La nomination de Mauricio Claver-Carone au sein de l’équipe de transition de Donald Trump est un signe peu rassurant concernant les relations diplomatiques entre les États-Unis et Cuba. L’avocat américain est connu pour ses prises de positions en faveur de l’embargo. Les incertitudes sont donc toujours nombreuses mais les efforts initiés par l’OFAC se poursuivent. En octobre dernier, Le Trésor américain a annoncé la levée de certaines sanctions facilitant les échanges notamment dans le secteur médical. Cuba compte 24 facultés de médecine dont l’ELAM, un institut inauguré par Fidel Castro en 1999 ayant pour vocation de former des médecins du monde sous développé. 24 000 étudiants venant de 116 pays d’Amérique latine, de la Caraïbe, d’Afrique, d’Asie, d’Océanie, mais également des États-Unis sont formés à Cuba. Ces formations sont bien entendu dispensées gratuitement. L’OMS a d’ailleurs rendu hommage à l’ELAM en soulignant la qualité de sa formation centrée autour des préoccupations médicales actuelles et qui répondent aux besoins des pays envers lesquels Cuba a une obligation morale d’agir. L’internationalisme cubain a été initiée dès la révolution castriste et a permis de sauver la vie de nombreuses populations avec en moyenne 40 000 médecins cubains intervenant dans de nombreux pays. Ce secteur est le deuxième plus important à l’export et représente donc un axe de développement important pour le régime cubain. L’annonce d’une nouvelle levée de sanctions dans ce secteur est donc stratégique pour Cuba.
Histoire de la médecine moderne cubaine
A la suite de la révolution communiste à Cuba, Fidel Castro a fait de la médecine l’un des piliers du développement cubain et a instauré le principe d’internationalisme. En 1960, Cuba envoya sa première délégation médicale au Chili à la suite d’un seisme majeur. Les relations entre le gouvernement de Jorge Alessendri et Cuba étant tendues cette aide apportée au pays est significative et souligne le caractère humaniste de cette mission. En 1963, 58 médecins cubains se sont rendus en Algérie suite à sa récente indépendance pour aider à mettre en place un système de santé publique. Ces deux événements illustrent parfaitement le principe de l’internationalisme cubain. Grâce au financement Russe ainsi que du COMECON, Cuba a pu poursuivre ses efforts dans la recherche médicale. A la chute du bloc de l’Est la médecine a d’ailleurs permis au régime de garder la tête en dehors de l’eau en poursuivant l’envoi d’équipes médicales en Asie et en Afrique. Malgré les difficultés dues à l’embargo, l’île a toujours investi dans la recherche-développement avec plus d’un milliard de dollars investis ces 20 dernières années. Ces efforts ont permis à Cuba de développer des traitements à la pointe notamment, contre le cancer du poumon.
La médecine cubaine convoitée à l’international
Grâce aux diverses interventions cubaines à l’étranger, le régime de Castro a pu prouver l’efficacité des médecins formés au sein des facultés de médecine de l’ile, mais aussi l’efficacité de ses traitements. Ainsi, de nombreux accords ont été signés en échange d’une aide médicale. En effet, à partir de 2004, Cuba a commencé à facturer son aide aux pays où elle intervient, lui procurant l’une de ses principales sources de revenus. Le Venezuela a donc fourni du pétrole à l’Ile et a financé la rénovation de la raffinerie à Cienfuegos. Cette usine construite avec du matériel soviétique avait été abandonnée suite à la chute de l’URSS. Le Venezuela l’a déjà financée à hauteur de 136 millions de dollars. Un second investissement de plus d’un milliard de dollars est attendu. Il est important de préciser que Cuba dépend à hauteur de 60% du Venezuela pour sa consommation de pétrole. Près de 20 000 médecins cubains ont été envoyés au Venezuela depuis la signature de l’accord entre les deux nations. Le Brésil a lui aussi reçu l’aide de plus de 6000 médecins cubain en 2013 en l’échange d’une aide financière pour la rénovation de 5 aéroports (Havana, Santa Clara, Holguín, Cayo Coco and Cayo Largo) et du plus grand port de commerce San Muriel. L’Afrique du Sud est aussi un partenaire important. A cause de la fuite des cerveaux et plus particulièrement du personnel médical, l’aide de Cuba à ce pays a été très bien accueillie. On ne sait cependant pas le montant perçu par la République cubaine. Ces différents partenariats permettent donc à Cuba de développer grâce à leur avantage comparatif d’autres secteurs comme le pétrole ou encore le tourisme. Ce levier n’est d’ailleurs pas près de s’arrêter quand l’on connaît le succès certains de plusieurs traitements cubains.
Les traitements cubains attisent la convoitise de certains pays occidentaux
Cuba a fait preuve de son efficacité encore récemment pour lutter contre l’épidémie Ebola en Afrique. Ce fut le premier pays à intervenir en concert avec les ONG. Son intervention a été saluée par l’OMS ainsi que les États-Unis. Mais la compétitivité de Cuba dans le secteur médical ne se limite pas à son personnel qualifié : il y a aussi ses avancées majeures dans la lutte contre le cancer. En 2013, la France transformait une partie de la dette cubaine en fond d’investissements notamment dans le secteur du médical. De cet événement est née la collaboration entre le CNRS et Theradiag pour le développement de nouvelles solutions thérapeutiques. Cette collaboration est menée par ABIVAX. Aujourd’hui, 13,6 millions d’euros sont supportés par celle-ci, elle bénéficie d’un financement de Bpifrance sous forme d’avances remboursables et de subventions à hauteur de 7,3 millions d’euros dont 5,2 millions d’euros pour ABIVAX. La société a aussi signé différents accords avec plusieurs instituts de recherches cubains (Institut Finlay, et le CGIB) ainsi qu’avec un consortium d’entreprises spécialisées dans les biotechnologies BioCubaFarma. Initié en 2013 par le gouvernement cubain, ce regroupement d’entreprises forme une sorte de cluster biotechnologique permettant au pays de développer des traitements qui attisent la convoitise de pays occidentaux. Abivax travaille depuis cinq ans avec les différents instituts de l’ile au développement d’un vaccin contre l’hépatite B chronique, contre le virus de la dengue, et des traitements contre le cancer du poumon. Interrogé par RTL, le président d’Abivax, Philippe Pouletty, vante les qualités des centres de recherche de l’île:
«Ce qui les caractérise, c’est qu’ils ont des brillants chercheurs, de très bons ingénieurs et techniciens et que Fidel Castro, au début des années 1980, en même temps que la révolution des biotech démarrait aux États-Unis et en Europe, avait décidé d’en faire partie.»
4 mois après la reprise des relations diplomatiques entre les Etats-Unis et Cuba, Andrex Cumo, le gouverneur de New York se rendait à l’Institut Roswell Park contre le cancer. Cette visite avait pour but de finaliser l’accord avec le Centre d’Immunologie Moléculaire de Cuba afin de débuter les essais cliniques aux Etats-Unis. Ce traitement a nécessité 16 ans de recherches et permet d’allonger l’espérance de vie des patients atteint du cancer du poumon de 4 à 6 mois chez 85% des patients. Il est nécessaire d’obtenir l’autorisation de la FDA pour que le Cimavax soit par la suite utilisé auprès des patients à risque et sur d’autres types de cancer comme ceux de la prostate ou encore des reins …
Le secteur médical est un levier de croissance important pour Cuba qui utilise cet avantage comparatif et les profits qu’il génère pour développer de nouveaux secteurs. Le tourisme que l’on sait déjà attractif à Cuba profite doublement de cet avantage car l’ile propose maintenant de lier médecine et tourisme. L’entreprise canadienne Travelucion a signé un contrat d’exclusivité avec Cuba en mars 2016 et propose des séjours sur lesquels elle prend 10% de commissions. Cela n’a rien de surprenant, le prix des soins étant bien inférieur comparativement à ses voisins. Le tourisme cubain souffre justement d’une carence en infrastructures du fait des nombreux hôtels qui se sont ouverts ces dernières années. En effet, il manque d’éléments périphériques aux lieux de séjour pour satisfaire une demande variée des visiteurs. Le tourisme médical représente peut être une solution viable pour pallier à ce manque et donner une nouvelle raison aux voyageurs de visiter Cuba.
Par Clément Jarry, promotion 2016-2017 du M2 IESC
Sources :
https://www.theguardian.com/world/2016/nov/26/donald-trump-fidel-castro-cuba-embargohttps://blogs.mediapart.fr/pizzicalaluna/blog/250713/cuba-l-ile-de-la-sante
https://www.imtj.com/news/travelucion-sign-new-deal-promote-cuban-medical-tourism/http://www.ratb.org.uk/news/cuba/350-south-africa-doubles-contracted-cuban-doctors
https://www.cubastandard.com/?p=6770
http://fr.actualitix.com/pays/cub/cuba-indice-de-developpement-humain.php
http://www.rfi.fr/ameriques/20110808-cuba-exception-medicale
http://www.cubania.com/post/le-nimotuzumab-modifie-le-pronostic-du-cancer-a-cuba/
http://www.servicesantecuba.com/autres-traitements/
http://geopolis.francetvinfo.fr/castro-le-succes-de-la-politique-de-la-sante-a-cuba-99099
http://geopolis.francetvinfo.fr/cuba-exporte-ses-medecins-contre-des-devises-19037