Dans la crise économique du moment, on se pose beaucoup de questions sur la situation de la monnaie européenne, l’euro. Beaucoup d’experts européens sont partagés sur le sujet. Faut-il conserver l’euro ou sortir de la monnaie européenne. Il y a de bons arguments dans les deux positions pour la sortie ou contre la sortie de l’euro.
Tous les points de vue sont importants à connaître pour affirmer son opinion sur le sujet. Pour mieux juger, j’ai choisi un article récent et intéressant sur les réflexions du Groupe Glienicke[1]? (Ces réflexions ont d’ailleurs fait l’objet d’un manifeste actuellement en ligne pour signature. Il contient déjà les signatures de personnalités qui font référence).
Dans cet article paru dans la revue « Alternative Economique » numéro 333 de Mars 2014 la question de l’euro est traitée sous trois points que ces experts suggèrent d’étudier pour argumenter qu’il est préférable de ne pas sortir de l’euro :
En premier, ils proposent d’unifier l’impôt sur les sociétés (aujourd’hui, en Europe, il y a 18 systèmes sociaux et fiscaux différents qui génèrent des concurrences sauvages).
En second, le groupe de Glienicke affirme qu’il paraît important de donner à l’Europe un gouvernement parlementaire différent du parlement européen actuel.
Enfin, leur dernière proposition serait de mutualiser partiellement les dettes des pays membres. (Actuellement, il y a une monnaie unique et 18 dettes publiques différentes).
L’ensemble de ces trois points constitue, pour eux, un avantage pour conserver l’euro au sein l’Union Européenne.
Etudions leurs arguments.
- Unifier l’impôt sur les sociétés
Ils suggèrent que les différents pays de l’union doivent mettre en commun leur façon d’imposer les bénéfices sur les grandes sociétés. La taxation des entreprises est différente selon les pays.
Ils proposent d’abord aux deux puissances économiques de la zone, la France la France et l’Allemagne, d’harmoniser leur pratique d’imposition. Chaque pays de la zone est le seul contrôleur de son taux d’imposition. Ils formulent l’idée d’avoir une assiette de taux d’imposition commune.
Ensuite, pour avoir un équilibre sur les taux d’imposition des tous les pays, le groupe de réflexion allemand avance que soit instaurée une assiette d’imposition sur les sociétés de 20% minimum et 10% d’impôt prélevé en plus au niveau fédéral. Cette dernière somme collectée servira à la relance économique européenne : l’éducation et la formation, l’aménagement du territoire (infrastructures routières, ferroviaires …).
Certes, chaque pays de l’Europe paie déjà des impôts à l’Europe. Mais ces taux d’impositions diffèrent selon les pays et la situation économique de ces pays. Ce qui ne semble pas constant dans le temps, ni juste les uns par rapport aux autres.
Pour que le nouveau système fonctionne mieux, trois conditions de réalisation sont préconisées, parmi d’autres :
-Généraliser l’échange automatique d’information bancaire.
-Harmoniser la progressivité de l’impôt sur les revenus et les patrimoines.
-Lutter contre les paradis fiscaux …
Ces propositions ne sont sans doute pas celles de tous les économistes mais elles ont l’avantage d’être exposées et argumentées dans le sens d’un renforcement de la zone euro, pour une meilleure « union politique de l’euro ».
- Donner à l’Europe un gouvernement parlementaire plus représentatif.
Dans l’Europe actuelle il y a déjà un parlement à Strasbourg. Mais le groupe Glienicke pense que ces élus européens ne sont pas assez représentatifs. Ils sont élus bien entendu mais ils sont plus représentatifs de leurs groupes politiques que des citoyens.
Pour améliorer la chambre parlementaire actuelle, ils proposent une nouvelle chambre qui serait composée par des députés des parlements nationaux. Cette idée de nouveau parlement appelé “chambre européenne” n’est pas nouvelle. Elle a déjà été théorisée par Joschka Fisher[2] dès 2011 (homme politique allemand, ancien Ministre des Affaires étrangère, partisan d’une Europe Fédérale).
Par rapport au parlement actuel, la nouvelle institution serait susceptible d’avoir une union plus forte pour prendre des décisions économiques dans une Europe en crise. Cette “Chambre Européenne” aurait en conséquence un Ministre des Finances pour mieux faire face à la crise économique et monétaire. Une instance Européenne plus représentative et donc plus démocratique aura plus de force politique et économique, surtout avec l’adhésion des citoyens.
- Mutualiser partiellement les dettes:
C’est un des champs les plus sensibles à aborder. Beaucoup de citoyens européens ne sont pas favorables à payer la dette d’un autre pays. Or, selon le groupe de réflexion, la seule façon de s’en sortir et définitivement, c’est de mettre en commun les dettes des pays.
Cela consisterait à faire partager par tous les pays de l’Europe à la Zone Euro les dettes de certains de ces pays, qui dépassent 60 % du produit intérieur brut (PIB). Dès 2011, des spécialistes économistes le conseillaient à la chancellerie allemande.
Pour garantir le bon fonctionnement et éviter la spéculation, il y a là aussi des conditions préalables. Pour que les décisions politiques à prendre soient acceptées, il faut qu’elles soient prises par une chambre européenne (chambre européenne dont il est question plus haut). Cette chambre fixera le niveau de déficit commun.
(Actuellement, il existe déjà des moyens d’éviter la spéculation sur la monnaie européenne. L’OMT (Outright Monetary Transactions) est le mécanisme européen de stabilité actuel.)
On comprend que les propositions sont issues d’un courant politique particulier, celui du groupe de Glienicke. Elaborées dès 2011, à partir des pensées politiques et économiques de Joschka Fisher, elles vont dans le sens d’une Europe plus unie, plus démocratiquement représentée, et plus fédérale dans ses décisions. On peut être d’accord, on peut s’y opposer. L’important est de souligner que si rien n’est fait, il existe la tentation d’un repli national de chacun des pays membres, une augmentation des tensions politiques et économiques avec la spéculation des marchés. Les difficultés ne risqueraient-elles pas alors d’être encore plus grandes que la crise actuelle ?
Source : Alternatives Economiques, n°333 mars 2014.
Ibrahima DIALLO