Introduction
A l’aube des dernières actualités françaises et mondiales, comme la COP21 ou la coalition antiterrorisme, les stratégies d’influence attirent l’attention de tous les acteurs majeurs de l’économie internationale.
Les stratégies d’influence impliquent les groupes d’intérêt, qui se définissent comme des organisations cherchant à influencer le pouvoir, mais qui, contrairement aux partis, ne participent pas directement à la compétition politique.
Lobbying, c’est un mot que nous entendons souvent depuis quelques années, mais quel est vraiment le lobbying ? Comment se pratique-t-il ? Quelle est sa relation avec l’intelligence économique ? Quelle est la place du lobbying en France, spécialement le lobbying dans l’industrie du Tabac ? Comment s’opère-t-il face aux mesures de santé publique ?
- Définition du Lobbying
En 1869, la correspondante du journal Washington D.C, et l’une des premières femmes ayant eu une position dans la galerie de presse du congrès, Emily Edson Briggs, a écrit un article intitulé : The dragons of the lobby (les dragons des couloirs).
Son introduction était comme suit : « Serpentant le long et sournois passage du sous-sol, rampant dans les couloirs, trainant sa longueur d’une galerie à une salle de comité. Enfin, il s’allonge étendu sur le sol du congrès. Ce reptile éblouissant, cet énorme serpent du lobby. »
Le lobbying est une stratégie ou un ensemble de méthodes et d’outils permettant d’entretenir légalement un dialogue entre les parties prenantes. Ce dialogue est souvent utile pour les décideurs publics ; notamment lors de la définition, de la décision ou de la mise en œuvre des politiques publiques.
Lobby est un mot anglais signifiant couloir. Pendant le 19ème siècle, on parlait des couloirs de la chambre des communes britanniques où les membres des groupes d’intérêt ou de pression pouvaient se rassembler avec les membres du parlement.
En 1850, le producteur d’armes Samuel COLT, en vue de renouveler son brevet, a demandé aux lobbyistes de distribuer des pistolets aux députés américains, y compris l’enfant d’un membre, âgé de 12 ans.
Aujourd’hui, un lobby est une structure organisée représentant et défendant les intérêts d’un groupe donné. Les lobbyistes peuvent intervenir pour influencer, directement ou indirectement, les décisions des gouvernements, en leur fournissant des informations et aperçus clairs et précis. Cependant, il peut également mener à favoriser davantage les intérêts de certains personnes, surtout quand le processus manque de transparence et d’intégrité. En conséquence, les intérêts des citoyens, ou l’intérêt général comme l’appelle les lobbyistes, court un risque réel puisque les négociations sont faites dans les coulisses.
Certains médias blâment l’influence du lobbying, de par l’importance des intérêts spécifiques de certaines multinationales sur le processus de prise de décision gouvernemental. Par ailleurs, le rapport du FMI (Fonds Monétaire International) met en avant le lien entre, d’une part le lobbying intensif dans les industries de finance, d’assurance et d’immobilier américaines, et d’une autre les pratiques d’endettement à haut risque. Le rapport précise que la réduction de l’influence politique de l’industrie financière, ainsi que le contrôle des activités de lobbying dans le but de la prévention des crises dans l’avenir.
Comme nous le voyons ci-dessus, le nombre des lobbyistes a atteint son sommet en 2007, juste avant la crise des subprimes, ce qui pourrait expliquer un lien effectif entre les deux phénomènes.
- La place du lobbying dans l’intelligence économique
L’intelligence économique est un objet de politique publique, tout autant que le lobbying contribue à modeler la décision publique.
L’intelligence économique ne consiste pas seulement à rechercher l’information (la veille), ni à protéger ce que l’on sait (protection du patrimoine informationnel et intellectuel). Elle suppose aussi une capacité d’influencer, ainsi que provoquer chez d’autres acteurs des comportements ou des attitudes favorables à desseins, sans avoir à recourir à la force ou sans promettre de contrepartie.
En IE, il existe un champ très vaste des stratégies indirectes, englobant aussi bien des politiques globales d’image menées par des pays ou des activités de lobbying légales (et bien acceptées dans certains pays) que des manœuvres bien plus obscures et agressives de corruption et de déstabilisation informationnelle d’une entreprise.
D’après Patrice SCHOCH, ancien Responsable du Reporting de la Veille concurrentielle et du développement à la direction expansion France de Carrefour France, la stratégie organisationnelle de lobbying et de réseaux nécessite de localiser précisément les influences en interne de son réseau et également de définir les opportunités ou les menaces venant de l’environnement extérieur. Il serait aisé de conclure en suggérant l’idée d’une connaissance parfaite et totale de l’ensemble des membres de ses réseaux et de l’environnement extérieur. Il ajoute qu’il serait également utopique de croire que ce type d’approche serait facile, peu chronophage et peu coûteuse.
Localiser précisément les interlocuteurs clés et les sources d’informations utiles, sans perdre un temps précieux, est la première vertu que pourrait constituer une Intelligence Stratégique intégrant et orientant de manière localisée les réseaux utiles et les actions de lobbying.
En effet, le lobbying ne se sépare guère des pratiques de l’intelligence économique, de par la notion du réseau, tant d’un point de vue de veille, qui implique la mobilisation d’un réseau, que de l’analyse de l’information, que finalement de la diffusion de la connaissance, qui dans une logique d’influence, nécessite la maîtrise des canaux stratégiques du cycle de l’information.
Autrement dit, pour pratiquer le lobbying, il faut faire de l’intelligence économique ; et afin de pratiquer l’intelligence économique, on passe inévitablement par le lobbying. Ceci va de soit même quand on pratique du lobbying à un niveau individuel. Défendre ses propres intérêts et préconiser la collaboration avec les partenaires sur vos actions est, en effet, une forme de lobbying.
- Exemple en France : Le lobbying omniprésent dans l’industrie du tabac
a. Lobbying du tabac en France
Après plusieurs tentatives des lobbies du tabac pour esquiver le paquet générique, ce dernier vient d’être voté par l’assemblée nationale en France. La décision prendra effet à partir du mois de Mai 2016.
Le lobby du tabac est un lobby puissant. les industriels du tabac comme Philip Morris International, le cas que nous prendrons dans cet article, sont omniprésent dans les médias (le magasine de la Confédération des Buralistes Le Losange), dans le milieu politique (Club des Parlementaires Amateurs de Havane) et dans le milieu économique
Le lobby du tabac se compose de la Confédération des Buralistes qui est le membre le plus important du lobby du tabac et desles industriels du tabac. le lobby du tabac a également des soutiens au Parlement. Ces acteurs opèrent des pressions permanentes à l’encontre des mesures de santé publique.
L’influence de l’industrie du tabac pour mettre à mal les mesures de contrôle du tabac, en interférant à tous les niveaux de décision, est largement documentée et incontestable.
Cette influence n’est nullement révolue, compte tenu notamment de la puissance dont bénéficie cette industrie, dotée de moyens financiers plus puissants que ceux de nombreux Etats. Elle ne concerne pas seulement les pays à faibles revenus ou des pays qui se caractérisent par un degré élevé de corruption. L’Europe, et notamment la France, sont également particulièrement touchées.
« En dépit de l’ensemble des coûts sanitaires et financiers qu’occasionnent le tabagisme dans notre pays, l’industrie du tabac et ses alliés parviennent encore aujourd’hui à bloquer toute politique de santé publique digne de ce nom. »
www.cnct.fr Comité national contre le tabagisme
b. Le processus du lobbying : Exemple de Philip Morris – Un géant du Tabac… et du lobbying
L’émission passée sur France 2, Cash investigation : Industrie du tabac – La grande manipulation, permet de relever plusieurs points essentiels :
- En France, l’industrie du tabac est une industrie en guerre qui est prête à tout pour vendre.
- 161 lobbyistes en Europe s’occupent du dossier Tabac comme Philip Morris.
- Leur rôle est de convaincre le parlement européen de ne pas imposer des directives trop agressives sur l’union européenne en nfluençant les parlementaires et les députés européens.
Les lobbyistes de Philip Morris, faisant un réel travail de traitement de l’information utile, ont classé et fiché les députés français en deux catégories : les députés pro-tabac et ceux qui sont anti-tabac. Ils pratiquent également de la veille en surveillant de près les députés anti-tabac, leurs discours et leurs idées.
Ces députés anti-tabac ont été choqués lors de la lecture de documents confidentiels appartenant à Philip Morris, ou l’on trouvait mentionné tous les mouvements, leurs idées, leurs alliés et leurs positions.
D’un autre côté, quand les journalistes ont confronté certains députés pro-tabac, influencés par les lobbyistes des Philip Morris, leurs arguments se basaient sur le principe de la liberté individuelle. Quand un citoyen achète des cigarettes, il achète du plaisir. Ils défendent également l’idée que ce n’est pas l’industrie qui tue les fumeurs, mais la nicotine, cependant, la volonté de l’homme est plus forte, s’il désire fumer, personne ne l’en empêchera. En addition, ils évitent de lier le tabagisme à une addiction.
Les députés pro-tabac ont également précisé que le rôle du lobbyiste est de les informer et de les aider à élaborer leur jugement. Ainsi, le lobbying permet au législateur de prendre en compte la complexité du monde dans lequel nous vivons et d’enrichir la production du droit. Quoique, les journalistes ont découvert que ces lobbies allaient jusqu’a rédiger eux-mêmes les amendements proposés lors des assemblées générales de la commission européenne.
L’activité de lobbying est tellement vitale pour Philip Morris, qu’ils disposent de leur propre bureau de lobbyistes. Ils recrutent soit des boites de lobbying qui offrent leurs services de façon annuelle, soit des anciens collaborateurs politiques (des cabinets ministériels par exemple), tout en leur promettant des postes plus importants, ou encore en leur proposant d’appartenir au réseau. Comme a dit une interviewée « on est tous des amis » !
Le géant du Tabac ne communique pas directement avec les députés, mais il les utilisent pour défendre leurs intérêts. Comment ? En passant par les buralistes. La compagnie de tabac manipule des buralistes qui, à leur tour, manipulent les députés.
Conclusion :
Le lobbying est une notion qui ne cesse de s’étendre. C’est une sphère ou les entités se font pression, uniquement en utilisant l’information comme ressource initiale. Le lobbying va-t-il évoluer davantage ? Maintenant que le public prend conscience des pratiques suspectes ayant lieu dans les coulisses des assemblées, est-ce que l’activité du lobbying continuera sa traversée comme avant ? Le citoyen se sent dépourvu de sa volonté, il vote pour un député qui a le devoir de défendre ses intérêts, mais qui finit de défendre l’intérêt d’une multinationale. En effet, l’information est un couteau à double tranchant. Certes, elle permet à des entreprises d’appliquer leur loi, là où elles n’ont aucun pouvoir direct, ceci dit, elle permet aussi aux citoyens de voir clair dans les jeux des couloirs.
Sofia Barim, étudiante promotion 2015-2016 du M2 IESC
Bibliographie :
Emission Cash investigation : Industrie du tabac – La grande manipulation sur France 2.
MARCON, C. (2007, 4). Analyse de réseaux en intelligence économique : éléments pour une approche méthodologique. ESKA – Market Management.
Heike Klüver, European Integration and Supranational Governance, Alec Stone Sweet, Wayne Sandholtz (1998)
http://www.oecd.org/gov/ethics/lobbying.htm
http://www.huyghe.fr/actu_256.htm
http://lobbydutabac1.e-monsite.com/
http://lobbyfacts.eu/representative/cfb2020049a049b4ad8d334466fcb700
