Dans son livre blanc « Guide de survie de l’Intelligence Artificielle » réalisé en 2018, le géant industriel Microsoft nous montre comment s’adapter à l’évolution de notre société et suivre le mouvement de l’Intelligence Artificielle. Dans un monde toujours plus technologique et numérique les puissantes entreprises innovantes comme les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft) imposent leur leadership depuis plusieurs années et ne comptent pas le perdre.
La multinationale d’informatique américaine Microsoft développe chaque année de nombreux logiciels toujours plus performants et intégrant aussi de l’IA. La technologie est partout, et son évolution exponentielle nous oblige à nous adapter constamment pour ne pas perdre le fil. Quoi de mieux alors que d’apprendre et de se familiariser avec cette technologie dès le plus jeune âge ? Dans son livre blanc l’entreprise Microsoft démontre l’intérêt d’utiliser ses logiciels dans les écoles. Pour elle, l’IA ne va pas juste changer nos modes de vie, elle peut aussi optimiser tout notre système éducatif. Pourtant, à l’ère des écoles numériques, une surexposition aux nouvelles technologies dès le plus jeune âge peut aussi avoir des conséquences désastreuses…
Les apports de l’IA et de l’utilisation des logiciels Microsoft dans les écoles
Grâce aux nouvelles technologies et à l’IA les enseignants peuvent aujourd’hui automatiser leur travail et ainsi, passer plus de temps avec leurs élèves. L’IA peut désormais réaliser des tâches qui demandent énormément de temps aux instituteurs comme la correction des différents travaux. En moyenne, un professeur passerait plus de 6 heures par semaine à s’atteler à cet exercice. Automatiser ce type de tâche représenterait donc un gain de temps très important, qui pourrait s’élever jusqu’à 30% selon les recherches de Microsoft. Il est donc largement considérable notamment dans un contexte éducatif où les salles de classe accueillent de plus en plus d’élèves et que le temps consacré à chacun d’eux baisse constamment. L’instituteur peut donc répondre plus facilement aux besoins personnels mais aussi collectifs des enfants par le biais d’un accompagnement personnalisé. L’IA est aussi capable de responsabiliser les élèves, par des outils conçus dans le but de faciliter la lecture et l’écriture tout en s’adaptant aux spécificités de chaque enfants (leur âge, leur niveau, leurs capacités ou encore leur handicap). Par exemple, Immersive Reader permet de mettre en confiance les enfants dyslexiques lors d’exercices de lecture.
L’étude de Microsoft met en évidence le fait que les écoles où les nouvelles technologies sont très présentes sont celles où les élèves obtiennent les meilleurs résultats scolaires. En effet, grâce à l’IA les enseignants peuvent mieux comprendre la progression de leurs élèves et donc des difficultés qu’ils peuvent rencontrer. Des outils comme le logiciel Azure « Machine Learning software » analysent les données des élèves (progression du cours, notes obtenues, assiduité, etc) et donne une prédiction quant à la probabilité de réussite. Ces nouvelles technologies permettent donc aux enseignants d’adopter une démarche proactive et de ne pas laisser les lacunes s’accumuler.
Aujourd’hui le travail en équipe est une compétence indispensable sur le marché du travail. Là encore, les outils proposés par Microsoft facilitent l’interactivité apprenant aux enfants comment travailler et communiquer ensemble, ainsi qu’interagir avec leur instituteur. Au Liban, où l’accès à l’éducation est très difficile, des applications comme OneNote ou encore Microsoft Teams ont permis aux enfants d’interagir beaucoup plus facilement avec leurs enseignants. Mais la communication ne doit pas s’arrêter aux murs de l’école. Des chatbots permettent d’entrer en relation avec des professeurs particuliers pour favoriser l’accompagnement des enfants dans leurs devoirs. Ainsi, ces derniers bénéficient d’une aide que certains ne pourraient pas obtenir auprès de leurs parents. Microsoft met aussi en place le programme Microsoft Innovative Educator permettant aux enseignants d’échanger entre eux sur leurs méthodes éducatives et la place de la technologie dans l’éducation.
Dans un monde en constante évolution, les compétences demandées sur le marché du travail ne sont pas les mêmes qu’il y a quelques années. Avec la mondialisation, il devenait primordial de faire apprendre aux enfants des langues étrangères dès le plus jeune âge. A l’ère du numérique, les programmes éducatifs doivent rendre accessible le codage et la programmation. En sensibilisant le plut tôt possible les enfants à ces nouvelles disciplines, ils pourront s’adapter aux évolutions technologiques à venir et à la massification de l’IA. Dans cet objectif, Microsoft présentait sa plateforme Microsoft MakeCode lors du salon Microsoft Education Exchange (E²) qui s’est déroulé à Paris le 3 et 4 avril 2019. L’IA et notamment les jeux vidéo sont déjà utilisés par certaines écoles afin de développer ces nouvelles compétences. Dans une école, des élèves utilisent Minecraft afin de créer la ville du futur, à la fois durable et écologique. Ce type d’initiative permet à la fois de familiariser les élèves avec les nouvelles technologies mais aussi de les sensibiliser à l’environnement en développant leur créativité. Une autre démarche lancée par Microsoft en collaboration avec le collectif Class’Code vise à sensibiliser les enfants de primaire et de collège aux enjeux de l’IA grâce à un tutoriel en ligne. Il sera accessible à partir de mars 2020 sur classcode.fr. Grâce à des contenus ludiques comme des vidéos ou encore des exercices pratiques où l’enfant entraînera une IA à reconnaître des images, il sera en mesure de comprendre l’enjeu de ces nouvelles technologies.
Microsoft veut casser les préjugés de l’IA comme une nouvelle technologie hors de prix et complexe d’utilisation. Son logiciel Microsoft Office 365 est un outil abordable pour les enseignants qui peuvent optimiser et moderniser leurs méthodes éducatives grâce à des programmes comme Word, OneNote ou encore Powerpoint qui peuvent amener plus d’interactions.
Les limites de l’IA dans les écoles
En 2015, le gouvernement français met en place « un grand plan pour le numérique à l’école », le but est de rendre accessible les nouvelles technologies dans les écoles afin d’optimiser le système éducatif français. La promesse était ambitieuse avec des PC ou des tablettes pour au moins 70% des élèves de primaire et de collège et 100% des enseignants. Mais aujourd’hui qu’en est-il ? Cette transition numérique s’est-elle démocratisée dans les écoles ? Il semble que l’accès aux nouvelles technologies reste encore très hétérogène en fonction des écoles et en particulier pour celles situées en zone rurale. Le budget d’un milliard d’euros alloué à ce plan a été défini sans objectif clair et a permis aux écoles déjà bien équipées de l’être encore plus, tandis que celles qui étaient en retard le sont restées. On aperçoit encore aujourd’hui une faille dans cette transition technologique que ce soit au niveau du matériel informatique ou encore des logiciels mis à disposition, qui peuvent dans le futur, poser un vrai problème de sécurité pour les données des élèves. En effet, certaines écoles possèdent encore des systèmes informatiques fonctionnant sous Windows 7 ou encore Windows XP. Ces supports n’étant plus corrigés ils peuvent présenter des failles de sécurité (pour Windows 7 les mises à jour se termineront en janvier 2020). Un risque de piratage des données personnelles des enfants est par la suite envisageable.
La question des données personnelles est forcément dans les esprits lorsqu’on parle d’IA. Avec l’arrivée des algorithmes pouvant prédire la réussite d’un élève à une évaluation, on pourrait imaginer un futur où les enfants n’auraient même plus besoin de passer des examens. L’idée aujourd’hui d’une IA déterminant le futur et la carrière professionnelle des élèves semble relever de la science-fiction pourtant des logiciels effectuant des prédictions sur l’évolution scolaire des enfants existent et sont déjà utilisés par des enseignants. On pourrait voir dans le futur une démocratisation de l’utilisation de ce type de logiciel qui amènerait à terme, à discriminer encore plus les « moins bons » élèves par rapport aux « bons » élèves. L’utilisation des données personnelles des enfants par les développeurs de ces logiciels est aussi un problème majeur aujourd’hui. Microsoft tient à rassurer ses utilisateurs sur ce point en leur rappelant que les données des établissements scolaires sont soumises à la loi « Informatique et Libertés » et au règlement européen de protection des données personnelles. Pourtant, certains jugent que l’entreprise manque de transparence quant à la collecte des données. C’est le cas du bureau fédéral de Hesse, en Allemagne, qui a jugé le 9 juillet 2019 que l’utilisation d’Office 365 en milieu scolaire serait désormais « illégale ». Il soupçonne les autorités américaines d’avoir un accès aux informations personnelles des élèves mais aussi des enseignants.
Le développement du numérique et des nouvelles technologies est tout de même en marche et la multiplication des écrans que ce soit à la maison ou encore à l’école, représente un risque pour l’enfant. Des études ont en effet démontré que les écrans abîmaient les yeux et ont des effets sur le moral et le sommeil. Cette surexposition pourrait entraîner énormément de stress chez les enfants. En mettant entre leurs mains des nouvelles technologies dès le plus jeune âge, on crée une vraie dépendance au numérique, on parle même d’addiction dans certains cas.
Finalement, le plus grand risque d’une digitalisation massive des écoles est d’intégrer les géants industriels des nouvelles technologies encore plus profondément dans le quotidien des enfants. Philippe Bihouix et Karine Mauvilly expliquent dans « Le désastre de l’école numérique » que « l’école est le lieu où les enfants sont soustraits à la télé, au marketing, et où ils apprennent des choses qui leur serviront sur le long terme. Vouloir faire tomber ses murs est un projet politique et économique consistant à vouloir l’utiliser comme un vaste marché. Ce n’est pas dans l’intérêt des enfants”. Pour eux, une école numérique sert surtout les intérêts des GAFAM qui ainsi participent à l’éducation des enfants en leur inculquant les valeurs de notre société de consommation, en d’autres termes, en les rendant encore plus accros aux nouvelles technologies.
Par Céline Métais, promotion 2019-2020 du M2 IESCI
Sources
- L’IA pourrait être le moteur de l’éducation en Afrique et au Moyen-Orient ; Rachid Amaoui ; publié 14/11/2019
https://innovationesante.fr/la-robotique-chirurgicale-la-revanche-de-la-main-pensante/
- Intelligence artificielle : guide de survie, Comprendre, raisonner et interagir autrement avec l’IA; Microsoft ; publié en 2018
- Allemagne: L’utilisation de Microsoft Office interdite dans certaines écoles ; publié le 16/07/19
- En coulisses – E² : la fabrique de l’éducation de demain; Juliette Francaix ; publié le 10/04/2019
https://news.microsoft.com/fr-fr/features/e2-microsoft/
- Microsoft et le collectif Class’Code lancent un tutoriel de sensibilisation à l’intelligence artificielle pour les enfants de primaire et collège ; Pierre-Yves Gerlat; publié le 15/11/2019
- Un ordinateur par classe, logiciels obsolètes : l’école est-elle à la traîne en matière de numérique ?; Perrine Signoret ; publié le 23/10/2019
- Cours à distance et écrans omniprésents : à quoi ressemblera l’école en 2050 ?; Fabien Soyez ; 18/10/2019