Peut-on s’attendre à un virage du numérique en France ?

L’usage du numérique dans les entreprises françaises se cantonne encore trop souvent à des applications bureautiques alors qu’un usage plus poussé du numérique en matière de communication et d’innovation pourrait doubler leur taux de croissance.

Ainsi les entreprises françaises et notamment les PME sont en retard dans l’adoption des nouvelles technologies par rapport à nos partenaires européens. Il existe donc un enjeu important à l’accompagnement des dirigeants des TPE-PME, mais aussi de leurs collaborateurs en charge par exemple de la communication ou du développement commercial.

Le numérique représente actuellement 5,5% du PIB français. Selon une récente étude du cabinet McKinsey, la France pourrait accroître la part du numérique dans son PIB de 100 milliards d’euros par an à l’horizon 2020, à la condition que les entreprises accélèrent nettement leur transformation.

Ce sont en fait les usages numériques des Français qui tirent vers le haut la croissance du PIB liée au numérique. Par contre, la contribution des entreprises au PIB liée au numérique prend du retard (65% des entreprises disposent d’un site Internet). Ce rapport souligne ainsi un paradoxe avec des consommateurs gros utilisateurs du numérique et des entreprises très en retard en la matière.

Il est à souligner que le numérique impacte toutes les structures, de la plus petite à la plus grande et quel que soit le secteur d’activité, qu’il s’agisse de l’industrie, des services, du bâtiment ou de l’agriculture.

Le numérique est un moyen pour une entreprise de réduire ses coûts, d’améliorer son efficacité et donc sa compétitivité.

En ce sens, Jean Marie Messier, l’ex- patron de Vivendi appelle la France à se réformer pour ne pas rater la croissance liée à l’accélération de la révolution digitale.

De même, lors de sa campagne présidentielle, François Hollande faisait du numérique une de ses priorités. En effet, l’une de ses promesses était un soutien au développement des nouvelles technologies sur l’ensemble du territoire et de l’économie numérique.

Qu’a donc fait, et que compte faire le gouvernement français en matière de numérique d’ici les prochaines années ?

Pour favoriser la transition numérique en France, il faut à mon sens tout d’abord développer une culture du numérique et ce, dès le plus jeune âge. Il s’agit de montrer les forces et les nombreuses possibilités que le digital apporte. Bien que nous soyons bercés par le numérique, les bonnes pratiques de celui-ci doivent être développées et enseignées par le Ministère de l’Education Nationale. C’est bien ce qui est prévu.

Création d’une grande école du numérique en France d’ici 2016 :

Un budget de un milliard d’euros sera débloqué sur 3 ans afin de permettre aux collégiens et lycéens de disposer d’un ordinateur ou d’une tablette pour bénéficier d’un contenu pédagogique innovant. En effet, il existe une fracture numérique en France car tout le monde ne dispose pas d’un accès à internet ou à un ordinateur. La mise en place de ce dispositif a déjà commencé puisque lors de la dernière rentrée scolaire, 600 écoles et collèges ont pu bénéficier d’un appui financier de l’Etat pour développer le numérique dans leur établissement.

« Avec le plan numérique, il ne s’agit pas d’une réforme de plus, mais d’une mutation profonde de notre système éducatif. Le numérique n’est pas simplement une nouvelle technologie, c’est une intelligence nouvelle qui doit être portée, transformée, grâce aux enseignants, et mise à la disposition des élèves. Le numérique, c’est aussi un moyen d’associer les parents à la réussite de leurs enfants » a annoncé François Hollande en mai 2015 lors de la présentation de son plan en faveur du numérique à l’école.

En effet, l’arrivé du numérique bouleverse et transforme le système éducatif actuel, les méthodes d’enseignement. Aujourd’hui, le minimum requis pour accéder à la culture ou à n’importe quelle information pertinente pour l’apprentissage du savoir c’est un ordinateur et une connexion Internet. Cet état de fait a bien été compris et c’est pour cela qu’est prévue prochainement la mise en place d’une nouvelle ressource pédagogique. Le contenu de cette plateforme reste encore assez flou, cependant l’on sait d’ores et déjà qu’il concernera le français, les mathématiques, les langues, la géographie et enfin les sciences.

Ce projet porte aussi sur la formation des enseignants. « Nous devons faire en sorte que quelle que soit la modernité des outils, quelle que soit leur performance, quelle que soit leurs évolutions, les enseignants puissent être à même de pleinement les maîtriser, les utiliser ».

En effet, pour initier au mieux nos jeunes français, les enseignants doivent eux aussi être pleinement capables de maîtriser ces nouvelles technologies du numérique. Ainsi, il est prévu que le numérique fasse partie intégrante du système d’apprentissage et de la formation initiale des enseignants.

De plus, lorsqu’on dit « nouvelle école », on parle surtout de labéliser des structures existantes… Ce label ne vise pas à alourdir le système pédagogique mais à offrir aux établissements une reconnaissance de l’Etat ainsi qu’une une aide financière. Cependant, ce label constituera une nouvelle certification professionnelle qui pourrait être perçue ou utilisée comme un outil permettant de créer des collèges élites, au détriment des écoles qui ne pourraient bénéficier de ces avantages. Il faut donc veiller à éviter que cette réforme ne conduise à creuser un peu plus l’écart entre les écoles, mais au contraire tendre à réduire la fracture numérique déjà existante. Pour cela il conviendrait de favoriser les écoles ayant peu de ressources et équiper en priorité les enfants moins bien dotés en leurs donnant accès à des outils adaptés à l’usage du numérique.

La french Tech :

La « French Tech », lancée en 2014 à l’initiative du ministère de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique, vise à développer et favoriser l’apparition des start-up françaises. Elle a pour but de favoriser et détecter les projets innovants, d’accompagner les porteurs de projet dans leur construction et surtout de donner une meilleure visibilité de celles-ci sur la scène nationale et internationale.

Le gouvernement a pour objectif de passer à « l’offensive » dans le numérique. C’est une réelle mobilisation collective basée sur les nouvelles technologies et idéologies afin d’impacter directement la compétitivité des entreprises.

La «French Tech»  s’organise sur 3 axes principaux :

–    Accélérer :

L’idée est tout d’abord de développer le secteur du numérique en soutenant les projets français avec l’ambition que les entreprises porteuses de ces projets deviennent des leaders internationaux. Un budget de 250 millions d’euros est donc consacré à la mise en place des dispositifs d’accélération pour rendre certaines entreprises viables. Cela concerne aussi bien les petites structures que les plus importantes. Pour accélérer le développement de ces entreprises le gouvernement français désire que la Recherche et Développement soient transférés au domaine public afin de permettre à tout un chacun d’avoir accès à un système lui permettant de rendre son économie viable.

  • Labéliser :

Ce système de labélisation Métropole French Tech permettra un soutien financier dans le cadre des investissements d’avenir.

Comment se faire labéliser ?

Les start-up françaises doivent disposer d’un écosystème remarquable (taille de l’entreprise, dynamique de croissance), d’un projet innovant et ambitieux, de la mobilisation de plusieurs acteurs dans les territoires, réunis autour de ce projet, d’une politique d’achat public innovante ainsi que d’espaces bien identifiés et d’infrastructures favorables au développement de ces entreprises.

En bref, pour appartenir à la French Tech, les entreprises doivent disposer d’un projet innovant et porteur, favorable à la croissance.

  • Attirer

Toujours sur la scène internationale, la France ne désire pas seulement développer la visibilité de ses start-up mais également développer la croissance extérieure. En effet, la France veut attirer des investisseurs, des projets étrangers mais surtout des nouveaux talents. 15 millions d’euros seront attribués en 2016 à la promotion et à l’attractivité de la France en tant que nouveau pays numérique. Cependant, pour attirer de nouveaux investisseurs, la question de la fiscalité et de l’emploi doit à mon sens être posée pour assurer un réel pouvoir d’attractivité.

Plusieurs bénéfices à en tirer :

Au niveau national, La Métropole French Tech apportera une meilleure reconnaissance ainsi qu’une meilleure visibilité à travers les outils de communication de la French Tech.

En effet, la mise en coordination au sein d’un réseau constitue un avantage considérable car il est construit autour d’un collectif national avec un partage de pratiques, d’informations et une amplification des opportunités de collaboration.

L’appartenance à ce collectif apporte également un accès facilité aux offres de financement telles que celles de la banque Bpifrance.

Sur la scène internationale, plus d’entreprises innovantes rallient le collectif, plus la visibilité des entreprises est importante. Ainsi, lors du CES 2015 de Las Vegas, la France s’est démarquée des autres pays européens grâce à la promotion que la French Tech avait organisée pour les 160 entreprises ressortissantes très diverses qui étaient représentées lors de cet évènement.

Un dispositif global pour amplifier la visibilité des start-up est mis en place par les pouvoirs publics ainsi que par les partenaires privés et les délégations comme à l’initiative de UBIFRANCE qui a organisé le « French Tech Pavillon » lors du CES.

Mais quelles retombées pour la French Tech ?

Les retombés de la French Tech en 2015 sont nombreuses comme aime à le souligner Agnès Grangé qui pilote la French Tech Bordeaux :

“Le principal bénéfice, c’est d’avoir montré que Bordeaux est une place qui compte dans le numérique. J’ai ressenti un changement : l’écosystème s’est révélé au plan local comme au plan national, les gens se disent que ça bouge sur ce front à Bordeaux.”

Elle est également à l’origine de nombreuses initiatives. Ainsi, durant l’année 2015, la French Tech Bordeaux a initié le lancement de la cité numérique de Bègles, la mise en place de deux accélérateurs, le développement de trente-trois entrepreneurs…

On remarque donc que ce collectif a su donner plus de visibilité aux start-up dans le domaine du numérique de même qu’il a permis le développement de jeunes entrepreneurs.

Cependant, beaucoup aiment à montrer l’inefficacité et la non pertinence de ce projet. Ainsi, la France n’aurait pas pris le train au bon moment : au contraire des américains qui ont su développer des géants du numérique tel que Google, Amazon ou Facebook qui sont des leaders incontestés dans le domaine du numérique. Le non-développement de la fibre optique ou d’internet à haut débit dans les années 1994 aurait freiné certaines start-up comme Quaero, moteur de recherche Français qui aurait pu être le concurrent direct de Google si les installations avaient été mises en place.

Il est vrai également que la France a essuyé de nombreux échec en matière de numérique comme avec le projet de Cloud financé par l’Etat et les industriels français.

De plus, la French Tech vient à la suite du projet « Ville Internet », ce qui donne l’impression que l’Etat français cherche à remanier un projet déjà exploré et à le transposer au numérique et au développement des start-ups.

A noter cependant l’exemple de la Cité des Objets connectés à Angers, inaugurée le 12 juin par François hollande et qui représente un enjeu très important pour la ville mais aussi pour la French Tech.

Ce projet, issu du plan de ré-industrialisation de la France lancé en 2013 par le gouvernement, évoque également les nouvelles ambitions de la French Tech.

En effet, la French Tech veut aider les start-up françaises à développer leurs projets liés aux objets connectés. C’est l’une des 34 priorités du gouvernement qui considère, à juste titre, qu’il s’agit d’un secteur porteur pour l’économie. La cité connectée est une structure qui favorise l’innovation en réunissant l’ensemble de la logistique et du savoir-faire dans un même lieu.

Ceci devrait permettre d’augmenter la production de projets innovants et ainsi faire face à la concurrence impitoyable qui règne dans ce secteur. C’est donc une volonté principale d’accélérateur industriel qui est mise en avant avec également une diminution des coûts de fabrication pour les porteurs de projets. En effet, toutes les étapes de production sont réunies dans un même lieu en rassemblant les moyens humains et les matériels performants et adaptés. La réunion des industriels et des concepteurs vise à favoriser l’innovation jusqu’à la conception et donc à créer une réelle synergie entre les différents acteurs du territoire. Ce projet a pour vocation d’assurer un rayonnement sur le territoire mais également sur la scène internationale encore une fois.

La cité des objets connectés espère réunir en son sein plus de 170 entrepreneurs abonnés d’ici 2018.

La loi Macron 2 : NOE

Le gouvernement met un point d’honneur à favoriser le développement de ses start-ups,  en particulier les jeunes entreprises liées aux nouvelles technologies.

Ceci fait le lien avec la « Loi Macron 2 », une loi dont l’ambition est de faire de la France une grande puissance numérique. C’est l’objectif de cette loi qu’il faut appeler NOE « Nouvelle Opportunité Economique ».

Cette nouvelle loi vise à suivre le projet de la French Tech qui est de développer les start-ups. Bien que la question du financement initial des start-up ait été en partie résolue grâce à la BPI et aux acteurs privés, il reste une question pertinente qui est : comment financer la croissance des sociétés qui se développent ?

Ce que veut faire Macron à travers cette loi, c’est créer une synergie entre les start-up et les grands groupes déjà en place pour que le numérique se développe à tous.

Pour y parvenir, Macron veut entreprendre la création du Hub de la BPI. Pour ce faire, le gouvernement va multiplier les contrats de R&D et les fusions/acquisitions de start-up par des multinationales françaises.

Il s’agit d’aider l’économie française à s’adapter à la révolution numérique. Le gouvernement souhaite que tout le monde trouve sa place. Sont ainsi visées les personnes sans emploi. Elles pourront profiter de nouveaux services numériques pour créer une activité ou tout simplement trouver un emploi en lien avec le numérique. En effet, les porteurs de projets bénéficieront d’une simplification des formalités d’accès au statut d’auto-entrepreneur ou entrepreneur individuel. D’après Macron, il faut faciliter l’émergence des nouvelles technologies qui sont en train de bouleverser l’économie actuelle et qui représentent un énorme potentiel en termes d’emplois.

Enfin, il veut également moderniser les grandes structures et les piliers de la France tel le financement bancaire actuel qui est inadapté à l’économie numérique. Il veut mettre en place une économie de fonds propres et donc ramener le capital dans une économie réelle qui pourra permettre in fine de financer des projets qui demandent des millions d’euros d’investissement.

Le gouvernement français a pris conscience de l’importance du rôle du numérique dans le développement de son économie à travers la montée en puissance des start-ups liées aux nouvelles technologies et par extension aux objets connectés, à l’initiative de la Cité des objets connectés à Angers. Cette nouvelle économie liée au numérique bouleverse également le mode de fonctionnement des entreprises, les méthodes d’enseignements, le système gouvernemental ainsi que le système de financement bancaire qui semble inadapté à cette nouvelle économie.

Il convient de noter que Facebook a décidé d’installer un laboratoire de recherche basé à Paris dans le domaine de l’intelligence artificielle. Si la France a réussi à attirer un Géant américain dans sa capitale, sur un domaine de nouvelles technologies, c’est peut-être le signe qu’elle commence doucement à attirer et surtout à réussir son virage numérique.

Par Cédric Kernoa, étudiant promotion 2015-2016 du M2 IESC

Bibliographie :

  1. Refonder l’école – L’école numérique

http://www.gouvernement.fr/action/l-ecole-numerique

  1. Réduction des inégalités

http://ecolenumerique.education.gouv.fr/reduction-des-inegalites/

  1. Tous unis pour la croissance de nos startups

http://www.lafrenchtech.com

  1. cité de l’objet connecté-Angers

http://www.citedelobjetconnecte.com

  1. La cité des objets connectés – la Nouvelle France Industrielle

http://angerstechnopole.php56-1.unimedia.fr/cite-objets-connectes-nouvelle-france-industrielle/

  1. Avec sa loi Noé, Macron veut lancer une “bataille culturelle”

http://www.lejdd.fr/Economie/Emmanuel-Macron-lance-sa-nouvelle-loi-sur-les-nouvelles-opportunites-economiques-759049

  1. Emmanuel Macron et Axelle Lemaire aux commandes du numérique français

http://www.larevuedudigital.com/2014/08/26/emmanuel-macron-et-axelle-lemaire-aux-commandes-du-numerique/

Admin M2 IESC