Guns don’t kill People, People kill People?
Si nous faisons un rapide état des lieux de l’utilisation des armes à feu aux USA, nous nous rendons vite compte qu’il s’agit d’un sujet très controversé. Rappelons tout d’abord que le droit de détenir une arme aux USA relève du 2nd amendement de la constitution américaine et que c’est un droit fondamental pour beaucoup de citoyens américains depuis le 15 décembre 1791.
Cependant, l’autorisation ou non des armes à feu ainsi que leur régulation ne cesse de faire grand bruit ces dernières années. En 2018, malgré une majorité d’américain (67 % selon un sondage de l’institut Quinnipiac) en faveur de lois plus strictes concernant l’acquisition et l’utilisation des armes à feu, le gouvernement reste de marbre et rien ne bouge.
Pourquoi ? Quels sont les intérêts à défendre et qui sont ceux qui les défendent ? Qui sont ceux qui s’insurgent contre ces forces en présence ? Comment s’y prennent-ils pour se faire entendre ?
Autant de questions auxquelles nous allons essayer de répondre dans cet article afin d’éclairer les récents événements gravitant autour de ce sujet.
Sur ce graphique nous pouvons voir une répartition des différents Etats des USA selon le taux de détention d’arme par adulte et le taux de mortalité par arme à feu. Nous voyons que le taux de mortalité par arme à feu est tout de même très corrélé avec le taux de détention d’arme par les adultes. En effet, sur ce graphique nous voyons que plus il y a d’armes en circulation dans un état et plus le taux de mortalité s’envole. Cependant, ces chiffres sont à relativiser car nous voyons également que si les Etats font des efforts en termes de régulation autour des armes à feu, (obligation du cran de sureté, restrictions plus importantes pour l’acquisition, interdiction des armes automatiques…) et bien cela implique de facto une diminution du nombre de morts par arme à feu même si beaucoup d’adultes possèdent des armes dans l’Etat en question.
Sur ce deuxième graphique, nous pouvons voir que le fait qu’un état soit républicain ou démocrate a du sens également si l’on compare ces données aux morts par balles et aux détenteurs d’armes à feu. Nous pouvons voir que le taux de mortalité par arme à feu en 2008 était relativement plus faible dans les Etats à dominante démocrate que dans les Etats à dominante républicaine. Les démocrates sont connus pour avoir une vision plus négative sur le port d’arme que les républicains, cependant, le gouvernement d’Obama n’avait pas fait voter de loi sur le contrôle des armes non plus…
Qu’est-ce que la NRA ?
La National Rifle Association, (NRA) est une ONG considérée comme étant l’un des plus puissants lobbies politiques des USA en raison de sa capacité à apporter régulièrement un grand nombre de votes et à peser lors des élections.
La NRA s’oppose à la création de nouvelles lois limitant le port d’arme et se prononce en faveur du renforcement des lois qui existent déjà et qui interdisent aux personnes ayant déjà fait l’objet d’une condamnation pour violence de posséder une arme à feu, ou qui renforcent les peines pour les crimes commis avec arme à feu. Elle milite ardemment pour faciliter l’obtention du « permis de port d’arme cachée » dans de nombreux États. Rappelons que le « port d’arme cachée » se définit comme : « la faculté reconnue légalement à un citoyen de se munir d’une arme et de la porter sur soi ou à proximité de soi de manière discrète ».
Le 26 juin 2008, la Cour suprême des États-Unis a confirmé le droit individuel de chaque citoyen américain à posséder une arme et à s’en servir, notamment dans les situations d’autodéfense. Cette interprétation du deuxième amendement de la Constitution des USA, est défendue par la NRA.
La NRA dispose d’une très grande base de militants et de membres, selon eux environ 5 millions, cependant ce chiffre est à relativiser car pour certains (le magazine indépendant Mother Jones, par exemple), ce chiffre serait à revoir drastiquement à la baisse. Cependant, la force de la NRA est sa capacité à convaincre qu’elle peut mobiliser cette base potentielle de 5 millions de personnes. Si un démocrate ou un républicain, dont le but reste de se faire réélire pense qu’une majorité de ses électeurs est en faveur des droits des armes, alors il s’alignera sur les positions de la NRA et s’affichera avec son fusil dans son spot de campagne par exemple. L’association affirme avoir 5 millions de membres, mais aucun document ne le prouve …
Les armes comme moteur de l’économie
Au-delà de l’aspect social de la chose, les armes à feu sont aussi un sujet hautement économique, dans un pays où l’histoire s’est toujours confondue avec celle du secteur. Une récente étude réalisée par la plate-forme de services financiers « WalletHub », montre à quel point les intérêts économiques des fabricants et marchands d’armes ainsi que des collectivités locales sont liés. Selon cette étude, l’économie de certains États dépend énormément du secteur des armes à feu. L’étude a rassemblée différents indicateurs, comme :
- le taux de possession d’une arme parmi la population
- le nombre d’emplois liés à l’industrie
- les impôts générés
- la législation locale
Les résultats font apparaître une grande diversité. Les États de la côte Nord-Est, comme New York, le Delaware, Rhode Island, le New Jersey ou le Maryland, sont les moins dépendants et possèdent des législations plus strictes. A l’inverse, l’Idaho, le Montana ou l’Alaska se montrent particulièrement dépendants.
Par exemple, dans l’Idaho, près d’un actif sur cent est employé, directement ou indirectement par l’industrie des armes. C’est quatre fois plus qu’au niveau national. Et le Wyoming, où le nombre de morts par arme à feu par habitant est le plus élevé des USA, est l’État qui reçoit le plus d’impôts de la part des fabricants et marchands d’armes, (9,34 dollars par an et par habitant), c’est presque 15 fois plus qu’à New York… Certains États se font d’ailleurs concurrence pour attirer les industriels… Et l’étude ne parle pas des sommes versées par la NRA pour les campagnes de candidats aux élections locales… En 2016, année électorale à tous les niveaux, ce type de dépense aurait atteint 419 millions de dollars, dont 30 millions pour la campagne de Donald TRUMP et 20 millions pour les candidats républicains au Sénat : sa puissante machine financière irrigue tout le pays.
L’industrie des armes à feu peut se le permettre : elle pèse son poids, 51,3 milliards de dollars aux USA, selon un rapport de la Fédération nationale des sports de tir, qui rassemble tous les industriels du secteur. En l’espace d’une décennie, ce chiffre a progressé de 168 %. Près d’un tiers des Américains posséderaient une arme. Et le nombre d’armes en circulation serait de 310 millions, dont 8,2 millions d’armes d’assaut. Pour ses détracteurs néanmoins, les gains ne sont rien comparés à ce que le phénomène coûte au pays : près de 230 milliards de dollars par an, en comptant le coût des prisons, des blessures, des décès par balles…
Remington, cas isolé, ou faillite du secteur ?
La société Remington a été fondée en 1816 par Eliphalet Remington à Ilion, dans l’État de New York, sous le nom E. Remington and Sons. Aujourd’hui, l’entreprise est décrite comme le plus ancien fabricant d’armes américain. Ses produits sont actuellement vendus dans plus de 60 pays et elle emploie près de 3000 personnes.
Cependant, malgré un chiffre d’affaires de l’ordre de 600 millions de dollars en 2017, l’entreprise connaît une crise de croissance liée à une série d’acquisitions. Remington avait annoncé son intention de déposer son bilan en février, deux jours seulement avant que la fusillade dans une école secondaire de Parkland, en Floride, tue 17 personnes et relance un débat national sur le contrôle des armes à feu aux États-Unis.
La restructuration de la société consécutive au dépôt de bilan pourrait permettre à Remington de réduire d’environ 700 millions de dollars sa dette, selon la société, et d’injecter 145 millions de dollars de nouveaux capitaux dans ses filiales.
Remington avait indiqué en février que “ces opérations se poursuivront normalement sous le régime du dépôt de bilan et ne seront pas perturbées par le processus de restructuration”.
Les difficultés financières de Remington illustrent un paradoxe de l’ère Trump : les fabricants d’armes avaient augmenté leur production en prévision d’une présidence d’Hillary Clinton, qui aurait augmenté les achats de ceux voulant passer à l’acte avant un possible contrôle accru des armes à feu. Mais cette augmentation des achats n’a pas eu lieu du fait de l’élection de Trump et la montée en puissance du lobby des armes à feu de la National Rifle Association. Tant et si bien que malgré le contrôle du Congrès et de la Maison Blanche par les républicains, les fabricants d’armes se retrouvent dans une situation financière fragilisée.
Les manifestations ANTI-NRA
La March for our Lives de Washington, la plus importante des quelque 800 organisées à travers le monde, aurait réuni 800.000 personnes, selon les organisateurs, qui en attendaient 500.000. Le mouvement est né après la tuerie de Parkland en Floride, mi-février, et a été en grande partie organisé par les lycéens et étudiants eux-mêmes, qui se sont préparés pendant plusieurs semaines et ont récolté les fonds pour financer leurs déplacements.
Par Pierre Leval, promotion 2017-2018 du M2 IESCI
Sources
Manque de contrôle sur la NRA :
Le lobby de la NRA :
Faillite de Remington :
Dépôt de bilan de Remington :
https://www.challenges.fr/economie/le-fabricant-americain-d-armes-remington-depose-le-bilan_576308
Manque d’évolution de la législation :
Arme comme moteur économique :
Manifestation anti Pro-NRA :
Graphique mort par arme à feu/adulte possédant une arme :
Deuxième amendement de la constitution américaine :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Deuxième_amendement_de_la_Constitution_des_États-Unis
2/3 des américains pour une législation plus restrictive :
Port d’arme cachée :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Port_d%27une_arme_cachée_aux_États-Unis
National Rifle Association – La toute puissance en équilibre. (Célia BELIN). 2013