Le développement des clusters en Europe : le domaine de l’aéronautique

Nous sommes aujourd’hui en surinformation notamment du fait des NTIC. L’intelligence économique (IE) permet en partie de gérer cette surinformation et l’action qui en résulte. Ensuite, l’IE ne s’est développée dans le privé que depuis les années 90. Cependant, elle existait sous une forme différente avant en effet, il s’agissait de rechercher des informations militaires, mais avec la fin de la guerre froide tout un pan de cette recherche ne faisait plus rien. Il y a eu un transfert vers l’économie. Elle est aujourd’hui l’un des outils essentiels de l’entreprise face au monde qui l’entoure. Cependant, l’intelligence économique est obligée de s’adapter pour pouvoir être efficace. Elle est définie de différentes manières, mais les mêmes idées sont toujours présentes.

Pour définir l’IE nous allons utiliser la définition donnée par le rapport Martre : « L’intelligence économique peut être définie comme l’ensemble des actions coordonnées de recherche, de traitement et de distribution, en vue de son exploitation, de l’information utile aux acteurs économiques. Ces diverses actions sont menées légalement avec toutes les garanties de protection nécessaires à la préservation du patrimoine de l’entreprise, dans les meilleures conditions de délais et de coûts. L’information utile est celle dont ont besoin les différents niveaux de décision de l’entreprise ou de la collectivité, pour élaborer et mettre en œuvre de façon cohérente la stratégie et les tactiques nécessaires à l’atteinte des objectifs définis par l’entreprise dans le but d’améliorer sa position dans son environnement concurrentiel. Ces actions, au sein de l’entreprise, s’ordonnent autour d’un cycle ininterrompu, générateur d’une vision partagée des objectifs de l’entreprise. » Nous voyons donc l’importance de l’IE dans un monde de plus en plus interconnecté comme une arme des entreprises, des états face à la concurrence. L’IE peut être utilisée pour favoriser les entreprises et s’organiser en réseau.

C’est Porter qui va dans son ouvrage expliquer sa théorie et pourquoi il faut créer des clusters. C’est l’idée du losange de Porter. Cela permet de voir les forces et les faiblesses dans une entreprise, une organisation, un réseau, etc… Cela permet de remettre un réseau dans son contexte entre la compétition et la coopération d’un côté et entre la demande et l’offre de l’autre afin de connaître ces avantages concurrentiels comme on peut le voir dans ce schéma. L’idée des clusters a été développée avec Marshall, Porter, mais aussi par Becattini et l’école de Florence avec les districts en Italie. Les Clusters se font sur une approche thématique alors que les districts se font plus sur une approche humaine. Suite aux succès de cette politique dans d’autres pays, la France a décidé de créer sa politique de clusters avec les pôles de compétitivités en 2005. Les autres pays du continent ont aussi une politique de cluster. L’aéronautique et notamment Airbus est très important pour l’UE. Le cluster le plus important en Europe dans le domaine de l’aéronautique se trouve à Toulouse même s’il y en a d’autres à travers l’Europe et notamment celui de Hambourg en Allemagne ou de Rzeszów en Pologne. La vision de ces différents pays n’est pas pareille et les politiques industrielles au niveau des clusters ne sont pas les mêmes. Cependant, l’Union européenne a décidé de mettre en place différentes politiques dans le but de les développer suivant l’objectif mis en place après le Traité de Lisbonne.

Quelle est la stratégie de développement des clusters en Europe dans le domaine de l’aéronautique ? Nous verrons dans un premier la stratégie française avant d’examiner la stratégie d’autres pays notamment l’Allemagne et la Pologne et enfin nous inspecterons la stratégie européenne.

La vision française et l’Aerospace Valley

Cette politique a été présentée comme un tournant de la politique industrielle française. On compte plus de 70 pôles de compétitivités avec seulement 18 pôles mondiaux où à vocation d’être des pôles mondiaux (chiffres de 2011) dont Mov’eo, consacré à la recherche et développement dédiée à la mobilité et à l’automobile se trouvant à Rouen, ou l’Aerospace Valley pour ce qui est du domaine aéronautique à Toulouse que nous allons voir plus en détail. Cette politique est mise en place alors que culturellement les Français coopèrent peu alors que c’est la base même de l’idée des clusters. On peut nommer celui de Saclay qui devait être l’un des meilleurs alors que ça n’a pas fonctionné faute de coopération. À l’inverse, les clusters de Grenoble et de Toulouse ont très bien fonctionné.

Ensuite, l’état a dépensé environ 160 millions d’euros dans cette politique ce qui est plus que ses voisins. Il y a eu une évaluation de cette politique par différents auteurs montrant des points positifs et négatifs. Dans les points positifs, ils disent qu’il y a eu des augmentations de productivité comme remarqué dans les autres clusters des autres pays. On va ainsi avoir des projets pertinents et efficaces comme le pôle de compétitivité de Grenoble spécialisé dans les nouvelles technologies. Le pôle de compétitivité de Toulouse est le meilleur des exemples pour défendre cette politique ou autour d’une entreprise, Airbus un champion européen, s’est construit un tissu de PME. Tout cela a permis la coopération de ces entreprises entre elles, mais aussi avec des écoles et des collectivités territoriales donnant à la région une véritable spécialisation dans ce domaine.

Cependant il y a plusieurs points négatifs. Tout d’abord, il y a les problèmes d’externalités liés à la congestion et à la pollution. Ensuite, il y a le fait que ce soit une politique peu adaptée à la France comme dit précédemment. En effet, on coopère peu. De plus des clusters ne sont pas indépendants, car l’état fournit beaucoup de subventions et ils ont besoin de subventions pour survivre. Puis nombre de projets ne peuvent se faire sans l’aval de l’Etat ce qui est contraire aux idées prônées par les théoriciens des clusters comme Porter, Becattini ou Boschma. Cela peut poser le problème des « cadeaux politiques » afin que chacun ait un pôle de compétitivité dans sa région. Enfin, il y a le nombre de pôles de compétitivité qui est très grand, 70, ce qui a obligé l’Etat à faire une différenciation avec les pôles mondiaux. Cependant, cela n’empêche pas d’avoir des succès comme le pôle de compétitivité de Toulouse.

L’Aerospace Valley est un succès économique politique français et européen. En effet, ce pôle de compétitivité mondial s’est construit autour d’Airbus qui a été créé grâce à une coopération entre des pays européens. Son importance se voit aussi par son chiffre d’affaire qui est de 64 milliards en 2015. C’est devenu un pôle mondial grâce à cette entreprise. Pour comprendre l’évolution de ce cluster, il faut connaître l’évolution de cette entreprise. Airbus est le fruit de la coopération de plusieurs Etats européens dont la France et l’Allemagne qui sont les plus grands contributeurs. En effet sur le marché de l’aviation, seul une coopération européenne peut permettre à une entreprise d’atteindre une masse critique et de concurrencer Boeing, Cet accord se fait tout d’abord entre la France et l’Allemagne en 1969 puis avec le soutien de l’Espagne, du Royaume Unie. En 2000, il y a une fusion entre 4 entreprises majeures le Français Aerospatiale, l’Allemand DASA, l’Espagnol CASA et le Britannique BAE Systems ont fusionné pour donner le Groupe Airbus SAS dont le siège se trouve à Toulouse.

De plus, ce cluster dispose d’un réseau de quelques 800 entreprises dont une majorité de PME. Il y a une véritable coordination entre ces entreprises, les EPST (écoles publiques à caractère scientifique et technologique) et les pouvoirs publics permettant une grande efficacité. C’est l’un des clusters en France qui s’est formée le plus facilement, car tous les acteurs coopèrent depuis des dizaines d’années. Nous voyons donc qu’Airbus est très important, mais le réseau construit autour est un exemple de ce qui devrait être fait dans les pôles de compétitivités. Après avoir vu le pôle de compétitivité français nous allons voir d’autres politiques de cluster en Europe, notamment l’Allemagne et en Pologne.

2 exemples européens : l’Allemagne et la Pologne

Le « Das Luftfahrtcluster Hamburg » est le cluster de l’aéronautique de Hambourg et est très important. Premièrement, ce cluster allemand fait partie des 15 clusters allemands, (contre plus de 70 clusters en France) et est le seul dans l’aéronautique. C’est un Spitzenclusters, c’est à dire un cluster d’excellence. Il n’est reconnu comme tel qu’en 2008 par le ministère fédéral de la recherche allemande. Il a été créé par plusieurs acteurs dont l’université de Hambourg, l’aéroport de Hambourg, Lufthansa et Airbus. Airbus qui joue aussi un rôle primordial dans l’Aerospace Valley. Comme ce cluster est allemand, la logique fédérale est importante, c’est pourquoi avant qu’il soit reconnu comme cluster d’excellence, il était reconnu comme un Kompetenznetze c’est-à-dire un réseau de compétences où le principal objectif était de favoriser la coopération et la mise en réseau des différents acteurs. Ce programme fut mis en place en 1998 au niveau fédéral. Il y a plusieurs choses qui diffèrent selon ces 2 pays. En effet, il y a une différence sur l’évaluation des actions publiques qui permet ainsi d’arrêter une politique qui ne serait pas productive.

De plus, l’Allemagne aide financièrement, ses clusters d’excellence avec un contrôle, pour faire partie de ce groupe, il faut avoir des résultats, car on peut vous enlever cette appellation. Le modèle de financement est là aussi différent, car il y a peu de subventions et une majorité de financements privés. De plus, chaque cluster d’excellence est choisi afin de ne pas avoir de doublon et suivant les spécificités de chaque région, comme par exemple le cluster du bio en Bavière. Enfin, les Allemands savent mieux coopérer que les Français facilitant le développement des clusters. De plus, il y a un lien très fort entre les banques et les entreprises favorisant l’échange d’informations et permettant de faciliter les réseaux, ce qui est mieux qu’en France. Puis au niveau des subventions, celle accordée par l’Etat allemand est d’environ 50 millions d’euros, soit 3 fois moins que celle accordée par l’Etat français. Ensuite, le nombre de clusters en Allemagne est plus raisonnable où on en a 15 ce qui est plus pertinent et reste à peu près au niveau des autres pays européen où on va avoir par exemple 10 clusters en Finlande ou 7 en Pologne. On voit donc bien la différence de politique de cluster entre la France et l’Allemagne où les idées, la culture sont différentes et les conséquences sont aussi différentes.

Après avoir vu les clusters allemands on va voir maintenant le cas des clusters en Pologne. Autour de Rzeszów, capitale de la Région, se regroupent 90 % des acteurs de l’aérospatial Polonais. C’est là que se trouve le cluster à ambition mondial de l’Aviation Valley. La politique actuelle de cluster en Pologne a été faite en 2012. Cette loi va mettre en place de nouvelles choses. Tout d’abord, il y a 7 clusters nationaux clés, pour le développement du pays, qui sont listés avec notamment dans cette liste l’Aviation Valley. Ces clusters nationaux clés ont vocation à être des clusters mondiaux. Ils vont d’ailleurs chercher à favoriser ces clusters, mais aussi la création de nouveaux clusters eux régionaux. Il va y avoir un soutien financier mais aussi administratif notamment dans le domaine de la recherche et développement. Il va d’ailleurs y avoir de nombreux partenariats public-privé pour certains financements. Ensuite cette politique demande aux régions de prendre leur part dans le développement de ces clusters où chaque région devra se spécialiser afin d’éviter des doublons.

Cette politique mise en place pour la Pologne est assez récente, il faut donc attendre pour en connaître les conséquences et ainsi voir si elle est plus efficace que dans d’autres pays. Le cluster de Rzeszów est une réussite, car c’est un bassin d’emplois important, plus de 23 000 personnes y travaillent et de nombreuses entreprises produisent des biens dont Safran et Airbus. Une des raisons qui montre son importance sont les missions inter pôles avec l’Aerospace Valley comme en 2016 dont le but est de renforcer les liens entre ces 2 clusters. Ce qui en fait un cluster performant comme les 2 précédents où il y a un véritable réseau entre les grandes entreprises internationales tel Airbus, des PME et des entreprises polonaises, des écoles d’ingénieurs et d’aviation ainsi que la participation des pouvoirs publics. Cette coordination permet à ce cluster d’être performant. De plus, il bénéficie du faible coût de la main d’œuvre qui est aussi très bien formée. Nous voyons ici 2 exemples de la vision en Europe dans le domaine de l’aéronautique, mais il est plus pertinent de comparer le modèle français et allemand, car ils y sont dans l’UE, et suivent donc les mêmes règles, depuis plus longtemps que la Pologne. Après, dans ce domaine, il y a de nombreux partenariats entre des entreprises de différents pays. Ainsi Airbus, constructeur européen, a des partenariats avec des entreprises dans toute l’Europe.

Influence de l’UE dans la politique de cluster

L’Union européenne à une grande influence dans la politique de cluster de ses pays membres. Il s’agit de politique industriel. En effet, il n’y a pas d’IE faite par l’UE, c’est ce qui est montré par les rapports Martre, Carayon 2003 et Carayon 2006 qui pointent le manque d’intelligence économique et les conséquences que cela cause. En ce qui concerne l’économie de la connaissance et les clusters, le traité de Lisbonne en 2007 est important, car l’objectif qui est inscrit dans ce traité est de faire que l’Europe soit la première économie de la connaissance du monde. C’est la suite de la stratégie de Lisbonne qui fut une politique ratée. Il s’agit d’une politique industrielle audacieuse qui avait pour but de faire de l’UE une grande économie de la connaissance, ce fut un échec, car les Etats n’ont pas respecté leurs engagements. Le rapport Garrigue explique pourquoi ça n’a pas marché. Il montre la faiblesse de l’UE face aux États-Unis au niveau de la recherche où la politique mise en place fonctionne. Ensuite le manque de politique industrielle commune est un problème, car chaque Etat fait ce qu’il veut par exemple au niveau des dépenses de recherches par PIB, c’est très diversifié d’un pays à un autre et on voit qu’en moyenne l’UE (les chiffres pris pour l’UE sont justes pour l’UE à 15 avant l’élargissement en 2004) dépensait à peine 2% de son PIB dans la recherche alors que les États-Unis sont à 2,8%. Puis le manque de moyens mis en place est pointé, car en effet, l’objectif donné est de dépenser l’équivalent de 3% du PIB en recherche, cet objectif n’est pas atteint pour la France par exemple, il était de 2,24% selon la Banque Mondial en 2013. De plus, il critique les objectifs budgétaires de Maastricht qui selon lui limitent les investissements nécessaires. On voit que ces politiques misent en place par l’Union Européen sont limitées et qu’elles sont majoritairement des échecs.

L’Union européenne a mis en place les PCRD, les programmes cadre recherche et développement. Le programme de Lisbonne est un PCRD du début du millénaire. Nous allons voir de plus près le 8ème PCRD qu’on appelle aussi le plan horizon 2020. Il est défini comme « Le programme Horizon 2020 regroupe les financements de l’Union européenne en matière de recherche et d’innovation et s’articule autour de trois grandes priorités : l’excellence scientifique, la primauté industrielle et les défis sociétaux. Entrée en vigueur le 1er janvier 2014. » Il finira en 2020. Il se fait autour de plusieurs enjeux, le but est de renforcer la position de l’UE dans le monde au favorisant l’attractivité et la productivité dans la recherche. Ce programme se fait autour de 3 grandes priorités, l’excellence scientifique, l’industrie, les défis sociétaux. Cela se fait toujours dans l’idée de faire de l’UE la première économie de la connaissance. Dans cette optique, ce plan est doté de 79 milliards d’euros pour soutenir les entreprises et PME afin de favoriser la recherche. Ce programme finance en priorité les PME, mais aussi différents clusters qui rentrent dans les objectifs de ce plan afin de les aider à se développer.

Ensuite la stratégie européenne au niveau aéronautique et aérospatiale se fait dans un but stratégique, car c’est un secteur important. On peut ainsi prendre le projet Galileo qui doit permettre d’être indépendant du système de géolocalisation russe et américain. De plus, Airbus est un succès en tant qu’entreprise même s’il passe en même temps par des accusations de corruption et obtient des gros contrats comme celui de 50 appareils A320 par une compagnie chinoise ou encore un contrat avec le Qatar pour environ 5 Milliards d’euros pour 50 avions. De plus, Airbus serait impossible aujourd’hui selon J.Attali où il explique que les lois actuelles de l’UE sur la concurrence rendraient cela impossible. Pourtant, de la volonté des Etats européens est née un champion aéronautique permettant de concurrencer l’Américain Boeing et les futurs concurrents asiatiques notamment l’entreprise chinoise Comac. Ensuite, cette entreprise à dimension mondiale est en guerre juridique à l’OMC avec Boeing sur des aides venant de l’UE pour l’un et des États-Unis de l’autre. Cela montre que l’UE ne laisse pas tomber et ne laissera pas tomber Airbus. On voit donc que l’UE met en place de vrais politiques industrielles cependant, il n’est plus possible aujourd’hui de refaire un champion comme Airbus, mais pour autant l’UE ne va pas laisser cette entreprise quand elle est dans le besoin. Cela lui donne une vision stratégique.

Conclusion :

Pour conclure, on voit que les pays de l’UE suivent différentes voies dans leurs politiques de clusters plus ou moins efficaces. L’UE qui ne faisait pratiquement rien à maintenant une politique industrielle notamment envers les clusters. De plus, nous voyons que le secteur de l’aéronautique marche très bien en Europe notamment grâce à Airbus. Dans les 3 exemples, ce sont des clusters cruciaux pour chaque pays. Enfin, on voit aussi que ce secteur est primordial à l’UE, car il est un exemple concret de la réussite du travail commun des Etats européens et il permet de favoriser l’indépendance de la région vis-à-vis d’autres comme on l’a vue avec le projet Galileo.

Par Penloup Alexandre, promotion 2017-2018 du M2 IESCI

Annexes :

Bibliographie :

  • Rapport Martre
  • Rapport Carayon 2003
  • Rapport Carayon 2006
  • Rapport Garrigue
  • Traité de Maastricht 1992
  • Traité de Lisbonne 2010
  • Rapport globale d’évaluation des pôles de compétitivité 15juin 2012
  • Jérôme Vicente. Économie des Clusters. 2016, Paris Édition la Découverte
  • Commission Européenne, HORIZON 2020 en bref Le programme-cadre de l’UE pour la recherche et l’innovation, 2014
  • Quentin Lafféter, « Quel bilan pour les pôles de compétitivité français ? », Idées économiques et sociales 2013/2 (N° 172), p. 34-44.DOI 10.3917/idee.172.0034

Webographie :

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