Le 28 octobre 2021, lors de l’événement Facebook Connect, Mark Zuckerberg, annonçait le changement de nom de la maison mère du réseau social Facebook regroupant les messageries WhatsApp et Messenger et les plateformes Facebook et Instagram. Elle s’appellera désormais Meta.
Meta comme métaverse, cette doublure numérique du monde physique mélangeant réalité virtuelle et réalité augmentée dans un univers persistant et présentée comme l’internet du futur. Incarnés en avatars, nous aurons la possibilité d’y exercer une infinité d’activités de loisirs et professionnelles dans un monde en trois dimensions : jeux, rencontres, shopping, concerts, réunions professionnelles, entretiens de recrutement, démarches administratives.
Pour les entreprises, la concurrence sur ce marché naissant, estimé à 800 milliards de dollars en 2024 selon Bloomberg Intelligence et 1,5 trilliard de dollars en 2030 selon PwC, est déjà intense. Il s’agit de devenir leader le plus rapidement possible. En effet, l’économie numérique est caractérisée par une tendance au monopole ou à l’oligopole. Investir rapidement un marché de la sphère numérique permet de bénéficier d’effets de réseau liés à la participation des utilisateurs et de faibles coûts marginaux offrant à une entreprise l’opportunité d’en devenir leader. Si des droits de propriété intellectuelle (brevets, certificat d’utilité, etc…) sont attribués, la capacité à s’imposer face aux concurrents est alors accentuée.
Si l’apparition de cette technologie attire naturellement les convoitises des acteurs privés, elle semble aussi devenir une question géopolitique. De la même manière que pour les entreprises, plus tôt un Etat investira le métaverse, plus il aura de chances de le dominer.
De nombreux enjeux géopolitiques : étatique, coopétition, influence, protection des données personnelles, souveraineté numérique et équipement
L’émergence du métaverse fait apparaître de nombreux enjeux géopolitiques :
- D’abord, un enjeu étatique : cette doublure numérique s’affranchirait des frontières et des juridictions nationales pour attribuer la primauté aux codes des acteurs du numérique. Quid des relations internationales ? Quid du Droit international qui les régit ? Qui sera au centre des enjeux mondiaux ? Les Etats auront-ils un pouvoir de contrôle et de régulation sur cet univers virtuel ?
- Ensuite, un enjeu de coopétition pour développer l’interopérabilité des différents métaverses : en effet, pour assurer la circulation des données entre les différents univers persistants, plusieurs défis techniques sont à relever : interopérabilité des points d’accès, flexibilité créative, intégration d’avatars ou encore dimension spatiale. Ces problématiques sont si complexes qu’il est nécessaire de collaborer entre pays rivaux et entreprises concurrentes pour y répondre.
- Un enjeu d’influence : l’Etat qui pourra se présenter comme un acteur fort du métaverse, le leader, voire le fondateur pourra intégrer cette qualité à sa stratégie de soft power, c’est-à-dire « l’habileté à séduire et à attirer » (Nye, 1990). S’il en détient le monopole technique, économique ou juridique, il pourra également user de son hard power, c’est-à-dire son pouvoir de coercition, afin d’imposer sa volonté à d’autres Etats.
- Un enjeu de protection des données personnelles : si dans le cadre de l’Internet actuel, celles-ci bénéficient d’un arsenal juridique important – par exemple, en France, la loi du 6 janvier 1978 dite « Informatique et libertés », le règlement général sur la protection des données (RGPD), la directive (UE) du 27 avril 2016 dite “Directive Police Justice” – qu’en sera-t-il dans le métaverse ? La problématique n’en sera que plus exacerbée, alors qu’actuellement la protection des données personnelles est déjà jugée insuffisante et inadaptée dans certaines situations (Thibaut Douville, 2018).
- Un enjeu de souveraineté numérique : la domination des GAFAM sur l’économie numérique européenne est déjà très importante. Par exemple, en France, les données de la SNCF, d’Orange et de Doctolib sont hébergées par Amazon Web Services. Le 18 octobre 2021, Facebook annonçait avoir l’intention de recruter 10 000 personnes en Europe pour créer un métaverse… Une façon d’asseoir un peu plus cette domination américaine sur le vieux continent ?
- Un enjeu d’’équipement : le principal frein au déploiement du métaverse est le retard technologique du matériel nécessaire. Effectivement, si les casques de réalité virtuelle et les lunettes de réalité augmentée existent déjà, ils pâtissent d’un manque de puissance de traitement et sont encore peu ergonomiques. De plus, les technologies d’affichage sont encore à améliorer fortement. Le fossé technologique à combler pour permettre l’utilisation optimale du métaverse est encore immense et verra sûrement « une lente émergence de services et de produits » (Matthew Ball, capital-risqueur, fondateur de l’indice Roundhill Ball Metaverse ETF).
Dans ce contexte, quelles stratégies de conquête du métaverse ont développé les Etats-Unis, la Chine et l’Europe ? Quelle place pour la France dans cette compétition mondiale ? Faisons le point sur les mutations en cours.
Etats-Unis : Facebook, fer de lance économique et réglementaire du mouvement d’investissements américains dans le métaverse
A travers le rebranding de Facebook en Meta, les Etats-Unis semble exprimer leur velléité d’accaparer la notion même de « métaverse » et affirmer leur domination sur ce nouvel espace de conquête. A l’instar de la firme de Menlo Park qui a investi 10 milliards de dollars dans le métaverse en 2021, de nombreuses entreprises américaines investissent ce marché émergent. Ainsi, Microsoft s’est lancé dans la création d’un métaverse d’entreprise. En mai 2020, Apple a acquis la start-up californienne NextVR, spécialisée dans la diffusion d’évènements sportifs via des casques de réalité virtuelle. Niantic, spécialisée dans les jeux en réalité augmentée et à l’origine de la création de Pokémon Go, a levé 300 millions de dollars auprès de Coatue et a noué des partenariats avec Universal Pictures et Warner Music Group. Epic Games, entreprise créatrice du célèbre jeu Fortnite, a levé pour sa part un milliard de dollars. Decentraland propose des terrains virtuels à vendre ou des offres d’emploi au sein même du métaverse. Roblox permet d’ores-et-déjà l’organisation de concerts tels que celui de Lil Nas X en novembre 2020, prévoit des événements sportifs en parallèle de la coupe du monde de football 2022 et propose des espaces showroom à des marques telles que Nike, qui a inauguré le « Nikeland ». Reebok a lancé une collection de 200 chaussures virtuelles sur la plateforme d’échanges de NFT (Non-fungible token) Wax Atomic Hub. Jensen Huang, PDG de Nvidia a annoncé la création d’un nouveau métaverse par son entreprise. Enfin, Unity Software a acquis Weta Digital, le studio d’effets spéciaux utilisés dans la trilogie du « Seigneur des anneaux » ou dans le film « Avatar » pour un montant de 1,6 milliards de dollars, en vue de se lancer dans la création de son propre univers virtuel.
Parallèlement à l’émergence de cette multitude d’acteurs de la tech américaine, Facebook travaille à créer un environnement juridique favorable au développement du métaverse et, au passage, éviter des déconvenues telles que les poursuites du régulateur américain, motivées par la lutte antitrust. En effet, les locaux de l’entreprise situés à Washington ont été transformés en bureau de campagne. Nick Clegg, vice-président de Facebook chargé des affaires mondiales et de la communication et Sheryl Sandberg, directrice des opérations de l’entreprise y mène de nombreuses actions de lobbying afin de créer des normes et des protocoles pour le métaverse : groupes de réflexion, conférences telles que celle baptisée « Journey to the Metaverse » organisée lors du festival d’idées « Atlantic Festival », rencontres avec des décideurs politiques, des universitaires, des partenaires et des experts.
Chine : un développement du métaverse encadré par le pouvoir central
Lors de la 34ème étude collective sur la promotion du développement sain de l’économie numérique de la Chine par le Bureau politique du Comité central du Parti Communiste Chinois (PCC), qui s’est déroulée le 18 octobre 2021 ; le dirigeant du pays, Xi Jinping, a affirmé la détermination de son gouvernement à devenir un acteur incontournable des mutations numériques en cours et a souligné l’importance de l’intégration des économies réelle et numérique.
En novembre 2021, la Chine a lancé le Metaverse Industry Committee, sous l’égide de la China Mobile Communications Association (CMCA), premier groupe de l’industrie du métaverse. Lors de cet évènement, Wu Zhongze, l’ancien vice-ministre du ministère des sciences et des technologies a confirmé que la Chine souhaite bénéficier de l’effet de levier de cette nouvelle technologie pour accélérer l’intégration des économies réelle et numérique et dominer les autres Etats. De plus, l’institut chinois des relations internationales contemporaines, think-tank proche du pouvoir, a souligné que l’investissement actuel dans le métaverse conditionne la sécurité nationale de la Chine à trois variables : l’adoption rapide des nouvelles technologies émergentes pour assurer son positionnement dans la compétition mondiale, la gestion de la sécurité technique (cyberattaques, infrastructure critique, vol ou falsification de données) et la maîtrise des impacts politiques, sociaux et économiques.
Dans ce contexte favorable, la tech chinoise semble être prise de frénésie. En effet, Alibaba a déposé plusieurs enregistrements de marques telles que “Ali Metaverse“, “Taobao Metaverse” et “DingDing Metaverse“ sur la plateforme Qichacha. Tencent a déposé une centaine de marques liées au métaverse telles que « Timi Metaverse », « Kings Metaverse », « QQ Metaverse » ou « QQ Music Metaverse » et a investi dans l’organisateur de concerts virtuels Wave. Bytedance, le groupe propriétaire de TikTok a acquis la société de réalité virtuelle Pico pour 772 millions de dollars. Yunfeng capital, crée par Jack Ma, fondateur d’Alibaba, a investi 100 millions de dollars dans la société de réalité augmentée Nreal. Le 21 décembre 2021, Baidu a présenté le premier métaverse chinois, baptisé « Xi Rang » (Terre d’espoir) lors de la conférence « Create 2021 ». D’autres acteurs de la tech chinoise, tels que Kuaishou, iQiyi, Li Auto ou Netfase se sont également lancés dans la conquête de ce nouveau marché.
Néanmoins, la politique de répression réglementaire de Pékin envers les entreprises technologiques peut constituer un frein important au développement des acteurs chinois du métaverse. Déployée à partir d’octobre 2020, après des critiques acerbes du fondateur d’Alibaba, Jack Ma, envers les autorités de régulation financière, son objectif est d’assurer le contrôle de l’autorité centrale sur le secteur numérique dont les entreprises sont accusées de monopolisation du marché et de comportements anticoncurrentiels. Elle répond aussi au projet de « prospérité commune » du pouvoir, dont l’objectif est de lutter contre l’inégalité de la répartition des richesses en Chine.
En effet, des règles anti-monopole sont mises en place et les sanctions se multiplient. Ainsi, le 3 novembre 2021, l’introduction en Bourse d’Ant Group, filiale d’Alibaba, a été suspendue ; en avril 2021, une amende de 2,3 milliards d’euros est infligée à Alibaba pour abus de position dominante ; le « Uber » chinois, Didi, a été retiré des magasins d’applications après une levée de fonds de 4,4 milliards de dollars à Wall Street ; les acteurs de la tech projetant une introduction en bourse doivent désormais se soumettre à un examen de sécurité par l’Administration du cyberespace ; une loi de protection des informations personnelles est promulguée ; une limitation du temps hebdomadaire consacré aux jeux vidéo – qualifiés d’ « opium mental » par le pouvoir – par les mineurs est instaurée ; aucune licence de jeu vidéo n’a été accordée depuis juillet 2021 et une campagne contre l’idolâtrie des influenceurs a été organisée par le gouvernement. Enfin, à la Bourse de Shenzhen, les actions de Hubei Century Network Technology, entreprise de solution informatique et de ZQGame, développeur de jeux, se sont envolées après l’annonce de Meta par Mark Zuckerberg avant de chuter brutalement après la publication d’un article, dans l’Economic Daily – proche du pouvoir – fustigeant la spéculation sur les actions d’entreprises investissant dans le métaverse et soulignant la tolérance zéro des autorités de réglementation des valeurs mobilières.
Europe : devenir une puissance normative du métaverse
Dans cette course effrénée, l’Europe semble vouloir se démarquer en se positionnant comme le régulateur du métaverse et devenir une puissance normative, entendue comme une « puissance qui n’a fondamentalement que la norme comme instrument privilégié, voire exclusif, d’action internationale » (Laïdi, 2008). En effet, face aux colossaux investissements américains et chinois ainsi qu’au constat de l’absence d’un géant de la tech européenne capable de concurrencer les GAFAM et les BATX, l’Europe a choisi de protéger son marché intérieur. L’Europe a ainsi développé une régulation du numérique afin d’encadrer les acteurs de cette industrie. Durant l’année 2022, le Digital Markets Act (DMA) et le Digital Service Act (DSA) entreront en vigueur. Le premier encadrera les activités des plus grandes plateformes qualifiées de contrôleurs d’accès accusés de pratiques anticoncurrentielles et d’abus de position dominante ; le second harmonisera les législations nationales en matière de luttes contre les contenus dangereux, illégaux et illicites. Depuis 2020, les députés européens travaillent également sur une règlementation des usages de l’intelligence artificielle portant sur différents volets dont la responsabilité civile et l’éthique. Enfin, le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) veille à encadrer le traitement des données personnelles sur le territoire européen.
Ce cadre législatif de plus en plus contraignant a participé à la décision de Meta de recruter 10 000 ingénieurs européens en cinq ans afin de créer le métaverse de la firme, s’ajoutant aux 58 000 salariés actuels. A travers la voix de deux hauts responsables, Nick Clegg et Javier Oliver, le groupe déclare même avoir l’intention d’intégrer « les valeurs européennes telles que la liberté d’expression, la vie privée, la transparence et les droits des individus » dans ce projet. Toutefois, l’aspect législatif n’est pas la seule motivation de Meta. Effectivement, l’entreprise souhaite également investir le marché de l’Europe des 28, représentant 500 millions de consommateurs, bénéficier des compétences d’ingénieurs hautement spécialisés et diplômés d’universités parmi les mieux classées du monde, d’un écosystème d’entreprises technologiques de pointe et assurer sa maîtrise des flux de données européens dont la stabilité fut mise à mal par l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), rendu le 16 juillet 2020 et invalidant l’accord de transfert des données entre l’Union européenne et les Etats-Unis, dit « Privacy Shield ».
A l’instar des Etats-Unis, et de la Chine, de nombreuses entreprises ont investi le métaverse. Ainsi, BMW et NVIDIA se sont associées afin de dupliquer une usine du constructeur automobile et simuler virtuellement des opérations avant déploiement physique. L’entreprise allemande Move Digital développe des solutions complète afin d’assister ses clients à se déployer dans les différents univers virtuels. En Autriche, les startups Blackshark.ai (construction d’environnement 3D), Trilite (faisceau laser utilisable dans les lunettes AR) et ViewAR (lunettes AR) ont bénéficié de levées de fonds pour investir le métaverse. La société madrilène Virtual Voyagers participe au développement de la plateforme de concerts utilisée dans le métaverse annoncé par Zuckerberg. Aussi, le secteur européen de la mode semble très enthousiaste et les initiatives se multiplient. Adidas a annoncé son projet d’investir le métaverse « The Sandbox ». Zara a lancé une collection dans l’univers virtuel coréen « Zepeto ». La marque italienne Diesel a créé sa propre plateforme, BVX (Brave Virtual Xperience), qui s’appuie sur le métaverse, les NFT et les jeux numériques. Enfin, Gucci et Burberry ont développé une collection d’accessoires de mode, respectivement pour Roblox et le jeu métaverse Blankos Block Party.
France : une French Tech dynamique, mais des faiblesses en termes de volume d’innovation, de recrutement et de levée de fonds
Qu’en est-il de la France ? Lors de la présentation du plan d’investissement « France 2030 », le 12 octobre 2021, le président de la République française Emmanuel Macron, a déclaré vouloir « placer la France à nouveau en tête de la production de contenus culturels et créatifs ». Le même jour, la ministre de la Culture Roselyne Bachelot twittait que « 600M€ seront investis dans les technologies immersives, de nouvelles infrastructures de tournage et de production numérique et la formation ».
La French Tech connaît une croissance exponentielle. En effet, le 17 janvier 2022, le chef de l’Etat annonçait la 25ème licorne française, start-up valorisée à plus d’un milliard de dollars. Soit trois ans avant le cap de 2025, annoncé à l’Elysée lors du France Digitale Day, en septembre 2019.
L’écosystème industriel de la réalité augmentée et de la réalité virtuelle est particulièrement riche dans l’hexagone. En effet, l’annuaire de l’association AFXR, représentant les acteurs français des technologies immersives, recense 420 professionnels. Par exemple, le centre de conseil et d’innovation Clarté propose aux entreprises de développer des projets de technologies immersives et a notamment collaboré avec Renault. La startup Lynx a développé un casque combinant réalités virtuelle et augmentée. Le métaverse The Sandbox a été fondé en 2012, par deux Français, Arthur Madrid et Sébastien Borget et leur entreprise a levé 93 millions de dollars via le Vision Fund 2 de SoftBank. Le groupe Havas a lancé la solution « Metaverse by Havas » afin d’accompagner les marques dans leurs déploiements au sein de différents univers virtuels. La startup rennaise Simango a lancé un hôpital en réalité virtuelle afin de former le personnel soignant. Les institutions culturelles telles que le Museum d’Histoire Naturelle de Paris ou l’Atelier des Lumières développent également des projets d’expériences immersives afin d’enrichir leurs expositions artistiques. L’ensemble de ces acteurs bénéficient de l’accompagnement d’environ 380 incubateurs de startups et du soutien de l’Etat qui, à travers la banque publique d’investissement (Bpifrance) et l’écosystème French Tech, composé de startups, d’investisseurs et de décideurs, a octroyé plusieurs centaines d’allocations à environ 2000 startups ; a mis en place des dispositifs fiscaux tels que le Crédit Impôt Recherche ou le Crédit d’Impôt Innovation et a développé des concours d’innovation tels que les concours i-Lab et i-nov.
Néanmoins, la France pâtit d’un certain nombre de freins au développement du secteur industriel dédié au métaverse. D’abord, peu de brevets dans le domaine des technologies immersives sont déposés, ce qui témoigne d’un retard en termes de volume d’innovation par rapport à d’autres Etats. En effet, selon le rapport « Le marché des technologies immersives : enjeux et perspectives » de BearingPoint, publié en février 2021, la France en a déposé 9 depuis début 2020 alors que les Etats-Unis en compte 1000, l’Asie 900, l’Europe 500 et l’Allemagne 100.
Ensuite, les startups françaises rencontrent des difficultés de recrutement importante freinant leurs croissances. Selon Soumia Malinbaum, administratrice de la fédération Numeum, première organisation professionnelle du secteur du numérique, il manque chaque année 10 000 ingénieurs. De plus, une enquête qualitative menée en octobre 2021, par France Stratégie et la Direction générale des entreprises, auprès des acteurs du numérique français, a souligné que les difficultés de recrutement concernaient les profils techniques à 62%, largement devant le deuxième métier sous tension, les profils commerciaux à 17%. Aussi, la même étude montre que l’absence de candidats constitue l’une des principales sources de difficultés de recrutement pour 74% PME en 2019. Par exemple, en 2019, 75% des postes en cybersécurité sont restés vacants. Enfin, le montant des levées de fonds réalisées par les startups françaises est encore trop faible. Si elles ont réussi à lever plus de 10 milliards d’euros en 2021, soit deux fois plus qu’en 2020, ce montant reste deux fois inférieur à celui des startups britanniques qui ont levé 24 milliards d’euros et 28 fois inférieur à celui des startups américaines qui a atteint le record de 289 milliards d’euros.
Ainsi, au-delà d’une compétition entre acteurs privés du numérique, la domination du métaverse est devenu pour les Etats, un enjeu géopolitique majeur aux multiples aspects : étatique, coopétition, influence, protection des données personnelles, souveraineté numérique et équipement. Les investissements américains, avec en tête ceux du groupe Facebook, rebaptisé Meta pour mettre en avant son projet de construction d’un métaverse et marquer les esprits, se démarquent par leurs importances et sont accompagnés par un fort lobbying pour assurer un environnement réglementaire favorable. La Chine a démontré, à travers de nombreux événements et déclarations politiques, sa volonté d’intégrer économies réelle et numérique et de développer rapidement une industrie du métaverse. Néanmoins, le pouvoir central, déterminé à encadrer les activités des acteurs du secteur, a développé une politique de répression réglementaire qui peut constituer un frein au développement. Consciente des puissances financières, technologiques et économiques américaine et chinoise, l’Europe a choisi de devenir une puissance normative, en développant une régulation du numérique contraignante, afin de protéger son marché intérieur. Cette position européenne a accéléré les investissements de Meta en Europe afin de bénéficier des avantages économiques du continent, de maîtriser les flux de données et d’influencer la législation. Dans cette compétition mondiale, la France bénéficie d’un écosystème industriel des réalités virtuelles et augmentées dynamique et a atteint un montant record de levées de fonds par ses startups en 2021. Toutefois, ce montant reste faible comparé à ceux d’autres puissances, les difficultés de recrutement dans le secteur du numérique sont importantes et le volume d’innovations dans le domaine des technologies immersives est insuffisant.
Bien que l’unité de l’Occident dans la conquête du métaverse ne soit pas encore explicite, il semble probable que la bipolarisation actuelle du cyberespace formée par le bloc occidental et le bloc sous influence chinoise (Friedman, 2006) se retrouve rapidement de manière exacerbée, dans cette doublure numérique du monde physique.
Par Daniel Bosselet, promotion 2021-2022 du master IESCI d’Angers
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