Véhicule autonome et glissement de la chaîne de valeur : La Nouvelle Economie appliquée

Objets connectés, 5G, Smartphones toujours plus performants, voitures connectées… Voici quelques technologies prenant de plus en plus de place dans notre société, rassemblant/confrontant l’intelligence artificielle et l’utilisateur humain (cf article Janvier 2020, « Intelligence Humaine et Intelligence Artificielle : rivalité ou coalition » https://www.linkedin.com/feed/update/urn:li:activity:6638447843042562048/). De nouvelles générations d’automobiles voient le jour, avec la voiture hybride, électrique, des systèmes toujours plus performants tels que le l’ABS, le park assist, systèmes GPS, caméras de recul ou encore systèmes de détection de piéton couplés à un système de freinage d’urgence automatisé… Le monde de l’automobile est en plein changement. La recherche aujourd’hui est axée vers le véhicule autonome, et s’illustre par une réelle course à l’innovation de la part des multiples constructeurs automobiles : Tesla, BMW, Mercedes-Benz, Toyota, Ford, Renault etc… devant se tenir toujours plus aux faits des avancées face à de sérieux concurrents tels que Google, Uber, Amazon, etc… arrivant sur le devant de la scène.

Nous voilà à un véritable tournant dans l’économie : nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), changements organisationnels, passage à une économie de la connaissance, à une Nouvelle Economie, aux véhicules autonomes… Tant et si bien que bon nombre d’économistes parlent d’une 3ème révolution industrielle (voir 4ème révolution, selon les auteurs). Certes, la croissance ne se fait pas nécessairement ressentir, comme l’illustre le paradoxe de Solow (1987) ; cette vague informatique selon lui, qualifiée de révolution industrielle, ne se fait pas ressentir en termes de statistique de productivité. Contrairement aux précédentes révolutions industrielles qui elles ont été de véritables puits à productivité, à l’origine des cycles de croissances de Kondratief.

En effet, il semble que nous sommes dans un monde fini, limité ; « Un arbre ne peut pas toucher le ciel » (Oussama Assan, conférence tenue à Bordeaux, 2016).

Certes, la croissance ne se fait pas nécessairement ressentir, mais l’arrivée des NTIC vient révolutionner certains secteurs ; c’est le cas de l’industrie de la musique, ayant vu son chiffre d’affaire passer de 50 milliards de dollars à 5 milliards de dollars de chiffre d’affaire. De tels renversements pourraient, du moins en partie, expliquer cette absence de forte croissance. De nouveaux indicateurs doivent être pris en compte, il faut repenser le système dans son ensemble. L’on est dans une économie de la connaissance, les biens immatériels se multiplient, les biens traditionnels intègrent peu à peu cette part d’immatériel avec des coûts de R&D croissants intégrés dans le prix – par exemple 20% du prix des puces proviennent des coûts en R&D – et le véhicule autonome illustre très bien ce phénomène : un bien matériel traditionnel qui intègre des systèmes embarqués immatériels, pour aller vers une explosion de cette part d’immatérialité avec le véhicule autonome.

Seulement voilà ; les constructeurs, traditionnellement dominants sur le marché de l’automobile sont en train d’assister à un glissement de la chaîne de valeur. En effet, la valeur, l’essentiel du coût de la voiture de demain, est vouée à prendre une place bien plus importante côté technologies embarquées, laissant de facto les acteurs traditionnels du secteur en pâtir. Ces derniers vont devoir rivaliser sur un secteur qui n’est à la base pas le leur, et entrer dans une véritable course à la technologie face à des mastodontes tels que Google ou Amazon cités précédemment.

La question se pose ici de savoir en quoi l’émergence du véhicule autonome vient s’inscrire directement dans la mutation économique actuelle et qu’est-ce que ceci implique ? Qu’en est il de la chaîne de valeur ?

Un véhicule autonome à plusieurs niveaux

Cinq niveaux d’autonomie sont d’ores et déjà établis dans le domaine :

Le niveau d’automatisation zéro représente celui où le conducteur seulement intervient dans la conduite, sans assistance de quelque sorte.

  • Le niveau 1 lui va faire intervenir une assistance à la conduite mais le contrôle de la direction et/ou de l’accélération/décélération du véhicule reste toujours à la charge du conducteur. Il consiste donc à une simple assistance du conducteur avec par exemple le régulateur de vitesse ou l’avertisseur de franchissement de ligne.
  • Le niveau 2 quant à lui est dit « d’automatisation partielle ». Plusieurs fonctions viennent ici aider le conducteur qui doit toutefois et en tout temps être en capacité de pouvoir interagir avec le véhicule. Des technologies telles que le park assist ou encore le freinage d’urgence sont des technologies de niveau 2.

Voici les principales technologies qualifiées de « niveau 2 d’automatisation » :

Les voitures existantes en circulation vont aujourd’hui du niveau 0 au niveau 2, le niveau 0 étant voué à disparaître via les reprises à la casse et l’arrêt de la production de la part des constructeurs de voitures de ce type.

  • A partir du 3ème niveau, on parle de recherche et innovation car les véhicules ne sont pas encore mis en circulation à grande échelle et sont encore en voie de développement. Ce niveau est ici qualifié « d’automatisation conditionnelle ». En effet, à ce niveau d’automatisation, le système dit intelligent va effectuer lui-même l’ensemble des tâches liées à la conduite du véhicule, mais le conducteur doit rester disponible et pouvoir être en capacité d’interagir avec la machine en tout temps. C’est donc véritablement le premier niveau d’autonomie du véhicule à proprement parler.
  • Au niveau 4, c’est « l’automatisation élevée ». Une autre étape où le système encore une fois dirige, mais cette fois-ci il agit seul même si le conducteur n’est pas disponible en cas de besoin. Autrement dit, si un évènement improbable survient (un obstacle ou autre), la voiture peut réagir sans forcément avoir besoin du conducteur.
  • Le dernier niveau jusqu’alors établi est celui de « l’automatisation complète ». Dans ce cas-là, le système est entièrement autonome et ce en toutes circonstances. Dans ce 5ème niveau, le « conducteur » ne sera en réalité plus qu’un passager n’ayant plus à interférer dans la conduite.

Les voitures autonomes voient le jour depuis quelques années déjà. Les multiples acteurs du secteur sont par exemple le groupe PSA avec son premier essai sur route ouverte en Juillet 2015 en France, et le lancement cette année 2019 des premiers tests sur route ouverte en Chine (La Revue du Digital, Peugeot démarre ses essais de conduite autonome sur route ouverte en Chine », 2019) ou encore Tesla, utilisant des technologies de pointe. Mais au-delà des constructeurs automobiles, des poids lourds dans l’économie commencent à atteindre le segment avec par exemple la société Waymo, filiale de Google, construisant ses premières usines dédiées à la fabrication de véhicules autonomes, ou Uber s’étant vu réattribué le droit de poursuivre les tests de leurs voitures autonomes (cf. The Gardian, 2018) après l’accident mortel impliquant un de ses véhicules autonomes moins d’un an plus tôt (cf. The Gardian, « Self-driving Uber kills Arizona woman in first fatal crash involving pedestrian », 2018) .

Glissement de la chaîne de valeur : le numérique gagne du terrain

Selon l’entreprise Renault, la part de la valeur du logiciel dans un véhicule est passée de 15 à 30 % aujourd’hui, pour atteindre 50 % fin 2020. « L’intelligence artificielle embarquée requiert des puissances de calcul très importantes, réservées autrefois à des cartes graphiques telles que celles proposées par Nvidia » nous dit un analyste du cabinet de conseil Roland Berger, Olivier Hanoulle. En effet, Nvidia, le fabricant américain de cartes graphiques pour jeux vidéo entre dans la course, ou encore Mobileye, son concurrent israélien. C’est également le cas de Tencent ou Baidu pour le secteur chinois.

Tant et si bien que ce glissement de la chaîne de valeur pourrait mener à une forme d’ubérisation du secteur automobile, le constructeur devenant peu à peu une sorte de sous-traitant. L’enjeu est de taille, et il convient aux constructeurs de réagir ; nous assistons aujourd’hui à des fusions de part et d’autre du globe dans un secteur automobile traditionnellement très concurrentiel et plutôt fermé à la coopération. C’est le cas de Renault – Fiat Chrysler ayant annoncé leur projet de fusion en 2019, ou encore avec JMEV, une filiale de Jiangling Motors dédiée aux véhicules électriques, avec une « participation significative » ; « l’intention est d’avoir une participation équilibrée dans la future joint-venture » livre une porte-parole de Renault. -N’étant que deux exemples parmi tant d’autres-

L’on assiste ici à cette dynamique de mise en réseau, de coopétition mise en lumière par l’Intelligence Economique, appliquée à l’échelle du secteur automobile via ses acteurs vis-à-vis du potentiel disruptif du véhicule autonome et de leur volonté de garder la main-mise sur le marché, quitte à s’allier à la concurrence. Certain se montrent plus tranchant, c’est le cas d’un article du Figaro en Mai 2019 disant « d’une manière générale, alors que le marché est en mauvaise posture et que des investissements dans l’électrique et la voiture autonome sont nécessaires, les constructeurs désirent se rapprocher pour survivre ». Ceci illustre bien la multiplication des rapprochements auxquels l’on assiste actuellement.

 Une économie de la connaissance qui se développe

Être plus performant, gagner du temps, développer les connaissances et modifier les normes : le véhicule autonome c’est ça, et c’est également ce qu’induit la nouvelle économie. Plus besoin de conduire, libérer du temps pour partager les connaissances. – Les constructeurs pensent par exemple à incliner les sièges des véhicules face à face pour faciliter les interactions entre les usagers – Les emplois routiniers nécessitants peu de mobilisation de connaissances, tels que les chauffeurs routiers ou encore les taxis, sont voués à être remplacés par des emplois plus techniques, de planification de réseaux et autres maniements de big data …

Le déplacement de cette chaîne de valeur est lui aussi l’expression de cette nouvelle économie se mettant en place : nous ne sommes plus sur un système traditionnel fordiste, où l’intégralité de la chaîne de valeur est maîtrisée par l’industriel ; cette chaîne de valeur échappe de plus en plus aux constructeurs maîtrisant le côté matériel et dépendant de biens immatériels complémentaires pour tirer son épingle du jeu. D’autant plus avec ce véhicule autonome qui fait basculer ce contrôle « vers le fournisseur de logiciel et les opérateurs de services liés à la mobilité » (Economica, 2018). Le constructeur risque de devenir spectateur, et les fournisseurs de hautes technologies les nouveaux acteurs.

La domination de quelques acteurs imposants tels que Google, Amazon ou encore Uber, dominants de plus en plus de secteurs, est aussi un des aspects de cette mutation de l’économie. L’apparition de monopoles naturels est de plus en plus fréquente, les effets de lock-in se multiplient ; les économies d’échelles se faisant rapidement en arrivant sur un nouveau marché technologique vont se faire de manière à ce que la concurrence devienne biaisée : l’entreprise dominante ayant maîtrisé son secteur va pouvoir diminuer ses coûts, tant et si bien qu’elle rend impossible l’insertion d’un nouveau concurrent, ne pouvant rivaliser sur les prix. Aussi, l’enjeu est de taille pour le véhicule autonome : le premier arrivé va poser les bases de la législation, des normes… ayant pour conséquence de produire ces effets de lock-in, synonyme de coûts pour les concurrents devant se conformer à la norme.

Des effets de réseau allants de pair avec la nouvelle économie

En effet, le développement de telles technologies nécessite une quantité importante de connaissances, d’où l’importance du réseau. En ce sens, les constructeurs fusionnent, passent des partenariats, mais plus seulement entre constructeurs : « Google, Apple, Microsoft deviennent partenaires des industriels de l’automobile », « et très bientôt leurs principaux rivaux » (Economica, 2018). La logique du réseau se développe, on diffuse la connaissance pour être le premier, au risque de se faire doubler par ses alliés in fine.

Les rachats de start-ups par les géants Google et Amazon illustre bien cet intérêt d’accumulation de la connaissance et de besoin de maîtrise de la chaîne de valeur ayant pour effet de cloisonner le marché pour parvenir en situation de quasi-monopole. De telles technologies nécessitent une multitude de composants – caméras, capteurs, cartographie, design, logiciels etc… – et leur complexité induit un besoin de spécialisation forte de la part de chaque acteur, devant travailler en réseau et non pas les uns déconnectés des autres afin d’obtenir un résultat supérieur à la somme des parties.

Le véhicule autonome opére des changements organisationnels

Le Lean Management (LM) fondé sur le toyotisme a bouleversé l’organisation de l’entreprise, au même titre que le fordisme avant lui. Le phénomène d’ubérisation mène aujourd’hui à repenser l’organisation du travail, véhiculé par les NTIC et la plateformisation. Avec ce déplacement de la chaîne de valeur allant aux bénéfices des producteurs de biens immatériels et non plus des traditionnels constructeurs, nous pourrions assister à une ubérisation de la conception de la voiture ; de multiples acteurs stimulant la concurrence (à l’image d’Apple avec la conception complétement éclatée de ses smartphones entre plusieurs acteurs en situation de concurrence continuelle) avec des acteurs de toutes parts. Une nouvelle forme d’organisation, avec des relations contractuelles et non plus salariées montre une fois de plus cette mutation de l’économie traditionnelle : les relations changent, les jeux de pouvoirs évoluent.

Aoki montrait que le toyotisme n’était pas un fait culturel (pour sa réussite), mais bien organisationnel :

Un transplant correspond à une usine japonaise implantée aux E.U., fonctionnant avec des ouvriers américains. On voit donc que la différence de productivité n’est pas liée à un modèle culturel spécifique mais à un système organisationnel comme le met en avant Aoki. En ce sens, le phénomène est le même que celui de l’ubérisation – le changement organisationnel va permettre aux entreprises d’être plus concurrentielles, de gagner des parts de marché – mais va plus loin en engendrant des effets de lock-in forts, de barrières à l’entrée via des effets de réseaux directs.

Azkenazy qualifiant le taylorisme de néo-stakhanovisme montre lui aussi l’intérêt du taylorisme dans l’efficience de la production – et en dénonce également les effets pervers : plus de stress et augmentation des accidents et maladies dues aux changements organisationnels – En ce sens, il convient de définir un cadre et d’établir des normes.

Nécessité d’encadrement : des risques et des enjeux de taille

Afin de ne pas subir une forme d’échec, ou tout du moins un ralentissement sur le marché du véhicule autonome, il convient d’établir des normes, les technologies embarquées étant multiples et complexes.

La multiplication des acteurs conduit également à une nécessité d’harmonisation.

En effet, si chacun possède des logiciels fonctionnants différemment, si tous déposent des normes propriétaires et autres brevets, il sera difficile d’intégrer tel ou tel capteur, telle ou telle caméra…

Les algorithmes de pilotage, d’évitement et de réaction automatisé en cas d’accident inévitable doivent être harmonisés et normés. Ceci fait débat actuellement – En effet, quelle décision doit prendre cette intelligence artificielle dans le cas d’un accident inévitable ; un piéton plutôt qu’une voiture, ou encore percuter une personne âgée plutôt qu’une femme enceinte ? A qui revient la responsabilité, le programmeur de l’algorithme, le constructeur… qu’en est-il pour les assurances y voyant de nouvelles possibilités… (conférence 2019, Angers, « La gouvernance des algorithmes »).

De même pour la reconnaissance des véhicules entres eux, le style de conduite, la distance et la réactivité du freinage… Tout ceci pourrait conduire à de multiples accidents en l’absence de normes.

Pour suivre la voie de cette économie de la connaissance, de cette nouvelle économie, il est nécessaire d’avoir accès aux données récupérées par les algorithmes lors de tests sur route afin de pouvoir en dessiner le cadre. La délimitation de ce cadre nécessite des connaissances accrues, et passe pour ce faire par les nouvelles technologies.

Aussi, il faut penser en termes d’emplois. A terme, ce sont les chauffeurs de taxis, les chauffeurs routiers, les transports en commun, les assureurs, les policiers faisant la circulation qui sont voués à disparaître. Un rapport récent dirigé par l’ex-commissaire du Bureau of Labour Statistics, Erica Groshen, désormais chercheuse à Cornel University, assistée de 4 économistes, a mené une étude portant sur l’impact du véhicule autonome en termes de destruction créatrice (cf. A. Moutot, « Aux Etats-Unis, la voiture autonome fait craindre des destructions d’emplois », 2018). L’étude affirme que « l’introduction de voitures et de camions autonomes pourrait directement éliminer 1,3 à 2,3 millions d’emplois sur les trente prochaines années » aux Etats-Unis. Les auteurs de l’étude affirment néanmoins que les effets sur l’emploi sont tout de même difficiles à prévoir. En effet, qui aurait pu prédire que la machine à vapeur allait créer autant d’emploi, ou encore que l’arrivée de l’électricité allai offrir tant de nouvelles perspectives ? Toujours selon l’étude, la politique mise en place en matière d’emploi se doit de changer d’axe, en vue d’éviter un impact négatif fort probable sur l’emploi (« en planifiant, la tâche est gérable » – Erica Groshen).

Pour conclure, le véhicule autonome s’inscrit donc bien dans les nouvelles problématiques induites par les transformations économiques à l’œuvre avec l’utilisation des nouvelles technologies, le développement des réseaux, ainsi qu’un besoin de connaissance croissant et de changements organisationnels que tout ceci augure.

Comme nous avons pu souvent nous en apercevoir trop tard bien des fois, – avec par exemple les limites du toyotisme que nous connaissons aujourd’hui, et les problèmes liés au phénomène de l’ubérisation commençants à apparaître – il est toujours difficile de prévenir les crises et dérives. En accumulant toutes ces connaissances, nous devrions, à l’image des programmeurs d’algorithmes de pilotages, être capable d’éviter les accidents.

Aussi, réglementer ce marché au plus vite permettrai d’éviter la formation de monopoles naturels ou de cercles oligopolistiques, et surtout d’éviter d’alimenter des GAFAM déjà très puissants, pouvant facilement s’imposer avec des moyens financiers colossaux.

Etude de cas : La France en retard

La course au véhicule autonome est désormais lancée entre les États. Intérêt stratégique ou enjeux politiques, la France possède un poids dans l’industrie automobile mondiale, pourtant comme nous allons le voir, on peut distinguer 3 facteurs témoignant d’un retard du pays :

       – l’organisation de l’État pour traiter le sujet       – la technologie          -la réglementation

1. Organisation de l’Etat trop timide

En 2013, dans le cadre de la Nouvelle France Industrielle (NFI) lancée par Arnaud Montebourg, la France a fait du véhicule autonome un de ses 34 plans prioritaires intitulé « véhicules à pilotage automatique ». Les objectifs étaient de positionner l’industrie française comme : -pionnière dans le développement des véhicules autonomes pour tous ; -une terre d’expérimentations du véhicule autonome ; – un leader en «sécurité des systèmes complexes»;-un centre d’excellence de l’intelligence embarquée.

Dans le cadre de ce plan NFI, un comité de pilotage a été institué, regroupant constructeurs, équipementiers, sociétés de transport, laboratoires de recherches, pôles de compétitivité et services de l’État entre autres

Selon les industriels, ce plan n’a, à ce stade, pas apporté grand-chose sur le plan de l’innovation.

L’évolution a été notable lorsque le ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique, Emmanuel Macron, a réorganisé en mai2015 les 34 plans NFI en 9 solutions industrielles. Le sujet véhicule autonome a été intégré au sein de la solution « mobilité écologique » aux côtés de sujets tels que le véhicule 2L/100 et le véhicule électrique. Ce regroupement a eu la vertu de sortir du « travail en silo » et de faire davantage travailler les acteurs entre eux.

Comparaison internationale :

Il est intéressant de comparer les programmes nationaux avec la situation d’autres pays. Aux États-Unis, Barack Obama a lancé en janvier 2016 un plan de soutien au véhicule autonome de 4 milliards de dollars échelonnés sur 10 ans avec des infrastructures à la clef. Le Royaume-Uni a attribué dès 2015 un budget de 100 millions de livres pour le déploiement du véhicule autonome et a créé en 2016 une unité interministérielle. Ce centre pour les véhicules connectés et autonomes (CCAV12), doté de 200 millions de livres, constitue le point de contact unique assurant la coordination entre le département des transports, le département de l’industrie, et le reste du gouvernement. De son côté, l’Allemagne a mis en place dès avril 2016 une zone de tests privilégiée en donnant accès à l’autoroute A9 de Bavière et plusieurs villes. Le ministère allemand des Transports a consacré environ 100 millions d’euros au financement de projets de recherche dans ces zones d’essai. À titre de comparaison, la France a récemment décidé de se doter d’un centre d’essai (avec un budget de 15 millions d’euros financé à moitié par la BPI) qui ne sera opérationnel qu’en 2018.

Pour résumer, le véhicule autonome a subi un retard à l’allumage certain. Le sujet a mis du temps à se lancer du fait d’une dispersion des moyens. Les dispositifs mis en place en France pour développer un écosystème favorable nous semblent insuffisant au regard des ambitions affichées, notamment concernant l’effort d’innovation technologique. La situation évolue désormais dans le bon sens compte tenu d’un meilleur pilotage du projet et d’une plus grande coordination des équipes interministérielles.

2. Retard technologique

Un véhicule autonome sera donc un véhicule quasi systématiquement connecté et très souvent électrique, auquel on adjoindra trois éléments : des capteurs, des algorithmes, et une importante puissance de calcul.

Le véhicule autonome utilise plusieurs types de capteurs, pour la plupart anciens dans leur concept. Les trois principaux sont le radar, la caméra, et le lidar.

En effet, les premières caméras sont apparues à la fin du 19eme siècle, les premiers radars dans les années 1930, et les premiers lidars dans les années 1960.

Dans un article publié par La Fabrique en 2017, un laboratoire d’idée crée en octobre 2011 et apportant des éléments de réflexions sur les débats actuels et notamment autour des enjeux du véhicule autonome, on peut y lire que ‘’ Le lidar est un capteur reprenant le principe de fonctionnement du radar, mais utilisant de la lumière en lieu et place des ondes radio qu’utilise le radar. Chaque constructeur développe ses véhicules en y intégrant les capteurs qu’il estime nécessaire.  Tesla par exemple vient récemment de passer à un système à 8 caméras, un radar, et un capteur à ultrasons. Les informations renvoyées par ces capteurs sont ensuite analysées par des algorithmes de traitement d’images. Comme nous l’avons expliqué plus haut, ce traitement peut être effectué par des systèmes placés au niveau des capteurs, ou au sein de l’ordinateur central. Les algorithmes utilisés sont des algorithmes de reconnaissance d’images qui ont été développés à la fin des années 1990. Ils permettent de reconnaître à l’image toutes les formes utiles à la compréhension de l’environnement, tâche dont l’être humain s’acquitte sans même y réfléchir : routes, lignes de signalisation, rambardes, panneaux, véhicules, passants. Google et Facebook sont les entreprises considérées comme à la pointe de ce domaine. ‘’ ( La Fabrique, Vehicule Autonomes, 2017, Alexandre Houle et Hugo Levy-heidmann )

Ce qui frappe si l’on regarde l’état d’avancée des constructeurs, c’est l’absence de véhicule autonome français sur le marché. Les constructeurs français, Renault et Peugeot, ont des programmes de développement de véhicule autonome, et vendent des véhicules avec des fonctionnalités d’assistance à la conduite, telles que l’alerte en cas de franchissement de ligne, mais n’ont pas encore de véhicule de niveau 2 en vente. Si l’on s’intéresse de plus près à la chronologie des développements, on peut constater que le retard des constructeurs français existe depuis plusieurs années. Google a commencé ses expérimentations sur sa Google Car en 2012, Mercedes a commencé à expérimenter un véhicule autonome de niveau deux en 2013, et Renault et Peugeot ont quant à eux commencé des expérimentations de véhicule de niveau 2 en 2015.

De plus, lorsque l’on regarde les derniers CES 2019 et 2020, c’est-à-dire le plus grand salon mondial des nouvelles technologies qui se tient en chaque début d’année à Las Vegas, on s’aperçoit que les nouveaux entrants comprennent les constructeurs de processeurs comme Nvidia, des nouvelles applications de mobilité comme Uber ou Lyft, des startups du numérique prometteuses comme Here, qui développe la cartographie 3D nécessaire au véhicule autonome, ou Mobileye, très avancée sur le logiciel d’autonomie. Ainsi, ces nouveaux entrants ne représentent pas simplement un buzz médiatique, mais bien des investissements de long terme avec par exemple le rachat de Harman (un équipementier automobile américain) par Samsung pour huit milliards de dollars en novembre 2016, ou le rachat de Mobileye (qui développe un logiciel d’autonomie) par Intel pour quinze milliards de dollars en mars 2017. L’intérêt pour le véhicule autonome est donc très concret.

Ce qui frappe à nouveau, lorsque l’on étudie ces nouveaux entrants numériques dans l’écosystème du véhicule, est l’absence d’entreprises françaises.

Vous l’aurez compris, le risque pour la France est de présenter un trou important dans la chaîne de valeur du véhicule autonome, et de se retrouver fortement dépendante d’entreprises complètement étrangères pour assurer le développement du véhicule autonome sur son sol.

3. Le retard réglementaire Français : comparatif

L’Europe et les États-Unis ont choisi deux approches différentes en ce qui concerne la réglementation du véhicule autonome.

L’Europe suit la ligne de conduite qui est la sienne depuis l’origine en matière de réglementation. Le principe est de fournir un cadre réglementaire complet aux entreprises souhaitant développer une technologie, pour que celles-ci puissent modifier leurs produits en conséquence. Il s’agit donc de déterminer comment les logiciels d’autonomie vont être homologués, et déclarés assez sécurisés pour être autorisés sur les routes.

Or, pour l’instant aucun accord n’a été trouvé sur la méthode à employer, uniquement des tests visant à s’assurer de la fiabilité des véhicules : un certain nombre de kilomètres sur route en expérimentation ; un certain nombre de tests sur piste de tests

Tandis que Les États-Unis, en accord avec le mode de pensée anglo-saxon, fonctionnent selon un tout autre principe. Au lieu de tout réglementer en amont, et de donner un cadre précis aux véhicules qui doivent être construits, les États-Unis laissent au contraire les constructeurs faire. Et c’est lorsqu’il y aura des incidents que les autorités américaines étudieront les précautions prises par les constructeurs en matière de sécurité, et sanctionneront ceux-ci si elles estiment ces précautions insuffisantes.

Les États-Unis sont avantagés dans cette compétition, du fait de leur système permissif, et du fait des différences entre les différents États, qui font la compétition entre eux. Ainsi Uber avait entrepris de tester ses véhicules autonomes en Californie, malgré les avertissements des autorités californiennes sur l’illégalité de telles pratiques en l’absence d’autorisation. Sous la pression des autorités, Uber s’est résolu à abandonner ses expérimentations en Californie, et est simplement allé dans l’État voisin de l’Arizona pour les poursuivre.

Bien sûr, les états membres de l’UE gardent la main mise sur les autorisations d’expérimentations sur leur sol et chaque pays traite le sujet différemment et là encore toutes les armes sont permises pour devancer les autres. Ainsi, la France semble donc avoir quelques mois de retard sur ses confrères européens en matière de publication de textes réglementaires, mais encore plus lorsqu’il s’agit d’intelligence économique et sur le sujet de la coopération et du lobbying des constructeurs. Les constructeurs allemands sont même s’ils sont en compétition sur certains aspects, capable de trouver des terrains d’entente, et de s’associer pour pousser conjointement les propositions qui les arrangent auprès de leur autorité nationale, puis auprès de l’Europe. Les constructeurs français, au contraire, sont plutôt réputés pour le manque de coopération et la fraîcheur de leurs relations.

Ainsi en 2017, on peut voir l’autorisation des fonctionnalités d’autonomie des véhicules allemands car les constructeurs allemands ont poussé auprès de leur autorité, pour obtenir que les fonctionnalités d’autonomie, qu’ils comptaient installer sur leurs véhicules, fassent l’objet d’une dérogation à la convention de Vienne au niveau européen. Et ils ont obtenu gain de cause, leur autorité décidant de pousser cette motion.

De plus, en juillet 2019, selon un article du journal L’Usine Nouvelle spécialiste en automobile, Bosch et Daimler se sont associés pour développer l’avenir du véhicule autonome : ils ont reçu l’approbation des autorités allemandes pour leur concept de parking connecté et de voiture à stationnement sans conducteur.

Par Marvin Emery et Sylman Teulières, promition 2019-2020 du M2 IESCI

Webographie

https://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/2019/01/08/32001-20190108ARTFIG00268-voiture-autonome-les-equipementiers-montent-en-puissance.php

https://www.usinenouvelle.com/article/bosch-et-daimler-recoivent-les-premieres-approbations-pour-leur-vehicule-autonome-de-niveau-4.N868940

https://www.la-fabrique.fr/wp-content/uploads/2017/12/D3-Vehicules-autonomes.pdf

https://www.usinenouvelle.com/article/la-ruee-vers-l-autonomie-attise-les-convoitises.N742324

https://www.journaldunet.com/economie/automobile/1417752-voiture-autonome-une-nouvelle-chaine-de-valeur-technologique/

http://www.xinvest.fr/blog-post/voitures-autonomes/

https://www.google.com/amp/s/www.lesechos.fr/amp/1024963

https://www.pwc.fr/fr/decryptages/mobilite/le-vehicule-connecte-et-la-conduite-autonome.html

Développement des véhicules autonomes : orientation stratégique pour l’action publique – 2018 – ministère de l’intérieur

Bibliographie :

Peuple pouvoir et profits Joseph e. Stiglitz 2019

Admin M2 IESC