Que fait Facebook de nos données personnelles ?

L’information est au cœur du processus de décision stratégique. Une connaissance parfaite de l’information pertinente permet de saisir les opportunités lorsqu’elles se présentent, d’appréhender et de maîtriser les risques et de mener des actions efficaces et déterminantes pour son avenir. La maîtrise de l’information constitue donc le facteur à ne pas négliger dans l’entreprise. Elle est devenue un réel outil économique, indispensable quel que soit le secteur d’activité ou la taille de l’entreprise. C’est pourquoi les entreprises accordent beaucoup d’importance à celle-ci aujourd’hui pour pouvoir se positionner sur un marché donné.

Depuis quelques années Facebook est devenue la 1ère source de trafic devant Google. En effet depuis le début de l’année 2015 Facebook concentrerait 43% du trafic des sites de médias et c’est l’une des plateformes numériques disposant du plus grand nombre de renseignements personnels sur ses utilisateurs.

Facebook est un réseau social à l’initiative de Mark Zuckerberg. Tout d’abord réservé aux étudiants d’Harvard, il s’est par la suite ouvert aux autres universités américaines avant de pouvoir être accessible à toute personne âgée d’au moins 13 ans en septembre 2006. La version française a été lancée en février 2008. C’est désormais le deuxième site web le plus visité au monde derrière Google. Aujourd’hui Facebook rassemble plus d’un milliard de membres à travers le monde.

Ce nombre impressionnant d’utilisateurs inquiète car par définition un réseau social est un espace de partage. Facebook a donc totalisé et stocké sur des serveurs des milliards d’informations concernant ses utilisateurs. Plus de de 500 To sont ainsi stockés chaque jour. Nos moindres informations présentes sur ce réseau sont enregistrées par Facebook. Au vu de ces chiffres impressionnants, il est légitime de se poser la question suivante : que deviennent nos données personnelles et est-ce que Facebook les utilise ?

Quelques précisions sur le fonctionnement de Facebook.

En décembre 2013, des chercheurs américains découvrent que ce réseau social peut également avoir connaissance de ce que nous écrivons mais que nous effaçons avant publication. Cela laisse donc à penser que nous sommes sans arrêt sous la surveillance de Facebook.

En Février 2015 The Register remarque également des changements dans les conditions d’utilisation de Facebook. Grâce à ces nouvelles conditions ils peuvent utiliser nos données WhatsApp et Instagram afin d’afficher des publicités encore plus ciblées.

Les administrateurs de Facebook utilisent des paramètres de confidentialité qui sont flous. Même si les utilisateurs ont tendance à de plus en plus verrouiller leurs informations en se renseignant sur les conditions d’utilisation, la divulgation de données est souvent involontaire grâce ou à cause d’applications espionnes comme les jeux connectés à Facebook qui en profitent pour récupérer nos noms, nos « j’aime »…. En 2011 Facebook avait annoncé que le nombre de données partagées par les utilisateurs avait doublé.

Facebook avait déjà fait évoluer ses conditions d’utilisation en novembre 2014. Ainsi, si cela n’était pas le cas avant, ce géant des réseaux sociaux a tout bonnement décidé que nous n’étions plus propriétaires de nos informations. Il s’attaque alors et dorénavant directement à la vie privée de ses utilisateurs.

La mine d’or d’informations que possèdent Facebook sur ses utilisateurs.

Les informations visées sont vendues par Facebook aux entreprises intéressées. Ces informations porteraient principalement sur l’algorithme des plug-ins qui mettrait en relation le réseau social et les sites web que les utilisateurs visitent, y compris lorsqu’ils ne sont pas connectés à Facebook. Ainsi Facebook peut relier nos habitudes de navigation avec « notre » personnalité réelle, un avantage unique que possède Facebook.

Ceci va donc à l’encontre du but premier de Facebook car son créateur avait déclaré en 2013 que « Facebook n’a pas été créé pour être une entreprise mais pour remplir une mission sociale : rendre le monde plus ouvert et connecté. »

Facebook a une capitalisation boursière de 262 milliards. Mais qu’est ce qui en fait une entreprise aussi rentable ? Car en effet, même si Facebook comporte des services payants, comme les pages professionnelles sponsorisées, ceci ne suffit pas à engendrer autant de bénéfices. En fait, si on ne voit pas le produit vendu par Facebook, c’est que c’est nous qui sommes bel est bien ce produit. Nos informations valent de l’or pour les entreprises, nous le savons. D’après une étude du Boston Consulting Group, les données d’une personne vaudraient 600€. Facebook gagne en moyenne 5€ par utilisateurs.

Sans le savoir, quand nous acceptons les conditions générales d’utilisation, nous abandonnons tous nos droits sur nos photos et sur nos informations et tout contenu relevant de notre propriété intellectuelle est cédé à Facebook. De ce fait, Facebook peut les utiliser comme bon lui semble. Là est la force de ce réseau social.

L’utilisation du Big Data.

Du fait de détenir des milliards d’informations sur ses utilisateurs, Facebook est l’une des premières entreprises à avoir développé le Big Data ou en français mégadonnées. Pour rendre cette multitude d’informations exploitables, Facebook utilise le Big Data afin de mettre en place un processus de transformation de l’information disponible en analyse afin de pouvoir l’exploiter. Les Métadonnées ne permettent pas d’accéder directement au contenu mais à tout ce qui le caractérise : date d’envoi, expéditeur, destinataire, lieu, objet … En somme, grâce aux métadonnées, Facebook peut connaître nos habitudes (où nous allons, avec qui nous communiquons, quels sont les sites que nous visitons, quels sont nos liens d’amitié … ) De plus, avec Facebook nous publions des données directes sur ce que l’on fait, en postant des photos, en aimant ou en partageant des liens ce qui lui permet d’avoir des informations encore plus précises sur nos goûts. Ces informations sont une mine d’or pour les entreprises ou les services de renseignements.

Les annonces en Display font vivre Facebook. C’est un marketing réalisé en temps réel par les entreprises qui utilisent nos données personnelles dans un algorithme pour nous proposer des annonces publicitaires personnalisées.

Facebook au centre de toutes les attentions.

Le CNIL belge s’attaque à Facebook. En effet La Commission de la protection de la vie privée reproche à Facebook de « tracer » illégalement les internautes même si ils ne sont pas utilisateurs de Facebook. En effet des cookies permettent à Facebook de tracer nos consultations de site.

La CNIL belge demande aux dirigeants de Facebook de revoir leur réglementation afin de solliciter explicitement l’autorisation de recueillir ce type de données.

Cependant un autre système plus efficace leur permet de nous suivre à la trace avec l’utilisation de Single Sign-On ou « identification unique ». C’est un système qui permet de s’enregistrer beaucoup plus facilement sur certains sites ou applications. Certes, c’est un moyen rapide d’authentification, cependant c’est aussi un moyen pour ce réseau social de suivre nos informations sur des sites tiers et d’augmenter ainsi leurs bases de données. De ce fait, il est capable de savoir ce que nous écoutons, où nous le faisons… Cette technique de traçage permet de recouper toutes nos informations sur un seul et même compte. Il est à noter que Facebook n’est pas le seul à l’utiliser car Google le fait sur toutes ses plateformes.

De plus, le 6 octobre dernier, la CJUE a déclaré « invalide » la cadre juridique qui concerne le transfert de données personnelles de l’UE vers les Etats-Unis. Cette affaire oppose le Géant Facebook à un juriste autrichien Max Schrems qui lutte contre cette pratique au nom du respect de la vie privée. La CJUE a interdit le transfert de données personnelles vers les Etats-Unis. La remise en question des clauses du « Safe harbor » va largement limiter les possibilités de transférer ces données personnelles. Conscient de la valeur des données qu’il pourrait perdre, le Géant Américain appelle les deux gouvernements à trouver un accord pour faire perdurer ces transferts.

Au cœur de la polémique « Facebook » se trouve le brevet déposé le 4 aout 2015 intitulé « Autorisation et authentification basée sur le réseau social de l’individu ». Ce brevet permettrait aux banques d’analyser le futur emprunteur en fonction de ses contacts afin de connaître sa capacité à rembourser le crédit. Cet algorithme permettrait de limiter les risques de mauvais payeur et de prêter aux personnes dites fiables. En outre, si vos « amis » ou relations sont de bons payeurs alors on pourrait vous accorder un emprunt. Nos contacts seront donc peut-être un des critères de sélection.

Cela pourrait encore aller plus loin : nous pouvons effectivement nous demander si les données personnelles que l’on poste sur notre état de santé par exemple pourraient être utilisées par ces mêmes personnes.

Peut-être, car les grands groupes comme Facebook déposent de nombreux brevets mais ils ne sont pas toujours utilisés totalement.

Cette affaire montre bien que la question du partage de données personnelles est tout à fait d’actualité et que le monde a bien compris son enjeu capital, que ce soit dans la sphère commerciale ou la sphère politique. Les internautes et utilisateurs de réseaux sociaux commencent à prendre conscience de l’importance de se protéger. Ils ont une plus grande maîtrise des manœuvres de ces marchands d’informations et réfléchissent aux renseignements qu’ils postent sur le net. Il faut éviter de lier son nom à des renseignements personnels. Il ne faut pas oublier que quoi que nous fassions pour protéger nos informations via les paramètres de sécurité ou de confidentialité, afin de restreindre la visibilité de nos informations vis-à-vis du grand public, Facebook pourra quant à lui réutiliser toutes les informations mises en ligne par le site.

Cédric Kernoa, étudiant promotion 2015-2016 du Master 2 Intelligence Economique et Stratégies Compétitives d’Angers

Bibliographie

  1. Stutzman, Fred. « Silent Listeners: The Evolution of Privacy and Disclosure on Facebook ».

http://repository.cmu.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1098&context=jpc

  1. Sur Facebook, vous ne serez plus « propriétaire » de vos données personnelles – Numerama

http://www.numerama.com/magazine/31275-sur-facebook-vous-ne-serez-plus-proprietaire-de-vos-donnees-personnelles.html

  1. Notre vie privée est-elle en vente sur internet ? – nouvelobs

http://tempsreel.nouvelobs.com/les-internets/20120823.OBS0254/notre-vie-privee-est-elle-en-vente-sur-internet.html

  1. La ruée vers l’or des données personnelles – lesechos

http://www.lesechos.fr/07/03/2013/lesechos.fr/0202599460114_la-ruee-vers-l-or-des-donnees-personnelles.htm

  1. The value of the digital identity –BGC

http://www.libertyglobal.com/PDF/public-policy/The-Value-of-Our-Digital-Identity.pdf

  1. Votre crédit bientôt refusé à cause de vos amis Facebook ? – Nouvelobs

http://tempsreel.nouvelobs.com/tech/20150807.OBS3843/votre-credit-bientot-refuse-a-cause-de-vos-amis-facebook.html

  1. Utiliser Facebook comme source d’informations – Lemonde

http://www.lemonde.fr/technologies/article/2010/04/27/utiliser-facebook-comme-source-d-informations_1343578_651865.html

  1. Le site Facebook vend le profil de ses internautes aux publicitaires – Lemonde

http://www.lemonde.fr/technologies/article/2007/11/10/le-site-facebook-vend-le-profil-de-ses-internautes-aux-publicitaires_976841_651865.html

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