une hausse du taux d’inflation à 4,4 % en glissement annuel au quatrième trimestre de cette année. “Les pressions inflationnistes liées à la Coupe du monde placeront l’inflation qatarie sur une trajectoire plus élevée. Ainsi, il est prévu qu’après une moyenne de 4,7%, l’inflation restera au-dessus de la tendance en 2023, avec une moyenne de 2,5%, selon FitchSolutions .Fitch s’attend également à une baisse de la croissance des exportations de gaz d’un trimestre sur l’autre au cours de la période de jeu en raison de la croissance de la consommation d’énergie intérieure. L’événement mondial entraînera de fortes augmentations trimestrielles de l’activité non pétrolière au quatrième trimestre de cette année par rapport à la même période des années précédentes.

2.2.  Des travailleurs désespérés

Pour accueillir le tournoi, le Qatar a construit sept stades tentaculaires, un aéroport, des lignes de métro et des routes reliant les sites. Un groupe a rendu tout cela possible : les travailleurs migrants. Et pour eux, les nouveaux sites brillants ont eu un coût élevé.

La région du Golfe est depuis longtemps une destination pour les migrants d’Asie du Sud, d’Afrique et d’ailleurs à la recherche d’un emploi, et des millions d’entre eux ont été attirés au Qatar pour des travaux de construction au cours de la dernière décennie. Pour les travailleurs originaires de pays comme le Népal et l’Inde, ces emplois représentaient des opportunités relativement lucratives pour soutenir leurs familles restées au pays.

Cependant, les organisations de défense des droits de l’homme et les journalistes ont mis au jour une série d’abus dans le système qatari de travail des migrants. Les problèmes ont commencé dès les premiers travaux. Les travailleurs migrants ont trouvé des emplois par l’intermédiaire d’agences de recrutement, qui leur demandent souvent de payer des frais exorbitants pour obtenir un poste – des frais qui sont encore perçus des années après que le Qatar les ait rendus illégaux. Un audit réalisé en 2021 a révélé que plus des deux tiers des travailleurs présents sur les sites de la Coupe du monde avaient payé des frais de recrutement d’un montant moyen de 1 733 dollars. C’est une somme énorme pour les migrants, qui doivent travailler dans des conditions difficiles à leur arrivée pour rembourser les prêts qu’ils ont contractés pour ces frais. Il leur faut parfois des mois, voire des années, pour atteindre le seuil de rentabilité.

Les migrants doivent également obtenir le parrainage d’une entreprise pour obtenir un visa de travail. Mais les entreprises sont connues pour utiliser ce parrainage comme une forme de travail forcé, allant parfois jusqu’à confisquer le passeport des travailleurs pour les empêcher de changer d’emploi. Sous la pression de la Confédération syndicale internationale, le Qatar a introduit des réformes en 2020 qui permettent aux migrants de changer d’employeur sans la permission de leurs patrons, mais Human Rights Watch a constaté que les changements n’ont pas été pleinement mis en œuvre.

Surtout, les conditions de travail elles-mêmes ont suscité le tollé des groupes de défense des droits de l’homme. Les travailleurs migrants ont dû trimer sous une chaleur accablante pour assurer le respect du calendrier de construction, et pour certains d’entre eux, cette entreprise a été fatale.

En 2021, une enquête du Guardian a révélé que 6 751 migrants originaires de cinq pays d’Asie du Sud étaient morts au Qatar au cours de la décennie précédente, et que le nombre de décès était probablement bien plus élevé car l’enquête ne couvrait pas les migrants d’autres pays. Les données n’indiquent pas si ces migrants travaillaient spécifiquement sur les projets de la Coupe du monde, mais un chercheur en droits de l’homme a déclaré au Guardian que la majorité des migrants au Qatar étaient probablement employés dans la frénésie de la construction de la Coupe du monde.

Les autorités qataries ont reconnu ces décès mais ont affirmé qu’ils étaient normaux compte tenu du nombre de migrants dans le pays. En ce qui concerne les projets de la Coupe du monde, les responsables n’ont recensé que 40 décès de travailleurs migrants sur les projets de la Coupe du monde, dont trois seulement à la suite d’accidents du travail. La plupart des décès sont dus à des “causes naturelles” et à des “arrêts cardiaques”, selon les rapports du gouvernement, mais le Guardian rapporte que le stress thermique est probablement un facteur contributif.

En ce qui concerne les travailleurs migrants victimes de la préparation de la Coupe du monde, les groupes de défense des droits, les associations de football participant au tournoi et les anciens joueurs font pression sur la FIFA et le gouvernement du Qatar pour qu’ils prennent des mesures et offrent des compensations supplémentaires, mais jusqu’à présent, ils n’ont pas bougé.

Par Amine Gazzah, promotion 2022-2023 du Master 2 IESCI

Webographie

  1. Is the FIFA World Cup 2022 in Qatar profitable? – Swiss School of Business and Management Geneva (ssbm.ch)
  2. Will the World Cup bring home an economic win for Qatar? | FocusEconomics (focus-economics.com)
  3. All the news on WORLD CUP – Zawya
  4. FIFA World Cup To Have Net Positive Impact On Qatar’s Economy In Q422 (fitchsolutions.com)
  5. GWC – Forum 2022 (gwcforum.com)
  6. Qatar World Cup 2022 | World Cup News | Today’s latest from Al Jazeera
  7. The 2022 FIFA World Cup in Qatar has a dark side (grid.news)
  8. How the 2022 FIFA World Cup is impacting the economy, startups, and MSMEs of Qatar (yourstory.com)
  9. Why Qatar is a controversial host for the World Cup : NPR
  10. The economics behind Fifa World Cup (tbsnews.net)
  11. These are World Cup’s implications on Qatar’s economy – Economy Middle East
  12. FIFA World Cup Qatar 2022 | Human Rights Watch (hrw.org)
  13. Revealed: 6,500 migrant workers have died in Qatar since World Cup awarded | Workers’ rights | The Guardian
  14. Coupe du Monde : quel sera l’impact sur l’économie du Qatar ? (tourmag.com)
  15. Mondial 2022. L’héritage « social, humain, économique et environnemental » ravit les organisateurs (ouest-france.fr)
  16. Coupe du Monde : quel sera l’impact sur l’économie du Qatar ? (tourmag.com)
  17. Coupe du monde 2022 : d’où sort le chiffre de 6 500 ouvriers morts au Qatar depuis qu’il a obtenu le Mondial ? (francetvinfo.fr)

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Émergence des NFT : leaders et impacts sur le marché de l’art https://master-iesc-angers.com/emergence-des-nft-leaders-et-impacts-sur-le-marche-de-lart/ Mon, 14 Mar 2022 21:49:30 +0000 https://master-iesc-angers.com/?p=3615 Le 11 mars 2021, la vente de l’œuvre de l’artiste américain Beeple, « Everydays : the First 5000 Days », avait défrayé la chronique par son montant record, 69,3 millions de dollars, mais aussi par sa nature. En effet, cette œuvre est numérique… Continuer la lecture

L’article Émergence des NFT : leaders et impacts sur le marché de l’art est apparu en premier sur Master Intelligence Economique et Stratégies Compétitives.

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Le 11 mars 2021, la vente de l’œuvre de l’artiste américain Beeple, « Everydays : the First 5000 Days », avait défrayé la chronique par son montant record, 69,3 millions de dollars, mais aussi par sa nature.

En effet, cette œuvre est numérique et a été vendue sous forme de NFT (non-fungible token). Un NFT est un actif numérique émis principalement par la blockchain Ethereum. Son caractère non-fongible permet de rendre unique des biens numériques et intangibles : œuvres d’art, illustrations, photographies, vidéos ou encore tweets, leur conférant ainsi une valeur sur un marché émergent.

Ce marché a évolué de 13,7 millions de dollars au premier semestre 2020 à 2,5 milliards de dollars au deuxième trimestre 2021 et a atteint 9,2 milliards de dollars en octobre 2021. Une étude de Chainalysis estime à 44,4 milliards de dollars le volume des transactions de NFT en 2021. Un sondage IFOP, pour le compte de Cointribune, indique que 3,5% des Français ont acheté des NFT en 2021.

L’économie numérique se caractérise par une tendance au monopole ou à l’oligopole. En effet, pour une firme, investir rapidement un marché de la sphère numérique lui assure le bénéfice d’effets de réseau liés à la participation des utilisateurs, de faibles coûts marginaux et lui offre l’opportunité d’en devenir leader.

Ainsi, qui sont les actuels leaders du marché des NFT ? Quels impacts sur le marché de l’art ? Identifions les principaux acteurs et analysons les mutations en cours.

Ecosystème des NFT : la domination d’Ethereum, Opensea, Metamask, Discord et DappRadar

L’écosystème des NFT s’appuie sur cinq piliers : la blockchain Ethereum, les plateformes d’échange de NFT, les portefeuilles numériques, les « whitelists » et les outils d’analyse de collections de NFT.

Ethereum : la blockchain la plus utilisée pour la production de NFT

Comme l’indique la mission d’information commune de l’Assemblée nationale sur les usages des chaînes de blocs et autres technologies de certification de registre, une blockchain correspond à « un registre, une grande base de données qui a la particularité d’être partagée simultanément avec tous ses utilisateurs, tous également détenteurs de ce registre, et qui ont également tous la capacité d’y inscrire des données, selon des règles spécifiques fixées par un protocole informatique très bien sécurisé grâce à la cryptographie ». Comme le détaille la Banque de France, ce système permet d’identifier chaque partie, de sécuriser les transactions grâce à un système de nœuds d’historicisation et de validation permettant une décentralisation de la gestion de la sécurité. Ses avantages sont nombreux : rapidité des transactions, sécurité du système, gains de productivité et d’efficacité.

Les principales blockchains sont Bitcoin, Ethereum, Tether, BNB et USD Coin. Parmi celles-ci, les plus utilisées sont Bitcoin qui sert principalement de valeur refuge numérique et Ethereum, particulièrement utilisé pour l’émission de NFT et les levées de fonds.

Si le 23 février 2022, la capitalisation du Bitcoin représentait 2,3 fois celle de l’Ethereum (635 667 450 757€ contre 276 453 419 276€), l’augmentation exponentielle du marché des NFT favorise le développement de l’Ethereum. En effet, selon JPMorgan Chase, début 2022, 80% des créations et des transactions de NFT y sont hébergées. Bien que ce volume soit en baisse par rapport à début 2021 (95%), essentiellement en faveur de la blockchain Solana, Ethereum reste leader.

De plus, depuis 2017, le nombre de transactions en Ethereum connaît une tendance haussière, évoluant d’un volume quasiment nul à 1,134 millions de transactions en date du 21 février 2022. La courbe connaît un pic lors du deuxième trimestre 2021, période particulièrement dynamique sur le marché des NFT. Ainsi, en avril 2021, l’Ethereum a connu une augmentation de 40%, alors que le bitcoin baissait de 2,4%.

Opensea : la plateforme au centre des transactions de NFT

Les plateformes d’échange de NFT permettent de mettre en relation acheteurs et vendeurs. Leur fonctionnement est similaire : d’un part, des créateurs de NFT proposent des œuvres numériques sur une place de marché en ligne, généralement après paiement de frais de transaction appelés « gas fees » revenant au « mineur » ayant validé l’opération dans la blockchain Ethereum ; d’autre part, des collectionneurs ou traders achètent des NFT pour les conserver ou les revendre.

Ces plateformes sont nombreuses. Axie Marketplace permet d’échanger des créatures mythiques et divers objets, afin de les utiliser dans le jeu vidéo Axie Infinity. Larva Labs, célèbre pour la création de la collection de NFT CryptoPunks, propose une plateforme d’échange intégrée consacrée aux opérations portant sur ses créations. NBA Top Shot a créé une plateforme pour échanger les moments forts de matchs de baskets et des plus grands événements sportifs. Pour la plateforme Ethernity, il s’agit de moments de football et de football américain. Rarible, SuperRare, Mintable et Foundation sont des plateformes généralistes qui proposent à la vente, œuvres d’art digitales, vidéos ou encore extraits musicaux. Nifty Gateway se démarque par ses fonctions de curation de contenu artistique digital et de paiement en monnaie fiduciaire. Theta Drop permet de collectionner les actions les plus mémorables du World Poker Tour. En Chine, de grands acteurs du numérique tels qu’Alibaba, Tencent, Baidu et JD.com ont chacun lancé leur plateforme, soutenus par des entreprises publiques telles que China mobile ou China UnionPay.

Leurs modèles économiques sont divers. Ethernity prélève 75% sur chaque transaction. Foundation et SuperRare fonctionnent de manière similaire. Les deux plateformes conservent uniquement 15% du montant de la vente et attribuent 85% au créateur du NFT à la première vente et 10% à chaque revente.

 Si la concurrence est intense, la plateforme OpenSea domine incontestablement le marché des plateformes. En effet, si, en février 2021, sa part de marché était de 30%, elle atteint 90% en août 2021. Selon Dappradar.com, la place de marché new-yorkaise, dépasse les 20 milliards de dollars de volume d’échanges en février 2022, réalisés par 1,2 million d’utilisateurs. Opensea est également leader des plateformes d’échange de NFT en termes de volume de combustion d’Ethereum, qui correspondent aux frais de transaction et témoignent du volume de transaction. Ainsi, en septembre 2021, ils étaient estimés à 30 799, 93 Ethereums.

Entre le 24 janvier 2022 et le 24 février 2022, tous les indicateurs de performance ont connu une augmentation : volume d’utilisateurs (+12,95%), volume de transactions (+8,13%), valeur totale des actifs dans les contrats intelligents des applications décentralisées (+11,85%) et montant total de la valeur reçue par les contrats intelligents des applications décentralisées (+28,63%).

Enfin, les visites sur Opensea.com sont en constante augmentation. Celles-ci ont augmenté de 50,08% entre novembre 2021 et janvier 2022, évoluant de 68,3 millions à 121,7 millions de visiteurs.

Metamask : le portefeuille numérique leader

Afin de réaliser des opérations sur l’ensemble de ces plateformes, il est nécessaire de créer un portefeuille numérique afin d’y stocker, de contrôler et de sécuriser les cryptomonnaies qui permettent de réaliser les transactions. Il peut s’agir de logiciels, de solutions en ligne ou de portefeuilles physiques.

Les acteurs de ce marché sont nombreux. Sur le marché des portefeuilles physiques – similaires à une clé USB ou un disque dur externe – nous pouvons citer la startup française Ledger et ses modèles Nano X et Nano S, le Wallet Bitcoin Safe T Mini de l’entreprise Archos, le Wallet Bitcoin KeepKey, le Trezor Model T ou encore le CoolWallet S qui se présente sous forme de carte de crédit. La Chine a pour sa part déployé un portefeuille physique pour le stockage du Yuan numérique, le 7 février 2021.

Plusieurs solutions en ligne proposent également un service de portefeuille numérique. ZenGo permet de gérer ses cryptomonnaies via une application gratuite, Coinbase et Binance proposent leurs services en ligne, via une application mobile mais aussi via logiciel. Une multitude d’autres acteurs sont également présents sur ce marché : Google Wallet, Due, Paydiant, Neteller, MOX Pay, MasterPass, PaySafe, Mozido, Privaxy ou encore Skrill Digital Wallet.

Metamask domine ce marché à forte intensité concurrentielle. Lancé en 2016, ce portefeuille numérique a su se différencier en permettant à ses utilisateurs d’interagir avec environ 3700 applications décentralisées hébergées sur la blockchain Ethereum ou autres : jeux, métaverses, places de marché NFT ou finance décentralisée. Sa croissance fut particulièrement forte en 2021. En effet, le nombre d’utilisateurs actifs mensuels a évolué de 545 000 en juillet 2020 à 10 millions le 31 août 2021 pour atteindre 21 millions d’utilisateurs actifs mensuels, le 17 novembre 2021. Soit une augmentation de 3753%. D’autres chiffres témoignent du succès de Metamask. En novembre 2021, la société mère de l’extension, ConsenSys, annonçait avoir atteint les 10 milliards de dollars de transactions et avoir levé 200 millions de dollars auprès d’investisseurs tels que HSBC, Marshall Wace et Dragonfly Capital pour atteindre une valorisation à 3,2 milliards de dollars.

Discord : un outil crucial pour promouvoir un projet NFT ou pour intégrer une « whitelist »

Discord est un outil créé en 2015, permettant de communiquer par voix et par écrit. Son fonctionnement repose sur la création de groupes privés appelés « serveurs » auxquels on peut accéder par invitation de la part du créateur, pouvant être organisés en un ou plusieurs salons. Si, à sa création, l’outil était prisé des joueurs en ligne, il semble aujourd’hui être devenu essentiel pour les amateurs de NFT.

En effet, les créateurs de collections de NFT communiquent sur Discord afin de développer une communauté autour de leurs projets. Si pour les créateurs, l’objectif est d’assurer la vente de leurs NFT dès le lancement des collections, participer à la communication de pré-lancement est également intéressant pour les acheteurs ou collectionneurs. Effectivement, les participants les plus actifs des serveurs Discord sont récompensés par les créateurs qui les intègrent à une « whitelist », leur permettant de bénéficier de prix inférieurs à ceux proposés aux autres acheteurs lors du lancement d’une collection.

Ce mécanisme permet aux membres d’une « Whitelist » de favoriser le rendement de leurs investissements. Selon une analyse de Chainalysis portant sur des données d’Opensea, les membres d’une « whitelist » atteignent en moyenne 75,7% de retour sur investissement, 78% de leurs ventes réalisent un bénéfice et 51% un bénéfice au moins égal à 2 fois le montant initialement investi. En revanche, les non-membres n’atteignent en moyenne que 20,8% de retour sur investissement, 78% de leurs ventes entraînent une perte et 59% une perte égale ou inférieure à 0,5 de la mise initiale.

DappRadar : un outil d’analyse des collections de NFT particulièrement utilisé

Afin d’assister les vendeurs, acheteurs, collectionneurs de NFT et faciliter l’analyse des collections de NFT, une myriade d’outils a émergé. Bitdegree permet de suivre la progression et d’analyser des collections de NFT au sein de 58 plateformes différentes. Moby se démarque par une surveillance en temps réel des performances des NFT. Rarity.tools apporte une information cruciale pour les collectionneurs de NFT : une évaluation du niveau de rareté des NFT. Icy.tools présente un classement des collections NFT en tendance, actualisé régulièrement. NFT Drops Calendar permet principalement d’être alerté des tendances baissières et des lancements des collections. Les outils Upcoming NFT, NFT Evening et Coin Rivet proposent d’obtenir de nombreuses informations sur les collections à venir et permettent aux collectionneurs de se positionner rapidement afin d’acquérir les NFT aux meilleurs prix.

DappRadar semble s’imposer sur ce marché. En effet, cette plateforme lituanienne, visitée par 4.5 millions d’utilisateurs mensuels en décembre 2021 (en comparaison, Bitdegree, Rarity.tools et Icy.tools en ont accueilli respectivement 1.1, 3.7 et 2 millions de visiteurs mensuels), permet de surveiller son portefeuille numérique, d’analyser des collections de NFT, d’accéder au classement des NFT les plus échangés et de suivre les ventes en temps réel. Elle référence plus de 8000 applications décentralisées, 20 blockchains et a créé son propre jeton appelé RADAR, afin de permettre à leurs détenteurs d’accéder à des données spécifiques et à des récompenses en contrepartie d’actions sur la plateforme. Enfin, DappRadar produit des rapports annuels afin de dresser un bilan du marché des NFT.

Les collectibles : les nouveaux biens Veblen

Les NFT sont protéiformes. Par exemple, Opensea les catégorisent ainsi : art, collectibles, domain names, music, photography, sports, trading cards, utility et virtual worlds. Le site spécialisé « Le cercle NFT » s’est appuyé sur la transversalité des NFT afin de produire une classification propre : artwork, collectibles, jeux vidéo, métavers, noms de domaine, musique, utilitaires, évènementiel, identité et mèmes.

Parmi ce large panel, les « collectibles » remportent un franc succès et s’échangent à prix d’or. Par ce terme, on entend des collections d’illustrations numériques limitées, générées par un algorithme de manière aléatoire, leur conférant ainsi leur rareté. Le 18 février 2022, Coin Academy évaluait ce marché à une valeur de 35,1 milliards de dollars, pour 16 471 622 ventes portant sur 58 727 collections.

Certains collectibles ont acquis une forte notoriété. Par exemple, les « CryptoPunks ». Cette collection de 10 000 personnages pixellisés, créée par le studio Larva Labs, a connu un important succès auprès des amateurs de NFT et est valorisée à 6,3 milliards de dollars en date du 18 février 2022. Selon le rapport de Chainalysis, les CryptoPunks ont généré 3 milliards de dollars de ventes entre mars et octobre 2021. Certains des propriétaires ont également contribué à accentuer leur attractivité, grâce à leurs célébrités : Snoop Dogg, Jay-Z, Odell Beckham Jr., Serena Williams, Steve Aoki, Gary Vee, Jason Derulo ou Logan Paul.

Autre collection à succès, lancée par Yuga Labs le 23 avril 2021 et valorisée à 3 milliards de dollars le 18 février 2021, le « Bored Ape Yacht Club ». A l’instar des CryptoPunks, la popularité de cette collection de 10 000 illustrations de chimpanzés, provient essentiellement de l’identité de quelques propriétaires célèbres : Eminem, Paris Hilton, Post Malone, Jimmy Fallon, Neymar JR, Gwyneth Paltrow, Justin Bieber ou encore Stephen Curry.

Une initiative originale de la part du blogueur Max Read mérite d’être soulignée. En effet, celui-ci a établi une cartographie des personnalités ayant investi le domaine des NFT ou ayant des liens professionnels ou personnels avec des personnes exerçant dans ce domaine. Au-delà d’une tonalité légèrement « conspirationniste », son analyse a le mérite de montrer l’importance de l’intérêt porté par les collectionneurs à fort pouvoir d’investissement au marché des NFT.

Ce type d’acheteur communique souvent sur sa collection de NFT et n’hésite pas à afficher ses dernières acquisitions sur les réseaux sociaux. Ce marché semble connaître un effet Veblen, essentiellement observé dans le marché du luxe : désirer des biens aux prix élevés afin de se distinguer socialement. Sur Twitter, de nombreuses personnalités y ont succombé : Jimmy Fallon, Stephen Curry, Timbaland, Marshmello, Post Malone ou encore Steve Aoki.

L’émergence d’influenceurs sur les réseaux sociaux mais une fiabilité des informations non garantie

Sur Twitter, les trois influenceurs du marché des NFT dont les audiences sont les plus importantes sont : Gary Veynerchuk (2,9M followers), Naval Ravikant (1,6M followers) et Opensea (1,3M followers). Néanmoins, d’autres acteurs ont des avis, critiques et visions du marché qui comptent pour les amateurs de NFT. En voici une liste non-exhaustive comprenant des influenceurs dont l’audience dépasse les 150K abonnés : Cdixon.eth (809,1K followers), Beeple (591,2K followers), Rarible (410,6K followers), 6529 (266,9K followers), Flurnft (255,9K followers), Farokh is in Denver (230,5K followers), Cozomo de Medici (204,1K followers), Matty (199K followers), DeeZe (186,1K followers), Beanie, (182,2K followers), DCinvestor.eth (181K followers), Loopify (162,3K followers), Gmrender (158,1K followers), Real Miss NFT (156,8K followers), Brett Malinowski (156,4K followers) et XCOPY (150,6K followers).

Sur Instagram, une poignée de comptes se partage le pouvoir d’influence dans le monde des NFT. Ils diffusent informations et tendances ayant trait aux NFT, proposent classements, courtes analyses et actions de promotion aux créateurs intéressés. On peut ainsi citer @Opensea (966K abonnés), @NFT.Promo (450K abonnés), @NFT.Magazine (249K abonnés), @NFT_News (198K abonnés), @Rarible (274K abonnés), @NFTNext (16,2K abonnés).

Les principaux influenceurs francophones abordent de nombreux aspects des domaines de la blockchain, des cryptomonnaies et des NFT : économique, technique, marketing ou encore financier. Les plus célèbres auprès des amateurs de NFT français sont :  Hasheur (505K abonnés sur Youtube), @CryptoMatrix2 (226,3K followers sur Twitter), Journal du Coin (108K abonnés sur Youtube), @crypto_futur (151,5K followers sur Twitter et 117K abonnés sur Youtube), @MiningTfk (57,7K followers sur Twitter), @CryptoRevoltFR (25,2K followers sur Twitter) et The Diggers (15K membres sur Discord).

La fiabilité des informations transmises par ces influenceurs n’est cependant par garantie. En effet, jusqu’au 9 février 2022, le compte de référence sur Instagram était celui créé par l’entrepreneur Mark Cuban, @NFT totalisant 1,7 million d’abonnés. Néanmoins, celui-ci a été suspendu. En effet, celui-ci est accusé de promouvoir du contenu sponsorisé sans le mentionner explicitement. Les collections promues sont également critiquées et les principales allégations dénoncent des similitudes trop fortes entre elles, la falsification des carrières de leurs créateurs – souvent présentés comme issus des plus grands studios d’effets spéciaux ou d’animation hollywoodiens – et l’achat de faux abonnés pour les pages consacrées aux projets NFT.

A l’instar des conclusions de l’enquête menée par le compte @topshotfund du collectionneur NFT TSF | Space Cowboy, j’ai pu constater que @NFT propose bien de promouvoir sur Instagram, Discord et via une newsletter, des collections NFT pour un montant de 100 000 dollars. Mes investigations m’ont également permis d’obtenir des informations supplémentaires à celles recueillies par @topshotfund. En effet, lors de ma prise de contact avec le compte @NFT, celui-ci m’a dirigé vers le compte @clarky_nft pour négocier le prix de la promotion. Ce dernier m’a indiqué deux autres tarifs de promotion plus abordables (ndlr : les conversions en euros sont indiquées pour le cours du 20 février 2022) : 0,35 Ethereum (808,79€) pour un post et 0,1 Ethereum (231,08€) pour une story sur le compte @cryptodiviner ; 0,4 Ethereum (924,33€) pour un post et 0,15 Ethereum (346,62€) pour une story sur le compte @nftdiviner.

Si le compte principal @NFT est suspendu par Instagram, les autres comptes de l’écosystème – @clarky_nft, @cryptodiviner, @nftdiviner – sont toujours actifs et semblent toujours fonctionnels pour la diffusion de promotions.

Le marché de l’art : un exemple de l’impact de l’émergence des NFT

Le marché de l’art correspond à un système d’offre et de demande aux multiples acteurs : artistes, collectionneurs d’art, marchands d’art, commissaires-priseurs, galeries d’art, critiques d’art, conservateurs du patrimoine ou encore mécènes. Les maisons de ventes aux enchères en constituent la pierre angulaire : elles jouent le rôle d’intermédiaire des transactions et apportent leurs expertises à l’estimation des œuvres d’art.

Ce marché est dominé par une poignée de galeries et maisons de ventes aux enchères qui concentrent l’essentiel des artistes les plus cotés. Parmi les galeries, nous comptons MAXXI (Italie), Art Gallery of Ontario (Canada), SFMOMA (Etats-Unis), Palais de Tokyo (France) et Whitechapel Gallery (Grande-Bretagne). Les maisons de ventes aux enchères leaders sont Christie’s, Sotheby’s, Phillips, China Guardian, Heritage Auctions et Beijing Poly International.

Le phénomène de digitalisation de ce marché n’est pas nouveau. En effet, celui-ci a commencé avec le développement d’Internet. Les galeries et les maisons de ventes aux enchères créaient alors leurs sites institutionnels et leurs boutiques en ligne. Toutefois, depuis l’avènement de l’économie des plateformes, apparue durant la crise économique mondiale de 2008, de nombreuses plateformes d’échange ont émergé, supprimant les intermédiaires des transactions. Si les premières plateformes dédiées à l’échange d’œuvres d’art pâtissaient d’un manque de fiabilité du dispositif d’authenticité des œuvres d’art proposées à la vente, la technologie blockchain a rapidement permis d’y pallier. Il devient ainsi possible de certifier des œuvres d’art de manière incontestable et d’accéder à l’historique des transactions.

Si 770 galeries et maisons de ventes aux enchères se partagent le marché mondial de l’art, le rapport Hiscox 2020 sur le marché de l’art en référence seulement 64 comme principales plateformes d’échange d’œuvres d’art. On peut y trouver des plateformes connues telles que Catawiki, Deviantart, Artsper ou encore Saatchi Art. Néanmoins, 10 plateformes concentrent 68% des transactions et trois grandes enseignes concentrent 2/3 du chiffre d’affaires du marché de l’art en ligne : Phillips (10%), Sotheby’s (26%) et Christies’s (32%). Les recettes des ventes en ligne sont également en constante augmentation entre 2015 et 2019 pour Sotheby’s (+92%), Christie’s (+67%) et Heritage Auctions (+41%).

L’émergence des NFT a provoqué de profondes mutations du marché de l’art. Elle a d’abord fait apparaître de nouveaux acteurs : les plateformes d’échanges de NFT. Selon le rapport Hiscox 2020, 48% des professionnels du secteur pensaient, en 2020, qu’un acteur extérieur bouleverserait le marché. Il semble que le processus soit en cours depuis l’apparition d’Opensea.

Ensuite, les NFT accélèrent la digitalisation des acteurs traditionnels du marché de l’art : la part de plateformes proposant un paiement en cryptomonnaie a évolué de 20% à 35% entre 2019 et 2020 et celle des plateformes intégrant la technologie blockchain a évolué de 7% à 11% durant la même période. Par exemple, la maison de ventes aux enchères Christie’s a particulièrement accéléré son processus de digitalisation lors de la vente de l’œuvre de Beeple, « Everydays: The First 5 000 days ». De plus, comme l’indique le rapport Hiscox 2020, 63% des professionnels du marché de l’art pensent que les acteurs existants domineront celui de l’art en ligne s’ils accélèrent leurs mutations digitales.

Les NFT ont également dopé le marché de l’Art Contemporain. Effectivement, lors du 1er semestre 2021, celui-ci a atteint un volume historique de transactions de 1.58 milliard d’euros, soit une augmentation de 2700% par rapport à 2000 et 117% par rapport à 2020.

Aussi, ils attirent un nouveau type de clientèle : parfois issue de la tech et fortunée, mais souvent simplement sensible à l’art digital et souhaitant investir ses cryptomonnaies.

Les NFT créent également de nouvelles sources de revenus pour les galeries, maisons de ventes aux enchères et musées. Par exemple, la Galerie des Offices de Florence, la WitWorth Gallery, le Musée de l’Hermitage et le British Museum proposent des copies numériques d’œuvres d’art physique, certifiées et en nombre limité grâce à la technologie blockchain, appelées « DAW : Digital Art Work ». La maison de ventes aux enchères Rouillac propose un Biometric Art Passport, contenant une copie numérique d’une œuvre d’art physique, permettant d’apporter une garantie supplémentaire de son authenticité et de son historique. En outre, la banque Sygnum et la société d’investissement Artemundi ont créé et vendu 50 NFT correspondant à 50 parts de la toile « Fillette au béret », réalisée en 1964 par Picasso.

Enfin, le fort développement des NFT conduit à une importante spéculation sur le marché de l’Art Contemporain. Cette tendance spéculative n’est pas nouvelle. Effectivement, nombre d’acteurs issus du monde économico-médiatique sont exclusivement animés par la performance financière, au détriment de l’aspect artistique. Les analyses du Art Market Confidence Index produit par Artprice montrent que l’Art Contemporain est sensiblement plus spéculatif que l’art tous genres confondus, sur la période 1998-2018. Néanmoins, le profil des acheteurs de NFT peut accentuer ce phénomène. En effet, souvent spéculateurs sur le marché des cryptomonnaies avant de s’intéresser aux NFT, ils cherchent essentiellement à réaliser des profits par anticipation de l’évolution des prix du marché, favorisant le développement d’une bulle spéculative.

Si de nombreux articles traitent du marché des NFT et de leurs principaux acteurs, aucun n’a réalisé une identification de ses leaders et des mutations en cours.

Ainsi, notre analyse nous permet de mettre en évidence les leaders de l’écosystème NFT :

  • La blockchain Ethereum pour la création et l’hébergement des NFT.
  • La plateforme Opensea pour les échanges de NFT.
  • Le portefeuille numérique Metamask pour le stockage et la sécurité des cryptomonnaies.
  • Discord pour le suivi des projets de NFT et accéder à une « whitelist ».
  • DappRadar afin d’analyser les collections de NFT.

Nous avons également mis en exergue d’autres points saillants :

  • Les NFT connaissent un effet Veblen et sont perçus comme un outil de distinction sociale.
  • L’émergence d’influenceurs aux communautés importantes sur différentes plateformes : Twitter, Instagram et Youtube.
  • La suspension du compte @NFT par Instagram montre l’existence d’un manque de fiabilité de certaines collections et de certains acteurs de cet écosystème.

Enfin, nous avons pu déterminer les principaux impacts des NFT sur le marché de l’art :

  • L’apparition de nouveaux acteurs : les plateformes d’échanges de NFT.
  • Les entreprises du marché de l’art adoptent progressivement la technologie blockchain et les cryptomonnaies.
  • Le marché de l’Art Contemporain a performé depuis l’avènement des NFT.
  • L’apparition d’un nouveau type de clientèle sensible à l’art digital et aux cryptomonnaies.
  • La création de nouvelles sources de revenus pour les galeries, maisons de ventes aux enchères et musées.
  • Le possible développement d’une bulle spéculative.

Si l’émergence des NFT transforme considérablement le marché de l’art, elle impacte également l’ensemble des secteurs de l’économie : immobilier, industrie musicale ou encore industrie du jeux vidéo. Au-delà d’une innovation, il s’agit d’une révolution.

Par Daniel Bosselet, promotion 2021-2022 du M2 IESCI d’Angers

Bibliographie

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Le Groupe Wagner progresse en Afrique avec l’aide de la désinformation russe https://master-iesc-angers.com/le-groupe-wagner-progresse-en-afrique-avec-laide-de-la-desinformation-russe/ Mon, 07 Mar 2022 11:05:08 +0000 https://master-iesc-angers.com/?p=3584 Le Groupe Wagner, également connu comme PMC Wagner est une entité militaire privée ayant très souvent recours aux mercenaires pour leur pouvoir d’intervention. Leur zone d’intervention est pour la plupart des terrains de conflits armés où l’instabilité politique règne et… Continuer la lecture

L’article Le Groupe Wagner progresse en Afrique avec l’aide de la désinformation russe est apparu en premier sur Master Intelligence Economique et Stratégies Compétitives.

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Le Groupe Wagner, également connu comme PMC Wagner est une entité militaire privée ayant très souvent recours aux mercenaires pour leur pouvoir d’intervention. Leur zone d’intervention est pour la plupart des terrains de conflits armés où l’instabilité politique règne et prend toute sa place. C’est donc dans cette optique qu’ils font parler d’eux majoritairement dans des zones conflictuelles tel que le Mali très récemment ou à Bangui en République de Centrafrique. Leurs missions principales sont de défendre les intérêts extérieurs de la Russie partout dans le monde, mission leur tenant tellement à cœur qu’ils furent sanctionnés en 2021 par l’Union européenne[1]. En réalité, l’émergence et l’activité pour le moins importante de ce groupe dans les zones de conflits est un objectif que s’était fixé Vladimir Poutine depuis un moment déjà. Comme le rappel Martin Desbiolles de l’institut Open Diplomacy : Vladimir Poutine le soulignait en 2012 devant la Douma : « une corporation d’entreprises militaires privées serait un outil efficace pour réaliser les objectifs nationaux sans faire appel à la participation directe de l’Etat russe ». L’une des principales ambitions de Poutine est de permettre à son pays de se développer et de se déployer à l’échelle planétaire en particulier l’Afrique qui est considéré par tout le monde comme le continent du futur où sont majoritairement présents les enjeux de demain tous secteurs confondus. Seul obstacle ou problème à ses ambitieux objectifs fixés par le Kremlin : l’occident ou plus précisément la présence Française en Afrique. En effet, les forces militaires françaises étant présentes depuis de longues années, il est loin d’être évident de s’imposer, voire d’asseoir sa domination compte tenu du contexte et du lien particulier existant entre la France et ses anciennes colonies. L’une des méthodes employées afin de contourner cette problématique majeure est donc d’écarter la France comme c’est le cas actuellement au mali[2], de la décrédibiliser auprès des populations locales afin que ces dernières remettent en cause la légitimité française.

Afin d’être efficace dans la mise en place ds ces objectifs, la Russie mise donc sur deux principaux aspects que sont les relais d’influence sur les réseaux sociaux afin de diffuser leur propagande. Ces relais d’influence sur les réseaux sociaux s’accompagnent également d’une guerre informationnelle particulièrement redoutable menée auprès des jeunes esprits.

Mise en place de campagnes de désinformation ciblant notamment la France

Afin d’étendre son influence qui se fait de plus en plus importante, la Russie de Vladimir Poutine a un adversaire avec une ligne de mire : l’armée française. La montée en puissance du groupe Wagner a comme axe principale une campagne sur les réseaux sociaux menée de manière intensive et pour preuve le lancement en ligne sur les réseaux sociaux de plusieurs campagnes de désinformation[3] sans précédent. Ces campagnes de désinformations ont pour but de nuire à l’image de la France auprès de l’opinion internationale mais surtout très important auprès des populations africaines. Ces derniers sont les principaux concernés dans la mesure ou depuis de nombreuses années ils voient les troupes françaises installés dans leur pays avec comme motif : « la lutte contre le terrorisme islamiste ».  En plus de nuire à l’image de la France, ils en profitent également pour redorer leurs blasons auprès des populations locales. Ils mènent donc une propagande pro-russe comme on peut le voir sur cette image[4] qui est très reprise par les pro-russes afin de légitimer leurs actions en Afrique de l’Ouest (Mali).

Leurs messages diffusés massivement sur les réseaux sociaux (Facebook et twitter) sont principalement repris et relayés par des groupes d’internautes anti-français. Il y a donc une idée qui commence à faire son bout de chemin dans le cerveau des populations africaines comme celle concernant le fait que la France est caricaturée comme « la Méchante » et la Russie « la Gentille » venant sauver le peuple Malien. L’objectif derrière tous ces éléments est de faire comprendre que la France n’est plus forcément un allié objectif pour ces anciennes colonies.

Afin de leur permettre d’augmenter l’acceptabilité de leur présence en Afrique, il semblait primordial de faire de la propagande en se servant de certains relais d’influence sur les réseaux sociaux. Comme on le voit ci-dessous [5] le compte « Reverse Side of the medal » en question diffuse très majoritairement des éléments visuels mis en scène ayant tendance à représenter la France comme le bourreau.

Au-delà du fait que la plupart des éléments visuels sont montés comme l’affirme Jack Mandolin expert d’étude en matière de défense avancée, ces informations très favorables à la Russie et inversement pour la France constituent un excellent moyen d’effectuer un lavage de cerveaux auprès des populations locales. Le fait intéressant est qu’une partie non négligeable des followers de ce compte sont d’origine d’Afrique Francophone. Ces derniers ont donc un accès illimité à tous les éléments mis en avant afin d’opérer une stratégie qui vise à discréditer la France.

L’un des éléments permettant une certaine viralité des éléments visuels mis en avant est une analyse des cyber communautés engagées. En effet un certain nombre de communautés sont engagés auprès de ce compte sans forcément interagir de manière systématique, à savoir des comptes provenant d’Afrique francophone, des comptes dont la principale thématique concerne la Russie. En plus de ces deux communautés, on a également une certaine communauté qui est plutôt neutre, à priori ces derniers n’ont pas de parti pris. A partir de ce constat on peut donc partir du principe qu’il y a majoritairement deux grosses communautés dont (Afrique Francophone- Russophone) la plupart des thématiques abordées trouvent une certaine signification à leurs yeux. A partir du moment où chaque élément visuel ou non est mis en avant par le compte principal, les deux communautés autour du compte interagissent entre elles.

On peut également souligner le fait que chacune des parties trouvent des intérêts communs à l’intervention de la Russie par l’intermédiaire du Groupe Wagner en Afrique :

  • D’une part par la communauté russophone très engagée et accordant un soutien indéfectible à Vladimir Poutine
  • Et d’autre part une communauté d’Afrique francophone de plus en plus importante ayant un ressentiment croissant vis-à-vis de la France et donc logiquement une certaine sympathie pour le Groupe Wagner comme on a pu le voir par les éléments visuels mis en avant.

L’homme à la tête de ce groupe de paramilitaires Evgueni Prigogine, pilote de loin toutes ces opérations d’influences. Cette campagne de désinformation est réellement prise au sérieux par les autorités françaises à tel point que ces derniers ont décidé de se doter d’une cellule afin de lutter contre cette guerre qu’elle subit actuellement. En effet les Russes commençaient à instiller l’idée selon laquelle l’armée française armerait de manière discrète les terroristes présents sur place afin de prolonger la guerre, et surtout cela servirait de prétexte pour justifier le maintien de sa présence sur place. Cet argument a une double visée dans la mesure où elle fait très mal à la France, cela abîme la crédibilité de sa présence actuelle au Mali. Mais surtout plus important cela fait monter la frustration d’une partie de la population face à une dégradation de la situation sécuritaire que le déploiement de moyens importants ne parvient pas à enrayer. Derrière cette campagne, attribuée par Paris à la Turquie et à la Russie, apparaît une nouvelle fois la galaxie Wagner dont l’objectif n’a jamais été aussi clair que celui d’enrayer la présence de la France en Afrique.

Selon Saber Jendoubi, journaliste indépendant, « La Russie surfe sur le sentiment anti-français pour s’implanter en RCA. Tous les maux du pays sont attribués à la France ».

L’une des stratégies en matière de désinformation particulièrement efficace mise en place repose sur un ciblage très clair du pays concerné, dans le cas présent c’est l’armée Française. En effet Lobaye Invest une des sociétés écran de Evgueni Prigogine, fondateur du groupe Wagner a participé au financement d’une radio, principale source d’information en Afrique. Dans le cas de la République Centrafricaine, Radio Lengo Sengo (propriété de Prigogine) – média très écouté et diffusé massivement à Bangui à la ligne éditoriale très favorable à la présence russe et résolument anti-française. En plus de cette radio, Lobaye invest participe au financement de certaines associations et ONG aux discours similaires. Enfin, des médias et des journalistes centrafricains ont été approchés pour rédiger ou publier des contenus pro-russes ou anti-français contre rémunération.[7]

Tous ces éléments ainsi que ces acteurs viennent ajouter du poids à la stratégie russe de désinformation massive par différents moyens que sont les relais employés sur les réseaux sociaux. En effet cela permet de mettre à la Russie au profit de la France, malgré son impact important l’effet est d’autant plus fort dans la mesure où les médias sont désormais utilisés comme outil de propagande pro-russe. Cette désinformation massive par les relais des réseaux sociaux et des médias se complètent à une guerre de l’information qui va au-delà de ce qu’on peut imaginer.

Une guerre informationnelle grâce au cinéma

Ce qui rend la stratégie de guerre informationnelle de la Russie particulièrement efficace est qu’elle envisage de prendre part à certains éléments d’influence que la plupart des entités n’envisagent pas. Dans un rapport publié[8] en 2017 par l’IRSEM, cette analyse met en avant les différents leviers utilisés par la Russie afin d’éteindre son influence par la guerre d’influence en Afrique francophone. Ce rapport prend donc l’exemple d’un dessin animé projeté aux enfants vivant en République de Centrafrique et visible sur certaines plateformes de streaming gratuit tel que You tube. L’éléphant, présent sur les armoiries de la République Centrafricaine (symbole de ce pays), y apparaît comme heureux et jouissant de récoltes abondantes. Pris à parti par d’autres animaux sauvages, il demande de l’aide au Lion afin de lui apporter son aide, qui lui aussi submergé doit appeler son ami, l’ours de la Taïga à son secours. Mû par un esprit d’entraide, l’ours venu d’un grand pays du nord qui s’appelle la Russie accourt et ensemble ils parviennent à vaincre les animaux sauvages qui, dans une version anglophone, se rassemblent autour… des drapeaux français et américains. On a donc affaire dans ce cas précis à une influence par le biais de l’industrie cinématographique auprès des enfants de bas âges. A cet âge énormément de jeunes enfants s’identifient à ce type de création culturelle, il n’est donc pas illogique qu’un bon nombre de concitoyens maliens ou centrafricains accueillent le groupe Wagner avec un certain enthousiasme. Cet enthousiasme est d’ailleurs très répandu dans les hautes sphères du pouvoir malien et centrafricains dans la mesure où dans ces deux cas de figure, les autorités politiques ont jugé nécessaire de faire appel à eux sans en référer à la France qui est pourtant un allié de longue date..

Par Guy-Maurel TOI, promotion 2021-2022 du M2 IESCI d’Angers

Webographie

[1] https://www.lemonde.fr/international/article/2021/12/13/l-union-europeenne-sanctionne-les-mercenaires-russes-du-groupe-wagner_6105904_3210.html

[2] https://www.lepoint.fr/monde/barkhane-la-france-s-apprete-a-officialiser-son-depart-du-mali-17-02-2022-2465191_24.php

[3] https://www.rfi.fr/fr/technologies/20211208-le-groupe-russe-wagner-%C3%A0-la-man%C5%93uvre-sur-les-r%C3%A9seaux-sociaux

[4] https://www.franceculture.fr/emissions/les-enjeux-des-reseaux-sociaux/au-mali-le-groupe-wagner-lance-une-campagne-sur-les-reseaux-sociaux

[5] Au Mali, le groupe Wagner lance une campagne sur les réseaux sociaux (franceculture.fr)

[6] https://twitter.com/Jack_Mrgln/status/1464632226801459215?s=20

[7] https://www.oeil-maisondesjournalistes.fr/2020/10/07/centrafrique-russie-journaux-media-mercenaires-meurtres-impunite-journalismisnotacrime/

[8] https://www.irsem.fr/media/5-publications/etude-irsem-83-audinet-le-lion-ok.pdf

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Nusantara : la nouvelle capitale Indonésienne, quand la fuite climatique se substitue à la lutte https://master-iesc-angers.com/nusantara-la-nouvelle-capitale-indonesienne-quand-la-fuite-climatique-se-substitue-a-la-lutte/ Tue, 01 Mar 2022 22:23:33 +0000 https://master-iesc-angers.com/?p=3579 Le 18 Janvier 2022, la chambre basse du Parlement indonésien a approuvé le cadre législatif du projet du président Joko WIDODO annoncé en 2019, du déménagement de la capitale Indonésienne Jakarta vers l’île de Bornéo, pour y construire ex nihilo… Continuer la lecture

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Le 18 Janvier 2022, la chambre basse du Parlement indonésien a approuvé le cadre législatif du projet du président Joko WIDODO annoncé en 2019, du déménagement de la capitale Indonésienne Jakarta vers l’île de Bornéo, pour y construire ex nihilo la nouvelle capitale du pays : Nusantara.

Jakarta est la capitale économique et administrative Indonésienne. C’est une ville dense avec près de 30 millions d’habitants sur toute la conurbation, et c’est la plus grande métropole de l’Asie du Sud-Ouest. Mais la ville souffre de la pollution et de catastrophes naturelles fréquentes. En effet, son air est irrespirable, entre des embouteillages records, les centrales à charbon aux périphéries de la ville et les habitants qui brulent leurs déchets. De surcroît, les tremblements de terre, le climat tropical et les pluies diluviennes, la mauvaise maitrise du pompage massif des nappes phréatiques et de l’évacuation de l’eau, ainsi que la montée des eaux à cause du réchauffement climatique, surexpose la métropole aux inondations. Jakarta perd 18cm d’altitude tous les ans et subit un affaissement de sa zone côtière à cause de la montée des eaux, si bien que 20% de la ville est désormais sous le niveau de la mer. Les estimations prédisent que cette proportion risque de doubler d’ici 2050. Jakarta est la ville qui s’ensevelit le plus rapidement au monde à cause de la montée des eaux et du réchauffement climatique. La capitale qui dynamise le pays manque d’infrastructures pour lutter durablement contre la crise qu’elle traverse.

Dépassé par la situation, le président Joko WIDODO annonçait au parlement indonésien en 2019 son projet : transférer les forces économiques et politiques de la ville de Jakarta vers une nouvelle ville. Cette nouvelle ville, Nusantara, n’existe pas encore. Il s’agit d’une zone située à plus de 2000km de Jakarta, sur l’île de Bornéo, une île essentiellement composée de forêt tropical primaire, sur un archipel partagé entre l’Indonésie, le micro-Etat/sultanat de Brunei et la Malaisie.

Si le projet a été accepté le 18 janvier 2022, c’est parce qu’il est avant tout présenté non pas comme le déménagement du centre dynamique du pays, mais comme l’opportunité de construire une ville compétitive, intelligente, écologique, fondée sur les nouvelles technologies et orientée vers l’économie verte, et localisée à l’abri des inondations et risques séismiques constants.

Sur plan, Nusentara est une ville modèle. Il s’agira d’une ville orientée sur les vélos et les piétons, une ville propre, 0 émissions carbones, qui bénéficiera des derniers progrès de la technologies et l’architecture pour être optimale est équipée de transports en commun dernier cri intégré à l’environnement. Mais ce projet pose problèmes sur plusieurs plans.

En effet, la ville durable sera construite sur une forêt tropicale primaire. Il s’agit d’un écosystème immaculé de l’empreinte humaine, l’un des derniers sanctuaires des orang outans et léopards, et d’autres espèces endémiques en danger. Ce sont plus de 260 000 hectares qui sont prévus dans le prospect de la ville de Nusantara. Cet impact écologique est sans compter sur les perturbations liées à la construction (passages d’engins lourds, pollutions sonores, déchets de constructions, retournement des sols, …)   et les changements dans les plans qui sont à prévoir. Dwi Sawung, une représentante de la plus ancienne ONG indonésienne de défense de l’environnement WALHI, démontre que la construction de Nusentara représente 3 risques majeurs pour l’environnement :

  • Impact sur les systèmes de l’eau et de réchauffement climatique : L’urbanisation intense va perturber l’équilibre de l’intégralité du biome, avec une fragilisation des sols et des troubles pour la végétation. La déforestation concomitante va libérer de grande quantité de carbone et affaiblir les capacités de la région à résorber ses émissions, entretenant le réchauffement climatique qui a conduit au transfert sur l’île.

  • Impact sur la faune et la flore : La fragmentation du territoire et l’activité humaine vont de multiples manières bouleverser la vie sauvage de l’île.

  • Pollution et dégâts environnementaux : Il est prévu de déménager plus de 1,5 millions de personnes sur l’île. Ces Nusantariens par leur simple activité vont contribuer à de multiples pollutions et ravager l’environnement, d’autant plus si les pratiques et modes de vie ne changent pas.

Ces préoccupations, comme dans de nombreux pays émergents, ont été écartés du débat. C’est une faute grave que WALHI, et surement d’autres ONG, combattront pour la sauvegarde de l’environnement dans un monde en pleine crise écologique dont les effets dévastateurs commencent à se faire ressentir dans le monde et à Jakarta.

La seconde grande question sur ce déménagement est d’ordre social. On s’attend à ce que le transfert soit inique et inégal. Qui seront les 1,5 millions d’élus promis à l’Eden Nusentara ? Il s’agira de toute la classe politique et de 8 000 fonctionnaires. C’est moins de 1% de la population qui devrait résider sur l’île sous le statut de fonctionnaire. Le reste sera surement destiné aux employés de la ville, envisagée comme un centre d’affaire. Ce sont 56 180 hectares qui seront consacré au palais présidentiel, au parlement et aux bureaux gouvernementaux, ainsi que des routes pour rallier la capitale administrative à d’autres villes.

Contrairement à ce que l’on pourrait s’attendre d’une ville contrainte de transférer ses pouvoirs pour causes de mauvaise gestion climatique et des infrastructures civiles sur un territoire vierge, la nouvelle capitale est construite dans le faste et l’opulence. C’est une enveloppe de 29 milliards d’euros qui est prévu pour la mise en place du projet, en pleine pandémie.

Plus inquiétant encore, c’est la méthode de financement de la nouvelle capitale. Les fonds publics financeront à hauteur de 19 % le projet, le reste provenant de la coopération entre le gouvernement et les entités commerciales et des investissements directs des entreprises publiques et du secteur privé. La capture des décideurs publics peut désormais commencer avec l’implication des entreprises privés dans la construction du nouveaux siège politique du pays.

De plus, le comité chargé de superviser la construction est dirigé par le prince héritier d’Abou Dhabi, le cheikh Mohammed bin Zayed Al Nahyan – qui n’est pas étranger aux ambitieux projets de constructions- et comprend également Masayoshi Son, le milliardaire fondateur et directeur général de la holding japonaise SoftBank, et l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair, qui dirige actuellement le Tony Blair Institute for Global Change. On peut douter de la neutralité de ces parties dans le projet Nusantara. Cette ironie écologique et sociale permet déjà de percevoir les gagnants de l’humanité à deux vitesses.

Enfin la question économique. Jakarta est le poumon économique indonésien. Ce déménagement apparaît d’abord comme une amputation. Les inondations coûtent annuellement 4,5 milliards de dollars à l’agglomération. Le projet ne fait pas état des infrastructures mise en place pour les habitants restant. De plus, ils seront contraints de partir par la force des choses, migrant vers les lieux où les opportunités sont les plus grandes. S’ils venaient à rejoindre Nusantara, qui ne prévoit pas leur accueil, ce seront des bidonvilles qui se bâtiraient aux alentours, nuisant aux forêts, rivières et aux conditions de vie des arrivants.

En réalité, Nusantara sera construite au centre du pays et entre différentes aires urbaines. Elle devrait être rapidement connectée aux autres. La sphère économique devra donc subir un ajustement conjoncturel qui sera surement résorbé rapidement, comme on a pu le constater avec d’autres déménagement de capitale (Brasilia, Abuja ou Putrajaya). Mais ce transfert se fera au détriment des territoires de biodiversité de l’île qui ne pourront faire face aux nouveaux flux, nécessaire au bon fonctionnement économique de la ville.

Conclusion :

Ce projet, économiquement viable sur plan, est problématique à tous les autres niveaux et est symptomatique de l’impuissance des pays, voire leur désintérêt, dans la crise sociale et écologique que traverse le monde.

En effet, le réchauffement climatique montre ses effets directs sur la vie de certaines populations. Au lieu d’ancrer la problématique dans les esprits, avec l’urgence de faire bouger les mentalités et modes de vie, on préfère ne rien changer et recommencer ailleurs. Ce transfert est une fuite qui ne porte pas son nom.

Encouragée par d’autres puissances, Nusantara est une opportunité pour bâtir une ville nouvelle, sans avoir à déloger des populations, et avec des financements internationaux. Mais la ville va créer d’innombrable perturbations environnementales et des fractures sociales, montrant comment la sphère économique l’emporte sur toutes les autres.

L’Indonésie est prête à remplacer son poumon économique. Ce n’est pas la première fois qu’un pays se décide à de telles modifications territoriales. La montée des eaux et le réchauffement climatiques vont faire croître ce genre de transfert, qui apparaissent comme les solutions les plus abouties, mais sont aussi les moins structurelles. Il faut s’attendre à ce que les cartes soit redessinée dans les décennies à venir, et avec une montée de possible tensions géopolitiques. Car si le Brunei et la Malaisie ne sont pas lésés de ce déménagement, qu’en sera-t-il lorsque d’autres villes d’Asie seront englouties ? Le Japon risque de perdre de nombreuses côtes, or les archipels de la mer de Chine sont disputés entre la Chine et le Japon. Les scénarios du GIEC étaient catastrophiques en 2019 avec comme pire prévision une montée des eaux de 2 mètres. Aujourd’hui on sait que cette montée pourrait atteindre les 6 mètres, et que même si l’on s’arrête demain d’émettre du carbone, il y a une telle inertie que l’on n’arrêtera pas la dynamique menaçante de la montée des eaux.

Déménager la capitale à cause de la crise environnementale pour rebâtir sur les derniers puits de biodiversité, c’est mettre un pansement sur une jambe de bois. Il faut que les Etats discutent de transformations structurelles plutôt qu’envisager des mesures palliatives.

Par Matthieu Gourmelon, promotion 2021-2022 du M2 IESCI

Webographie :

https://www.youtube.com/watch?v=tvGeeFXPkZ0

https://www.lesechos.fr/weekend/business-story/7-pays-qui-ont-change-de-capitale-1212812

https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/2022-01-28/a-quoi-ressemble-nusantara-la-future-capitale-de-lindonesie-qui-demenage-car-jakarta-senfonce-d6cac300-457d-4785-828a-18dc46a19e1f

https://www.franceculture.fr/emissions/et-maintenant/l-indonesie-change-de-capitale-pour-raisons-climatiques

https://www.iqair.com/indonesia/jakarta

https://www.cnews.fr/monde/2022-01-19/indonesie-nusantara-la-nouvelle-capitale-du-pays-devoilee-en-images-1172581

https://www.goodplanet.info/2022/01/19/les-deputes-indonesiens-approuvent-la-construction-dune-nouvelle-capitale-nusantara/

https://www.youtube.com/watch?v=G5JoHoX5iWU

https://www.npr.org/2022/01/26/1075720551/jakarta-indonesia-sinking-into-java-sea-new-capital

https://www.youtube.com/watch?v=UMX9B2oXdpU

 

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La multiplication des licornes en France : entre promesses pour le futur et enjeux de souveraineté nationale https://master-iesc-angers.com/la-multiplication-des-licornes-en-france-entre-promesses-pour-le-futur-et-enjeux-de-souverainete-nationale/ Thu, 17 Feb 2022 10:42:33 +0000 https://master-iesc-angers.com/?p=3568 L’essor des licornes françaises depuis 2019 Depuis le milieu du mois de janvier 2022, la France a dépassé la barre symbolique des 25 « licornes », avec 3 ans d’avance sur les ambitions affichées par Emmanuel Macron en 2019. Une… Continuer la lecture

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L’essor des licornes françaises depuis 2019

Depuis le milieu du mois de janvier 2022, la France a dépassé la barre symbolique des 25 « licornes », avec 3 ans d’avance sur les ambitions affichées par Emmanuel Macron en 2019.

Une licorne est une start-up valorisée à plus de 1 milliard de dollars, dont le siège social est en France et qui n’est pas cotée en bourse. Le terme valorisation est assez important et peut prêter à confusion. Il ne désigne pas le chiffre d’affaires de l’entreprise en question, mais bien une estimation qui repose sur le montant que des investisseurs ont payé lors de la dernière levée de fonds pour acheter une certaine fraction du capital. Il suffit par exemple qu’un investisseur apporte 100 millions de dollars dans le but de détenir 10% de l’entreprise pour que celle-ci atteigne une valorisation d’un milliard, alors même que ses résultats financiers peuvent, et sont très souvent, d’un ordre bien plus modeste.

Le terme de « licorne » a été évoqué pour la première fois en 2013 par Aileen Lee, une investisseuse américaine spécialisée en capital-risque et fondatrice de Cowboy Ventures. Au travers d’une étude, elle a montré que moins de 0,1 % des entreprises qui recevaient des investissements de capital-risque arrivaient à atteindre des valorisations dépassant le milliard de dollars. Ainsi, à la suite de cette observation, elle a nommé « licornes » ces start-ups uniques qui arrivaient à réaliser cette prouesse. En France, la première à être apparue est l’entreprise de covoiturage BlaBlaCar fondée en 2006, et à qui il a fallu neuf ans pour décrocher ce statut et être valorisée au-dessus d’un milliard de dollars.

La première licorne française n’est donc apparue qu’en 2015, et jusque très récemment, la France se positionnait encore assez en retrait dans ce domaine et peinait à faire émerger des jeunes entreprises innovantes, avec le potentiel de devenir des champions de leurs domaines. Malgré son statut d’économie de premier plan et avec un PIB qui représente près de 20% de celui du continent européen, notre pays ne présentait pas un écosystème d’incubation de start-up des plus dynamiques et peinait à faire honneur à son rang dans ce domaine. À titre d’exemple, durant l’ensemble de l’année 2016, seuls 2 milliards de dollars ont été levés par toutes les start-ups de l’Hexagone, sachant que cette somme a été enregistrée sur les trois premières semaines de cette année 2022. Mais alors comment expliquer la prolifération si spectaculaire de ces licornes, alors même que l’économie du pays est encore très affectée par la crise liée à la pandémie ?

Un des principaux éléments déclencheurs est très probablement l’objectif fixé par Emmanuel Macron en septembre 2019 lors d’une rencontre avec des entrepreneurs et investisseurs. Le président y a fait part de son ambition de voir le nombre de licornes françaises atteindre 25 d’ici à 2025, sachant qu’en 2019 leur nombre était alors de 7. La prise de position du gouvernement et l’objectif officiellement annoncé ont sûrement dû fixer un cap clair à atteindre et concentrer les efforts pour accélérer l’émergence de ces acteurs. Ainsi, à peine deux ans plus tard, ce nombre est déjà atteint grâce aux très nombreuses levées de fonds réalisées par les start-ups françaises, en particulier durant l’année 2021 et en ce début d’année 2022.

La multiplication des levées de fonds trouve quant à elle son origine dans plusieurs facteurs. Tout d’abord, les investisseurs sont aujourd’hui moins « frileux » et sont moins réticents à investir de grosses sommes d’argent, de l’ordre de plusieurs dizaines voire centaines de millions de dollars, dans des projets innovants et à fort potentiel pour ne pas passer à côté du champion de demain. En effet, comme l’explique l’article du site Groupe IGS, plusieurs fonds en capital-risque, c’est-à-dire des fonds spécialisés dans le financement de jeunes entreprises innovantes à haut potentiel de croissance, mais présentant toutefois toujours un risque important de défaillance, ont raté le coche et n’ont pas investi au moment opportun dans de futurs géants comme Facebook ou Uber. Désormais, ces investisseurs ont conscience que les choses évoluent très vite et qu’une entreprise extrêmement rentable peut émerger très rapidement, et c’est fort de ce constat que les levées de fonds se multiplient, et que des pays comme la France voient des licornes émerger de plus en plus vite. De plus, le contexte monétaire consécutif à la pandémie et les nombreuses mesures de relance, dont par exemple des injections de liquidités dans l’économie pour redynamiser l’activité, ont très clairement donné des ressources supplémentaires aux investisseurs.

Par ailleurs, de nombreuses mesures d’accompagnement des start-ups ont vu le jour sur notre territoire et permettent d’aider au lancement de nombreux projets innovants. Par exemple, Bpifrance aide depuis plusieurs années déjà environ 2000 start-ups au travers de différents dispositifs comme des bourses, des prêts ou des prises de participation. Au total, ces diverses aides de la banque publique d’investissement représentent plus d’un milliard d’euros destinés à l’accompagnement et l’émergence de jeunes entreprises innovantes en France. Enfin, Robin Rivaton de L’Express précise également que les entrepreneurs français sont désormais plus expérimentés et ont acquis une mentalité plus ambitieuse et n’hésitent plus à projeter une expansion au-delà des frontières de notre pays lors de la création de leurs projets.

Ainsi, moins de trois ans après la prise de parole du Président de la République, la barre des 25 licornes a été atteinte avec l’émergence d’une quinzaine d’acteurs dans ce laps de temps très réduit. À ce titre, l’année 2021 a été particulièrement prolifique avec l’arrivée de 12 licornes et des levées de fonds record qui ont augmenté de 115% par rapport à 2020 pour atteindre 11,56 milliards d’euros. Par ailleurs, les levées de 2021 ont dépassé la barre des 100 millions d’euros à 22 reprises, ce qui n’est arrivé que neuf fois en 2020.

Cet élan semble également s’accélérer en ce début d’année 2022 et des start-ups comme Payfit, Ankorstore ou Qonto ont rejoint ce club très fermé, avant qu’Exotec ne devienne officiellement la 25ème licorne le 17 janvier dernier après une levée de fonds de 335 millions de dollars. D’ailleurs, le cas d’Exotec est assez intéressant car l’entreprise est spécialisée dans la conception de robots pour faciliter la logistique, ce qui fait d’elle la première licorne française purement industrielle. Bien entendu, Emmanuel Macron a réagi à cette annonce et s’est félicité de la réussite de cet objectif.

De plus, le lendemain de l’annonce concernant Exotec, c’est la start-up Spendesk qui propose une plateforme de centralisation et de gestion des dépenses professionnelles qui est devenue la 26ème licorne, après un tour de table de 100 millions d’euros. Ces trois premières semaines de 2022 auront donc vues cinq levées de fonds dépasser les 100 millions d’euros, et au total près de deux milliards d’euros ont déjà été rassemblés par les start-ups de l’Hexagone. Au regard de ce début d’année particulièrement enthousiasmant, il est fort possible que les chiffres de l’année 2021 soient largement dépassés et que de nouvelles licornes émergent en nombre.

Panorama de l’écosystème actuel

Les 26 licornes de l’écosystème français ont cependant des valorisations assez inégales. Si près de la moitié d’entre elles se voient attribuées une valeur qui dépasse à peine le milliard de dollars, d’autres ont au contraire des valorisations bien plus conséquentes, et à ce titre, les trois plus grosses se détachent assez nettement du reste du peloton. La troisième place est actuellement occupée par Sorare, valorisée à 4.3 milliards de dollars, qui propose de collectionner des cartes de footballeurs sous forme de NFT et de les utiliser dans un jeu de « fantasy football ». Elle est précédée par Qonto, estimée à 4.9 milliards de dollars, qui est une entreprise de services financiers qui ne s’adresse pas aux particuliers mais aux PME et TPE. Enfin, la première licorne française est la marketplace de vente de produits électroniques reconditionnés Back Market, valorisée à 5.7 milliards de dollars.

Les 25 licornes françaises racontées en quatre graphiques

À l’image des valorisations, le montant des levées de fonds qui ont permis à tous ces acteurs de devenir des licornes sont eux aussi très inégaux. Si pour certaines start-ups comme Ivalua ou Lydia, des tours de tables inférieurs à 100 millions d’euros ont suffi, la grande hétérogénéité des entreprises et de leurs secteurs d’activité ont amené d’autres à lever plusieurs centaines de millions d’euros à l’image de Sorare ou Qonto.

Les secteurs dans lesquels les licornes de l’Hexagone évoluent sont donc très divers. L’infographie de Geraldine Russell de Maddyness propose de les répartir en 14 catégories différentes, parmi lesquelles quatre se distinguent particulièrement par leur importance et par le fait qu’elles dépassent les 5 milliards de dollars de valorisation. On constate donc que les licornes françaises sont davantage portées sur les secteurs de l’e commerce (13 milliards), la fintech (8.9 milliards), les divertissements (8 milliards) et le retail (5.48 milliards).

Où se situe la France par rapport à ses voisins ?

Malgré les résultats très positifs et la possible émergence de nombreuses nouvelles licornes sur l’année à venir, la France est encore assez loin d’être la première nation européenne dans ce domaine, et elle est encore nettement devancée par l’Allemagne et le Royaume-Uni. Les start-up des deux nations ont par exemple récolté respectivement 16 et 32 milliards de dollars de levées de fonds en 2021, ce qui correspond à des hausses de 200% et de 130%, encore bien au-delà des 11,56 milliards levés et de la hausse de 115% observée en France. De plus, face aux 12 nouvelles entrées en France sur l’année passée, le Royaume-Uni en a par exemple enregistré 20 et aucun des 10 plus gros investissements en Europe n’a eu lieu dans l’Hexagone.

L’Allemagne compte de son côté 25 licornes, avec des noms très connus comme le courtier Trade Republic ou la banque en ligne N26. Par ailleurs, le pays possède une « décacorne », une start-up valorisée à plus de 10 milliards de dollars baptisée Celonis, qui utilise l’intelligence artificielle pour signaler les problèmes dans les chaînes de traitement. En plus de Celonis, au moins deux autres entreprises allemandes possèdent une valorisation supérieure au leader français Back Market qui se trouve au 15ème rang européen.

Cependant, l’écart avec le Royaume-Uni est encore plus conséquent. Avec ses 37 licornes, il est en effet le leader incontesté de notre continent et détient en outre la fintech Checkout.com spécialisée dans les services de paiement. Cette entreprise possède la deuxième plus haute valorisation européenne avec 40 milliards de dollars, et a récemment levé un milliard de dollars auprès d’investisseurs.

Un autre groupe d’acteurs sans doute plus surprenants, fait néanmoins une vraie concurrence à la France. Les pays scandinaves ne comptent il est vrai pas beaucoup de licornes, mais on y retrouve cependant des acteurs de premier plan. La Suède possède par exemple Klarna, la plus grosse licorne d’Europe, aujourd’hui valorisée à plus de 45 milliards de dollars, ou encore Northvolt, qui fait elle aussi partie du top 10 avec 12 milliards de valorisation.

Les nouveaux objectifs

Ainsi, bien que la situation en France soit très positive, il faut tout de même reconnaître que notre pays est assez largement devancé, notamment par ses voisins Allemands ou Britanniques. L’enjeu est désormais de maintenir cette évolution et de se rapprocher petit à petit du rythme de ces deux autres nations. Bons nombres d’observateurs et de responsables, notamment la directrice de France Digitale Maya Noël, considèrent en effet que cet objectif de 25 licornes n’était qu’une étape, et qu’il faut désormais veiller à conserver cette dynamique pour faire émerger de nouveaux acteurs et faire croître ceux qui se sont déjà affirmés. Dans cette optique, les efforts devront assurément être poursuivis dans la formation aux métiers du numérique et dans le développement de capacités de financement de ces pépites par des fonds français. En effet, les dernières levées de fonds ont été menées par des fonds d’investissements étrangers comme les américains Tiger ou Goldman Sachs, ou encore les asiatiques SoftBank et Tencent. Sur les 22 levées de fonds de plus de 100 millions d’euros de l’année 2021, une seule opération aura vu un acteur français (Bpifrance) être le plus gros investisseur. Conscients de cette faiblesse, les dirigeants de France Digitale ont ainsi déclaré dans une tribune « les startups tricolores ambitieuses ne trouvent pas encore sur notre sol les financements suffisants pour devenir des leaders européens ou mondiaux, et sont trop souvent obligées de se tourner exclusivement vers des investisseurs étrangers. Leurs perspectives d’introduction en Bourse à Paris sont aussi limitées face à l’attractivité de la bourse américaine ».

L’introduction en bourse est un autre point assez sensible qui pousse assez régulièrement un acteur à fort potentiel à quitter le territoire pour aller s’installer à l’étranger. En effet, certains investisseurs restent encore assez dubitatifs quant à la capacité de la Bourse de Paris d’offrir les conditions idéales pour se valoriser et bien souvent les meilleures entreprises préfèrent se rapprocher de Wall Street. Cependant, les acteurs français ne restent pas de marbre face à cette situation et ont déjà affiché leur volonté de créer une réplique européenne du Nasdaq pour éviter l’exil des entreprises les plus prometteuses.

À l’échelle du continent, Emmanuel Macron a également fixé de nouveaux objectifs. Le Président de la République a en effet annoncé vouloir faire émerger 10 géants de la tech européens, c’est-à-dire des entreprises valorisées à plus de 100 milliards de dollars, d’ici 2030. Au vu de la situation actuelle, cela peut sembler ambitieux, et comme le précise la directrice de la Mission French Tech Clara Chappaz à l’Usine Digitale, « sur les dix plus grosses entreprises mondiales cotées, huit sont dans la tech mais pas une seule n’est européenne ». Ainsi, la création de ces géants européens, qui devront être en mesure de rivaliser avec les mastodontes américains et asiatiques, devra très certainement faire face à de nombreux défis. Il faudra sans doute réussir à s’imposer sur ces deux autres continents, une chose peu aisée et sur laquelle bons nombres d’entreprises du vieux continent en quête d’expansion se sont déjà cassé les dents. Par ailleurs, avant même de s’attaquer aux marchés mondiaux, il faut d’abord mieux accompagner le développement des acteurs prometteurs sur le territoire européen. Pour ce faire, il sera très certainement nécessaire de développer une structure et des règles plus harmonisés qui permettront la croissance des entreprises, car bien que l’Union Européenne compte presque 500 millions d’habitants, elle reste morcelée de 27 États membres avec des langues, des lois et des cultures bien différentes, ce qui représente un obstacle de taille.

Licornes et souveraineté

Si l’émergence d’entreprises innovantes et prometteuses sur des secteurs clés comme la tech est un signe très encourageant pour la compétitivité de notre économie, il ne faut pas pour autant occulter les limites de ce développement. À ce titre, même si le Président de la République s’est réjoui de la multiplication des licornes et de leur apport pour la souveraineté française, ce point est remis en question par de nombreux observateurs. Qu’elles appartiennent au secteur bancaire, au retail, à l’e-commerce ou autre, les start-ups européennes, et à fortiori tricolores, sont encore extrêmement dépendantes des GAFAM pour proposer leurs services et assurer leur croissance. Pour ces entreprises de taille encore modeste, les dépenses pour des services numériques sont significatives, et dans ce domaine, des solutions comme AWS d’Amazon ou Google cloud pour l’hébergement, ou encore Facebook/Meta et Google Ads pour les publicités sont encore de très loin les plus utilisées. Dans le dernier baromètre de France Digitale avec le cabinet EY publié en septembre 2021, 73% des 800 start-ups interrogées indiquent une dépendance envers les GAFAM et 43% d’entre elles estiment même qu’elles « ne pourraient pas se développer sans eux ». La dépendance encore très marquée de nos acteurs nationaux vis-à-vis des géants américains va alors dans le sens contraire des ambitions affichées de faire éclore des entreprises capables de devenir des acteurs de premier plan et des concurrents crédibles pour les produits des GAFAM.

La multiplication des pépites de la French Tech qui bien souvent hébergent leurs serveurs et utilisent toutes sortes de services chez les GAFAM et aident donc à leur prospérité, remet ainsi en cause les propos du Président de la République et mettent au contraire en lumière un modèle qui semble affaiblir notre souveraineté. Au-delà de remplir des objectifs chiffrés, la French Tech doit donc également veiller à faire émerger des acteurs qui seront capables de proposer des solutions alternatives sur des secteurs stratégiques, et qui viendront réellement renforcer la souveraineté de notre pays. Dans cette optique, le chercheur Romain Cosson et l’entrepreneur Romain Fouilland ont proposé dans une tribune parue dans Le Monde de « prendre une place centrale dans l’écosystème des fournisseurs en s’attaquant au marché bien plus fractionné des briques élémentaires ». Ces briques élémentaires désignent les modules et addons proposés en complément des services basiques des GAFAM mais qui répondent selon les auteurs de la tribune « à un besoin technique et indivisible pour une start-up ». En effet, vouloir concurrencer directement les géants américains semble être au mieux très ambitieux, tandis que faire émerger des acteurs sérieux sur ces marchés beaucoup plus éclatés mais qui semblent tout aussi stratégiques pourrait être une option intéressante, tant en ce qui concerne la compétitivité économique nationale que les questions de souveraineté numérique.

Une autre alternative à explorer et très plébiscitée concerne le développement des deep tech, des start-ups qui proposent des produits ou des services sur la base d’innovations de rupture. Sur ce sujet, le « Plan Deeptech », porté notamment par Bpifrance, s’est vu doté d’un budget de 2.5 milliards d’euros sur 5 ans pour aider à leur développement. Cela a entre autres permis de fortement accélérer leur croissance si bien que les deeptech françaises sont aujourd’hui plus de 1700 et représentent 10 % de l’ensemble des start-ups françaises et captent plus de 20 % des montants levés, avec 1.1 milliards d’euros en 2020.

Dans un article publié sur le site de l’EGE consacré aux deeptech, Patrick Blancheton précise ainsi « la deeptech positionne les entreprises mais surtout les Etats compétitifs sur la scène internationale » et ajoute « La deeptech est à l’évidence un enjeux de souveraineté nationale (mais aussi pour l’Europe) pour initier entre autres une dynamique soutenue visant au leadership de notre économie numérique aux côtés des GAFAM (enjeux de société, contre-pouvoir, un autre web après les plateformes, un autre modèle économique, …), afin de limiter leur hégémonie et la dépendance absolue de la France, à des technologies étrangères ».

Il faut sans aucun doute se réjouir de la multiplication des licornes, ces acteurs innovants et à fort potentiel, et continuer à œuvrer à leur croissance pour que la France rattrape son retard sur les leaders européens. En revanche, une chose est sûre, si notre pays veut développer un écosystème tech cohérent et réellement compétitif, les questions de souveraineté numérique doivent être réellement prises en compte et les efforts accomplis dans ce sens se doivent d’être renforcés. En ce sens, l’accompagnement de filières stratégiques et à forte compétitivité comme la deeptech semble être une piste très prometteuse.

Par Louis-Mael Jouanno, promotion 2021-2022 du M2 IESCI

Sources Web

  • Géraldine Russell, (2022, 19 janvier). « 25 licornes, c’est fait. Et maintenant quel prochain objectif pour la French Tech ? » Maddyness
  • Léna Corot, (2022, 18 janvier). « La French Tech se targue d’avoir 25 licornes, et après ? ». L’Usine Digitale
  • Challenges, (2022, 20 janvier). « La France célèbre sa 25ème licorne, et après? ». Challenges
  • Géraldine Russell, (2022, 18 janvier). « Les 25 licornes françaises racontées en quatre graphiques ». Maddyness
  • Guillaume Bregeras, Charlie Perreau, Adrien Lelièvre, (2022, 17 janvier). « Qui sont les 26 licornes de la French Tech ? ». Les Echos
  • Valentin Hamon Beugin, (2022, 17 janvier). « Back Market, Sorare, Qonto… Voici la liste des licornes françaises ». L’Usine Nouvelle
  • Thomas Leroy, (2022, 18 janvier). « En matière de licornes, la France fait-elle mieux que ses voisins européens? ». com
  • Groupe IGS. « Les licornes, ces start-ups de plus d’un milliard de dollars ». groupe-igs.fr
  • Illan Knafou, (2022, 19 janvier). « Qui sont les dix plus grosses licornes européennes ? ». Les Echos Start
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Le 28 octobre 2021, lors de l’événement Facebook Connect, Mark Zuckerberg, annonçait le changement de nom de la maison mère du réseau social Facebook regroupant les messageries WhatsApp et Messenger et les plateformes Facebook et Instagram. Elle s’appellera désormais Meta.

Meta comme métaverse, cette doublure numérique du monde physique mélangeant réalité virtuelle et réalité augmentée dans un univers persistant et présentée comme l’internet du futur. Incarnés en avatars, nous aurons la possibilité d’y exercer une infinité d’activités de loisirs et professionnelles dans un monde en trois dimensions : jeux, rencontres, shopping, concerts, réunions professionnelles, entretiens de recrutement, démarches administratives.

Pour les entreprises, la concurrence sur ce marché naissant, estimé à 800 milliards de dollars en 2024 selon Bloomberg Intelligence et 1,5 trilliard de dollars en 2030 selon PwC, est déjà intense. Il s’agit de devenir leader le plus rapidement possible. En effet, l’économie numérique est caractérisée par une tendance au monopole ou à l’oligopole. Investir rapidement un marché de la sphère numérique permet de bénéficier d’effets de réseau liés à la participation des utilisateurs et de faibles coûts marginaux offrant à une entreprise l’opportunité d’en devenir leader. Si des droits de propriété intellectuelle (brevets, certificat d’utilité, etc…) sont attribués, la capacité à s’imposer face aux concurrents est alors accentuée.

Si l’apparition de cette technologie attire naturellement les convoitises des acteurs privés, elle semble aussi devenir une question géopolitique. De la même manière que pour les entreprises, plus tôt un Etat investira le métaverse, plus il aura de chances de le dominer.

De nombreux enjeux géopolitiques : étatique, coopétition, influence, protection des données personnelles, souveraineté numérique et équipement

L’émergence du métaverse fait apparaître de nombreux enjeux géopolitiques :

  • D’abord, un enjeu étatique : cette doublure numérique s’affranchirait des frontières et des juridictions nationales pour attribuer la primauté aux codes des acteurs du numérique. Quid des relations internationales ? Quid du Droit international qui les régit ? Qui sera au centre des enjeux mondiaux ? Les Etats auront-ils un pouvoir de contrôle et de régulation sur cet univers virtuel ?
  • Ensuite, un enjeu de coopétition pour développer l’interopérabilité des différents métaverses : en effet, pour assurer la circulation des données entre les différents univers persistants, plusieurs défis techniques sont à relever : interopérabilité des points d’accès, flexibilité créative, intégration d’avatars ou encore dimension spatiale. Ces problématiques sont si complexes qu’il est nécessaire de collaborer entre pays rivaux et entreprises concurrentes pour y répondre.
  • Un enjeu d’influence : l’Etat qui pourra se présenter comme un acteur fort du métaverse, le leader, voire le fondateur pourra intégrer cette qualité à sa stratégie de soft power, c’est-à-dire « l’habileté à séduire et à attirer » (Nye, 1990). S’il en détient le monopole technique, économique ou juridique, il pourra également user de son hard power, c’est-à-dire son pouvoir de coercition, afin d’imposer sa volonté à d’autres Etats.
  • Un enjeu de protection des données personnelles : si dans le cadre de l’Internet actuel, celles-ci bénéficient d’un arsenal juridique important – par exemple, en France, la loi du 6 janvier 1978 dite « Informatique et libertés », le règlement général sur la protection des données (RGPD), la directive (UE) du 27 avril 2016 dite “Directive Police Justice” – qu’en sera-t-il dans le métaverse ? La problématique n’en sera que plus exacerbée, alors qu’actuellement la protection des données personnelles est déjà jugée insuffisante et inadaptée dans certaines situations (Thibaut Douville, 2018).
  • Un enjeu de souveraineté numérique : la domination des GAFAM sur l’économie numérique européenne est déjà très importante. Par exemple, en France, les données de la SNCF, d’Orange et de Doctolib sont hébergées par Amazon Web Services. Le 18 octobre 2021, Facebook annonçait avoir l’intention de recruter 10 000 personnes en Europe pour créer un métaverse… Une façon d’asseoir un peu plus cette domination américaine sur le vieux continent ?
  • Un enjeu d’’équipement : le principal frein au déploiement du métaverse est le retard technologique du matériel nécessaire. Effectivement, si les casques de réalité virtuelle et les lunettes de réalité augmentée existent déjà, ils pâtissent d’un manque de puissance de traitement et sont encore peu ergonomiques. De plus, les technologies d’affichage sont encore à améliorer fortement. Le fossé technologique à combler pour permettre l’utilisation optimale du métaverse est encore immense et verra sûrement « une lente émergence de services et de produits » (Matthew Ball, capital-risqueur, fondateur de l’indice Roundhill Ball Metaverse ETF).

 

Dans ce contexte, quelles stratégies de conquête du métaverse ont développé les Etats-Unis, la Chine et l’Europe ? Quelle place pour la France dans cette compétition mondiale ? Faisons le point sur les mutations en cours.

Etats-Unis : Facebook, fer de lance économique et réglementaire du mouvement d’investissements américains dans le métaverse

A travers le rebranding de Facebook en Meta, les Etats-Unis semble exprimer leur velléité d’accaparer la notion même de « métaverse » et affirmer leur domination sur ce nouvel espace de conquête. A l’instar de la firme de Menlo Park qui a investi 10 milliards de dollars dans le métaverse en 2021, de nombreuses entreprises américaines investissent ce marché émergent. Ainsi, Microsoft s’est lancé dans la création d’un métaverse d’entreprise. En mai 2020, Apple a acquis la start-up californienne NextVR, spécialisée dans la diffusion d’évènements sportifs via des casques de réalité virtuelle. Niantic, spécialisée dans les jeux en réalité augmentée et à l’origine de la création de Pokémon Go, a levé 300 millions de dollars auprès de Coatue et a noué des partenariats avec Universal Pictures et Warner Music Group. Epic Games, entreprise créatrice du célèbre jeu Fortnite, a levé pour sa part un milliard de dollars. Decentraland propose des terrains virtuels à vendre ou des offres d’emploi au sein même du métaverse. Roblox permet d’ores-et-déjà l’organisation de concerts tels que celui de Lil Nas X en novembre 2020, prévoit des événements sportifs en parallèle de la coupe du monde de football 2022 et propose des espaces showroom à des marques telles que Nike, qui a inauguré le « Nikeland ». Reebok a lancé une collection de 200 chaussures virtuelles sur la plateforme d’échanges de NFT (Non-fungible token) Wax Atomic Hub. Jensen Huang, PDG de Nvidia a annoncé la création d’un nouveau métaverse par son entreprise. Enfin, Unity Software a acquis Weta Digital, le studio d’effets spéciaux utilisés dans la trilogie du « Seigneur des anneaux » ou dans le film « Avatar » pour un montant de 1,6 milliards de dollars, en vue de se lancer dans la création de son propre univers virtuel.

Parallèlement à l’émergence de cette multitude d’acteurs de la tech américaine, Facebook travaille à créer un environnement juridique favorable au développement du métaverse et, au passage, éviter des déconvenues telles que les poursuites du régulateur américain, motivées par la lutte antitrust. En effet, les locaux de l’entreprise situés à Washington ont été transformés en bureau de campagne. Nick Clegg, vice-président de Facebook chargé des affaires mondiales et de la communication et Sheryl Sandberg, directrice des opérations de l’entreprise y mène de nombreuses actions de lobbying afin de créer des normes et des protocoles pour le métaverse : groupes de réflexion, conférences telles que celle baptisée « Journey to the Metaverse » organisée lors du festival d’idées « Atlantic Festival », rencontres avec des décideurs politiques, des universitaires, des partenaires et des experts.

Chine : un développement du métaverse encadré par le pouvoir central

Lors de la 34ème étude collective sur la promotion du développement sain de l’économie numérique de la Chine par le Bureau politique du Comité central du Parti Communiste Chinois (PCC), qui s’est déroulée le 18 octobre 2021 ; le dirigeant du pays, Xi Jinping, a affirmé la détermination de son gouvernement à devenir un acteur incontournable des mutations numériques en cours et a souligné l’importance de l’intégration des économies réelle et numérique.

En novembre 2021, la Chine a lancé le Metaverse Industry Committee, sous l’égide de la China Mobile Communications Association (CMCA), premier groupe de l’industrie du métaverse. Lors de cet évènement, Wu Zhongze, l’ancien vice-ministre du ministère des sciences et des technologies a confirmé que la Chine souhaite bénéficier de l’effet de levier de cette nouvelle technologie pour accélérer l’intégration des économies réelle et numérique et dominer les autres Etats. De plus, l’institut chinois des relations internationales contemporaines, think-tank proche du pouvoir, a souligné que l’investissement actuel dans le métaverse conditionne la sécurité nationale de la Chine à trois variables : l’adoption rapide des nouvelles technologies émergentes pour assurer son positionnement dans la compétition mondiale, la gestion de la sécurité technique (cyberattaques, infrastructure critique, vol ou falsification de données) et la maîtrise des impacts politiques, sociaux et économiques.

Dans ce contexte favorable, la tech chinoise semble être prise de frénésie. En effet, Alibaba a déposé plusieurs enregistrements de marques telles que “Ali Metaverse, “Taobao Metaverse” et “DingDing Metaverse sur la plateforme Qichacha. Tencent a déposé une centaine de marques liées au métaverse telles que « Timi Metaverse », « Kings Metaverse », « QQ Metaverse » ou « QQ Music Metaverse » et a investi dans l’organisateur de concerts virtuels Wave. Bytedance, le groupe propriétaire de TikTok a acquis la société de réalité virtuelle Pico pour 772 millions de dollars. Yunfeng capital, crée par Jack Ma, fondateur d’Alibaba, a investi 100 millions de dollars dans la société de réalité augmentée Nreal. Le 21 décembre 2021, Baidu a présenté le premier métaverse chinois, baptisé « Xi Rang » (Terre d’espoir) lors de la conférence « Create 2021 ». D’autres acteurs de la tech chinoise, tels que Kuaishou, iQiyi, Li Auto ou Netfase se sont également lancés dans la conquête de ce nouveau marché.

Néanmoins, la politique de répression réglementaire de Pékin envers les entreprises technologiques peut constituer un frein important au développement des acteurs chinois du métaverse. Déployée à partir d’octobre 2020, après des critiques acerbes du fondateur d’Alibaba, Jack Ma, envers les autorités de régulation financière, son objectif est d’assurer le contrôle de l’autorité centrale sur le secteur numérique dont les entreprises sont accusées de monopolisation du marché et de comportements anticoncurrentiels. Elle répond aussi au projet de « prospérité commune » du pouvoir, dont l’objectif est de lutter contre l’inégalité de la répartition des richesses en Chine.

En effet, des règles anti-monopole sont mises en place et les sanctions se multiplient. Ainsi, le 3 novembre 2021, l’introduction en Bourse d’Ant Group, filiale d’Alibaba, a été suspendue ; en avril 2021, une amende de 2,3 milliards d’euros est infligée à Alibaba pour abus de position dominante ; le « Uber » chinois, Didi, a été retiré des magasins d’applications après une levée de fonds de 4,4 milliards de dollars à Wall Street ; les acteurs de la tech projetant une introduction en bourse doivent désormais se soumettre à un examen de sécurité par l’Administration du cyberespace ; une loi de protection des informations personnelles est promulguée ; une limitation du temps hebdomadaire consacré aux jeux vidéo – qualifiés d’ « opium mental » par le pouvoir – par les mineurs est instaurée ; aucune licence de jeu vidéo n’a été accordée depuis juillet 2021 et une campagne contre l’idolâtrie des influenceurs a été organisée par le gouvernement. Enfin, à la Bourse de Shenzhen, les actions de Hubei Century Network Technology, entreprise de solution informatique et de ZQGame, développeur de jeux, se sont envolées après l’annonce de Meta par Mark Zuckerberg avant de chuter brutalement après la publication d’un article, dans l’Economic Daily – proche du pouvoir – fustigeant la spéculation sur les actions d’entreprises investissant dans le métaverse et soulignant la tolérance zéro des autorités de réglementation des valeurs mobilières.

Europe : devenir une puissance normative du métaverse

Dans cette course effrénée, l’Europe semble vouloir se démarquer en se positionnant comme le régulateur du métaverse et devenir une puissance normative, entendue comme une « puissance qui n’a fondamentalement que la norme comme instrument privilégié, voire exclusif, d’action internationale » (Laïdi, 2008). En effet, face aux colossaux investissements américains et chinois ainsi qu’au constat de l’absence d’un géant de la tech européenne capable de concurrencer les GAFAM et les BATX, l’Europe a choisi de protéger son marché intérieur. L’Europe a ainsi développé une régulation du numérique afin d’encadrer les acteurs de cette industrie. Durant l’année 2022, le Digital Markets Act (DMA) et le Digital Service Act (DSA) entreront en vigueur. Le premier encadrera les activités des plus grandes plateformes qualifiées de contrôleurs d’accès accusés de pratiques anticoncurrentielles et d’abus de position dominante ; le second harmonisera les législations nationales en matière de luttes contre les contenus dangereux, illégaux et illicites. Depuis 2020, les députés européens travaillent également sur une règlementation des usages de l’intelligence artificielle portant sur différents volets dont la responsabilité civile et l’éthique. Enfin, le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) veille à encadrer le traitement des données personnelles sur le territoire européen.

Ce cadre législatif de plus en plus contraignant a participé à la décision de Meta de recruter 10 000 ingénieurs européens en cinq ans afin de créer le métaverse de la firme, s’ajoutant aux 58 000 salariés actuels. A travers la voix de deux hauts responsables, Nick Clegg et Javier Oliver, le groupe déclare même avoir l’intention d’intégrer « les valeurs européennes telles que la liberté d’expression, la vie privée, la transparence et les droits des individus » dans ce projet. Toutefois, l’aspect législatif n’est pas la seule motivation de Meta. Effectivement, l’entreprise souhaite également investir le marché de l’Europe des 28, représentant 500 millions de consommateurs, bénéficier des compétences d’ingénieurs hautement spécialisés et diplômés d’universités parmi les mieux classées du monde, d’un écosystème d’entreprises technologiques de pointe et assurer sa maîtrise des flux de données européens dont la stabilité fut mise à mal par l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), rendu le 16 juillet 2020 et invalidant l’accord de transfert des données entre l’Union européenne et les Etats-Unis, dit « Privacy Shield ».

A l’instar des Etats-Unis, et de la Chine, de nombreuses entreprises ont investi le métaverse. Ainsi, BMW et NVIDIA se sont associées afin de dupliquer une usine du constructeur automobile et simuler virtuellement des opérations avant déploiement physique. L’entreprise allemande Move Digital développe des solutions complète afin d’assister ses clients à se déployer dans les différents univers virtuels. En Autriche, les startups Blackshark.ai (construction d’environnement 3D), Trilite (faisceau laser utilisable dans les lunettes AR) et ViewAR (lunettes AR) ont bénéficié de levées de fonds pour investir le métaverse. La société madrilène Virtual Voyagers participe au développement de la plateforme de concerts utilisée dans le métaverse annoncé par Zuckerberg. Aussi, le secteur européen de la mode semble très enthousiaste et les initiatives se multiplient. Adidas a annoncé son projet d’investir le métaverse « The Sandbox ». Zara a lancé une collection dans l’univers virtuel coréen « Zepeto ». La marque italienne Diesel a créé sa propre plateforme, BVX (Brave Virtual Xperience), qui s’appuie sur le métaverse, les NFT et les jeux numériques. Enfin, Gucci et Burberry ont développé une collection d’accessoires de mode, respectivement pour Roblox et le jeu métaverse Blankos Block Party.

France : une French Tech dynamique, mais des faiblesses en termes de volume d’innovation, de recrutement et de levée de fonds

Qu’en est-il de la France ? Lors de la présentation du plan d’investissement « France 2030 », le 12 octobre 2021, le président de la République française Emmanuel Macron, a déclaré vouloir « placer la France à nouveau en tête de la production de contenus culturels et créatifs ». Le même jour, la ministre de la Culture Roselyne Bachelot twittait que « 600M€ seront investis dans les technologies immersives, de nouvelles infrastructures de tournage et de production numérique et la formation ».

La French Tech connaît une croissance exponentielle. En effet, le 17 janvier 2022, le chef de l’Etat annonçait la 25ème licorne française, start-up valorisée à plus d’un milliard de dollars. Soit trois ans avant le cap de 2025, annoncé à l’Elysée lors du France Digitale Day, en septembre 2019.

L’écosystème industriel de la réalité augmentée et de la réalité virtuelle est particulièrement riche dans l’hexagone. En effet, l’annuaire de l’association AFXR, représentant les acteurs français des technologies immersives, recense 420 professionnels. Par exemple, le centre de conseil et d’innovation Clarté propose aux entreprises de développer des projets de technologies immersives et a notamment collaboré avec Renault. La startup Lynx a développé un casque combinant réalités virtuelle et augmentée. Le métaverse The Sandbox a été fondé en 2012, par deux Français, Arthur Madrid et Sébastien Borget et leur entreprise a levé 93 millions de dollars via le Vision Fund 2 de SoftBank. Le groupe Havas a lancé la solution « Metaverse by Havas » afin d’accompagner les marques dans leurs déploiements au sein de différents univers virtuels. La startup rennaise Simango a lancé un hôpital en réalité virtuelle afin de former le personnel soignant. Les institutions culturelles telles que le Museum d’Histoire Naturelle de Paris ou l’Atelier des Lumières développent également des projets d’expériences immersives afin d’enrichir leurs expositions artistiques. L’ensemble de ces acteurs bénéficient de l’accompagnement d’environ 380 incubateurs de startups et du soutien de l’Etat qui, à travers la banque publique d’investissement (Bpifrance) et l’écosystème French Tech, composé de startups, d’investisseurs et de décideurs, a octroyé plusieurs centaines d’allocations à environ 2000 startups ; a mis en place des dispositifs fiscaux tels que le Crédit Impôt Recherche ou le Crédit d’Impôt Innovation et a développé des concours d’innovation tels que les concours i-Lab et i-nov.

 

Néanmoins, la France pâtit d’un certain nombre de freins au développement du secteur industriel dédié au métaverse. D’abord, peu de brevets dans le domaine des technologies immersives sont déposés, ce qui témoigne d’un retard en termes de volume d’innovation par rapport à d’autres Etats. En effet, selon le rapport « Le marché des technologies immersives : enjeux et perspectives » de BearingPoint, publié en février 2021, la France en a déposé 9 depuis début 2020 alors que les Etats-Unis en compte 1000, l’Asie 900, l’Europe 500 et l’Allemagne 100.

Ensuite, les startups françaises rencontrent des difficultés de recrutement importante freinant leurs croissances. Selon Soumia Malinbaum, administratrice de la fédération Numeum, première organisation professionnelle du secteur du numérique, il manque chaque année 10 000 ingénieurs. De plus, une enquête qualitative menée en octobre 2021, par France Stratégie et la Direction générale des entreprises, auprès des acteurs du numérique français, a souligné que les difficultés de recrutement concernaient les profils techniques à 62%, largement devant le deuxième métier sous tension, les profils commerciaux à 17%. Aussi, la même étude montre que l’absence de candidats constitue l’une des principales sources de difficultés de recrutement pour 74% PME en 2019. Par exemple, en 2019, 75% des postes en cybersécurité sont restés vacants. Enfin, le montant des levées de fonds réalisées par les startups françaises est encore trop faible. Si elles ont réussi à lever plus de 10 milliards d’euros en 2021, soit deux fois plus qu’en 2020, ce montant reste deux fois inférieur à celui des startups britanniques qui ont levé 24 milliards d’euros et 28 fois inférieur à celui des startups américaines qui a atteint le record de 289 milliards d’euros.

 

Ainsi, au-delà d’une compétition entre acteurs privés du numérique, la domination du métaverse est devenu pour les Etats, un enjeu géopolitique majeur aux multiples aspects : étatique, coopétition, influence, protection des données personnelles, souveraineté numérique et équipement. Les investissements américains, avec en tête ceux du groupe Facebook, rebaptisé Meta pour mettre en avant son projet de construction d’un métaverse et marquer les esprits, se démarquent par leurs importances et sont accompagnés par un fort lobbying pour assurer un environnement réglementaire favorable. La Chine a démontré, à travers de nombreux événements et déclarations politiques, sa volonté d’intégrer économies réelle et numérique et de développer rapidement une industrie du métaverse. Néanmoins, le pouvoir central, déterminé à encadrer les activités des acteurs du secteur, a développé une politique de répression réglementaire qui peut constituer un frein au développement. Consciente des puissances financières, technologiques et économiques américaine et chinoise, l’Europe a choisi de devenir une puissance normative, en développant une régulation du numérique contraignante, afin de protéger son marché intérieur. Cette position européenne a accéléré les investissements de Meta en Europe afin de bénéficier des avantages économiques du continent, de maîtriser les flux de données et d’influencer la législation. Dans cette compétition mondiale, la France bénéficie d’un écosystème industriel des réalités virtuelles et augmentées dynamique et a atteint un montant record de levées de fonds par ses startups en 2021. Toutefois, ce montant reste faible comparé à ceux d’autres puissances, les difficultés de recrutement dans le secteur du numérique sont importantes et le volume d’innovations dans le domaine des technologies immersives est insuffisant.

Bien que l’unité de l’Occident dans la conquête du métaverse ne soit pas encore explicite, il semble probable que la bipolarisation actuelle du cyberespace formée par le bloc occidental et le bloc sous influence chinoise (Friedman, 2006) se retrouve rapidement de manière exacerbée, dans cette doublure numérique du monde physique.

Par Daniel Bosselet, promotion 2021-2022 du master IESCI d’Angers

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