Le théâtre japonais : un art au japon

Le théâtre japonais prend ses sources dans les deux principales religions du japon : le bouddhisme et le shintoïsme. Comme dans la culture occidentale, le théâtre prend différentes formes et possède différents registre selon les époques.

Dans cet article, nous allons présenter le théâtre japonais à travers l’histoire ainsi que ses différentes formes et caractéristiques.

Les origines du théâtre japonais

Le théâtre japonais prend ses origines dans la religion avec des danses religieuses. Au départtrès rudimentaires, celles-ci se sont raffinées par l’action de la cour impériale au VIIIème siècle. Cela a permis au théâtre d’entrer dans le folklore. Le caractère sacré a donc progressivement perdu de son importance pour plus d’esthétisme.

Une partie des danses du théâtre japonais est importée du continent asiatique (essentiellement de Chine et de Corée). Toutes ces danses ont permis au japon d’avoir une identité théâtrale propre.

Parmi ces danses, nous allons trouver les danses locales qui sont :

  • le kagura qui est à l’origine une danse religieuse shintoïste destinée à divertir les dieux (kami)
  • les danses agraires des milieux ruraux destinées aux dieux de la terre et de l’agriculture

Dans les danses importées, nous allons trouver :

  • le gigaku
  • le bugaku
  • les danses bouddhiques

L’évolution du théâtre japonais à travers l’histoire

Les danses locales :

Les premières danses attestées au japon sont des danses empreintes de magie shamanique sous forme de transes en l’honneur des dieux. Parmi ces danses, nous allons en distinguer deux qui sont appelées kagura :

  • les danses dites possédées par une divinité dont le but est d’honorer les dieux
  • les danses dites bouffonnes dont le rôle est d’apaiser une divinité en la faisant rire

De nos jours, ces danses se sont en grande partie perdues avec le temps. Seules restes des danses adaptées pour les sanctuaires. Toutes ces danses sont effectuées par les prêtresses des sanctuaires.

D’autres danses ont été importées du continent asiatique, plus particulièrement de Chine et de Corée. Il s’agit de danses rituelles et populaires d’origine bouddhique. On peut en distinguer trois types :

  • Le gigaku, importé de Corée en 612, qui est une forme de théâtre pantomime c’est-à-dire une expression d’idées, de passion ou de sentiments sans avoir recours à la parole. Ce type de théâtre était présenté lors des fêtes bouddhiques. Le gigaku a très vite été abandonné car il été jugé parfois « grossier ».
  • le bugaku, importé d’Asie entre le VIème et le VIIIème siècle, correspond à l’héritage des danses traditionnelles conservées par la cour impériale
  • le sangaku, importé de chine, est destiné au peuple. Cet art est utilisé lors des foires et festivals par exemple.

À partir du XIVème siècle se développent des arts du théâtre plus raffinés tels que le nô et le kyougen (nous reviendrons sur leurs caractéristiques dans la suite de l’article) sous les shoguns Ashikaga. Avant cette époque, il existait des spectacles de danses et pantomimes qui cohabitaient. Les troupes se constituaient aussi bien de professionnels que de moines pour des cérémonies religieuses ou des manifestations plus populaires.

À partir de cette époque, les dialogues font leur apparition donnant ainsi les bases du théâtre classique avec l’art dramatique, la comédie et bien d’autres. Les principaux styles existants étaient le sarugaku nô et le dengaku nô. La différence entre ces deux styles réside dans le type de public. Le dengaku nô se distingue par un public d’origine élitiste. Il eut un tel succès qu’il s’est exporté jusque dans les campagnes. Le sarugaku nô est perçu comme plus populaire, grotesque voire grossier contrairement au dengaku nô qui est perçu comme plus raffiné et poétique. Le dengaku nô perd de son influence vers les années 1370 du fait qu’il recherchait le plus d’esthétisme et de raffinement possible et peinait à se renouveler. En 1374, le shôgun Ashikaga Yoshimitsu, ayant assisté à une représentation de sarugaku nô, fut impressionné par le jeu d’acteur d’une partie de la troupe et décida donc d’inviter un des acteurs au palais en le plaçant sous sa protection. Il s’agit de Kan’ami et de son fils Zeami. Ces deux hommes vont prendre une partie des codes du dengaku nô et les intégrer au sarugaku nô, permettant ainsi l’émergence du nô actuel.

À l’origine, Kan’ami puis son fils Zeami, prônaient le jeu d’acteur spontané, rapide et l’écriture de pièces par les acteurs.

Le kyôgen, quant à lui plus comique est joué entre deux pièces de nô. Son but était de reposer le public vis à vis du nô qui est plus dramatique. Nous reviendrons sur ses caractéristique plus en aval dans cet article.

Le XVIème siècle qui correspond à l’ère Edo voit apparaître d’autres styles s’adressant à la bourgeoisie riche et vivant dans les grands centres urbains. Le peuple n’a à cette époque plus accès aux styles développés au Moyen Âge. Ceux-ci se concentrent dans les châteaux de Daimyô et au palais du shogun Tokugawa.

Ces nouveaux styles sont le bunraku et le kabuki. Le bunraku est un style utilisant des marionnettes. Ce style existait déjà à l’époque féodale mais était marginalisé et joué essentiellement lors des festivals et cérémonies religieuses. Ce style est né à Osaka grâce à l’association de deux hommes : le conteur Takemoto Gidayuu et le dramaturge Chkamatsu Monzaemon. Ces deux hommes ont mis au point la structure de style.

À cette même époque, nait le style kabuki qui est un style plus excentrique et extravagant. Le kabuki est le seul style à avoir été créé par une femme : Izumo no Okuni. Ce style est né à Kyôto vers les années 1600. Okuni eu beaucoup de succès auprès des samouraïs et de la bourgeoisie, ce qui lui permit d’ouvrir une salle de théâtre à Edo. Elle a même pu se produire à la cour shogunale en 1607. L’extravagance de ce style provient des scènes plus suggestives suscitant l’érotisme comme une scène de sortie de bain par exemple. Ce type de scènes a valu au kabuki une longue période d’interdiction par la cour shogunale sous le shôgun Tokugawa car elles étaient jugées scandaleuses. Les hommes remplacèrent les femmes pendant un temps mais du fait de la popularité du kabuki auprès de la bourgeoisie et des samouraïs, le shôgunat dû interdire le kabuki car c’est un prélude à la prostitution.

Quelques mois plus tard, le kabuki fut rétabli sous certaines conditions comme le fait de développer une véritable histoire dans les représentations. Le shôgunat avait à l’époque une position plutôt ambiguë sur la question du kabuki. Ce n’était pas vraiment la prostitution qui froissait la cour shogunale mais le fait que ce soit prisé par la bourgeoisie et les samouraïs. En 1653, l’obligation d’ajouter une action dramatique à la scène contribua à donner au kabuki son aspect actuel. Avec cette obligation, le kabuki voit naître des dramaturges spécialisés dans ce style.

À partir de cette période, les acteurs sont dorénavant choisis pour leur talent scénique plutôt que sur un critère de beauté même si certains de ces acteurs, toujours issus des quartiers de plaisirs, continuaient de se prostituer. Certains acteurs allaient jusqu’à se travestir pour mieux appréhender les rôles féminin. Le kabuki a également enrichi son répertoire avec l’adaptation des pièces du genre bunraku. Le kabuki finit même par supplanter le bunraku en popularité et continue de se moderniser à l’ère Meiji. Le kabuki a pu se renouveler avec deux dramaturges : Tsuruya Nanboku, célèbre pour ses drames fantastiques et Kawatake Mokuami, célèbre pour ses scènes du petit peuple parfois jugées amorales.

Les caractéristiques des pièces de théâtre japonais

Le théâtre nô

Le théâtre nô se compose de deux grands groupes :

  • le nô d’apparitions (les plus fréquents)
  • le nô du monde réel

Une pièce de nô se compose de deux actes : un premier où le personnage principal apparaît sous forme humaine puis prend sa véritable forme au second acte. Le second acte est constitué de chants et de danses autour de divers thèmes. Dans le théâtre nô d’apparition, le personnage principal relate les évènements de sa vie passée.

Les principaux styles de nô sont les suivants :

  • Le okina qui se présente sous la forme de danses à caractère religieux. Le okina ne peut pas être qualifié de nô à proprement parler mais il utilise les mêmes techniques que le nô et le kyôgen. Dans l’okina, on retrouve les anciens rituels des kagura originels.
  • Le nô des dieux met en scène une divinité comme personnage principal. Le premier acte relate la rencontre entre un prêtre et la divinité dans un temple célèbre ou dans un lieu se situant sur la route du temple dans l’acte 1 et revient dans l’acte 2 sous sa véritable forme pour exécuter des danses rituelles pour bénir l’assistance ou les récoltes
  • Le nô des guerriers relate le dernier combat des guerriers tombés à la guerre ou en enfer. Le registre de ce style de nô est plutôt épique et se concentre sur l’aspect tourmenté du guerrier condamné à errer sur Terre pour hanter les humains.
  • Le nô de femme correspond à la représentation de l’esprit d’une femme ou d’une déesse au passé tragique. L’acte 2 se distingue des autres styles de nô par le fait qu’il n’y ait que des danses gracieuses sans réelles incidence sur l’action.
  • Les nô variés qui se concentrent sur le monde réel et des faits historiques. Dans ce style on retrouve des histoires liées aux sentiments humains souvent tragiques comme la perte d’un être cher ou un amour trahi par exemple ;
  • Les nô des démons sont des pièces mettant en scène des créatures surnaturelles souvent issues des enfers bouddhiques (démons, goblins et bien d’autres). Dans de rares cas, le personnage principal est une créature surnaturelle de bon augure comme un roi-dragon par exemple. Contrairement aux autres styles où le rythme est lent et pesant, ici le rythme est bien plus rapide et fait intervenir des instruments différents tels que le taiko qui est un grand tambour à baguettes. Une danse rythmée annonce le point culminant de ce type de pièce.

Une journée de nô s’articule sur 5 pièces de 2 actes chacune entrecoupées par des pièces de kyôgen. Les pièces de kyôgen ont pour rôle d’apaiser la tension émotionnelle donnée par les pièces de nô par le rire suscité par un côté plus décalé et comique.

Le théâtre kabuki

Le théâtre kabuki est un type de théâtre plus populaire issu des quartiers de plaisir. Ce type de théâtre met en valeur ces quartiers populaires en mettant en scène des danses très suggestives. Les acteurs sont souvent des personnes qui se prostituent. De ce fait les représentations furent pendant un temps interdites par le shogunat car jugées scandaleuses. Il n’était pas rare que des bagarres éclatent à la fin des représentations pour obtenir des faveurs des acteurs. Les plus jeunes acteurs ont donc été interdits de jeu et les acteurs ont été exclusivement masculins jusqu’à l’ère meiji.

Il existe 3 grandes catégories de pièces dans le répertoire du kabuki :

  • Les pièces historiques
  • les pièces du quotidien
  • les morceaux de danses

Le répertoire se divise entre les pièces adaptées du bunraku et du nô, qui ont une trame plutôt tragique, et les pièces plus spécifiques au kabuki qui ont un rythme plus relâché. La différence vient du fait que dans le bunraku, tout est délégué au récitant et il n’est pas rare de voir les actions réduites pour attirer l’attention du spectateur sur celle-ci, tandis que dans le kabuki, tout se situe dans le jeu des acteurs. Il est donc courant d’ajouter ou de retirer des scènes en fonction des aptitudes des acteurs.Voici quelques exemples de pièces célèbres :

  • Shinko engeki jisshu
  • Kabuki jûhachiban
  • Sannin Kichisa Kuruwa no Hatsugai
  • Jiraiya
  • Yoshitsune senbon-sakura
  • Banchô Sarayashiki

Le théâtre est un art très important au japon car il permet de faire le pont avec les anciennes traditions du kagura lors des fêtes religieuses d’une certaine façon on peut comparer le théâtre japonais au théâtre français où le nô peut être vu comme les pièces de tragédies de Corneille ou de Racine par exemple. Le kyôgen peut être vu comme la comédie française et le kabuki est un style bien particulier au japon. La différence majeure entre les pièces de théâtre occidentales et les pièces japonaises se situe dans l’usage de la musique, des chants et des danses lors des représentations. Les acteurs se rapprochent plus de leur personnage avec l’utilisation de maquillage au kabuki et de masques pour le nô. Le nombre d’actes peut également différer d’une pièce à l’autre.

En général, les pièces de nô et de kyôgen se font en deux actes tandis que le kabuki se fait généralement en 5 actes comme en Europe. L’esthétisme et le jeu d’acteur ont une place très importante dans le théâtre japonais. Ces aspects sont peut-être plus prononcés que dans le théâtre européen. Tous ces éléments font que le théâtre est un véritable art dans la culture japonaise.

Par Mounir Lehiani, promotion 2017-2018 du M2 IESCI

Lexique

Shôgun : grand seigneur souvent associé à la guerre

Daimiyô : seigneur vassal du shogun

Edo: ancien nom de Tôkyô

Osaka : grande ville située dans les terres à l’est de l’île principale du japon

ère Meiji : XIXième siècle

Sources

https://fr.wikipedia.org/wiki/Kabuki

https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9%C3%A2tre_japonais

https://fr.wikipedia.org/wiki/N%C3%B4

http://www.clickjapan.org/Art_japonais/theatre.htm

https://www.youtube.com/watch?v=s1xQeYP0aJY

http://www.museedesconfluences.fr/it/node/738

http://www.legrandtour.fr/fr/module/99999672/73/le-theatre-no

https://kyoto.travel/en/thingstodo/entertainment/104

 

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