« Le bitcoin est une unité de compte virtuelle stockée sur un support électronique permettant à une communauté d’utilisateurs d’échanger entre eux des biens et des services sans avoir à recourir à la monnaie légale » Banque de France, 5 décembre 2013.
En 2009, un jeune étudiant norvégien découvre une nouvelle monnaie virtuelle seulement disponible sur internet et qui permet à son acquéreur de faire des achats en ligne. Par curiosité, l’étudiant Kristoffer Koch décide d’en acheter pour un peu moins de 20 euros ce qui lui permet de disposer de 5000 Bitcoins. L’anecdote veut que sa petite amie de l’époque ne soutienne pas son expérience, elle n’aime pas trop le voir dépenser son argent ainsi, de plus à ce moment-là peu de dépenses en bitcoin s’offraient à lui, il va donc laisser cela de côté jusqu’à l’oublier. Bien lui en a pris puisque 4 ans plus tard en pleine crise chypriote, la Une du « Financial Time », consacrée à cette monnaie, annonce que la valeur totale des bitcoins en circulation dépasse le milliard de dollars. Le Bitcoin, une monnaie électronique totalement décentralisée, ni gérée par un État ni par une banque centrale, voit sa valeur franchir les 147 dollars pour 1 Bitcoin. C’est le jackpot pour Kristoffer Koch ! Il vient subitement de démultiplier son petit capital de 20 euros et il dispose alors de 650 000 euros en bitcoin, ce qui lui permet de s’offrir un bel appartement dans les quartiers huppés d’Oslo.
La naissance du bitcoin après la crise financière mondiale et le mystère Satoshi Nakamoto
En 2008, alors que le monde est en pleine crise des subprimes, un développeur, qui ne sera connu que sous son pseudonyme de « Satoshi Nakamoto », pose le concept du bitcoin. L’innovation du bitcoin, qui va la différencier des autres crypto-monnaies[1], est qu’elle fonctionne grâce à un système de chaînes de preuves cryptographiques, qu’on appellera par la suite la « BlockChain ». Elle rend cette monnaie décentralisée et infalsifiable. L’année suivante, le logiciel open-source, permettant leur création, est prêt à être diffusé sur la toile, ce qu’on appelle dans le jargon le « minage de bitcoin ». 2009 sera une année quasiment confidentielle pour cette crypto-monnaie mais elle va peu à peu faire son bonhomme de chemin, suffisamment pour voir s’étendre le cercle d’utilisateurs au-delà des « crypto-geeks » (ndr : ou moins péjorativement des early-adopters). Fin 2010, le créateur du bitcoin disparait dans la nature mais avant il laisse à Gavin Andresen un accès au projet SourceForge Bitcoin et une copie de la clef d’alerte qui permet de prévenir le réseau d’événements importants par la diffusion d’un message à tous les clients Bitcoin. Satoshi Nakamoto fut pendant un moment le seul mineur de bitcoin et il disposerait aujourd’hui d’un capital d’environ 1 millions de bitcoin. Le mystère reste aujourd’hui entier autour de l’identité de ce mystérieux développeur puisqu’il ne s’est plus jamais manifesté, au point que certains doutent de son existence et attribuent la paternité de la monnaie virtuelle à un groupe de programmeurs anonymes. Le 9 février 2011, le bitcoin atteint la parité avec le dollar. Dans le même mois, le site sulfureux « Silk Road »[2] est lancé, à partir de cet instant la volatilité de la monnaie deviendra très forte avec des pics supérieurs à 1000 dollars et des reflux de près de 80% de sa valeur. Ces deux éléments pris en compte, le bitcoin va naturellement alimenter la presse économique, ce qui élargi encore plus sa visibilité.
Voici le cours de change du bitcoin entre Janvier 2010 et Août 2013 avec quelques dates clés autour des soubresauts du cours identifiés par la banque de France.
(Note : le cours actuel se situe autour des 300 dollars).
Qu’est-ce que le minage et comment fonctionne le bitcoin ?
Le fonctionnement du bitcoin ne ressemble à aucune règle monétaire classique, il n’y a pas de création monétaire comme par exemple lorsqu’une banque vous octroie un prêt bancaire. Cette monnaie n’est pas non plus contrôlée par une banque centrale. L’analogie du bitcoin avec l’or permet de mieux appréhender le fonctionnement de cette monnaie électronique et d’expliquer sur quoi repose son modèle et sa volatilité. Un peu comme l’or, il existe un stock fini de bitcoin. S’il y a X tonnes d’or sur Terre, on sait qu’il existe 21 millions de bitcoin en tout et pour tout. Aujourd’hui, il y a environ 15 millions de bitcoin qui circulent dans la nature. Ils sont arrivés ici par un mécanisme de création ex-nihilo qu’on appelle le « minage », c’est-à-dire que l’émission de bitcoin est gérée par un algorithme informatique qui va générer régulièrement des bitcoins mais à un rythme décroissant dans le temps. Par exemple, lorsqu’une transaction en bitcoin est demandée entre deux utilisateurs pour une vente, les mineurs sont alors en concurrence les uns contre les autres pour sécuriser la transaction le plus rapidement possible. Il va donc falloir résoudre un calcul mathématique très élaboré afin de valider de façon certaine une série de transactions. Le premier « mineur » qui résout les calculs le plus rapidement remporte la mise, c’est-à-dire un petit montant de bitcoins en récompense qu’il revend ou dépend à son gré.
La ChainBlock
Quelle utilité à cette série de calcul ? Il y a deux objectifs : le premier est de pouvoir valider de manière cryptée le versement entre les deux parties d’un échange et le second est de le répertorier dans une base de données publique qui peut être consultée par tous ceux présents sur le réseau bitcoin. Cette base de données permet d’éviter toute tentative d’introduire de faux bitcoin dans le réseau et donc de le sécuriser.
Le Bitcoin est-elle une vraie monnaie ?
Peut-on considérer le bitcoin comme une alternative crédible de monnaie ? Si l’on se réfère à la définition de la monnaie, voire même au rôle dévolu à celle-ci, alors elle se définie comme tel :
Première condition, elle doit représenter une unité de compte, en d’autre mot vous devez pouvoir fixer le prix d’un bien avec. Par exemple, il est possible de fixer le prix d’un vol Paris New-York à 5 bitcoins. Seconde condition, elle doit être un intermédiaire à l’échange, c’est-à-dire qu’il est possible de l’utiliser pour acheter des biens et des services. En son absence, les échanges ne s’opèrent que sous forme de troc d’un bien contre un autre, « ta paire de chaussures contre ma chemise ! » S’il y a une double coïncidence des désirs, « moi je préfère tes chaussures à ma chemise » alors l’échange se produit. Cette condition limite le nombre de situation où le troc est réalisable, tandis que la monnaie, en tant qu’intermédiaire à l’échange, permet de s’affranchir de cela. « J’accepte tes euros pour ma chemise car je sais que je vais pouvoir m’acheter une paire de chaussures ou autre choses tant que tout le monde accepte les euros ». Troisième et dernière condition, elle doit pouvoir servir de réserve de valeur. C’est un actif réel qui peut être stocké pour être réutilisé dans le futur. Si nous reprenons l’exemple de Kristoffer Koch qui a détenu dans son porte-monnaie électronique les 5000 bitcoins pendant 4 ans pour ensuite les échanger contre plusieurs milliers d’euro afin de s’acheter un appartement, alors oui le bitcoin est une monnaie.
Il faut néanmoins mettre quelques limites ! La confiance ça se gagne et c’est fondamental pour le rôle d’une monnaie.
D’abord, la très forte volatilité du bitcoin, près de 20 fois celle du dollar, ne lui permet pas d’avoir une valeur stable. Il y a régulièrement des pics suivis de cracks intenses, de plus ou moins 30% de sa valeur, dans un laps de temps très court dû aux annonces faites autour de la crypto-monnaie. Ceci nuit à la confiance que les utilisateurs ont dans le bitcoin. Si j’achète aujourd’hui pour 100 euros de bitcoin et que le cours s’effondre demain à 20 euros alors je serais moins enclin à vouloir en acquérir. Ensuite, bien qu’actuellement le bitcoin soit accepté par de plus en plus de commerçants (cf : http://lebitcoin.fr/ site qui répertorie tous les commerçants sur internet qui acceptent les bitcoins comme monnaie d’échange), il n’est pas encore totalement répandu de faire ses achats en bitcoin via son application smartphone. Enfin, considérer le bitcoin comme réserve de valeur et d’épargne n’est pas vraiment pratique, le seul support physique du bitcoin est le disque dur où est inscrit le fichier chiffré contenant les bitcoins et seule la spéculation permet de faire fructifier ceux-ci dans le temps, a contrario de nos comptes courants qui seront en Janvier 2016 rémunérés selon un taux d’intérêt.
Quels intérêts trouvons-nous dans le bitcoin ?
Au début le succès du bitcoin est venu de la recherche de l’anonymat par certains de ses utilisateurs, comme en témoigne l’existence du site de vente de stupéfiant en ligne « Silk Road » hébergé sur le darknet[1]. A présent ce que recherchent avant tout les personnes qui utilisent les bitcoins c’est la simplicité et le fait qu’il n’existe aucun intermédiaire entre l’acheteur et le vendeur. Le Bitcoin est devenu la façon la plus efficace de faire une transaction financière à travers le monde. Le commerce en ligne a explosé avec la globalisation et la totale démocratisation d’internet. Avez-vous déjà commandé un produit d’importation des États-Unis ? Le dernier gadget high-tech à la mode par exemple ! Et bien entre les frais de douane, les taxes, les frais pris par les banques (taxes et conversion des devises, etc…), la bonne affaire peut vite se transformer en véritable gouffre financier. C’est là qu’intervient le bitcoin ; simple et efficace, il n’y a pas de frais, pas de conversion de devise à effectuer, plus d’intermédiaire entre vous et le vendeur ou vous et l’acheteur si vous vendez.
Pour montrer un autre grand intérêt du bitcoin, prenons l’exemple de ce qui s’est passé à Chypre. En mars 2013, le bitcoin est devenu la première « monnaie refuge » lorsque l’annonce des fermetures temporaires des banques ainsi que les craintes de l’instauration d’une taxe sur les dépôts s’est répandu sur l’île. Le cours du bitcoin s’est envolé et Chypre est devenue le premier pays au monde à accueillir un distributeur de cette monnaie virtuelle. Dans la même veine, en Argentine, lorsque le pouvoir a commencé à restreindre les mouvements de capitaux et le change du peso argentin, cela a poussé les Argentins à utiliser le bitcoin. Dans ce cadre, l’utilisation de la monnaie électronique constitue une forme subtile d’auto-défense contre les restrictions étatiques.
L’intérêt grandissant des institutions financières et étatiques sur le futur du bitcoin.
En novembre 2013, l’ancien président de la banque centrale américaine, Mr Bernanke, a déclaré que “[Le Bitcoin] peut être prometteur, en particulier si les innovations permettent de mettre en place des moyens de paiements plus rapides, efficaces et sûrs”. Cela représentait en quelque sorte un aveu que le bitcoin pouvait faire office de « monnaie apatride » et qu’il pouvait être crédible en tant que transfert d’argent entre agents dans le monde entier. Cette notion de confiance est essentielle pour attribuer au bitcoin la notion de monnaie. Du point de vue théorique, le modèle du bitcoin s’assimile largement au précepte de F. Hayek, prix Nobel d’économie en 1974, celui de laisser la monnaie libre. Pour Hayek, les cycles économiques (expansion économique suivie d’une bulle puis d’unKrach avec enfin une récession) sont dus aux trop fortes interventions monétaires que le système bancaire créé, notamment dans sa propension à prêter plus qu’il ne le peut.
Aujourd’hui, bien que le bitcoin tende à se stabiliser, il possède une moindre volatilité de son cours. Une confiance certaine s’installe autour du protocole qui le gouverne et qui n’a pas encore faillit en 5 ans. Mais d’un autre côté, il existe une véritable volonté politique de contrôler au mieux cette monnaie virtuelle décentralisée qui échappe aux gouvernements et qui promeut l’anonymat là où le système bancaire actuel tend vers une totale transparence des transactions. Les gouvernements voient dans le bitcoin un outil pour faciliter l’évasion fiscal, le blanchiment d’argent, voire même le financement du terrorisme. De l’autre, les défenseurs du système décentralisé montrent les exemples d’un système plus libre, plus respectueux de la vie privée, en concordance avec notre temps et notre économie globalisée.
Quel avenir pour le bitcoin ? Et bien pour certains experts ce n’est qu’un épiphénomène qui va disparaître avec le temps, pour d’autres c’est une monnaie d’avenir qui, si elle disparaît, verra sa relève assurée par la centaine de crypto-monnaies qui lui ont emboité le pas ces derniers années.
Par Paul Delbarre, étudiant du M2 IESC promotion 2015-2016
Bibliographie :
Article du figaro sur Kristoffer Koch
La légende qui entoure Satoshi Nakamoto
https://bitcoin.fr/satoshi-nakamoto/
Rapport de la Banque de France sur « Les dangers liés au développement des monnaies virtuelles : l’exemple du bitcoin »
https://www.banque-france.fr/uploads/tx_bdfgrandesdates/Focus-10-stabilite-financiere.pdf
Rapport du Groupe de travail « Monnaies virtuelles »sur L’encadrement des monnaies virtuelles Juin 2014
http://www.economie.gouv.fr/files/rapport_monnaiesvirtuelles_web.pdf
« Le Bitcoin, première crypto-monnaie » par Jean-Paul Delahaye
http://www.societe-informatique-de-france.fr/wp-content/uploads/2014/10/1024-4-delahaye.pdf
[1] Les premières références aux crypto-monnaies remontent à 1999 mais leurs modèles reposaient sur un système central pour les gérer. Le bitcoin introduit le modèle de confiance les serveurs « honnêtes » qui sécurisent par leur puissance de calcul la chaîne de transaction légitime.
[2] Marché noir sur internet fournissant un espace d’échange pour des produits illicites tels que : drogues, armes et stupéfiants. Le site sera fermé une 1ère fois en octobre 2013 puis une seconde fois définitivement en novembre 2014
[3] Part d’internet non accessible directement par un navigateur car les domaines ne sont pas référencés. Seul le navigateur TOR permet un accès à celui-ci.