Le Chasseur F35, ou une tentative de torpillage de l’industrie de Défense Européenne

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Le F-35 Américain et le Rafale Français (crédits : Lockheed-Martin, Armée de l‘Air)

Le F35, Programme militaire phare du gouvernement américain,  défraye régulièrement les chroniques économiques du fait de l’explosion de son coût qui en fait l’avion de combat le plus cher de l’Histoire. Au-delà de ces surcoûts et retards à répétitions qui provoquent des remous chez ses alliés, le programme a néanmoins réussi à entraver l’industrie de défense européenne, et notamment le français Dassault Aviation.

En effet, lors du lancement du programme en 2002, les Etats-Unis, qui l’ont baptisé « Joint Strike Fighter » ont réussi à attirer différents pays de l’OTAN pour participer à son développement. Outre les raisons géopolitiques et les retombées économiques promises (43 milliards pour le R-U), cet avion offrait aux pays partenaires une interopérabilité accrue dans l’OTAN,  et la possibilité d’avoir un avion de combat polyvalent de nouvelle génération à un prix plus réduit du fait de sa production de masse (6 000 appareils prévus). La Grande-Bretagne, le Danemark, l’Italie, les Pays-Bas, la Norvège et la Turquie entrèrent dans ce programme, au détriment d’avions européens tels que l’Eurofighter, le Gripen suédois, et bien sûr le Rafale. Le coup-double est à ce moment-là parfait : l’américain Lockheed Martin s’assurait du renouvellement des escadrilles européennes et de leurs entretiens futurs ; mais surtout elle réussit à absorber 5 milliards de dollars (dont 2,5 pour le Royaume-Uni) de crédits budgétaires européen en R&D.  Cela produit un isolement des débouchés européens de la France, qui est, le seul pays avec la Russie, maîtrisant toutes les technologies et compétences pour industrialiser un tel avion de combat.

Le programme de développement a pris beaucoup de retard et son coût a explosé à 365 milliards de dollars, le coût unitaire est passé de 35 à 106 millions de dollars et a provoqué des réactions chez les différents partenaires, notamment le Canada. De plus, le contexte budgétaire actuel lié à ces surcoûts a provoqué des baisses de commandes (Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni) ou des ajournements (Danemark).

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Origine des avions de combat des différents pays européens (crédits : Clément Lebœuf)

Un surcoût indirectement profitable aux USA

Le retard dans l’arrivée de ce concurrent américain ne fait pourtant pas les affaires du Rafale à l’export, qui vole de désillusions en désillusions. Les avionneurs américains ont modernisé leurs avions vieillissants (F-18 et F-16) afin de rester sur les marchés à l’export. Ces avions moins chers à l’achat et technologiquement moins évolués, sont adaptés aux aviations des pays en développement, contrairement au Rafale, trop sophistiqué et trop cher.

De plus, les tergiversations du F-35 ont un impact géopolitique pour la France. En effet, l’accord franco-britannique signé en 2009  instituait une alliance militaire bilatérale, et notamment la création d’un  groupe aéronaval conjoint avec l’apport du nouveau porte-avion de la Royal Navy pouvant intégrer un escadron de Rafale français. Cependant, l’augmentation du prix de l’appareil, couplé au coût de développement de la catapulte du porte-avion a conduit le gouvernement de Sa Majesté, à opter pour la version à décollage vertical du F-35.  Cela met à mal l’interopérabilité des aéronefs pour cette flotte alliée.

Bien que le F-35 n’ait pas coulé Dassault, d’autres entreprises européennes pourraient attirer l’attention de l’oncle Sam. Les prochaines cibles pourraient être l’italien Finmeccanica et surtout le britannique BAE Systems. En septembre 2012, ce dernier, spécialisé dans l’aéronautique et le naval, et le consortium européen EADS, songeaient sérieusement à fusionner, ce qui aurait crée le premier groupe mondial dans l’industrie de la défense. Ce rapprochement n’a pas eu lieu du fait d’un désaccord politique entre les gouvernements français, allemands et britanniques. Ce camouflet peut être une opportunité pour les américains car la majorité des  ventes de BAE sont destinées aux Etats-Unis. Une simple annulation ou ajournement de plusieurs commandes du Pentagone pourrait faire baisser la valeur de l’entreprise pour racheter des parts à un prix faible. Dans un contexte européen où les budgets militaires sont en contraction et que certains gouvernements semblent déléguer leur sécurité aux Etats-Unis, l’affaire est donc à suivre…

Clément Leboeuf

Sources :

CABIROL M. (2012), « Le F-35, grandeur et décadence du programme militaire vedette américain », la Tribune, 05/12/2012.

DE LA BROSSE J. (2012), « EADS-BAE, Pourquoi la fusion du siècle a échoué », l’Expansion disponilbe sur : http://lexpansion.lexpress.fr/outils/imprimer.asp?k=3&id=346239

CHABBI M.,  Politique de défense de la France, cours dispensé à l’université Lyon II le 03/03/2013.

GNESOTTO N. (2011), « L’Europe a-t-elle un avenir stratégique ? », Editions Armand Colin

GROS-VEYREYDE N. (2012), « Les 13 points de l’accord franco-britannique sur la défense », Article disponible sur Internet : http://www.bruxelles2.eu/armees-europeennes/les-13-points-de-laccord-franco-britannique-sur-la-defense.html

HUSSON, J.P. (2014), « Regard sur les forces armées Britanniques au-delà de 2015 », Raids, n°332, p. 60-66

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