Depuis plusieurs décennies, l’homme subit les conséquences de plus en plus fortes des changements climatiques (élévation du niveau de la mer, augmentation du nombre de catastrophe naturelles, sécheresse et ouragan ou menace sur la production alimentaire). Ainsi, dans une époque où l’on consomme de plus en plus d’énergie et avec le réchauffement climatique, la question de l’environnement est au centre des débats.
C’est dans ce contexte que certains pays travaillent main dans la main afin de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. C’est pourquoi en 1992, les pays membres de l’ONU se sont réunis à RIO au sommet de la Terre et ont créé la convention cadre des Nations unies pour le climat, qui prévoit entre autre des actions pour limiter la hausse des températures. Depuis 1995, les conférences des parties (COP en anglais) sont organisées chaque année pour mettre à jour la convention. Cela est d’autant plus d’actualité, étant donné qu’en ce début de mois de décembre, a lieu la 21ème édition de la conférence pour le climat a lieu en France, à Paris.
Dans cette lutte acharnée contre le réchauffement climatique que sera la COP 21, l’Europe et la France ont un rôle important. Mais mis à part l’hexagone, on oublie trop souvent le rôle des outre-mer, qui dans la définition et la réalisation des objectifs nationaux sera lui aussi majeur, et une des clefs des avancées de la France lors de la COP21.
Dans ces territoires insulaires et non interconnectés, l’indépendance énergétique est un enjeu stratégique, plus encore pour des régions insulaires, comme La Réunion, contraintes d’importer massivement des ressources fossiles (fioul, charbon, carburants). Avec, d’un côté, une quête d’autonomie énergétique et, de l’autre, une volonté de réduire les coûts et de limiter les émissions de gaz à effet de serre, les îles ultramarines font figure de laboratoires de la transition énergétique.
C’est en ce sens que dans le cadre de cet article, on s’intéressera à la transition énergétique des DOM (Départements d’outre-mer) et plus particulièrement au cas de l’île de la Réunion. Ainsi, on présentera brièvement la Réunion, avant d’aborder les enjeux énergétiques de l’île, son implication et ses réalisations.
Mémo : « Il faut savoir qu’en 1990, année du protocole de Kyoto, l’Outre-mer représentait 1,6 % du total des émissions nationales de gaz à effet de serre. En 2012, ce chiffre atteint 3,6 %. Ainsi, en vingt ans, les émissions de gaz à effet de serre de l’Outre-mer ont donc presque doublé quand celles de l’hexagone ont diminué de 13 %. Ramené aux émissions par habitant, on observe qu’un ultramarin émet aujourd’hui davantage de gaz à effet de serre (8,6 teqCO2/hab) qu’un habitant de Métropole (7,6). C’est cette tendance qu’il convient d’enrayer. »
L’île intense
La Réunion est un département d’outre-mer (DOM) qui se situe au sud de l’océan Indien, à approximativement 10 000 kilomètres de la France. Au niveau du climat, l’île bénéficie d’un climat tropical. Cependant, elle doit faire face à des aléas climatiques tels que les cyclones et les houles.
Aussi appelé île intense, la Réunion avec ses 2 512 km² présente un relief escarpé de montagnes culminant à 3 071 mètres d’altitude au sommet du piton des Neiges, de ravines et de cirques. De plus, elle abrite l’un des volcans les plus actifs au monde, qui est le piton de la fournaise. Les Réunionnais se concentrent sur les côtes étant donné la géologie de l’île. Cela a pour conséquence un manque d’espace et de logement.
L’île est également une région ultrapériphérique de l’Union européenne. Néanmoins, et en dépit de son appartenance à la zone euro, son tissu productif reste structurellement fragile et fortement dépendant de la France métropolitaine. On y relève un taux de chômage particulièrement élevé, de l’ordre de 29 %, dont 60 % chez les jeunes. Selon les derniers chiffres en vigueur, celui de 2014, la population était de 844 994 habitants selon l’Insee. Saint Denis, le chef-lieu dénombre le plus grand nombre d’habitants soit 145 238 en 2012. Le PIB est estimé quant à lui à 14,5 milliards d’euros.
L’isolement des territoires comme la Corse, la Réunion ou les Caraïbes explique la complexité de l’approvisionnement énergétique dans ces régions et le choix souvent contraint de l’énergie thermique comme principale ressource.
Une volonté de développement des EnR, et pourtant…
A la Réunion, les objectifs de transition énergétique sont néanmoins ambitieux et prévoient de porter à 50% la part d’électricité d’origine renouvelable dans le mix électrique réunionnais (contre 35% aujourd’hui) d’ici 2020. Un projet qui implique nécessairement des efforts dans le sens d’une modération de la demande énergétique. En 2002, 78 % de l’électricité produite était de source thermique contre 64 % en 2013. L’île importe ainsi les 7/8 de sa consommation d’énergie finale qui ne correspondent uniquement qu’à des combustibles fossiles, les 1/8 restants sont des ressources locales.
En termes de solutions, on peut voir des similitudes en matière d’énergie renouvelable dans les différents DOM. Ces ressemblances sont dues à la situation et les ressources communes des îles comme la canne à sucre. La Réunion a beaucoup investi dans le photovoltaïque et se tourne vers d’autres types d’EnR afin de faire un mix énergétique; car elle ne peut pas dépendre que du photovoltaïque comme seule solution par exemple. Selon certains spécialistes, il faudrait combiner l’énergie solaire avec les éoliennes mais aussi l’hydro-électricité, c’est-à-dire la récupération des énergies provenant des courants d’eau, cela évolue.
A la réunion comme aux Antilles où l’on cultive la canne à sucre, on mise aussi sur la centrale biomasse. Il s’agit de produire de l’électricité grâce à de la vapeur d’eau dégagée par la combustion des déchets de canne.
Malgré cette ambition et cette volonté d’intégrer davantage d’EnR, les DOM doivent faire face à des contraintes telles que le plafond limité à 30% de la production pour les énergies renouvelables. Ce seuil a été défini en 2008 pour ne pas déstabiliser le réseau face aux variations de la production des énergies intermittentes. Dans ce contexte, comment organiser la production ?
D’autre part, même si l’île est entourée de mer, ce qui semble être une ressource à exploiter, elle doit faire face aux aléas climatiques qui peuvent parfois s’avérer imprévisible. On a pu constater cela lors du cyclone Bejisa qui s’est abattu sur l’île au mois de janvier détruisant le projet houlomoteur CETO (à l’initiative d’EDF et DCNS). Celui-ci consistait en un dispositif exploitant l’énergie des vagues afin de produire de l’électricité.
D’autre part, il y a le problème du relief mais aussi le fait que les pythons, cirques et remparts soient inscrits au patrimoine mondial, rend certains travaux impossibles.
En dépit de ces contraintes, la Réunion n’a pas le choix. Elle doit d’abord, maîtriser sa consommation. Effectuer des travaux d’isolation, favoriser l’achat par les ménages de modules photovoltaïques ou de chauffe-eau solaires. Sachant que l’île, classée après Chypre en est la mieux équipée d’Europe avec un parc d’environ 120 000 chauffe-eau solaires. Sans compter le fait que c’est aussi un marché porteur d’emploi pour les entreprises avec des PME qui se lancent, comme Dak Industries qui avec ses chauffe-eau « anticyclones et anticorrosion », marqué du label Nou la fé (Nous l’avons fait) a permis de créer près d’une vingtaine d’emplois.
Ci-dessous, une représentation du schéma énergétique de l’île de la Réunion
On voit très clairement que la part d’énergie fossile est dominante (86,8%) et des EnR seulement (13,2%), même si elle a tendance à évoluer. Le transport quant à lui est un gros consommateur (70%). Ainsi, l’amélioration de cet impact transport est un des leviers forts pour atteindre l’indépendance énergétique du territoire et diminuer ses émissions de gaz à effet de serre.
La Réunion vers le mix électrique
Au regard de la difficulté à atteindre l’autonomie électrique, il est nécessaire de continuer à diversifier le bouquet électrique en développant et en expérimentant les différentes filières ENR.
Le mix électrique de la Réunion ne peut se permettre de dépendre trop fortement des énergies intermittentes (éolien, solaire), au risque de se voir confronté à des coupures massives d’électricité.
Pour cette raison, l’Île de la Réunion offre un excellent terrain d’expérimentation de solutions de stockage innovantes. EDF a mené et mène toujours plusieurs expériences dans l’océan Indien comme son investissement de 500 millions d’euros dans une nouvelle centrale thermique au fioul, plus performante et moins polluant. Sur le flanc de la paroi montagneuse, EDF a édifié des barrages acrobatiques et creusé des galeries, où des usines hydroélectriques turbinent les eaux tumultueuses de la rivière des Marsouins.
Autre exemple avec le fabricant de batterie Saft, suite à un appel à projet, a réalisé une centrale solaire associée à un système de stockage « bardzour » (barre du jour), qui signifie aube naissante en français. Selon François Bouchon, directeur de l’unité de stockage d’énergie chez Saft, “Le stockage de l’énergie jouera un rôle important dans les zones non interconnectées ».
Dans le cadre de ce projet bardzour, à proximité du centre pénitentiaire de la ville du Port, gardant cinq cent détenus, a été installé des dizaines de milliers de panneaux photovoltaïques reliés à des batteries de stockage qui alimentent 12 000 foyers en évitant le rejet annuel de 8 000 tonnes de CO2. Par ailleurs les panneaux sont installés sur des serres dans lesquelles travaillent et jardinent des détenus qui préparent leur réinsertion. Voici deux photos de la centrale:
Même si ce n’est qu’une petite lueur vers le chemin du développement durable, c’est un exemple dans la démarche qui est adapté aux besoins de l’île tant sur le plan économique, que social et environnemental de combiner les différentes solutions en matières d’énergie renouvelable, même si le plafond en terme d’énergie renouvelable reste limité à 30%.
« Notre chance est d’avoir un mix électrique diversifié », observe Philippe Beutin, délégué régional de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe).
Au sud de l’île, on trouve le premier producteur d’électricité de l’île Albioma qui compte parmi ses actifs, deux centrales thermiques. La canne à sucre étant la principale culture agricole locale, pendant la saison sucrière, c’est-à-dire de mi-juillet à mi-décembre, les centrales brûlent de la bagasse, qui est le résidu de canne à sucre. Le relais est ensuite pris par le charbon.
Avec tout cela, si les énergies renouvelables fournissent un tiers de l’électricité de l’île, elles couvrent à peine 14 % de ses besoins énergétiques.
Quelques exemples d’innovations en matière d’énergie
Plutôt que d’utiliser de l’énergie pour créer du froid, un nouveau système de climatisation propose d’utiliser l’eau froide des profondeurs marines pour rafraîchir nos bâtiments. Déjà testé en Polynésie française et à Hawaï, le procédé SWAC (Sea Water Air Conditioning) va être utilisé à grande échelle à La Réunion pour climatiser aéroport, hôpitaux et bureaux. Il permettrait d’économiser 70% d’électricité par rapport aux climatiseurs classiques.
- La biomasse est prometteuse
De nouvelles variétés de canne, sans sucre mais riches en fibres pourraient être cultivées, les déchets verts et les résidus forestiers valorisés, des unités de méthanisation mises en place. Fin 2016, Albioma prévoit de faire tourner, au sud de l’île, la première turbine à combustion alimentée au bioéthanol, un alcool issu de la mélasse de canne.
- À La Réunion, le projet Pégase
Ce projet expérimente depuis 2009 une batterie NaS (sodium-souffre) capable de stocker une énergie en cas de baisse de la production des ENR intermittentes. Couplé à des prévisions météorologiques très fines, d’une dizaine de minutes à une heure, pour anticiper les fluctuations de la production, le projet permet de réinjecter l’énergie stockée par la batterie dans le réseau
Une mauvaise appréciation d’être considéré comme un laboratoire
Malgré une réelle envie d’aller vers une autonomie énergétique, on dénote une controverse en matière de politique. Les élus locaux n’apprécient pas trop et sont peu séduits d’être considéré comme un laboratoire.
Selon le président de la Région, Monsieur Didier Robert, je cite « L’autonomie énergétique reste le but à atteindre. Mais il faut être réaliste, avancer par étapes, défend le président du conseil régional, plutôt que de servir de terrain d’expérimentation, nous préférons être exemplaires, en impliquant toute la population. »
En matière d’énergie, l’île de La Réunion doit passer d’un statut de territoire d’expérimentation à celui de territoire de créateur de richesses et d’emplois pour mettre en œuvre les solutions technologiques qui pourront par la suite se diffuser à travers le monde.
Il y a là un fort enjeu de développement économique, et d’amélioration de la situation de l’emploi. Il faut rappeler que la région connaît un taux de chômage élevé et que l’enjeu de la lutte contre la précarité énergétique est donc essentiel.
Pour résumé
L’autonomie énergétique constitue un enjeu stratégique pour ces territoires comme la Réunion, qui présentent une forte vulnérabilité énergétique dans la mesure où ils sont dépendants des importations d’hydrocarbures. Cet enjeu est réaffirmé dans le projet de loi sur la transition énergétique pour une croissance verte. L’île ne doit pas seulement se contenter d’un type d’énergie renouvelable mais essayer de faire un mix énergétique.
Comme toutes les régions, La Réunion a réalisé son Schéma Régional Climat Air Energie (SRCAE) qui fixe pour 2020 et 2030 les évolutions en termes, d’émissions de Gaz à Effet de Serre, d’efficacité
énergétique et de la part d’énergies renouvelables dans le mix énergétique. De plus, la Réunion ambitionne de devenir d’ici 2030 une île 100% autonome en termes de production énergétique. C’est ambitieux et on a vu tout au long de l’article l’implication et les innovations en vue d’atteindre les objectifs prévus. Cependant, cela passe non seulement par la mise en place de moyens tels que des panneaux mais aussi par une sensibilisation auprès de la population, afin d’adopter des bonnes pratiques. On a aussi vu que le transport était un des principaux consommateurs d’énergie. Afin de réduire la consommation de ce secteur, la population doit être sensibilisée par les nouveaux modes de transport comme le covoiturage.
La route vers la transition énergétique est longue et périlleuse mais permettra d’assurer la pérennité et maintenir de bonnes conditions de vie, en diminuant notre impact sur l’environnement. L’île de la Réunion devra gérer cela en prenant en compte ses contraintes et faiblesses comme son taux de chômage, les aléas climatique même si en terme de climat elle a aussi des avantages, sans compter ses relief et sa géographie.
Il faut agir avant qu’il ne soit trop tard. Cela n’est pas seulement valable pour la Réunion ou les autres DOM mais aussi pour tous les pays.
Par Sarah Domun, étudiante du Master 2 IESC promotion 2015-2016
Sources :
-Débat national sur la transition énergétique, synthèse régionale de la Réunion : http://www.reunion.developpementdurable.gouv.fr/IMG/pdf/PROJET_DE_CONTRIBUTION_FINALE_definitive_cle7d1955.pdf
–Bertrand Dassonville, La transition énergétique à venir, essai de vision globale, Casden
–L’outre mer, clé de réussite de la COP 21 : http://www.actu-environnement.com/ae/news/outre-mer-reussite-cop21-25469.php
–Bilan énergétique ile de la Réunion, édition 2015 http://energies-reunion.com/wp-content/uploads/2015/07/BER-Technique-2014-TOTAL.pdf