Il est important de noter que l’union européenne est un partenaire commercial des pays africains depuis très longtemps, et leurs rapports commerciaux remontent depuis les relations de coopérations économiques et commerciales nées de l’époque coloniale, et ayant pris plusieurs formes au cour du temps, cependant ce qui nous intéresses présentement ce sont les APE ( accords de partenariat économique) entre l’union européenne et les pays d’Afrique, d’entrée de jeu nous pouvons considérer les APE comme étant les accords commerciaux dont l’objectif est de développer le libre-échange entre l’Union Européenne et les pays dits ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique).
Les APE tels que nous pouvons observer sur le site EUROPEAID (qui est une direction générale de la commission européenne créée en janvier 2001 et ayant pour mission de mettre sur pied les instruments d’aide extérieure de ladite commission. ) présentent des arguments d’améliorer l’environnement des entreprises des pays signataires, de créer des marchés régionaux et en voie de conséquence d’encourager une bonne gouvernance économique grâce à une coopération régionale renforcée dans le domaine commercial, etc…donc vue sous cet angle les APE seraient ainsi pour la commission européenne le meilleur moyen d’achever l’une de ses missions qui lui tient vraiment à cœur depuis très longtemps, celle du développement des pays africains si l’on s’en tient à une déclaration faite en 1950 par l’ancien ministre Français des affaires étrangère Robert Schuman : « L’Europe pourra avec les moyens accrus, poursuivre la réalisation d’une de ses tâches essentielles : le développement du continent africain. » (Alioune Souaré., Jean-Pierre Dufau , 5-8 juillet 2011, p. 4-31.).
Ainsi sans trop nous attarder sur la littérature existante autour du sujet nous devons retenir que les pays membres signataires des APE avec l’Union Européenne sont aux nombres de 79 et dénombrés de la manière suivante : 48 pays de l’Afrique sub-sahariens, 16 pays des Caraïbes ont signés un APE complet et 15 pays du Pacifique dont la majorité ont signés des accords intérimaires. Pour ainsi simplifier nos analyses sur les arguments avancés en faveur des APE, nous nous sommes proposés de nous limiter sur les pays d’Afrique car ces pays dits ACP présentent un niveau de développement plus ou moins similaire d’où le choix de baser nos analyses sur l’Afrique. En effet le but de notre analyse vise à vérifier si les APE tels que présentés pourraient réellement à long terme développer les pays ACP en générale.
Les APE comme nous avons définis plus haut, laissent paraître dans sa définition un mot que nous ne pouvons aucunement ignorer : le libre-échange, pouvant être résumé comme étant la mise en place des moyens ayant pour but d’accroître le commerce international, par la suppression des barrières tarifaires comme les droits de douane et des barrières non tarifaires comme les normes techniques ou sanitaires, les textes législatifs favorisant les entreprises nationales, etc…Cependant il est important de ne pas se tromper que le libre-échange n’est pas la mondialisation,pouvant être considérée comme un libre échange au sens large dans le sens où elle tient compte des mouvements de travailleurs ainsi que les capitaux, alors que le libre-échange dans ce cas de figure se limite uniquement sur les exportations et importations des biens et services.
En outre avant de continuer notre analyse ne perdons pas de vue que les APE tels que encouragés par l’Union Européenne a pour objectif final de développer les pays ACP en général et d’Afrique en particulier, pour ce faire notons que l’Union Européenne dans sa démarche prévoit dans les APE une rubrique d’aide au développement caractérisée par le financement des secteurs tels que l’agroalimentaire, l’industrie, les infrastructures qui contribuera très certainement à l’amélioration de l’environnement des entreprises (EuropeAid, 17, décembre 2012). La question que nous nous posons pour vérifier la véracité ainsi que l’efficacité d’une telle initiative de l’Union Européenne dans le développement de ces pays est la suivante : est ce que les pays ACP une fois ayant obtenus de nouvelles infrastructures, de nouvelles machines dans leurs industries, ou bien même de l’argent en quantité illimité seront aussi compétitifs ? Ou encore permettront-ils à leurs entreprises d’être compétitives à l’échelle mondiale ? Et en voie de conséquence feront d’eux des pays développés comme la France , l’Allemagne ?
Julius Nyerere l’ancien président Tanzanien déclarait : « le développement d’un pays s’opère grâce à l’homme et non grâce à l’argent. L’argent et la richesse qu’il représente, n’est pas le point de départ du développement, il en est le résultat. » (Paris, UNESCO : bureau international d’éducation ; vol xxiv,n°1-2, 1994, p.253-266.), on peut très bien comprendre que c’est le développement humain, et non l’acquisition de nouveaux matériaux qui permettront de préserver la liberté et la dignité véritable de l’homme. Ainsi la construction des infrastructures, des routes, des bâtiments, l’octroient de nouvelles industries ne sont que les instruments du développement et non le développement lui-même. Cependant est ce que Julius Nyerere a raison dans sa déclaration ?
Lorsque nous examinons le tissu économique des pays Africains nous remarquons que ces derniers sont restés dans l’ancienne division internationale du travail c’est à dire la spécialisation selon les avantages comparatifs de David Ricardo qui voudrait que chaque pays se spécialise dans la production pour laquelle il dispose de la productivité la plus forte ou la moins faible, ainsi ceux-ci se spécialisent tous dans les matières premières premières, et les produits agricoles dont les prix dépendent du marché mondial, et possèdent en plus des rendements décroissants ( Erik Reinert, 2012), ce qui a rythme avec la compétitivité prix de leurs entreprises traduit par des produits standards, car la spécialisation à la Ricardo ne tient compte que deux facteurs de production le capital et le travail, contrairement aux pays de l’Union Européenne qui se spécialisent selon les avantages concurrentiels de Michael Porter qui proviendrait du facteur du capital humain spécialisé par rapport au besoin particulier de l’industrie accompagné d’une production de plus en plus immatérielle dans tous les domaines, ces avantages concurrentiels dépendent également de la technologie (TIC), par ricochet le capital humain et la technologie spécialisée sont deux facteurs de productions construits rares, qui signifieraient plus difficiles à imiter et nécessitant des investissements coûteux et soutenus pour les créer. (Camille Baulant, 2008), ces avantages concurrentiels s’accompagnent avec des innovations permanentes qui pourraient se traduire par la différenciation des produits, qui auront pour finalité des rendements croissants. Eu égard nous pouvons ainsi déduire que l’acquisition de nouvelles industries, et infrastructures par les pays africains ne leurs donneront aucunement la technologie, mais tout simplement de nouvelles machines qui deviendront obsolètes en très peu de temps, car la concurrence actuelle est très pernicieuse, les entreprises innovent tout le temps, et celles qui n’innovent pas en permanence sont appelées tout simplement à disparaître, Alcatel et Nokia en savent quelque chose ; par contre nous remarquons bien que c’est pas les nouvelles machines qu’il faut aux pays africains pour qu’ils soient compétitifs, mais plutôt qu’ils soient capable de développer leurs propres technologies au lieu d’utiliser des machines qui seront obsolètes au bout de quelques temps, et pour ce fait, ils devraient commencer par apprendre à copier et reproduire les technologies déjà existantes, car aucun transfert de technologie n’existe en tant que tel donc c’est à chacun d’aller chercher et l’appliquer ou l’adapter dans le contexte de chez lui. Nous pensons également que la réussite de ces pays passera par leurs libérations totales et absolues des impasses technologiques, qui seront accompagnées par la formation des ingénieurs de pointe adaptée aux besoins du continent et la recherche doit être orientée en fonction des besoins spécifiques présent et future ; ce qui revient à dire la signature d’un APE finale entre ces deux continents ne peut tourner qu’en faveur de l’Union Européenne car les APE finaux supposent la suppression totale des droits de douane, bref la suppression totale des barrières tarifaires et non tarifaires, dans un tel schéma l’Afrique ne sera qu’un marché de consommation des produits Européens car les entreprises Européenne à l’heure actuel sont plus innovantes que celles d’Afrique et en plus disposent également d’une trésorerie énorme qui pourront leurs permettre d’adopter une compétitivité prix afin d’écraser la concurrence, sans oublier qu’elles bénéficies le plus souvent des subventions des États. En définitif les pays Africains ayant signés un APE intérimaire ne doivent pas signer un APE définitif, car un tel accord laisse présager une dégradation totale du tissu économique de ces pays ce qui signifie la fermeture des entreprises locales et en conséquence le chômage, mais le plus inquiétant est de savoir où iront ces chômeurs ? Car dans les clauses de l’accord un tel problème n’est pas pris en compte, donc, ils seront tout simplement piégés à l’intérieur du continent.
Pour conclure nous pouvons noter que l’Afrique n’est pas prêt à une ouverture total de son économie, à cause sa fragilité, et nous savons aussi que tous les pays industrialisés ont réussies leurs industrialisations en se fermant, et l’ouverture s’est fait de façon progressif et selon les secteurs (Erik Reneirt, 2012 ) ; Cependant les APE intérimaires sont bénéfiques pour les pays Africains car les clauses tiennent compte de l’écart qui existe au niveau du développement entre l’Europe et l’Afrique, par contre un APE complet et définitif tel qu’il se présente pourrait engendrer une perte totale de leurs souverainetés. Le continent africain aussi convoité par toutes les puissances est-il prêt à sonner la révolte et mettre fin à 500 ans de domination économique et politique ?
ZEBAZE TENESSO
BIBLIOGRAPHIE
CAMILLE : Les « avantages concurrentiels »et la « compétitivité informationnelle et stratégique », (17 janvier 2008 ) .
DUFAU, JEAN-PIERRE., SOURE, ALIOUNE : Les accords de partenariats économiques (APE) entre l’union européenne et les 79 pays d’Afrique, Caraïbes, Pacifique., (5-8, juillet 2011).
REINERT, ERIK : « Comment les pays riches sont devenus riches et pourquoi les pays pauvres restent pauvres », (13 mars 2012).