RV/RA : Des outils au service de la performance industrielle dans le secteur de l’automobile

Le contexte concurrentiel présent sous-entend pour les entreprises, des gains de compétitivité beaucoup plus importants. La quête de ces objectifs passe par la capacité de la structure à s’adapter à son environnement et aux changements qu’imposent les marchés de manière quasi automatique. Les modes de production actuels sont surtout définis par l’introduction de technologies nouvelles au sein même des processus tant dans le secteur des services que dans le secteur industriel. Parmi ces technologies se retrouvent les technologies de réalités virtuelles et augmentées. Les tendances du marché d’ici à 2025 prévoient une hausse importante de l’usage de ces technologies.

À la lumière de cette figure, la part des investissements dans le secteur de l’ingénierie sera de 4,5 milliards de dollars en 2025. Notons que l’investissement global pour les entreprises en matière de réalité virtuelle et augmentée passera de 13 milliards $ en 2020 à 16,6 milliards $ en 2025.

I. Performance industrielle, réalité virtuelle, réalité augmentée : quelles en sont les perceptions ?

A.    PERFORMANCE INDUSTRIELLE

Le référentiel ISO/DIS 90 012 015 conçoit la performance comme un résultat mesurable. Cependant on parle de performance industrielle lorsque les résultats dont il est question portent sur les processus manufacturiers.

La quête de la performance industrielle est un défi majeur auquel doivent faire face toutes les entreprises industrielles (entreprises automobiles, ferroviaires, aéronautiques, etc.). Cette performance industrielle s’appuie essentiellement sur le lean manufacturing qui est une forme d’organisation industrielle qui vise à maximiser la performance globale de l’entreprise, et ce par l’élimination des gaspillages et l’adoption d’une procédure d’optimisation continue de la gestion de la production[1].

La performance industrielle est aujourd’hui basée sur le triptyque qualité — coûts — délais[2] compte tenu du fait que l’organisation du travail dans le monde de l’industrie est couramment celui du mode projet. C’est en réalisant la meilleure synthèse possible entre les objectifs de ses différents projets que l’entreprise progresse en termes de qualité de coûts et de délais, restant ainsi concurrentielle et satisfaisant aux exigences des marchés. Les études théoriques montrent que le progrès dans ces trois domaines est particulièrement mis en avant au travers de cette forme d’organisation du travail.

B.  RÉALITÉ VIRTUELLE/RÉALITÉ AUGMENTÉE

1.     PRÉSENTATION DES DEUX CONCEPTS

La réalité virtuelle[3] est définie comme une simulation interactive immersive, visuelle, sonore et/ou haptique, d’environnements réels ou imaginaires via une interface spécifique (workbench, CAVE, casque ; etc.) et permettant à une ou plusieurs personnes de réaliser des activités libres ou encadrées selon un scénario prédéfini en environnement immersif, dans le but d’améliorer la qualité des opérations devant être réalisées en réel (Figure 7 : Séance de travail immersive).

La réalité virtuelle est une technologie répandue dans l’industrie. Elle métamorphose plusieurs secteurs, elle permet de reproduire des mouvements en rapport avec le métier dans des simulations de grandes précisions dans le monde virtuel (Jeu vidéo, éducation, médical et militaire).

La réalité augmentée est la superposition d’un modèle numérique 2D ou 3D à une réalité physique en temps réel via un système de vision portatif (smartphone, lunettes, tablette) et permettant à une personne d’interagir avec un objet physique en lui donnant accès à des informations en lien avec l’objet et les tâches à réaliser.

La réalité augmentée vise à enrichir la perception et la compréhension d’un environnement réel. Elle utilise le monde réel pour y afficher des informations en 2D ou 3D avec lesquelles l’utilisateur peut interagir. Il s’agit donc de superposer des éléments virtuels à notre vision du monde réel. La réalité perçue est ainsi augmentée d’informations digitales apportant plus de précision sur son environnement.

Elle trouve plus son application dans les secteurs larges comme le loisir, l’industrie, l’automobile ou encore l’Aérospatiale.

II. Impacts de la RV/RA sur le coût*délai*qualité dans le secteur du transport automobile

Le but de cette partie sera d’apporter des éléments de réponse quant à la mise en place de ces technologies dans le tissu productif des entreprises, mais plus précisément à l’apport en matière de gain de productivité qui en découlera.

Nous nous sommes focalisés sur la mise en place de la réalité virtuelle et augmentée dans le secteur du transport automobile.

Le plus souvent, la performance industrielle a tendance à s’articuler autour de 5 points que sont :

  • La maîtrise des coûts
  • La sécurité des opérations industrielles
  • Optimisation des délais
  • L’amélioration de la qualité
  • S’assurer de l’efficacité des différents opérateurs

Cependant, nous avons fait le choix précis dans cette partie de démontrer les gains en termes de coût, de délai et de qualité, qui pourraient résulter de l’utilisation des technologies de RV/RA dans les secteurs de l’automobile. Ces choix sont justifiés dans la mesure où ces trois indicateurs de performance forment le triangle incontournable lorsqu’on évoque le mode projet.

A.   Pourquoi la réalité virtuelle ou la réalité augmentée dans l’industrie automobile ou dans l’industrie en général ?

Il est observé aujourd’hui une forte augmentation de l’utilisation des technologies de réalité virtuelle ou de réalité augmentée dans la sphère industrielle et plus particulièrement dans les activités de conception, de développement des produits et de mise en place des processus industriels de fabrication[4].

Dans la sphère industrielle existe une étape cruciale à tout projet par laquelle il est impératif de passer pour obtenir un produit final qui satisfasse aux besoins finaux des consommateurs, c’est l’élaboration de la maquette physique. C’est à cette étape précise que se rencontrent toutes les parties prenantes (équipes de conception et de développement) d’un projet, qu’il soit automobile, aéronautique, ferroviaire, etc. Dans un rituel bien défini, à l’occasion de jalons planifiés longtemps à l’avance, on regarde la maquette, on la touche, on la caresse, on la manipule. On échange, on critique, on partage. On décide !

Des produits tels qu’un véhicule automobile, un avion ou un navire sont très complexes et leur développement implique des centaines d’acteurs de spécialités bien différentes ; la maquette permet d’atteindre le consensus entre les différents métiers, parce que, quelle que soit la culture ou la formation des parties, chacun est confronté au même objet.

Malheureusement, la maquette physique présente de graves défauts sur chacun des sommets du fameux triangle : coût, délai, prestation. C’est pourquoi l’industrie qui fait appel massivement au numérique entrevoit dans la réalité virtuelle un axe ultime permettant de tirer tous les bénéfices de l’investissement numérique des bureaux d’études.

B.  Limites des maquettes physiques

En effet, la maquette physique présente certaines limites[5] :

  • Elle coûte cher parce qu’il faut usiner les composants, les assembler, les décorer
  • Elle exige du temps de réalisation, c’est-à-dire souvent plusieurs semaines, voire plusieurs mois
  • Quand elle est enfin présentable, elle n’est déjà plus à jour, car, pendant le temps de sa réalisation, les bureaux d’études n’ont pas arrêté de travailler et, déjà, il faut expliquer en quoi cette maquette n’est plus conforme, ce qui crée des doutes et de nouvelles discussions
  • Elle n’est pas souple : toute modification va redemander du temps
  • Les maquettes physiques sont coûteuses en temps et en coût. Elles vont se substituer à la maquette physique dont le prix est souvent supérieur au bénéfice qui les accompagne.

C.    Contributions de la RV/RA dans l’industrie automobile

Les technologies de réalité virtuelle et de réalité augmentée viennent pallier à cette carence des maquettes physiques. Leurs apports sont de plus en plus visibles et les bénéfices démontrés dans diverses situations dans l’industrie automobile par exemple[6].

  • Les technologies de réalité virtuelle ou augmentée favorisent une illustration anticipée pour les études d’orientation du produit, car dans les phases très amont de la conception, les idées fusent trop vite pour que toutes fassent l’objet d’une représentation physique par manque de temps. À ce stade, on manque aussi de définitions détaillées et la maquette physique serait trop incomplète. Le virtuel permet très tôt de présenter plusieurs hypothèses, de les comparer dans des conditions identiques, d’arbitrer entre elles afin d’engager les ressources avec le plus de certitude possible sur les bonnes options de développement favorisant de ce fait des économies en temps et une meilleure qualité espérée du produit final.
  • Les technologies de réalité virtuelle et de réalité augmentée permettent de sécuriser de la maquette physique. Avant de lancer la réalisation des pièces, l’équipe vient analyser une dernière fois la maquette virtuelle. Les résultats constatés dans ce cas de figure sont probants. La maquette physique est bonne du premier coup, on élimine le cycle coûteux et long des modifications itératives.
  • Elles permettent d’autre part une facile actualisation de la maquette physique. La réalisation de la maquette physique prend plusieurs semaines, quelques mois dans le cas de maquettes complexes. Pendant cette période d’exécution, l’équipe projet ne s’arrête pas de travailler : par exemple, les équipes responsables de l’étude des processus industriels simulent des phases de montage, découvrent des impossibilités d’assemblage qui amènent le bureau d’études à faire des changements techniques. Aussi, quand la maquette physique est livrée, elle n’est plus conforme à la vision du projet. Dans ces situations, on va demander à la maquette virtuelle d’apporter l’illustration complémentaire des points modifiés. Cette facilité engendre des gains de coûts considérables dans le cadre du projet
  • Illustration des variantes et des produits dérivés : les constructeurs développent sur la base d’une silhouette de référence (par exemple, une berline) différentes silhouettes dérivées (version loisirs, coupé, etc.) ; il n’est pas possible ni financièrement ni en termes de délais de réaliser les maquettes physiques de toutes les versions. Ce type d’utilisation démontre admirablement l’intérêt de la coexistence entre physique et virtuel.
  • En somme, les équipes projet apprécient entre autres à travers ces technologies la capacité à présenter rapidement, avec un risque minimal et de manière économique un nombre plus important d’hypothèses innovantes ou en ruptures, très tôt dans le cycle de développement, de pouvoir mener des arbitrages rapides afin de concentrer les ressources humaines et techniques sur les pistes les plus prometteuses, la limitation du nombre de maquettes physiques dans un contexte de diversification des produits et de leurs variantes. La réalité virtuelle ne va donc pas introduire une nouvelle révolution du processus de développement industriel, mais elle va lui donner un nouvel élan à travers la réduction du délai de certaines phases essentielles du développement, l’implication de l’ensemble des acteurs du projet dès les phases préliminaires, celles où les décisions sont lourdes de conséquences en termes de qualité, de respect des délais et de des coûts et où il est indispensable que toutes les voix s’expriment.

D.    Exemple illustratif chez PSA Peugeot-Citroën

Un exemple palpable de technologie de réalité virtuelle en automobile est CAVE 5 (Cave Automatic Virtual Environment)[7]. C’est une salle immersive de forme parallélépipédique. Un exemple illustratif des gains de l’usage de cette technologie est mis en avant à travers les travaux réalisés par (O Petit, 2006) chez PSA Peugeot-Citroën. L’auteur montre que l’utilisation d’un CAVE™ de RV a permis, dans le cadre de la conception d’un poste de conduite, de multiplier les hypothèses de recherche en un temps très court. Selon lui, il a été possible d’étudier 13 hypothèses en moins de 2 mois grâce aux outils de RV. Cela a permis de ne réaliser qu’une maquette physique au final, soit un gain financier évalué à 120 k€.

Par Marco Takam, promotion 2017-2018 du M2 IESCI

[1] Deloin, Albert. “Conseil En Performance Industrielle,”

[2] LRIA. “Languedoc-Roussillon Industries Agro-Alimentaires.”

[3] Industrie du futur. “Cahier Des Charges-Ami-Industrie Du Futur,”

[4] LORISSON, Jean. 2010. “Réalité Virtuelle Dans L’industrie-Développement Des Produits Et Des Processus.” Technologie de l’information | Le traitement du signal et sers applications.

[5] Ibid.

[6] Ibid.

[7] Petit, O. 2006. “La Réalité Virtuelle Au Service De La Conception D’un Véhicule,” Conférence

Admin M2 IESC