La coopétition entre les firmes étrangères

Cette notion de coopétition peut être mal perçue dans notre environnement car il s’agit de deux notions antagonistes qui correspondent à la notion de concurrence dont le but est de lutter contre son adversaire pour survivre dans un environnement concurrentiel. Puis, celle de la coopération où deux entreprises s’allient pour pouvoir augmenter conjointement leur performance que ce soit sur les parts de marchés, les bénéfices, selon la logique de la théorie des jeux où le but est de déterminer une stratégie optimale pour chacun des agents. La coopétition peux se définir comme « une relation dyadique et paradoxale qui émerge quand deux entreprises coopèrent dans quelques activités, et sont en même temps en compétition l’une avec l’autre sur d’autres activités ». Mais cette recherche de complémentarité, de collaboration, de partage est née du fait des crises financières répétées ainsi que de l’évolution des besoins et des valeurs des consommateurs. Nous allons voir ici différentes formes de coopétition distinctes, une coopétition basée sur un partage des connaissances et des compétences pour l’une et une recherche de parts de marché pour l’autre avec les firmes Sony et Samsung. Puis la coopétition dans le domaine de la logistique avec des entreprises telles que Henkel et Reckitt-Benckiser , Bridgestone et Continentale, dans le domaine de la production avec Renault-Nissan et Daimler, puis dans le domaine de la recherche et du développement avec SK Chemical et Sanofi Pasteur. Et enfin une coopétition pour l’amélioration d’un produit, ici dans le domaine automobile avec Renault-Nissan et Daimler.

La coopétition basée sur une complémentarité des compétences :

Cette coopétition entre deux firmes vise à partager leur savoir-faire que ce soit sur une partie ou sur plusieurs parties de la chaîne de valeur pour créer, développer un nouveau produit ou service. Cette coopétition basée sur une complémentarité peut s’effectuer sur différents maillons de la chaîne de valeur. La chaîne de valeur selon Mickaël Porter est une approche visant à examiner le développement d’avantages concurrentiels. Michael Porter l’a développée dans son livre « l’avantage concurrentiel » de 1986. La chaîne se compose d’une série d’activités qui ajoutent au fur et à mesure de celles-ci de la valeur aux produits. Cette coopétition sur la chaîne de valeur peut être établie sur tous les maillons de la chaîne : La production, le service, la vente et le marketing, l’approvisionnement, la recherche et le développement… En 2003, Sony Corporation, multinationale japonaise s’est rapprochée du groupe Samsung d’origine coréenne pour la conquête du marché du téléviseur LCD. Ces deux entreprises ont donc créé l’entreprise S-LCD. D’un côté, Sony s’est d’abord rapproché du groupe Samsung car il ne possédait pas la technologie suffisante pour développer lui-même son propre LCD, il avait donc besoin de la technologie possédée par Samsung sur les écrans plats. De l’autre côté, cette coopétition a permis à l’entreprise Samsung de profiter des parts de marché de Sony, alors à ce moment-là, numéro 1 mondial dans le domaine de la télévision sur les parts de marché. Sony s’est rapprochée de son plus gros concurrent Samsung car le bilan financier de Sony en 2003 était en nette dégradation avec une chute de 51 % de son bénéfice d’exploitation. On peut constater que cette coopétition profite aujourd’hui à Samsung aujourd’hui numéro 1 dans le domaine de la télévision et actuellement fabriquant de télévisions pour le numéro trois mondial Sony. La coopétition mise en place entre ces deux constructeurs à la demande de Sony ne leur a donc pas été bénéfique puisqu’ils ont perdu leur place de numéro 1 sur les parts de marché dans le domaine de la télévision.

La coopétition pour baisser les coûts:

Le coût d’un produit est le déterminant le plus important pour calculer son prix de vente, c’est pourquoi, en baissant les coûts liés à la production, au transport, à la distribution du produit, les entreprises ont la possibilité de baisser le coût du produit qui se répercute sur le prix de vente et donc d’augmenter leurs parts de marché en raison d’un prix inférieur à la concurrence. Pour cela les entreprises peuvent se rallier et coopérer pour baisser leur coût dans un domaine de la chaîne de valeur comme dans la recherche et le développement, la production, la distribution car ces baisses de coût ne peuvent parfois pas se faire toute seule au sein d’une même entreprise.

Coopétition dans la production :

Les entreprises peuvent coopérer sur la production d’un produit, comme par exemple en utilisant une usine pour produire les biens des deux entreprises concurrentes. Dans l’exemple précédent, les firmes Renault-Nissan et Daimler sont en coopétition dans le partage de ressources mais prochainement, ils le seront aussi dans la production. Ils ont annoncé le 26 juin 2014 la création d’une usine à proximité du site de Nissan d’Alguascalientes situé au centre du Mexique pour un coût estimé à 1 milliard de dollars. Cette usine leur permettra de produire sur le même site les deux véhicules de marques différentes qui sont la « Infiniti de Nissan » prévue pour 2017 et les prochains véhicules de la marque Mercedes-Benz prévus pour 2018. Cette collaboration va s’étendre sur la recherche, le design et la production sur un même site.

Coopétiton dans la recherche et le développement :

La coopétiton peut aussi se baser essentiellement sur la recherche et le développement. Le domaine pharmaceutique répond parfaitement à la coopétition que nous pouvons observer aujourd’hui sur la recherche et le développement. Cette coopétiton a pour but de diminuer les coûts de recherche et de développement en s’associant sur la même recherche. Prenons l’exemple de dix entreprises différentes qui travaillent sur la même recherche avec un chercheur chacun qui travaille de façon individuelle. Son travail sera forcément beaucoup plus coûteux et moins rapide que si les entreprises décident de réunir les dix chercheurs pour travailler conjointement. Le domaine pharmaceutique a été le premier en France à travailler sous la forme de cluster, bien avant les pôles de compétitivité. L’entreprise française Sanofi Pasteur, division vaccin du géant pharmaceutique, a signé un accord de collaboration avec le Sud-coréen SK Chemical dans le but de trouver un vaccin contre le pneumocoque. Il s’agit d’un marché avec un très fort potentiel, près de 3 milliards d’euros selon le laboratoire français Sanofi Pasteur car près de 14,5 millions de personnes sont atteintes de maladies graves à pneumocoques par an. . Ces deux entreprises investiront ensemble dans le co-développement sur le vaccin prophylactique qui devrait par la suite être produit en cas de réussite dans l’usine toute récente de SK Chemical à Andong en Corée du Sud.

Coopétiton dans la distribution et la logistique :

Co-habité sous un même site logistique peut permettre de partager les coûts et les risques. Avoir un même site logistique pour deux entreprises concurrentes peut donc leur permettre de réaliser des économies d’échelle de plusieurs manières différentes, que ce soit au niveau du prix du foncier, du taux de remplissage des camions, ce qui signifie moins de coûts en transport comme chez Henkel et Reckitt-Benckiser qui ont passé leur taux de remplissage de camion de 75 % à 90 %. C’est par le projet HECORE de 2006 qu’ils ont réalisé cette co-habitation et cela leur a permis de réaliser des économies sur la logistique, le transport. Grâce à cette coopétition, ils ont réalisé une économie de 1,2 millions de litres de gazole, soit 3.150 tonnes de CO2 annuels en moins pour la planète. La coopétition a du bon pour les finance mais aussi pour la planète car dans une stratégie de développement durable, cela devient de plus en plus important. D’autres grands groupes ont suivi cette stratégie de coopétition dans le domaine de la logistique. Bridgestone et Continentale se sont réunis sur un même domaine logistique tout d’abord pour des économies d’échelle mais aussi pour apporter un meilleur service de livraison car ils possèdent beaucoup de clients en commun. Cette coopétition est possible en raison des flux semblables et de la compatibilité entre les produits, car ils peuvent être conservés et traités de la même manière lors du transport. L’e-commerce va aussi renforcer de manière importante les sites logistiques car les clients vont vouloir être livré avec des délais de plus en plus courts donc le partage de zones de logistique va leur permettre de se rapprocher de leur clientèle et donc d’offrir un meilleur service à leurs clients tout en mutualisant les coûts et les risques d’échecs.

Une coopétition dans l’amélioration d’un produit:

La demande des clients est de plus en plus individualisée et de plus en plus pointue, c’est pourquoi l’investissement en recherche et développement est de plus en plus important. Pour diminuer ce coup, les entreprises ont le choix, : soit de le réduire au risque de perdre des parts de marchés vis avis de la concurrence en raison d’un produit moins développé, ou alors coopérer que ce soit dans les dépenses de recherche et développement ou encore dans un partage de leur savoir-faire. Après les échecs des Twingo I et II ainsi que de la Smart au niveau financier, il fallait trouver une solution pour pouvoir continuer à développer ces modèles de voitures car il s’agit d’un marché à fort potentiel comme le souligne Dieter Zetsche, PDG de Daimler « le marché des “microcars” est appelé à progresser de 38% d’ici 2020 ». Le projet « Edison » issu des accords entre l’alliance Renault-Nissan et Daimler, la maison mère de Mercedes est alors né en 2010. Cette coopétition s’inscrit dans une logique de partage de coûts et d’accès aux meilleures technologies. Selon les deux dirigeants de Daimler et Renault-Nissan, il s’agit seulement d’une coopération mais sachant que ces deux firmes se concurrencent tout de même dans la vente et les parts de marché sur le secteur de la « microcar », le terme utilisé ne correspond pas, il s’agit d’une coopétition. Selon les accords de 2010, les principaux axes au départ de leur « coopération » étaient un partage de projets existants et ledéveloppement en commun des plateformes véhicules ainsi que des groupes motopropulseurs. Ce partenariat était au départ basé sur 3 piliers que nous pouvons d’ores et déjà voir sur les routes : il s’agit de la Mercedes Citan, véhicule utilitaire construit sur la base de Renault Kangoo et produit dans l’usine Renault de Maubeuge. Le moteur Renault 1.5 dCI, qui équipe Mercedes Classe A, Classe B et Citan et enfin la nouvelle Renault Twingo et la nouvelle Smart. Mais depuis cette coopétition s’est fortement développée car ces deux firmes arrivent à s’entendre facilement et ont ensuite des projets communs. Aujourd’hui leurs projets se comptent au nombre de dix, que ce soit du partage de plateformes, de transmissions ou production commune, de moteurs, et tout cela dans le monde entier. Par exemple, quand Renault produit des véhicules utilitaires pour Mercedes, et bien ce dernier va produire des moteurs avec Nissan aux Etats-Unis. Selon Carlos Ghosn : “Les revenus annuels que chacun d’eux retire de cette alliance ont plus que doublé en six ans”. D’apparence, les Twingo et Smart de nouvelle génération n’ont rien en commun à part de faire partie du marché des « microcars » car 95 % de ce qui est visible de la voiture est différent. Et pourtant en regardant de plus près, 75 % des composants en valeur sont communs entre ces deux véhicules, tout d’abord l’architecture de la Twingo est totalement reprise sur la Smart, le moteur est lui aussi identique, la boite de vitesse, le pare-brise, les sièges.

Cette coopétition leur permet donc de baisser leur coût que ce soit au niveau de la recherche et du développement ou bien de la production. Leur objectif financier va donc être atteint en réalisant des bénéfices sur la vente de leurs deux petites citadines et aussi de gagner des parts de marchés sur le secteur de la « microcar ».

Par Jérémy Le Roy, étudiant du M2 IESC d’Angers promotion 2015-2016

Sources :

http://www.strategie-aims.com/events/conferences/6-xviieme-conference-de-l-aims/communications/1697-mesurer-la-coopetition-mission-impossible/download

Barry Nalebuff et Adam Brandenburger « La co-opétition, une révolution dans la manière de jouer

concurrence et coopération » 1996

http://www.journaldeleconomie.fr/Faut-il-tendre-la-main-a-son-concurrent_a916.html

http://www.usinenouvelle.com/article/sony-supprime-20-000-postes-et-s-allie-avec-samsung-dans-les-ecrans-plats.N5706

http://www.hdfever.fr/2012/02/16/part-de-marche-des-ventes-de-televseurs-dans-le-monde/

http://www.usinenouvelle.com/article/daimler-et-nissan-vont-lancer-une-production-commune-au-mexique.N271184

http://www.sanofipasteur.com/fr/articles/sanofi-pasteur-allies-with-sk-chemical-co-of-south-korea-on- pneumococcal-conjugate-vaccine.aspx

http://www.strategielogistique.com/hecore-transporte-plus-blanc,765

http://www.lenouveleconomiste.fr/lesdossiers/les-entrepots-partages-16275/

http://www.usinenouvelle.com/article/l-heureux-mariage-entre-renault-nissan-et-daimler-construit-pour- durer.N288664

Admin M2 IESC