Tourisme spatial, véritable passion ou désir passager ?

L’essor d’un nouveau type de tourisme

Tourisme et spatial, ou deux mots qui ne cohabitent habituellement pas. Toutefois, ce phénomène extra-planétaire est aujourd’hui bel et bien d’actualité. Est-ce une véritable passion ou seulement un désir passager ? Loin de nous l’idée de mettre à mal cette nouvelle activité destinée aux plus riches, mais les motivations de cette pratique aux airs futuristes demeurent à ce jour encore un peu floues. Bien que son utilisation soit discutable, cette nouvelle forme de tourisme vient s’implanter aux côtés des autres formes classiques comme le tourisme balnéaire, montagnard ou encore urbain. Elle assure à la fois un rôle précurseur pour le tourisme spatial, mais pose en contrepartie de nouvelles problématiques. Des controverses fondées sur une dynamique actuelle basée sur la protection de l’environnement et la transition écologique comme le démontre Raphaël Dinelli, skipper et entrepreneur français, à la tête de sa société Eraole, laboratoire Océan Vital et plus récemment la mission e-xplorer. Les motivations de ce nouveau type de tourisme sont-elles si différentes des autres formes traditionnelles ?

Un marché spatial déjà bien occupé

Beth Moses, ingénieure en aérospatial, anciennement salariée pour la NASA, travaille aujourd’hui pour la société Virgin Galactic. Virgin Galactic est une entreprise spécialisée dans les vols spatiaux commerciaux lancée en 2004 par l’entrepreneur britannique Richard Branson. La société a réalisé au courant de l’année 2021, l’un des souhaits de la brillante et courageuse Beth Moses, être la première femme à effectuer un vol spatial aussi haut dans l’Espace, à bord d’un vaisseau commercial. Pour donner suite à ses efforts accomplis lors de ce vol dans l’Espace, cette ingénieure de 41 ans a désormais pour mission de préparer les clients friands d’aventure, afin de les faire voyager dans l’Espace. 220 000 €, c’est le prix que doivent débourser les passagers pour monter à bord du vaisseau VSS Unity 22. Pour autant, cela n’a pas découragé les nombreux clients inscrits sur une liste d’attente de 600 personnes. N’oublions pas de préciser qu’une avance de paiement est nécessaire pour pouvoir y accéder. Outre ce flagrant aspect d’opportunisme économique, ce nouveau tourisme reste à la fois ambitieux et précurseur pour le secteur spatial, comme le souligne Beth Moses dans l’article de Dania Drake, journaliste scientifique et écrivain collaboratrice au National Geographic, « notre ambition est d’ouvrir la voie vers l’Espace, de l’ouvrir pour changer le monde… ».

Le 15 septembre 2021, Elon Musk, à la tête de sa société SpaceX créée en 2002 et de sa mission Inspiration4, n’a cessé d’être à son tour un acteur majeur du tourisme spatial. En effet, ce projet d’envergure avait pour objectif d’envoyer dans l’Espace quatre personnes sur trois jours, à bord du vaisseau spatial Crew Dragon, dont le milliardaire américain de 38 ans, Jared Isaacman. L’enjeu de cet envol consistait à franchir la station spatiale internationale, chose que les concurrents de SpaceX n’ont encore à ce jour pas réussi à faire. Parmi les passagers, Hayley Arceneaux, est la première personne avec une prothèse à se rendre dans l’Espace. Elle montre au monde entier que tout est réalisable avec du courage, de l’espoir et de l’ambition.

Une intense guerre de territoire spatial s’annonce entre les sociétés Virgin Galactic, SpaceX et Blue Origin, une bataille qui est loin d’être terminée. En effet, quelque temps avant que le vaisseau spatial Crew Dragon d’Elon Musk ne décolle, c’est Jeff Bezos, dirigeant de la société Blue Origin créée en 2000, qui a son tour a pris les choses en mains en juillet dernier. Accompagné de son frère Mark, Jeff Bezos s’est envolé à bord de la fusée New Shepard, décollant du Texas même. La quête de l’Espace n’en est alors qu’à son commencement. Chaque acteur tente d’accaparer les plus grandes parts de ce nouveau marché. Le premier arrivé sera forcément le plus avantagé, encore faut-il réussir à attirer et convaincre le public concerné par ce nouveau tourisme du but, de l’efficacité et de la sûreté de ce dernier. Quels sont les réels enjeux que cache tout ce nouveau business spatial ?

Entre enjeux et interrogations

Les principaux enjeux de ce tourisme sont économiques, territoriaux mais aussi technologiques. Plus tôt l’intérêt sera porté pour l’Espace et plus tôt les sociétés intégrées sur ce marché seront gagnantes. En ce sens, il faut bien comprendre que cette guerre territoriale extra-planétaire est tout d’abord pionnière mais aussi avantageuse pour les premiers qui intégreront le marché. Bien que les places pour accéder au vaisseau soient très chères, l’attrait et l’admiration pour l’Espace sont aujourd’hui bien plus qu’un simple intérêt clandestin. Depuis la mission Vostok en 1961Youri Gagarine fut le premier humain à être envoyé dans l’Espace, l’intérêt de chaque pays et de chaque entreprise envers ce vaste empire ne cesse de grandir. Nous faisons face à une réelle avancée technologique dans cette ère du 21ème siècle, bien qu’il soit important de souligner l’aspect économique de cette avancée. Il s’agit en effet d’une course où le premier qui réussira à faire de sa technologie un nouveau business touristique rentable sera élu vainqueur. Il est encore tôt pour savoir si l’investissement se révélera bénéfique pour les entreprises, bien qu’elles soient déjà sur les starting-blocks. L’Espace est un endroit vaste, seulement les places pour y accéder sont très limitées, un paradoxe qui montre à quel point le tourisme spatial n’en n’est encore qu’à son commencement.

Pour Elon Musk, dirigeant de la société SpaceX, l’autre enjeu majeur de voyager dans l’Espace est celui du confort. En effet, c’est une activité qui s’apparente à du tourisme de luxe, que la plupart des personnes ne peuvent pas s’offrir. Cette stabilité dans les prix s’explique du fait que cette pratique n’est encore pas suffisamment démocratisée aujourd’hui, il n’y a pas assez de concurrents sur le marché pour espérer voir une chute de prix. Bien que ce soit une activité qui se veut luxueuse et valorisante, les touristes à bord du vaisseau de la mission Inspiration4 ont connu quelques problèmes sanitaires durant le vol. Les toilettes n’étaient effectivement pas au goût des passagers qui n’ont pas manqué de le faire savoir sur Twitter en septembre dernier.

En parallèle, Thomas Pesquet célèbre spationaute français et plus récemment commandant de la station spatiale internationale a lui montré son engouement envers le confort offert par le vaisseau. Outre l’alerte débris déclenchée lors du décollage, le voyage s’est très bien passé, dans la joie et la bonne humeur. Les sensations étaient « phénoménales » selon ses propres mots, une expérience qu’il n’est pas près d’oublier. Le débat autour du confort semble alors être encore partagé. Au vu du prix pour lequel est vendu le billet, il paraît tout de même légitime de bénéficier d’un certain confort. Espérons que les sociétés Virgin Galactic et Blue Origin ne recopient pas les mêmes erreurs que leur concurrent, ou bien que leurs passagers n’aient pas envie d’aller aux toilettes durant le voyage, affaire à suivre…

Des freins au développement

Toute nouvelle chose comporte des aspects positifs et négatifs, et ce quel que soit le point de vue. Il est donc primordial de consacrer du temps dans l’observation et l’analyse des limites de cette nouvelle pratique afin d’encadrer les futures conséquences. Qu’il s’agisse du tourisme spatial ou de tout autre sujet, il y a inévitablement des personnes pour et d’autres contre, c’est ce qui lie le débat. Les questions qui reviennent le plus souvent lorsque l’on réfléchit sur le sujet ont plutôt l’air pessimistes. Ce nouveau tourisme, est-il inévitable ? Est-il dans la dynamique actuelle de la protection de la planète ? La solution, serait-elle d’interdire ce tourisme spatial ?

À première vue, les avis semblent mitigés concernant cette nouvelle expérience qu’est le tourisme spatial. Cela n’a pas manqué d’ouvrir les débats entre les personnes enthousiastes ou celles exprimant leur opposition. Outre le souci des toilettes à l’intérieur du vaisseau spatial d’Elon Musk qui fut un véritable échec, il est important de noter que le voyage fut lui un véritable succès. Le dirigeant de SpaceX a essayé tant bien que mal de rassurer les personnes sur la fiabilité et l’utilité de sa technologie pour notre monde futur. La première question qu’on se pose concernant ce voyage, c’est la formation des passagers. En effet, ces derniers n’ont suivi une formation que de six mois pour intégrer le projet, cela semble à première vue très court comparé aux études nécessaires pour devenir spationaute. Elon Musk aurait donc compté sur le courage et sur la volonté des passagers pour les faire monter à bord du vaisseau ? Fort heureusement, les quatre touristes sont rentrés en pleine santé de leur périple.

Il y a une autre question qui se pose, c’est celle de l’éthique et de l’environnement. Jared Isaacman aurait dépensé à lui seul, la somme totale de 250 millions de dollars pour offrir aux autres passagers et à lui-même ce voyage extra-planétaire. À quoi sert cet argent ? Il est évident que les entreprises ne l’utilisent que dans le simple but de faire de leur vaisseau un tout nouveau business rentable, plutôt que de nourrir la science. De plus, il semblerait qu’un seul vol représente l’équivalent de la pollution émise par 650 voitures circulant sur un an, une donnée plutôt alarmante pour notre écologie.

Augustin Pietron, journaliste et rédacteur chez LaCroix, exprime une opinion différente concernant l’exploitation de cette activité. En effet selon lui, « le tourisme spatial est d’abord une opportunité », exprime-t-il le 20 juillet 2021 dans son article « doit-on interdire le tourisme spatial », « le tourisme permet aussi de construire un modèle économique, à un moment où les États n’ont objectivement plus les mêmes moyens : il permet de réduire les coûts de l’exploration spatiale ». De ce point de vue, il est clair que l’exploitation spatiale semble être une bonne chose à confier aux générations futures, encore faut-il se questionner sur les réels enjeux de ce tourisme. En effet, nous sommes en droit de nous demander si, lorsque Jeff Bezos part dans l’Espace, c’est pour le bien de la science ou si c’est au contraire pour étendre son empire économique dans le monde entier. La deuxième hypothèse est probablement la bonne.

Conclusion

Bien qu’il y ait de nombreuses controverses qui peuvent remettre en cause ce nouveau tourisme, il s’est implanté à nos dépens, aux côtés des autres formes traditionnelles. Actuellement, trois grandes entreprises se partagent le marché et sont dans une intense bataille de territorial spatial, SpaceX, Blue Origin et Virgin Galactic. Il est clair que ce nouveau tourisme est une révolution pour le monde de demain. L’accès à l’Espace est dorénavant plus simple, puisqu’il est possible de ne suivre une formation que de 6 mois pour y voyager. Outre cet aspect technologique, il est évident que les entreprises priorisent l’aspect économique de la chose. Elles tentent en effet d’accaparer les plus grandes parts d’un marché encore naissant. La vraie question, c’est qui va les empêcher de faire cela ? Elon Musk ou Jeff Bezos sont deux des personnages les plus puissants de notre monde, absolument personne ne peut les arrêter.

Si nous devions donner une réponse à la question « faut-il interdire ce tourisme spatial ? », il serait plus modéré de répondre que ce tourisme doit impérativement être régulé par chaque pays selon des règles officielles afin d’éviter toute sorte de débordements. Nous avons en souvenir, un traité datant de 1967 qui permet déjà de constituer une solide base dans les échanges à venir. Il s’agit du « traité sur les principes régissant les activités des États en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes ». Quoi qu’il en soit, l’écologie ne devrait en aucun cas être négligée au profit d’une justification à première vue purement économique ou technologique.

Par Antonin Gatard, promotion 2021-2022 du M2 IESCI

Sources

Alix Coutures, 2021. Jusqu’à quel point le tourisme spatial pollue-t-il ? <https://www.challenges.fr/green-economie/jusqu-a-quel-point-le-tourisme-spatial-pollue_782081>

Augustin Pietron, 2021. Doit-on interdire le tourisme spatial ? <https://www.la-croix.com/Debats/Doit-interdire-tourisme-spatial-2021-07-20-1201167057>

Banque d’images Pixabay, 2013. <https://pixabay.com/fr/photos/lancement-de-fusée-fusée-décoller-67646/>

Elon Musk, Twitter, 2021. < https://twitter.com/elonmusk/status/1440169571466371073?lang=fr>

Hugues Garnier, 2021. « Des sensations incroyables » : Thomas Pesquet raconte son décollage à bord de la capsule Crew Dragon. <https://www.bfmtv.com/sciences/des-sensations-incroyables-thomas-pesquet-raconte-son-decollage-a-bord-de-la-capsule-crew-dragon_AV-202104300256.html>

Jean Deseille, 2021. Tourisme spatial : « Interrogeons-nous sur nos propres excès ! » < https://www.la-croix.com/Debats/Tourisme-spatial-Interrogeons-nous-propres-exces-2021-09-27-1201177549>

Le Monde avec AFP, 2021. SpaceX lance sa première mission de tourisme spatial. <https://www.lemonde.fr/sciences/article/2021/09/13/spacex-lance-sa-premiere-mission-de-tourisme-spatial_6094482_1650684.html>

Nadia Drake, 2021. Tentés par le tourisme spatial ? Voici ce qui vous attend… <https://www.nationalgeographic.fr/espace/tentes-par-le-tourisme-spatial-voici-ce-qui-vous-attend>

Raphël Dinelli, et sa mission e-explorer, 2021. <http://www.mission-e-xplorer.com>

Thomas Leroy, 2021. Un des enjeux du tourisme spatial ? Les toilettes… <https://www.bfmtv.com/economie/entreprises/industries/un-des-enjeux-du-tourisme-spatial-les-toilettes_AV-202109220213.html>

Utilisateur « Olivier », 2021. SpaceX : l’essor du tourisme spatial passe par la fusée Starship. <https://www.journaldugeek.com/2021/09/26/spacex-lessor-du-tourisme-spatial-passe-par-la-fusee-starship/>

Wikipédia, dernière mise à jour en 2021. Traité de l’Espace. <https://fr.wikipedia.org/wiki/Traité_de_l%27espace>

 

 

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