Le transfert technologique : une force du modèle israélien

Israël a connu un succès fulgurant au regard de son rayonnement technologique à l’international et compte tenu de la jeunesse de cet Etat. En effet, il s’agit d’un pays qui rappelons-le a moins d’un siècle, qui a réussi à s’ériger sur le devant de la scène internationale et à devenir l’un des plus grands exportateurs en matière d’armement par sa force innovatrice et la réussite d’une politique industrielle passant par des universités performantes en étroite collaboration avec le secteur privé, des migrants bien formés qui ont nourris la recherche du pays, des incubateurs puissant pour ne laisser aucune idée innovante de côté, financés par des fonds de capital-risque. Le contexte dans lequel évolue l’Etat d’Israël avant même sa création en 1948 fait que le pays a dû mettre l’accent sur l’innovation et les technologies. Ainsi, ce qu’a fait Israël c’est se servir des menaces que le pays a rencontré et rencontre encore pour en faire émerger des forces.

Le transfert technologique constitue un point important du développement économique puisqu’il permet à l’innovation d’un secteur de servir l’innovation et la performance d’un autre en s’appuyant sur la technologie du premier. Il existe bien un réel intérêt de bénéficier d’un transfert technologique pour une entreprise du fait qu’il lui évite de supporter le risque du développement de l’innovation et de gagner du temps dans l’accession à celle-ci. Comme le modèle israélien repose en grande partie sur l’innovation, le transfert technologique représente alors une force primordiale de ce modèle. Il est en effet fortement présent et permet l’émergence de nombreuses start-up performantes qui réussissent à s’exporter.

Une porosité entre le monde universitaire et industriel

Les transferts de technologies sont notamment facilités par la proximité qui existe entre des campus universitaires et le secteur privé. Ainsi une des forces de ces universités israéliennes c’est la porosité qui existe entre celles-ci et le secteur privé, il y existe une réelle coopération. C’est tout particulièrement le cas pour l’Institut Weizmann où la collaboration entre l’industrie et l’Institut n’a que pour seul frontière géographique une rue. Ainsi, un centre de biotechnologie a été fondé à proximité de l’Institut et il y a de nombreux échanges entre l’Institut Weizmann et l’industrie qui l’entoure. Ce lien particulier entre entreprise et université, plus qu’important est est nécessaire puisque 80% des brevets sont issus des universités et elles réalisent la majorité de la recherche fondamentale du pays. Le cas de l’Institut Weizmann n’est pas isolé puisque la plupart des universités disposent de la proximité de parcs technologiques ou industriels mais elles peuvent aussi très bien établir des accords coopératifs avec l’étranger c’est notamment le cas récemment du Technion qui a développé un partenariat avec le New York Genome Center (il s’agit d’une organisation de recherche académique en biotechnologie). Déjà en 1964 ce genre d’accords pouvaient avoir lieu puisque cette année-là la Max Planck Gesellschaft et l’Institut Weizmann créaient la Fondation Minerva ayant pour but la coopération en matière de recherche entre l’Allemagne et Israël. Par ailleurs l’Université hébraïque de Jérusalem possède son propre bureau de transfert technologique : le Yissum fondé en 1964. On peut alors prendre note de Mobileye, société spécialisée dans les systèmes anti-collisions et d’assistance à la conduite faisant parti du portfolio de Yissum, qui a été rachetée en mars dernier par Intel pour un montant de 15 milliards de dollars, preuve de la force innovatrice d’Israël.

Pour caractériser ce lien étroit qu’entretiennent les universités et l’industrie nous pourrions aussi citer Michel Revel (Professeur à l’Institut Weizmann ayant reçu le Prix Israël de Médecine en 1999) :

« Les universités israéliennes travaillent en collaboration étroite avec l’industrie et facilitent le développement de centres de recherche spécialisés. L’impact du monde académique sur la vie israélienne est très fort. Le public israélien reconnaît le rôle de l’université et du monde académique dans la survie de l’Etat d’Israël. Depuis la création d’Israël, il y a eu une reconnaissance précoce de l’importance de la science. En réalité les universités sont apparues avant que le pays n’existe.

Le lien entre l’université et l’industrie est très étroit et permet une certaine flexibilité. Un professeur de l’Institut Weizmann est libre de travailler dans une entreprise une journée par semaine. C’est une grande liberté de pouvoir travailler pour l’industrie et de consacrer un nombre d’heures décent à travailler pour ses propres activités. L’atout supplémentaire, c’est la relation particulière entre le monde académique et l’Etat. Ce dernier a établi les parcs industriels autour des universités, rendant ici possibles et aisés les déplacements entre l’université et l’industrie.

Dans le domaine des biotechnologies par exemple ont été créés des centres nationaux dédiés à la génomique, à la protéomique, aux animaux transgéniques, aux plantes transgéniques, ou à la bio-informatique. Tous ces centres ont été créés avec l’aide du gouvernement israélien. Ils sont au service à la fois de l’université et de l’industrie. L’industrie paie pour ce service et ces centres nationaux rendent ces technologies disponibles à la communauté scientifique. L’interaction étroite entre les universités israéliennes et le monde industriel est une des caractéristiques clés du modèle israélien. »

L’Armée comme vecteur des transferts technologiques

De par sa situation conflictuelle permanente l’armée de défense israélienne (Tsahal) a besoin d’être performante au niveau technologique et de bénéficier donc d’une forte innovation. Par ailleurs, si l’armée de défense israélienne requiert une forte innovation, elle agit aussi de manière à stimuler celle-ci, par des effets de transfert de technologie ces innovations militaires stimulent l’économie du pays et participent au rayonnement international du pays. Comme l’armée de défense israélienne doit disposer d’une puissance technologique, elle va faire en sorte d’être un catalyseur de l’innovation.

Ainsi, dès 1947 David Ben Gourion, acteur majeur d’Israël au vingtième siècle et Premier ministre de l’Etat d’Israël de 1948 à 1963 qui sera notamment à la source de la création de l’entité Tsahal, crée un institut de recherche et de développement d’armes pour répondre à ces besoins technologiques en matière de défense. Cet Institut se distinguera par la suite en deux pôles distincts, un premier ayant en charge la recherche scientifique (le HEMED) et un second qui lui s’occupe du développement de l’armement militaire (RAFAEL). Cet institut permet de bien mettre en évidence ce qu’entreprend au maximum le pays, c’est-à-dire confronter la recherche à l’industrie.

En Israël le service militaire est obligatoire, chaque citoyen doit servir entre 2 et 3 ans selon son sexe. Toutefois, avant de le commencer les individus sont soumis à des tests pour permettre d’établir un classement et de repérer les meilleurs éléments à qui l’armée va proposer des formations de haut niveau. L’expérience militaire étant particulièrement valorisée dans la société israélienne le but est de rendre ces futurs soldats à même d’intégrer les universités les plus prestigieuses avec un réel potentiel d’innovation. L’exemple le plus poussé est surement le cas du Mamram. Il s’agit d’une unité militaire spécialisée dans l’informatique et plus particulièrement les technologies de l’information. Une formation très poussée y est dispensée, ce qui fait que de nombreux leaders de l’industrie israélienne proviennent du Mamram. De plus Tsahal à travers ses différentes unités développe un réseau auquel chaque personne qui est passée par le service militaire peut faire appel, notamment dans la création de start-up. Ainsi, toutes ces unités de formation à haute technologie au sein de l’armée permettent de créer à la fois des profils favorables à l’innovation, à la création de start-up et en même temps d’entretenir un réseau performant avec pour même objectif l’innovation.

Le plus souvent, ces jeunes israéliens en service militaire sont encouragés à combiner celui-ci avec des études en science à travers les programmes que l’armée dispense. Dans le même temps ces soldats au cours du service militaire se verront attribuer des postes à responsabilité. La recette que Tsahal essaye de mettre en œuvre n’est pas neutre puisqu’elle vise bien à former, forger ces individus de telle sorte qu’une fois leur service militaire terminé ils soient utiles à Israël. Ce qui en général marche bien puisqu’en plus d’une formation de pointe, ils en sortent généralement moins averses à la prise de risque, avec une expérience professionnelle et technique et avec un carnet d’adresse assez étendu. Ainsi, beaucoup d’israéliens, sortant de Tsahal, ont un projet de start-up en lien avec une technologie avec laquelle ils ont été confronté durant leur passage dans l’armée et le plus souvent l’armée permet ce transfert du militaire vers le civil (ou en échange de parts, c’est notamment le but de la structure Rafael Development Corporation (RDC) qui permet le transfert de technologie du militaire vers le civile en échange donc de parts).

Ces transferts de technologies (du militaire vers le civil) ont particulièrement dynamisé l’économie israélienne et ont aidé à hisser Israël à la place de premier plan qu’elle occupe désormais que ce soit dans le secteur des télécommunications (Gilat Satellites, EGI Telecom, Tadiran, LocatioNet), de la sécurité (Check Point, RadGuard, Tarzana), du spatial (IAI, Elop, Elbit) mais également dans le domaine médical.

A ce propos on pourra présenter ici deux exemples frappant du transfert de technologie opéré du militaire vers le domaine médical. Deux exemples qui partent tous les deux de technologies provenant des missiles développés par Tsahal. Le premier exemple a été commercialisé en 2001 sous le nom de « PillCam » et c’est Gavriel Iddan un ingénieur d’électro-optique de Rafael qui en est à l’origine. Le produit a d’ailleurs été développé au sein de RDC et permet notamment de diagnostiquer des cancers de l’intestin. En 2011 la PillCam avait été utilisée depuis son lancement dans près de 75 pays différents. De la même manière Galil Medical s’est également développé à partir d’une technologie de missile israélien, celle de leur système de refroidissement. Cette technologie a alors été habilement transférée dans le domaine médical et permet de geler les cellules des cancers. Les exemples sont ainsi nombreux de produits, procédés innovants découlant de technologies militaires et qui stimulent par-là l’économie du pays.

En conclusion nous avons de part et d’autre de la société Israélienne des possibilités de transferts technologiques qui nourrissent la performance innovatrice du pays. Les structures militaires en raison du climat hostile dans lequel se situe Israël sont obligées d’innover pour pouvoir se différencier en matière d’armement militaire et en sécurité. Elles vont par ailleurs permettre le transfert de ces technologies (en partie) vers le civil stimulant la création d’entreprise, start-up dynamique. De l’autre côté le système universitaire travaille de façon assez étroite avec le privé à la manière d’un cluster tout ceci ayant pour objectif de trouver une application commerciale qui soit exportable à chaque recherche mise en œuvre. Ces transferts de technologies qui existent permettent alors d’engranger un cercle vertueux de l’innovation où celle-ci vient également renforcer le processus d’innovation.

Par Léandre Meier, promotion 2017-2018 du M2 IESCI

Sources :

  • Alain Dieckhoff, « L’Etat d’Israël », Fayard, 2008
  • Edouard Cukierman, Daniel Rouach, « Israël Valley, Le bouclier technologique de l’innovation », Collection Village Mondial, 2017
  • Joss Drav, Denis Sieffert, « La guerre israélienne de l’information», éditions La Découverte, 2002

Webographie :

http://www.journaldunet.com/solutions/expert/64415/le-transfert-de-technologies-france—israel—un-veritable-levier-de-croissance.shtml

Admin M2 IESC