L’évolution du système économique a transformé de manière significative le rôle de plusieurs acteurs du marché des consommateurs et même du marché du travail. Ces changements ont été rendus nécessaires par l’avènement des nouvelles technologies de l’information et la dématérialisation des pratiques mercantiles. Les changements sur les facteurs de productions sur lesquelles se concentrent les entreprises pour assurer leur compétitivité dans le système mondialisé sont aussi radicaux. Les facteurs de productions ne sont plus exogènes à l’entreprise mais plutôt créés par elle-même, la compétitivité est maintenant le fruit de facteurs de productions tels que : la compétence, la connaissance et les investissements en recherche et développement. C’est l’économie de la connaissance rendue nécessaire par les avancées technologiques de communication et d’information. Les changements touchent aussi la relation avec le client, l’offre et la demande se complexifient, et la personnalisation des offres aux aspirations des clients est maintenant une nécessité pour pouvoir vendre. Le client est maintenant l’empereur des relations marchande, il recherche une offre modulable et personnalisée. Les nouvelles technologies permettent heureusement aux services marketing de pouvoir récupérer des données sur ces clients, une taille de données incommensurable (qui sont récupérées partout dans les mails, sur internet, sur les vues sur les réseaux sociaux…) mais précieuse pour comprendre et satisfaire les consommateurs. Ces données sont analysées et fournissent des tendances et des prédictions précieuses pour maintenir une entreprise en pole position dans son domaine d’activité.
La concentration de la nouvelle économie, sur la production, la protection et la diffusion de connaissances, a aussi changé profondément le marché du travail. Il est désormais nécessaire d’un point de vue stratégique d’avoir un personnel détenant des compétences poussées pour produire de la connaissance, pour pouvoir utiliser les nouveaux outils et produire de la plus-value. Les structures des organisations changent. On assiste à la disparition de certains métiers intermédiaires, et l’augmentation de postes de cadres parce que les nouvelles technologies permettent à travers l’informatisation de supprimer certains postes. Les entreprises recherchent donc une main d’œuvre possédant des compétences pointues et expérimentées, ou alors des profils à fort potentiel. Le personnel de l’entreprise est le facteur de production de la nouvelle économie. On parle à raison du capital humain. Les managers des ressources humaines ont donc dans cette nouvelle économie un rôle central. Celui de l’acquisition de talents pour alimenter la production de connaissances, améliorer la productivité de l’entreprise et rester compétitif.
En ressources humaines on apprend très tôt avec la pyramide de Maslow que chaque employé est unique et à des aspirations différentes mais que l’on peut classer en cinq classes. De ces classements on a pu standardiser les pratiques en ressources humaines, ce qui a permis aux entreprises de réaliser des objectifs importants en ce qui concerne l’homogénéité des pratiques de motivations du personnel, pour assurer une constance, une efficience et une équité dans le management global d’une entreprise. Toutefois le changement de la relation avec le client qui est survenu progressivement avec le changement de paradigme de la nouvelle économie (le client roi, habitué à des offres personnalisées et modulables) a changé aussi le comportement des talents de l’entreprise.
La nouvelle population du personnel des entreprises ne correspond plus à une standardisation, elle est habituée à la personnalisation, à la conformité de l’offre à ses attentes sur le marché de la consommation et s’attend à la même chose sur le marché du travail, dans le cas échéant elle s’en va vers l’entreprise dont l’offre de travail lui correspond le mieux. Les gestionnaires des ressources humaines doivent donc faire face non seulement à la pénurie des talents mais aussi à leur fidélisation. Un autre défi des managers des ressources humaines est le changement démographique de la force de travail au sein d’une entreprise. Les critères d’âges, de culture, d’ethnicité, de genres et d’aspirations ne sont plus du tout homogènes et sont très diversifié au sein de la population d’une entreprise donnée. Enfin la production de connaissance étant maintenant au centre de l’attention des entreprises, les postes ont donc besoin de compétences poussées et deviennent difficiles à standardiser.
Les ressources humaines ont l’occasion avec les nouvelles technologies mise à disposition par le phénomène des Big Data de pouvoir transformer leur métier, de se placer en tant que partenaire stratégique de l’entreprise en utilisant des outils jusque là utilisés uniquement par les services marketing. Des outils d’analyses qui permettent de segmenter la population de l’entreprise, d’utiliser la quantité énorme d’informations disponibles sur le personnel pour pouvoir mesurer et chiffrer l’impact des politiques ressources humaines mise en place au sein de l’organisation. Les données sont devenues une ressource clé pour les DRH.
Ceci a toujours été le cas auparavant, on nous fera observer que les acteurs des ressources humaines ont toujours utilisé des données pour effectuer leurs analyses, le reporting et le bilan social de l’entreprise sont souvent cités pour rappeler que l’analyse RH existaient bien avant le boum du big data et de ce fait l’analytique RH n’apporte pas de nouvelles garanties à la fonction.
Il est donc nécessaire de comprendre ce qu’est l’analytique RH par rapport au pilotage RH, la différence entre l’ancienne méthode et la nouvelle méthode. Jean Marie Peretti disait : « l’émergence de l’analytique RH s’inscrit dans le prolongement des efforts plus anciens pour développer la mesure en GRH, construire des indicateurs valides et fidèles, identifier des référentiels pertinents, recueillir et traiter un nombre croissant de données objectives et subjectives, internes et externes, collectives et individuelles ». L’analytique RH est donc une suite logique de travaux posés par les précurseurs de l’insertion des mesures dans la gestion des ressources humaines, on peut citer entre autres l’étude réalisée à Hauthorne qui faisait la relation entre le changement de l’environnement de travail et la motivation du personnel, l’utilisation d’instrument comme le FIRO, le Belbin test, et les grands tests de personnalités validés statistiquement pour obtenir des résultats fiables.
Toutes les étapes de la vie du contrat de l’employé sont enregistrées et stockées, ces données précieuses ne sont utilisées que pour le pilotage opérationnel et dans une finalité informative pour renseigner sur l’état des lieux. La majorité des données ne sont pas exploitable par l’informatique car non numérisées. Les outils utilisés sont le plus souvent le bilan social et les tableaux de bord RH qui répondent à des questions précises (où en sommes-nous ? quelle est la situation ?). La pyramide des âges est très importante dans l’analyse des effectifs et fournie par l’utilisation de statistique simple des informations importantes sur le risque de pertes de compétences, de vieillissement de la population, et l’état du renouvellement des effectifs. Le pilotage des RH permet donc d’obtenir une photo de la situation actuelle de l’entreprise. On peut en tirer par le croisement des données RH entre elles des réponses qui serviront à résoudre les problèmes constatés. Le taux d’absentéisme par exemple ne permettra pas d’expliquer pourquoi les employés partent de l’entreprises ni d’identifier si l’absentéisme est dû aux manques de formations, ou au temps de travail ou même à la nature du travail.
Actuellement on assiste à une digitalisation croissante des services de ressources humaines. L’adoption des systèmes d’information RH permetde centraliser, hiérarchiser et classer les informations relatives à leur service. Le pilotage RH seul ne peut pas justifier l’impact des politiques RH sur les résultats de l’entreprise. Les nouveaux outils issus des Big Data permettent aux services marketing d’avoir des mesures concrètes de leurs actions, d’affiner au mieux leur stratégie et d’améliorer leur connaissance des clients. Dans le même sens l’usage de ces outils proposent un nouveau discours aux services ressources humaines. L’analytique RH prolonge la démarche du pilotage.
L’analytique RH engage les ressources humaines dans de véritable politiques RH anticipant le court terme, le moyen terme et le long terme. L’analytique RH vise une finalité décisionnelle, elle répond aux questions sur le pourquoi et le comment, en ressortant les déterminants de situations constatées par le pilotage. L’analytique RH par ces outils avancés permet d’exploiter la masse de données collectées à dominante RH par les différents SIRH. La première différence est l’usage de statistique décisionnelle et inférentielle par les algorithmes qui traitent les données. Les analyses résultant de l’analytique sont donc plus poussées car elles mettent en relation les données issues des SIRH avec des données d’autres services et mêmes des données externes à l’entreprise. Elle permet donc d’identifier des tendances et de proposer l’explication de certains phénomènes, d’anticiper les besoins de l’entreprise et les comportements des employés pour mettre en place une véritable stratégie. L’analytique RH permet donc de passer de l’attitude de constatation à une attitude anticipative et même prédictive.
Les avantages sont perceptibles sur la qualité des recrutements, car les algorithmes permettent d’analyser les critères et les résultats des initiatives de recrutement, de cibler les sources pour les meilleures candidatures, de cibler les salariés les plus impliqués. Elle permet entre autres d’apporter des chiffres dans les discours des acteurs des ressources humaines qui peuvent justifier avec des mesures la portée de leurs actions. Le gain de temps est aussi un avantage de l’analytique RH, car les recherches et les corrélations se font plus rapidement.
La prédictibilité que confère l’analytique permet de répondre aux besoins de compétitivité des entreprises en permettant d’anticiper le turn over et retenir les talents dans l’entreprise. Le souci de personnalisation des offres aux personnels trouve aussi une solution dans l’analyse des données récupérées sur le personnel. L’accroissement continue des données sur le personnel par le biais des réseaux sociaux et même plus loin par le biais des objets connectés permet de créer un cadre de travail propice pour la rétention du personnel à fort potentiel. Assurant ainsi le maintien de la compétitivité des entreprises.
Quelques étapes sont nécessaires pour l’instauration de l’analytique RH. Les responsables des ressources humaines doivent assumer leur place de partenaires de l’entreprise :
- En définissant des priorités. Ils doivent comprendre les enjeux business de l’entreprise, définir avec les dirigeants des attentes claires sur comment l’équipe en charge des analytiques va soutenir le business et quel support sera nécessaire. L’identification des types de données nécessaire pour réussir la stratégie RH au service de l’entreprise est aussi importante, et enfin faire l’état des lieux de l’ensemble des données isolées qui nécessitent d’être numérisées.
- Il faut ensuite mettre en avant le ROI d’un investissement en analytique RH qui est peu coûteux mais permet un gain de temps énorme dans les processus de prises de décision et d’analyse des indicateurs.
- Repenser le service RH en y intégrant les chefs de projet informatique qui pourront exploiter aux mieux les données utiles aux analytiques RH qui auront été préalablement formalisées par un membre de l’équipe RH
L’adoption de l’analytique des ressources humaines est inévitable, mais il existe encore quelques freins qui ralentissent son établissement, il s’agit :
Du manque de compétences analytiques dans les ressources humaines actuellement, qui s’explique par la sous-évaluation de la valeur de l’analytique. Le sujet est perçu comme complexe et non nécessaire car les motivations humaines ne peuvent pas être quantifiées et mesurées efficacement par des outils informatiques, cette perception est principalement due à un manque de formations statistiques et analytiques des leaders RH actuels. Il n’est pas nécessaire pour les acteurs RH de comprendre tout l’algorithme mais les bases qu’il utilise les logiciels pour pouvoir expliquer ensuite les prédictions ou la valeur attribuée à tel ou tel employé, pour pouvoir assurer une bonne saisie des données nécessaires aux fonctionnement de l’algorithme.
- La lenteur et la complexité des traitements statistiques. En statistique les hypothèses de départs ne sont pas facilement validables, car il manque des données de qualités, et quand bien même les données existent il faut les nettoyer avant d’en extraire des informations pertinentes. Les analyses et interprétations et même la présentation des résultats nécessitent un peu de temps.
L’analytique RH va certainement révolutionner les pratiques RH dans l’avenir, en posant le spécialiste RH comme un partenaire valable de l’entreprise autant que les finances et le marketing, en leur procurant des mesures et des arguments chiffrés de leurs interventions, mais cela passera inévitablement par une métamorphose de la fonction dans le but d’acquérir des compétences analytiques et statistiques qui manquent actuellement aux ressources humaines. L’avantage des nouvelles technologies permet d’automatiser ces calculs statistiques ce qui fait qu’il sera plus facile de faire la transition.
Par Kevin Kowu, promotion 2017-2018 du M2 IESCI
WEBOGRAPHIE
http://www.jobsferic.fr/Le-poste-de-HR-Data-analyst-requiert-une-double-competence.html
https://blog.deloitte.fr/hr-analytics-le-prochain-graal-des-ressources-humaines/
https://www.entreprendre.ma/L-analytique-RH-formidable-outil-de-dialogue-social_a7269.html
http://blog.markess.com/2016/06/analytique-rh-realites-besoins-et-perspectives-2018-france/
https://blog.monkey-tie.com/big-data-disrupte-rh/
http://archives.lesechos.fr/archives/cercle/2014/03/24/cercle_92916.htm
https://mesurerlecapitalhumain.wordpress.com/category/analytique-rh-2/
https://www.soprahr.com/fr/analytique-rh
http://blog.markess.com/2016/06/analytique-rh-realites-besoins-et-perspectives-2018-france/
http://rh.sia-partners.com/les-rh-analytics-nouvel-oracle-des-drh