Au fil du temps, les organisations ont dû s’adapter aux changements. Avant les années 80, afin de se démarquer, elles devaient gérer le changement. Puis, entre les années 80 et 2000, elles ont dû en plus du changement, apprendre pour se distinguer. Le monde devient davantage complexe, change et évolue tellement vite. Face à ces incertitudes et à cette volatilité, les organisations doivent maintenant maîtriser de nouvelles compétences, notamment de travailler en mode collaboratif. L’innovation, l’efficacité et la productivité passent par la collaboration.
Beaucoup de dirigeants jusqu’à présent associent la collaboration à des pertes de temps et à des projets qui n’aboutissent jamais. Or, la collaboration ce n’est pas cela. Serait-ce dû en partie à la croissance du manque de confiance dans nos sociétés ? Peut-être mais passons ! On ne va pas adopter ce comportement de collaboration seulement pour que son personnel communique mieux mais pour créer de nouvelles capacités stratégiques et pour soutenir un nouveau modèle d’affaires. Cependant, si on prend l’exemple d’une entreprise qui, selon sa planification démontre qu’elle perd de la valeur à cause d’un manque de circulation des bonnes pratiques entre les différents services, cela peut être critique d’imposer à cette entité de travailler en mode collaboratif.
C’est d’ailleurs ce qu’a démontré Morten T.Hansen dans son livre Collaboration, qui explique que la collaboration doit être intégrée au plan d’affaires et s’inscrire dans la stratégie de l’organisation. D’autant plus qu’une mauvaise collaboration s’avère pire que pas de collaboration du tout.
Au regard de ce constat, les entreprises qui choisissent ce modèle, contrairement à ce que l’on pourrait croire, ne choisissent pas la facilité car cela requiert de l’organisation et du temps. Certains se diront peut-être pourquoi collaborer si on peut faire les choses seul. Mais l’expérience a démontrée qu’ensemble, on peut aller beaucoup plus loin et pourquoi pas retourner à des valeurs oubliées par notre société. D’ailleurs, selon une étude d’IBM global, la pensée collaborative serait l’une des caractéristiques principales recherchée chez les cadres.
La collaboration, des avantages ?
Quand on parle de collaboration, il faut savoir que cela peut se faire de deux manières. D’une part, au sein de l’organisation, en interne entre employés, dirigeants, services ou encore filiales, mais aussi d’autre part au travers d’alliances stratégiques avec des acteurs externes du type partenaire, client et investisseurs. La collaboration possède des avantages à savoir cinq raisons principales qui les poussent à adopter ce mode.
Explorer, concerter
Plus que jamais, les partenaires et les alliances se font parfois temporairement afin de mettre en commun des idées et/ou un savoir-faire pour créer de nouvelles pratiques ou pour en inventer de meilleures. Leur motivation sera de générer des idées novatriceset se concentrer pour trouver des solutions à des défis communs. Un exemple : L’alliance Boeing, Airbus et Embraer en 2012, pour le développement de biocarburants. Ainsi, ces derniers s’allient afin de trouver des solutions à des problèmes communs.
Mieux se coordonner
Des partenaires conviennent d’harmoniser leur chaîne logistique pour améliorer leurs produits et leurs services ou encore pour offrir une meilleure expérience client. Leur but commun : mieux coordonner leurs services afin de faire circuler plus efficacement l’information stratégique et ainsi améliorer leur productivité et réduire les pertes de temps et d’argent. Par exemple, la compagnie Corsair Airlines s’est alliée à la SNCF pour offrir un service plus complet à ses clients en leur permettant d’acheter, en même temps que leur billet d’avion, leur correspondance pour le service de train (TGVAIR).
Accroître son efficacité
Une organisation décide ici de confier une fonction particulière à un partenaire interne ou externe afin de devenir plus efficace. Les objectifs sont d’éviter les doublons organisationnels, permettre de centraliser l’expertise pour obtenir un meilleur service et réaliser des économies. Voire même partager ses compétences et savoir-faire comme le font les clusters, ce qui leur permet aussi d’accroître leur efficacité car ce sont généralement des petites entreprises qui n’ont pas autant de moyens que certaines multinationales.
Créer un nouveau produit ou service
Parfois certaines organisations dont les forces et les expertises sont complémentaires, s’unissent pour créer un produit ou un service novateur afin d’exploiter ensemble un nouveau marché par exemple. En règle générale, l’un des deux acteurs détient déjà une pièce du puzzle et recherche des alliés pour l’aider à résoudre son casse tête. Par exemple l’alliance entre Ubisoft et l’université de Mc Gill, qui se sont alliées pour créer un jeu thérapeutique.
Etre forcé de collaborer
Généralement, dans ce cas de figure, une contrainte oblige les organisations à travailler ensemble. Cela peut être dû à la crise, à une restructuration ou encore une fusion. Par exemple, dans le secteur de la santé, certains services sont obligés de fusionner. Il est cependant nécessaire et important de trouver un but commun favorisant la motivation plutôt que l’obligation.
Composantes essentielles de la collaboration
Vous l’aurez sans doute compris, la collaboration, c’est d’abord et avant tout un certain contexte qu’il faut réussir à créer et cultiver. Ce qui est loin d’être simple. Trois composantes sont essentielles pour tirer pleinement profit d’une collaboration :
La gouvernance partagée, l’intérêt commun partagé et les responsabilités partagées. L’ensemble devra être soutenu par une attitude propice à la collaboration. Pour chacune de ces composantes, certaines conditions devront être mises en place afin de maximiser les chances de réussite.
Gouvernance partagée
Pour maintenir un haut degré de participation et de motivation, les décisions doivent être prises en collégialité. Toutefois cette pratique requiert plus de temps et de doigté. Si un projet regroupe des participants autoritaires, il y a des fortes chances que le climat ne soit pas à la collaboration. Ainsi, la collaboration n’émergera qu’à certaines conditions.
- Confiance et respect de l’autre: Une forte relation de confiance doit pouvoir s’établir entre les acteurs, et ce à trois niveaux : interpersonnel, interprofessionnel et dans certains cas, inter organisationnel lorsqu’il y a une alliance avec des partenaires externes. Chaque partie doit pouvoir contribuer sans se faire dicter une marche à suivre.
- Leader collaboratif: Tout projet notamment de collaboration, doit pouvoir se reposer sur les compétences d’un champion. D’ailleurs, on reconnaît un bon leader collaboratif à sa capacité à exercer un leadership en T (c’est à dire expertise et connaissances transversales de l’organisation) et à partager son pouvoir (c’est-à-dire gère et contribue mais ne contrôle pas). Le leader doit faire preuve de grande maturité et d’intelligence émotionnelle pour amener le groupe à privilégier l’atteinte des résultats.
- D’une intention stratégique claire : pour assurer la réussite d’un projet de collaboration, la direction doit appuyer l’initiative sur le plan stratégique.
- Prise de décision conjointe : Un processus doit être mis en place afin de favoriser la prise de décision conjointe.
- Information partagée : Les acteurs doivent faire preuve de transparence. Bien qu’essentielle, elle s’avère parfois difficile à remplir.
Intérêt commun partagé
On peut voir que le partage d’un intérêt commun contribue à la réussite d’un projet. Toutefois certaines conditions s’imposent.
- Aspiration partagée : L’intérêt commun doit être partagé tant sur le plan opérationnel que stratégique, d’où l’importance que le projet soit soutenu par un plan d’affaires solide.
- Partage des gains: Au-delà des retombées collectives, chaque acteur impliqué dans une collaboration doit pouvoir en tirer profit tant sur le plan organisationnel qu’individuel.
- Pertinence critique: La pertinence d’un projet collectif doit être jugée essentielle pour l’organisation, de part le développement des capacités stratégiques ou l’acquisition de connaissances indispensables.
- Logique de synergie créative : Collaborer doit conduire à un résultat encore plus grand que la somme des parties. Cette synergie devrait permettre d’aller plus loin.
Responsabilité partagée
Dans le cadre d’une collaboration, chaque partenaire doit apporter une contribution unique, car c’est la complémentarité des expertises qui fait la force de cette approche. Ainsi, les personnes qui souscrivent à un effort collectif afin de soutirer tous les bénéfices sans s’y investir sont généralement repérées et peu appréciées.
Afin d’éviter quelques frustrations, il vaut mieux définir un cadre de travail clair dès le départ.
- Normes communes : Il est nécessaire de s’entendre sur des normes communes. Ces normes doivent porter sur des aspects de qualité et de fonctionnement. Par exemple, ne pas prendre plus de 24h pour répondre à un courriel. Ils doivent aussi définir ensemble les standards à atteindre car la notion de qualité n’est pas la même pour tous.
- Rôle et responsabilité : Pour la réussite du projet, il est important de bien définir le rôle et les responsabilités de chacune des parties.
- Perception et complémentarité: Lors du partage des responsabilités, il est primordial que les acteurs comprennent bien la contribution de chacune des parties et, pour se faire, il faut d’abord avoir pris le temps de répertorier les forces et les expertises de chacun.
- Imputabilité: Les partenaires doivent aussi établir des règles précises en matière d’imputabilité et de gestion des risques et des différends.
- Partage des efforts : Dans un projet collectif, tout le monde ne fournit pas le même effort. Certains en font plus que d’autres et il faut être prêt à accepter cette réalité. Il n’y a jamais de symétrie parfaite.
Attitude propice à la collaboration
Pour travailler en mode collaboratif, il faut accepter à partager les décisions, les manières de faire, les risques et les bénéfices. Il faut aussi adopter une attitude qui favorise le partage, les échanges et le désir de réussir ensemble le but ultime. Les projets collaboratifs qui donnent les meilleurs résultats sont notamment basés sur l’authenticité, sur la capacité à se parler franchement et sur une certaine disposition à partager son pouvoir.
Un virage incontournable
A l’ère de la mondialisation et de la double mutation, plusieurs constats s’imposent. Les organisations, ne peuvent plus agir seules. Elles doivent désormais miser sur la collaboration pour gérer la complexité. Toutes les grandes sociétés (institutions financières, compagnies d’assurances, réseaux de santé, etc…) constatent actuellement qu’elles perdent beaucoup de valeur ajoutée à travailler en silo. Plus que jamais, leurs clients aspirent à une offre de services plus intégrée. Ils ne veulent pas devoir répéter sans cesse leur histoire. A travailler en silo, on réinvente souvent la roue et on devient moins productif. La collaboration favorise l’échange d’information stratégique entre les différentes disciplines, ce qui permet de mieux répondre aux exigences des clients.
Pour développer de nouvelles capacités stratégiques, les organisations auraient aussi intérêt à partager davantage leurs savoirs avec des experts ou des entreprises issus d’univers complètement différents des leurs. L’innovation naît souvent de ces rencontres grandement favorisées par l’avènement des nouvelles technologies sociales. Par exemple, on peut voir que depuis des années l’entreprise lego s’inspire des recommandations de ses 100 000 consommateurs pour créer ses nouvelles générations de jeux.
Collaborer avec ses clients pour innover représente d’ailleurs une tendance très présente à l’heure actuelle. D’autres entreprises telle que l’Oréal favorisent les échanges entre générations pour créer de nouvelles connaissances. Ainsi, cette multinationale s’est alliée à un jeune diplômé pour créer de nouvelles connaissances et dans ce cas précis pour régler un problème de recrutement. Ensemble, ils ont créé un jeu Reveal by l’Oréal, qui a permis à l’entreprise de détecter les talents de 300 000 candidats potentiels.
Ainsi, plus que jamais, la collaboration s’avère un puissant levier pour relever les défis auxquels les organisations sont actuellement confrontées.
Par Sarah Domun, étudiante du Master 2 IESC promotion 2015-2016