Le Roundup sème le chaos dans les pâturages de la Commission Européenne

Bayer, Monsanto, Volkswagen, Findus, laboratoire Servier, tant de noms qui résonnent dans nos têtes, que ce soit pour les milliards de chiffres d’affaires qu’ils dégagent ou bien pour les scandales qui leurs sont imputés. Ces 10 dernières années ont été prolifiques en termes de scandales industriels, des noms ont été marqués au fer blanc dans les médias. A l’heure où ces puissantes entreprises dégagent des profits pharaoniques, pourquoi prennent-elles le risque de se faire décrédibiliser par le tribunal médiatique qui lui aussi ne cesse de prendre de plus en plus d’ampleur ?

Mondialisation, explosion de la concurrence, découverte scientifique, accélération des cycles d’innovation, remise en question permanente des procédés de fabrication, augmentation des réglementations, médiatisation à outrance, c’est dans cet univers en perpétuel changement que doivent aujourd’hui évoluer les industriels. Une guerre sans fin qui les oppose entre eux mais également à toutes les institutions qui pourraient leur barrer la route. Des pressions toujours plus fortes, des rivalités les poussant indéniablement à des comportements frôlant ou dépassant les limites de l’éthique, piétinant parfois toutes valeurs morales.

Qu’elle soit visible au travers des clusters que nous voyons naître, ou invisible par le biais de réseaux informels, une nouvelle économie en réseaux se développe. Pour Joseph S. Nye, « Le pouvoir est la capacité à influer sur les autres pour obtenir les résultats que l’on souhaite » et les entreprises l’ont très bien compris.

Agir dans l’ombre à l’heure où l’opinion publique est à la recherche de la plus grande transparence possible peut se révéler être un chemin semé d’embuches qui peut coûter cher aux industriels, tout comme leur rapporter des millions.

Le Glyphosate, pourquoi tant de bruit ?

Le Roundup est un herbicide systémique non sélectif ; son caractère systémique fait que lors d’une pulvérisation, le glyphosate est efficace même si la pulvérisation n’a atteint qu’une partie de sa cible (la plante). Le glyphosate est une substance chimique entrant dans la composition du célèbre « Roundup » de Monsanto, connu pour ses propriétés herbicides sans commune mesure.

Selon certaines études, le glyphosate serait « probablement » cancérigène pour l’homme. L’effet cancérigène du glyphosate étant avéré chez certains animaux, la question se pose. Et c’est justement ce point qui reste à éclaircir, comment ne pouvons-nous pas – avec les moyens matériels et technologiques dont nous disposons aujourd’hui – réaliser une étude qui soit la plus impartiale possible afin de mettre un terme à tous ces débats faisant fi de la santé publique au profit d’une puissance nébuleuse ?

Que fallait-il pour que la Commission Européenne puisse statuer en faveur, ou contre le Glyphosate ?

La décision d’autoriser ou non le Glyphosate revient à l’Europe, pour que le glyphosate soit autorisé, il fallait que la proposition de la Commission Européenne réussisse à réunir une majorité qualifiée lors du vote des états membres. Cette majorité qualifiée est obtenue lorsque 55% des états membre (c’est-à-dire 16 sur 28) se prononcent en faveur d’un texte et si la population de ces Etats favorables représente au moins 65 % de la population totale de l’UE.

A l’inverse, il existe une minorité de blocage, cette minorité est atteinte par 12 Etats membres sur 28, ou par un groupe d’au moins quatre États représentant au moins 35 % de la population de l’Union. Cette minorité de blocage aurait-pu être atteinte si les 7 pays s’étant abstenus lors du vote du 6 octobre (l’Italie, la Grèce, le Luxembourg, l’Autriche, le Portugal, l’Allemagne et la France) s’étaient décidés à se prononcer contre l’autorisation du glyphosate lors du vote du 27 novembre. Mais tout ne s’est pas déroulé comme prévu…

La volte-face de l’Allemagne

Lors du vote précédent, l’Allemagne s’était abstenue, en effet, il n’y avait pas eu de consensus au sein de la coalition. La ministre de l’environnement Barbara Hendricks (sociaux-démocrates) se prononçant contre l’autorisation du glyphosate, alors que le ministre de l’agriculture Christian Schmidt (CSU) y était largement favorable.

Malheureusement pour les verts, le ministre de l’agriculture ne s’est pas embarrassé d’un quelconque consensus et a pris seul la décision de voter en faveur de la reconduction du Glyphosate lors du vote du 27 novembre 2017.

Que ce soit une stratégie du CSU pour reconquérir le cœur des agriculteurs bavarois ou la réussite de la stratégie d’influence des industriels du secteur agrochimique, le mal est fait. Grâce à ce volte-face allemand, la majorité qualifiée a pu être atteinte et le glyphosate réautorisé pour 5 ans par la Commission Européenne.

La France ne sait plus où donner de la tête

Après ce revirement de situation le 27 novembre 2017, Emmanuel Macron a affirmé au nom de la France que le Glyphosate serait interdit en France au plus tard dans 3 ans. La France sera en mesure de faire cavalier seul contre le glyphosate, si et seulement si elle est en mesure d’apporter de nouvelles études scientifiques mettant en avant le caractère cancérogène du glyphosate. Il lui faudra alors présenter un « projet de suspension » à la Commission Européenne qui devra examiner le dossier et donner son approbation en cas de risques avérés pour la santé publique ou l’environnement.

Le chemin que veut emprunter Emmanuel Macron sur ce sujet s’annonce tortueux. Même si la Commission Européenne donnait son approbation à la France concernant l’interdiction du glyphosate, les industriels de l’agrochimie pourraient saisir la Cour de justice Européenne s’ils jugeaient que la décision de la Commission Européenne d’autoriser la France à suspendre l’utilisation du glyphosate est illégale. Tant de procédures judiciaires qui ralentiraient encore le processus de décision, ce dossier est donc loin d’être classé.

L’opinion publique ne pèse pas très lourd dans la balance

Plus d’un million de signatures avait été recueillies lors de l’initiative collective européenne intitulée « Stop Glyphosate » du 25 janvier 2017 demandant : l’interdiction du glyphosate, un changement du processus d’autorisation des produits chimiques et la fixation d’objectifs européens obligatoires de réduction de ces mêmes produits. L’initiative avait été soutenue par nombres d’ONG environnementales comme WWF, Greenpeace, Générations futures…

Une pétition préalablement validée par la Commission européenne doit recueillir au moins un million de soutiens de citoyens au sein d’au moins sept États membres différents afin que la Commission soit obligée de réagir dans les trois mois. Selon les auteurs de cette initiative européenne, la pétition aurait atteint plus d’un million de signatures en seulement cinq mois. La Commission Européenne était donc légalement tenue de répondre aux demandes des Européens et de les considérer dans ses prochaines décisions, la suite des évènements que nous connaissons à présent ne permet malheureusement pas de s’en assurer…

Le glyphosate n’a pas fini de faire parler

Même si la décision de la Commission Européenne d’autoriser le glyphosate pour au moins 5 ans a été voté le 27 novembre 2017, le match est loin d’être plié et les professionnels du secteur agrochimique restent aux aguets. Dès à présent, il leur faut trouver une solution de substitution à ce produit controversé et tout mettre en œuvre pour reconquérir l’opinion publique.

Les mouvements écologistes prennent de plus en plus de place et on ne pourra bientôt plus prendre de décision sans prendre en compte leur avis. On peut d’ailleurs se poser la question de la légitimité d’un ministre agissant seul « contre » l’avis de son gouvernement afin de faire pencher la balance d’un côté ou d’un autre lors d’un vote européen concernant la santé de milliards de personnes.

Aussi, nous pouvons comprendre le cri d’alerte des agriculteurs qui subissent toujours plus de coûts et qui n’ont plus les moyens de se passer du glyphosate dans leurs exploitations. En effet, la priorité aujourd’hui est de trouver des solutions permettant aux agriculteurs européens de rester compétitifs tout en privilégiant la santé publique.

L’aspect économique autour de ces questions se retrouve toujours sur le devant de la scène et nous pouvons nous demander s’il ne faudrait pas remettre l’humain et la santé au cœur de ces processus de décision.

Par Pierre Leval, promotion 2017-2018 du M2 IESCI

SOURCES

https://www.terre-net.fr/actualite-agricole/politique-syndicalisme/article/neuf-infos-a-savoir-sur-le-processus-europeen-de-renouvellement-de-l-herbicide-205-130750.html

https://www.usinenouvelle.com/article/pourquoi-ce-volte-face-de-l-allemagne-en-faveur-du-glyphosate.N620193

http://industrie-agroalimentaire.com/glyphosate-europe-reprend-cinq-ans/

https://www.greenpeace.fr/glyphosate-vers-fin-de-saga/?gclid=EAIaIQobChMI0ffyio3k1wIV5hXTCh2VGAWLEAMYASAAEgLh2PD_BwE

http://www.huffingtonpost.fr/2017/11/27/glyphosate-et-si-le-revirement-de-lallemagne-etait-lie-a-cette-etude-polemique_a_23289314/

http://www.europe1.fr/international/allemagne-le-vote-sur-le-glyphosate-lautre-epine-dans-le-pied-de-merkel-3505850

https://www.usinenouvelle.com/article/vrai-ou-faux-emmanuel-macron-peut-il-legalement-restreindre-le-glyphosate.N620033

Admin M2 IESC