Les enjeux du système éducatif chinois à l’ère de l’économie de l’innovation

Selon les récents chiffres publiés par le Ministère de l’éducation, le Bureau d’Etat des Statistiques et le ministère des Finances chinois le 25 octobre dernier, la Chine aurait dépensé 3900 milliards de yuan, soit environ 506 milliards d’euros, seulement pour l’éducation en 2016. Cela représente une augmentation de presque 8% par rapport à l’année précédente et équivaut à 4,22% du PIB du pays. Que se cache derrière cette hausse continuelle du budget alloué à l’éducation chinoise ?

En dépit d’une crainte du parti communiste chinois par rapport aux populations intellectuelles, les chinois estiment les lettrés, personnes détenant le savoir, placées en conséquence au cœur du pouvoir. C’est donc sans surprise que nous constatons que l’éducation en Chine est le premier pôle de dépenses des ménages, une inscription à l’université représentant jusqu’à plusieurs années de revenus.

Deux écoles se distinguent tout de même, celle des villes et celles des campagnes qui ne fonctionnent pas à la même vitesse. Des inégalités d’accès à l’enseignement sont clairement visibles entre le monde urbain et rural malgré une tentative d’élévation des subventions des populations rurales qui restent très en retrait.

Ces étudiants chinois, de plus en plus nombreux, qui doivent étudier pendant 9 années minimum, se voient offrir des opportunités en travaillant dur et sans relâche. Cependant le système éducatif n’offrirait que de très petites voies pour les élèves qui voudraient se diriger vers des matières dites plus littéraires, comme l’histoire ou bien les sciences politiques. A vrai dire, on accorderait que très peu d’importance à l’apprentissage de l’esprit critique à l’école tandis que l’on prône les carrières scientifiques. Ainsi, quels sont les défis que le système éducatif chinois devra affronter dans les prochaines décennies, suite à l’essor de la culture de la connaissance et de l’esprit d’innovation ?

Rappel historique de l’éducation en Chine

L’histoire de l’éducation en Chine remonte à des siècles, plus précisément aux temps de Confucius avec son rapport maître et élève particulier. A l’époque, le système hiérarchique se devait d’être respecté, il faut écouter le maître et ne pas remettre en cause son enseignement. La quête de l’excellence en termes de respect des directives est primordiale, et doit débuter dès le plus jeune âge. Un élève considère qu’il est honoré de recevoir des leçons qu’il appliquera à la lettre, sans contester. La méritocratie est donc un terme ancré au cœur de la culture chinoise : “plus on se distingue des autres, mieux on se positionne pour entrer dans la fonction publique”.

Plus tard, sous les dynasties Sui et Tang, on assiste à l’émergence du “mandarinisme”, système où les postes sont distribués d’après les diplômes possédés, et non d’après les compétences. C’est ainsi qu’apparaît le Gaokao, la version chinoise du baccalauréat, établie en 1977 suite à la révolution culturelle (1966-1976). En découle la politique de l’enfant-unique qui poussera les familles à vouloir que leur enfant devienne un génie : les écoles d’élites sont alors très recherchées et à n’importe quel prix. A la fin des années 80, l’expression “素质教育” ou “enseignement qualifiant” positionne les qualifications au cœur de la concurrence internationale. Elle repose sur l’auto-discipline et le dévouement à l’élévation du niveau de la nation, fondé sur les principes politiques du Parti communiste.

Aujourd’hui, Shanghai et Pékin sont les 2 villes en tête du club C9, une association de neuf universités qui ont été sélectionnées en 1998 par le gouvernement chinois. Elles sont définies comme étant les universités les plus performantes au monde, atteignant l’excellence académique dans de nombreux domaines d’enseignement avec principalement les disciplines scientifiques.

La Chine, qui deviendra un pays développé dans quelques années, est un pays qui fait parler de plus en plus de lui, et son système éducatif y est salué aux quatre coins du globe. En effet, il encourage continuellement les élèves à adopter un esprit de compétition poussé parfois à l’extrême. Ainsi, les techniques d’enseignement attirent beaucoup pour cette raison, et en même temps, énormément d’étudiants chinois choisissent de partir à l’étranger. Comment donc expliquer ce phénomène ?

Comment la Chine s’ouvre au monde entier

La Chine est le premier exportateur mondial d’étudiants : en 2010 déjà, 1,27 millions d’étudiants chinois étaient partis à l’étranger pour étudier, selon le Ministère de l’éducation chinois. Ils étaient 29 000 dans l’hexagone seulement, soit dix fois plus qu’au début des années 2000. On présume que le Gaokao en est l’origine : réputé très compliqué, il détermine l’université dans laquelle un élève étudiera, et influera indirectement sur sa carrière professionnelle. Aussi, les familles des étudiants arrivent mieux à couvrir les frais de scolarité, car la majorité des étudiants chinois venus à l’étranger sont issus d’un milieu aisé, milieu qui prend de plus en plus d’ampleur en Chine ces dernières années.

Aussi, la Chine forme ses élèves au modèle occidental dans les écoles majoritairement privées. Des enseignants venus des Etats-Unis voire d’Europe, viennent enseigner leur discipline à des élèves qui parleront très bien l’anglais et seront en mesure de s’adapter à l’enseignement occidental lorsqu’ils intègreront une des grandes universités prisées à l’étranger. Cependant, cette opportunité se paye, et la majorité des étudiants n’en ont pas les moyens, ce qui favorise grandement les étudiants issus de milieux aisés.

A l’inverse, la part des étudiants du monde entier venant étudier en Chine explose également. Selon le Ministère de l’éducation en Chine, les étudiants étrangers venus en Chine étaient 400 000 en 2015 et grimpent à 443 000 en 2016. La Chine attire principalement ses voisins asiatiques qui représentent environ 60% des étudiants expatriés en Chine en 2016. Ces chiffres s’expliquent en partie par la proximité culturelle et linguistique des pays. Plus loin derrière, on retrouve les continents européen et africain, qui sont de plus en plus tentés par l’aventure chinoise.

Cette année seulement, 50 000 étudiants africains ont fait leur rentrée en Chine : ils sont vingt fois plus nombreux qu’il y a dix ans. A l’origine de cette ruée vers l’est, la distribution généreuse de bourse grâce à l’alliance sino-africaine qui permet aux étudiants d’être logés gratuitement, de ne pas payer des frais de scolarité et de suivre un programme sur-mesure.

Ces étudiants se rendent compte des réels avantages à étudier en Chine, notamment en ce qui concerne l’intensité de travail, puisque les élèves apprennent à travailler dur et à être réguliers dans l’effort, tout comme les jeunes chinois. La Chine prônant les relations humaines, beaucoup apprécieront le soutien de leurs camarades chinois durant leur séjour.

Le rythme de travail des chinois est tout de même acharné et le système éducatif dit “qualifié” ne répond pas à certaines attentes en termes de pluridisciplinarité : il existe un cercle restreint des possibilités de carrière pour des étudiants désireux de se diriger dans des voies faisant appel à des notions d’histoire, de politiques, d’art, de littérature, ou bien de philosophie.

Les limites logiques d’un tel système

Dans la société chinoise actuelle, le futur des jeunes dépend de leurs études et de leurs diplômes universitaires. Pour accéder à une université renommée, il faut avoir obtenu un bon résultat au Gaokao et pour ce faire, il faut étudier dans un bon lycée, un bon collège, une bonne école primaire, voire une bonne école maternelle. La compétition commence en quelque sorte dès la naissance.

Du coup les emplois du temps équivalent à quasiment un temps plein. Les lycéens passent près de 80 heures par semaine à l’école. Le temps moyen des cours est de 36,75 heures par semaine. De plus, le temps moyen passé à faire ses devoirs à domicile et à faire des études personnelles est de 31,5 heures. Par rapport aux pays de l’OCDE, le temps moyen passé à faire ses devoirs à domicile est de 7,9 heures hebdomadaire. En dehors des fêtes légales, les lycéens n’ont quasiment pas de vie sociale. Les élèves sont exténués et certains vont même jusqu’à dormir en classe. Ce qui ne laisse que peu ou pas de temps pour le jeu, le plaisir, autrement dit les activités qui participent au développement personnel de l’étudiant.

Le nombre d’élèves suivant des cours supplémentaires est maintenant phénoménal en Chine. Nous prendrons ici l’exemple d’une école primaire à Yili, dans la province du Xinjiang. La province du Xinjiang, située dans le nord-ouest de la Chine, a un niveau d’éducation relativement faible de manière générale. Nous allons donc étudier ici, un cas particulier.

Au fur et à mesure que l’élève avance dans les années, la proportion de participation aux cours augmente de manière équivoque. La proportion d’écoliers qui vont en classe supplémentaire est très élevée. Par conséquent, le comportement des écoliers participant à des cours extrascolaires est devenu un phénomène universel.

Par rapport au tableau 2, la plupart des écoliers de cette école passe moins de 6 heures sur les cours extrascolaires hebdomadaires, ce qui représente environ 87% du nombre total. Seulement un très petit nombre d’écoliers passe plus de 10 heures de cours par semaine. Généralement la majorité participante passe moins de 3 heures par semaine aux cours, on suppose durant les week-ends. Cependant les écoliers qui passent plus de 10 heures chaque semaine, participent à ces cours intensifs tous les jours.

Nous étudions seulement un cas spécial qui a un niveau d’éducation plus faible que les autres villes, du coup les parents ici dépensent moins pour les activités extrascolaires que dans les autres grandes villes, néanmoins les écoliers sont déjà beaucoup trop soumis au stress. Pour les étudiants des grandes villes, les cours sont nettement plus intensifs

Le travail “dur” est devenu une motivation intrinsèque pour les jeunes. Surtout “les trois Ku”, une métaphore populaire circule depuis longtemps à Huining, dans la province du Gansu. Ku (苦) en chinois signifie l’amer, la peine, la souffrance et l’acharnement, le travail pénible et difficile. Les trois Ku veulent dire que : les élèves apprennent avec acharnement, les parents les soutiennent difficilement, les enseignants leur enseignent péniblement. Et surtout pour les jeunes ruraux, le succès au Gaokao est le seul moyen de quitter le milieu rural. Le travail dur peut permettre d’obtenir de bons résultats momentanés, mais un enseignement basé sur ce travail dur peut nuire à l’intérêt personnel et surtout détruire l’esprit d’innovation. C’est la vraie crise de l’éducation en Chine.

Culturellement, la Chine a toujours valorisé une culture de l’imitation. “Copier c’est apprendre”. C’est un système qui ne laisse pas de place à la liberté de pensée. Une question au professeur peut être perçue comme un manque de respect, d’où l’absence de dialogue en classe. Les enseignants parlent, les élèves écoutent. Le professeur est très strict sur la discipline. Il n’y a pas vraiment d’échanges, même en cours de langue, c’est un apprentissage par mémorisation. Il n’y a pas de développement de l’esprit critique, les élèves font exactement ce que le professeur dit, d’où le manque de capacité créative.

CONCLUSION

Le système éducatif chinois change petit à petit au profit du succès de chaque enfant, car le modèle éducatif chinois se voit copier de plus en plus le système occidental en termes d’épanouissement personnel.

Suite au 19ème Congrès National du Parti Communiste chinois, le président chinois Xi Jinping a souligné, “l’éducation doit être une priorité.” Au cours des cinq dernières années, le budget alloué à l’éducation a clairement explosé mais le niveau de civilisation doit encore être amélioré.

Grâce à l’amélioration des conditions de vie du peuple, la priorité devrait être accordée au développement de l’éducation. La qualité et la moralité de l’éducation sont le fondement du parti communiste chinois, la modernisation de l’éducation doit donc être accélérée et doit bien organiser les activités autour du peuple. Idéalement, on attend le développement d’une éducation de qualité, la promotion de l’équité de l’éducation, de la culture socialiste qui permettent l’épanouissement.

Il faudrait promouvoir une attache de grande importance au développement de l’enseignement obligatoire dans les zones rurales. Il est important de laisser aux élèves la place de penser par eux-mêmes afin de les aider à forger un esprit critique en développant, par exemple, de plus en plus d’activités qui leur permettront de s’épanouir. Dans les écoles privées chinoises, il y a un réel échange entre professeurs et élèves, on leur laisse la parole pour exprimer leurs idées, leur manière de penser. On laisse alors place à cette capacité de réfléchir qui s’avère particulièrement utile dans cette ère de l’innovation. Des démarches qui s’avèrent payantes car l’élève atteint enfin son bonheur personnel avant celui de la nation.

Par Maëlle Texier et Yuan Wang, promotion 2017-2018 du M2 IESCI

BIBLIOGRAPHIE

Histoire de l’éducation – Yiping Huo, Année 1994, Volume 61, Numéro 1, pp. 41-59 “La recherche en histoire de l’éducation chinoise en Chine”.

WEBOGRAPHIE

https://ries.revues.org/3712

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https://www.forbes.fr/classements/dou-vient-la-legitimite-internationale-du-tres-mediatique-classement-de-shanghai/

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http://www.hec.fr/var/fre/storage/original/application/8327838d5a4543f01535c9a6eead8685.pdf

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