Le Venezuela : De la révolution bolivarienne à une crise économique catastrophique

Introduction :

Le Venezuela, beaucoup lui prédise une fin d’année difficile et une année 2016 encore pire ! Les caisses de l’État sont vides et les perspectives d’amélioration de la situation économique et sociale sont faibles.

Pourtant, le pays possède bien des atouts dans notre économie mondialisée, comme des plages de carte postale pour attirer les touristes, des ports pour commercer avec le monde, des terres agricoles fertiles mais aussi un sous-sol plein de richesses, avec du minerai de fer, de l’or, de la bauxite et des diamants (minerais précieux). Mais surtout pour compléter le tableau, le Venezuela est assis sur 300 milliards de réserves de barils de pétrole, ce qui le place en première position devant l’Arabie Saoudite et ses 270 milliards en réserve avec respectivement 17.5% et 15.7% des réserves mondiales d’hydrocarbure. Le pays a longtemps profité de la manne pétrolière pour doper sa consommation intérieure avec la hausse continue des cours du pétrole dans les années 2000. La pauvreté a reculé drastiquement grâce à la redistribution de la rente pétrolière menée par Hugo Chávez durant cette période. Le pays exporte 2.72 millions de barils par jour (situation en 2014), mais cette production est en recul comparativement à 2004 avec -18%. Ce recul prend racine dans les retards d’investissements consentis par le gouvernement qui contrôle la production du pays et la nature du pétrole extrait.

Malgré cela, aujourd’hui avec l’économie mondiale qui a ralenti, les Vénézuéliens sont forcés par le gouvernement au rationnement obligatoire et cela touche tous les biens, excepté le pétrole qui lui est toujours subventionné à quelques centimes le litre.

Comment en est-on arrivé là ? Et pourquoi le pays est devenu la 3ème nation après la Corée du Nord et Cuba à imposer un rationnement à sa population ?

A la base, il y a la révolution Bolivarienne des années 1990-2000 :

Dans la seconde moitié des années 1980, l’économie du Venezuela, pays exportateur de pétrole qui fait partie de l’OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole), a subi de plein fouet le contre choc pétrolier.

Le contre choc pétrolier, c’est la forte dépréciation du prix de l’or noir. Celui-ci fait suite aux accords entre les États-Unis et l’Arabie Saoudite sur une augmentation de la production de pétrole qui intervient pour satisfaire deux objectifs complémentaires. Le premier est de répondre aux besoins énergétiques des pays occidentaux à peine remis du 2nd choc pétrolier de 1979, qui avait fortement impacté l’économie mondiale. Le second est plus politique, puisqu’il vise à déstabiliser le bloc soviétique qui exporte du pétrole et qui mise sur cette rente pour soutenir son économie et celles de ses alliés du bloc communiste. Cette première hausse des volumes va entraîner un cercle vicieux autour du prix de l’or noir, avec une baisse du prix de celui-ci puis une nouvelle hausse des volumes de production afin de couvrir la perte de revenus pour les pays exportateurs de pétrole. L’augmentation de la production pour couvrir les pertes engendrées par la baisse du prix du pétrole, entraîne une surproduction qui fait mécaniquement baisser les cours du brut dans le monde.

Au Venezuela, la crise économique s’empare du pays et s’ensuit une crise sociale qui va rendre le pays politiquement instable alors qu’il est plutôt en bon terme avec les États-Unis, son premier client pour les exportations d’hydrocarbure. Le 4 février 1992, des parachutistes dirigés par Hugo Chávez tentent un coup d’Etat, mais sans succès. Chávez, qui se sentait investi d’une « mission au service du peuple » pour lui rendre le pouvoir et couper les liens avec les États-Unis, sera condamné à 30 ans de prison. Il puise alors son inspiration dans la pensée de Simon Bolivar, figure emblématique de l’émancipation des colonies espagnole d’Amérique du Sud. Deux ans plus tard, il sera gracié, on pourra suivra son ascension fulgurante au pouvoir avec son élection à la présidence du pays en 1998. C’est la révolution Bolivarienne !

De là, le pays va changer en profondeur, instituant le « plan bolivar 2000 » avec la légitimation des actions du gouvernement Cháviste par des référendums révocatoires. Hugo Chávez va reprendre le contrôle sur des pans entier de l’économie avec l’appui du peuple, notamment les secteurs pétroliers et miniers via des expropriations retentissantes comme celle d’Exxon Mobil, puissante compagnie pétrolier Américaine au milieu des années 2000. La majeure partie de la population suit son leader car il instaure une politique massive de redistribution des richesses avec notamment l’instauration de repas gratuits dans les écoles, l’augmentation du nombre de bénéficiaires des pensions de retraite et d’invalidité, de grands plans de construction de logements sociaux et des nationalisations de banques, etc… Le financement est alors facile. L’économie mondiale a besoin de pétrole, les prix flambent, ce qui viabilise alors cette politique et assure une véritable rente au pays, même si le déficit budgétaire se creuse au fils des ans suivant les soubresauts du prix du baril de pétrole sur les marchés mondiaux. Les exportations de pétrole assurent alors 96% des rentrées de devise dans le pays et 50% des recettes budgétaires. Le pétrole devient même un levier de pression politique, avec l’instauration du programme PetroCaribe en 2007, qui vise à soutenir les pays alliés politiquement avec le Venezuela, tel que Cuba avec l’envoi de pétrole fortement subventionné sur les prix. Cette arme, Chávez l’utilisera à plusieurs reprises pour solidifier les relations entre certains pays d’Amérique du Sud, comme ce fut le cas en 2009 où le Venezuela avait suspendu ses livraisons d’hydrocarbure au Honduras pour faire pression sur les putschistes de l’époque et faire revenir l’ancien président déchu par la force, Manuel Zelaya.

Le constat d’aujourd’hui avec la chute des cours du brut dans le monde :

Aujourd’hui la manne financière conjoncturelle due au pétrole, dont a bénéficié le pays pendant les années fastes s’est réduit à peau de chagrin. Le Venezuela se voit dans l’obligation de stopper le programme PetroCaribe, dont le coût estimé sur 10 ans avoisine les 50 milliards de dollars, afin de ne pas se mettre en défaut de paiement vis-à-vis de ses créanciers internationaux, notamment de la Chine, qui lui a prêté jusqu’à 42 milliards contre l’assurance d’avoir un accès au pétrole dont elle est une grande consommatrice.

Le pays est aujourd’hui entré dans une grave récession, pour reprendre les propos du magazine les Echos « un nouveau sport national est même né… qui est de faire la queue devant les magasins ».

La chute du prix du baril de pétrole, qui se situe aux alentour de 55% de sa valeur, a fait plonger les exportations en valeur, portées à 95% par l’or noir. Les devises ne rentrent plus suffisamment vite et sortent d’autant plus vite que le pays n’a pas profité des pétrodollars pour investir dans une industrie, ni même pour s’assurer une autosuffisance alimentaire.

La conséquence est que le pays importe massivement tout ce dont il a besoin : papier toilette, sucre, médicament, couche pour bébé, denrées alimentaires, etc… Beaucoup de produits de 1ère nécessité disparaissent des étalages des magasins car devenus trop chère à importer, comme les médicaments par exemple. Les réserves en devises du pays sont aujourd’hui au plus bas avec seulement 20 milliards de dollars dans les caisses. Ce manque de devise d’achat international (le dollar) ne permet plus d’importer en quantités suffisantes tout ce dont le pays a besoin, et tout ce dont les vénézuéliens se sont habitués à consommer durant les années de croissance du pays.

Le 19 octobre 2015, le pays a officialisé son « hyperinflation », qui est le résultat de l’augmentation du prix des biens à la consommation de manière spectaculaire et incontrôlée dans un intervalle de temps très court. Les estimations du gouvernement sont de 80% là où les experts internationaux penchent plutôt pour 210%. Le Bolivar, la monnaie du Venezuela, dérape et perd drastiquement de sa valeur. Outre le fait que la planche à billet tourne pour suivre cette inflation galopante et offrir une solution à court terme pour l’État vis-à-vis de sa population qui grogne sur cette inflation. Le cours légal assuré par la banque centrale du Venezuela est de 6.3 bolivar pour 1$. Mais ce taux officiel est maintenu d’une main de fer par l’État qui restreint drastiquement l’obtention de ses dollars avec l’instauration du contrôle de change, ce qui oblige les Vénézuéliens, entreprises comme citoyens, à se fournir sur un marché parallèle lorsqu’ils ont besoin de dollars. Ce marché noir où l’on estime la valeur pour 1$ autour de 817 Bolivar, est très loin du cours déconnecté de la banque centrale. Mais ce taux reflète aussi un certain opportunisme de spéculateurs qui gonflent le prix de vente sur ce marché où ils sont en position de force.

Les « Bachaqueros »

L’importance de la pénurie alimentaire est telle qu’un nouveau métier est apparue au Venezuela : celui de « Bachaquero ». Des personnes, souvent retraités ou sans emploi, passent leurs journées à faire la queue devant les magasins afin de pouvoir acheter quelques denrées alimentaires ou des biens essentiels, puis vont les revendre au marché noir à des prix prohibitifs ce qui gangrène d’autant plus l’économie du pays.

L’État, afin de lutter contre la pénurie et pour mieux contrôler les dérives, à imposer une limite sur le jour d’achat des personnes dans les magasins, en fonction du dernier chiffre présent sur la carte d’identité des personnes. Ce qui donne 1 jour par semaine pour faire ses courses. Naturellement, cette contrainte s’est vue contournée par nombre de « Bachaquero », mais aussi par d’autres citoyens vénézuéliens avec la falsification dudit papier d’identité afin de faire jusqu’à 7 fois les courses dans la semaine avec 7 papiers d’identité différents.

Conclusion : La maladie d’un pays mono-producteur. Une situation qui risque de perdurer voir s’empirer pour l’année 2016.

Il faut noter qu’avec un prix moyen du baril de pétrole autour de 41$ sur les marchés mondiaux, conjugué avec le ralentissement de la croissance chinoise (qui à elle seule a tiré l’appétit gargantuesque de la planète pour l’or noir), les perspectives à court terme d’un relèvement des cours mondiaux n’est pas pour tout de suite. De même l’OPEP, qui se réunit annuellement afin de convenir des quotas de production de l’organisation, ne respecte pas ses propres quotas avec 31 millions de barils de brut produit par jours, alors qu’il devrait être 1 millions de moins si on se réfère aux accords initiaux. Cette différence est due à la volonté de certains pays membres de conserver une part de marché relative, et les incites à produire plus.

D’autre part 70% des réserves de pétrole du Venezuela sont des réserves de pétrole dit bitumeux, beaucoup plus chère à produire et qui lui n’est rentable à produire qu’avec un prix plancher du baril à 60 $. Le Venezuela se retrouve dont coincé entre un outil de production qui nécessite de lourds investissements, une organisation qui soutient des cours faibles et des volumes importants.

Paul Delbarre, étudiant promotion 2015-2016 du M2 IESC

Bibliographie :

« Voyage dans la pire économie du monde ». Les Echos : Édito & Analyse par J-M VITORRI. Le 17 février 2015.

http://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/0204162681126-voyage-dans-la-pire-economie-du-monde-1093999.php

« Le Venezuela tente d’éviter le défaut de paiement ». Les Echos. Michel De Grandi. Le 7 avril 2015.

http://www.lesechos.fr/07/04/2015/lesechos.fr/0204284521525_le-venezuela-tente-d-eviter-le-defaut-de-paiement.htm

« Pénurie au Venezuela : l’économie broie du noir » Le Journal International. JESSICA ROBINEAU. Le 13 Juillet 2015.

http://www.lejournalinternational.fr/Penurie-au-Venezuela-l-economie-broie-du-noir_a2981.html

« Gérer la manne Pétrolière : Les raisons de l’échec de la politique économique de certain pays exportateurs de pétrole » FMI Magazine Finance & Développement. Benn Eifert, Alan Gelb et Nils Borje Tallroth. Mars 2003.

http://www.imf.org/external/pubs/ft/fandd/fre/2003/03/pdf/eife.pdf

« Pétrole: le Venezuela estime à 88 dollars le prix du baril pour maintenir les investissements ». Romandie.com source : Dépêche AFP. Le 21 octobre 2015.

http://www.romandie.com/news/Petrole-le-Venezuela-estime-a-88-dollars-le-prix-du-baril-pour/641131.rom

« Le Venezuela dispose des plus importantes réserves de pétrole brut du monde » AFP blog géopolitique. Lissy De Abreu. Le 16 Janvier 2013.

http://www.afp.com/fr/node/790451#.VjTcT7cve70

« Le Venezuela officialise son hyperinflation ». Les Echos. Yves BOURDILLON. Le 19 octobre 2015.

http://www.lesechos.fr/journal20151019/lec1_monde/021411049485-le-venezuela-officialise-son-hyperinflation-1166815.php

« Hugo Chávez » Wikipédia. Dernière consultation le 31 octobre 2015.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Hugo_Ch%C3%A1vez#cite_note-97

« Le pétrole utilisé par le Venezuela comme arme diplomatique dans les relations internationales ». Dernière consultation le 6 octobre 2015.

http://www.irenees.net/bdf_fiche-analyse-916_es.html

« L’OPEP et les autres producteurs risquent de ne pas s’entendre ». Bourse Les Echos. Source REUTERS. Le 19 octobre 2015.

http://bourse.lesechos.fr/infos-conseils-boursiers/actus-des-marches/infos-marches/l-opep-et-les-autres-producteurs-risquent-de-ne-pas-s-entendre-1087009.php

Statistique sur le Venezuela :

Banque Mondiale :

http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/NY.GDP.PCAP.PP.CD

Agrégateur Statistique mondiale :

http://www.statistiques-mondiales.com/venezuela.htm

FMI Public data:

http://www.google.com/publicdata/explore?ds=k3s92bru78li6_&hl=en&dl=en#!ctype=l&strail=false&bcs=d&nselm=h&met_y=ggxwdg_ngdp&scale_y=lin&ind_y=false&rdim=world&idim=world:Earth&idim=country:VE&ifdim=world&hl=en_US&dl=en&ind=false

Admin M2 IESC