Chacun a déjà lu, vu, entendu des reportages sur le virus Ebola qui sévit en réalité depuis la fin de l’année 2013 (il semble désormais acquis que les premiers cas d’épidémie aient été déclarés dans un petit village de Guinée, Méliandou). Aujourd’hui les chiffres de pertes en vies humaines avoisinent les 6.000 à 7.000 décès, sur au moins trois pays de l’Afrique de l’Ouest, la Guinée, le Libéria et la Sierra Léone.
Tout le monde est conscient des drames humains qui sont quotidiennement vécus par les familles touchées par la maladie et la perte de leurs proches. En même temps, les risques de pandémie semblent cernés, même si quelques cas se sont déclarés dans d’autres pays du monde, tout particulièrement dans le personnel médical. En quelque sorte, on pourrait presque dire que le monde respire à nouveau.
En réalité, il ne s’agit pas que de questions de santé qui sont et restent préoccupantes. Les conséquences économiques, sociales, sociétales seront peut-être encore plus longues à conjurer. Les corps meurent ou guérissent. Un jour, des vaccins apporteront d’autres solutions. Mais les esprits ont changé.
Tout d’abord, les précautions nécessaires à ce que le virus ne se répande pas plus vont à l’encontre des habitudes de vie africaine où les liens entre personnes sont ceux de la proximité et du partage. Le virus a cassé ce lien entre les vivants, au sein des villages, des communautés et même des familles. Désormais, même entre soignants, la distance s’impose comme une règle de vie, non par méfiance mais par nécessité. Cela modifie profondément les comportements des personnes les unes par rapports aux autres.
Dans les familles touchées par la maladie, ce phénomène comportemental est encore accentué lors des cérémonies mortuaires. Quelles que soient les appartenances culturelles, les règles imposées par les autorités sanitaires, souvent extérieures aux pays, obligent à changer toute une histoire des rites ancestraux, culturels ou cultuels. Là elle est le risque d’une fracture à réparer. Cela prendra sans doute beaucoup plus de temps que l’administration d’un vaccin pour la guérison du corps.
Il est peut-être même possible que les mentalités changent de manière encore plus durable et plus profonde car si la maladie poursuit sa trajectoire, tous les aspects des échanges vont se trouver impactés. A commencer par celui de la scolarisation, de la formation et de l’éducation. L’avenir des jeunes africains s’en ressentira si nous ne prenons pas conscience de ces bouleversements. Déjà, la vie économique est ralentie (on chiffre à plusieurs milliards de dollars les pertes économiques dans les prévisions de développement). Mais a-t-on mesuré aussi les conséquences pour tous ces jeunes actuellement privés d’école, d’apprentissage ? Aujourd’hui, en décembre 2014, ni la rentrée scolaire ni la rentrée universitaire ne sont encore faites. Depuis les vacances dernières, on peut dire qu’environ 6 mois ont été perdus dans tous les genres de formations.
La formation est essentielle pour le développement de chacun de ces pays. Sa jeunesse n’est pas uniquement à considérer sous l’angle de son insertion économique. Il ne faut pas oublier toute l’éducation, à la fois traditionnelle et moderne. Déjà, vis-à-vis de l’apparition du virus, toutes sortes de théories voient le jour (théorie du complot, malveillance venue d’ailleurs ; …).
Il y a de toute façon une urgence de réponse rapide aux problèmes multiples posés par le virus Ebola. Devant cette urgence ne serait-il pas nécessaire d’utiliser les vaccins expérimentaux pour sauver quelques vies humaines même au risque d’autres conséquences non mesurables encore aujourd’hui ?
La question est posée à tous les responsables de la vie publique. Les systèmes de santé doivent être revus tant dans les pays africains concernés que dans les organismes internationaux comme l’OMS. L’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest est plus qu’une question de santé.
Ibrahima DIALLO, étudiant promotion 2013-2014 du M2 IESC