Lors des deux premiers trimestres de 2015, la croissance économique chinoise a reculé à 7 % après une première baisse à 7,4 % en 2014, pour atteindre son point le plus bas depuis 25 ans. Ces baisses successives de la croissance chinoise ont eu pour effet de susciter de la méfiance de la part des investisseurs, économistes et experts vis à vis de l’économie Chinoise et la capacité du Gouvernement à relancer la croissance. Un des événements de 2015 montrant la méfiance des investisseurs est la fin du fond d’investissement pour les BRICs créé par Goldman Sachs, banque à l’origine du terme BRICs pour désigner « les puissances en devenir » dont la Chine était un élément majeur. Cette méfiance émanant des économistes et financiers s’est transformée en inquiétude lorsque le Président Chinois, Xi Jinping, a déclaré que « la nouvelle norme de l’économie chinoise sera une croissance en dessous des 7 % dans les années à venir ». Néanmoins, faut-il s’inquiéter du ralentissement de la croissance chinoise ?
La Chine, un pays a très fort potentiel de développement économique à long terme
La Chine, malgré une baisse de sa croissance économique reste un pays a très fort potentiel. Parmi les exemples que l’on peut citer, on peut prendre la fondation de l’AIIB (Banque Asiatique d’Investissement pour les Infrastructures) à Pékin. L’idée de la création de cette Banque d’investissement est née suite à la visite du Président chinois Xi Jinping en Indonésie, en Octobre 2013. Celui-ci voulait créer une nouvelle route de la Soie, route commerciale qui a fait la grandeur de l’empire chinois grâce à la diffusion dans le monde occidental de découvertes majeures telles que la poudre à canon et la boussole. L’objectif de l’AIIB est de favoriser le développement des pays asiatiques à travers leur intégration à une économie régionale en finançant des routes et infrastructures de télécommunications entre les pays asiatiques voulant participer au programme. En Octobre 2014, l’AIIB est officiellement créée à Pékin. Un an après, 57 pays ont intégré le programme dont les Pays des BRICS (Brésil, Russie, Indes, Afrique du Sud). Parmi les 57 pays membres, 34 sont asiatiques, 18 européens, un d’Afrique, 2 d’Océanie et un d’Amérique du Sud. Bien que les pays des BRICS connaissent eux aussi un ralentissement économique, ces pays ont eu aussi de très fort potentiels de développement et notamment grâce à la coopération économique. La Chine dispose dans l’AIIB de la majorité des voix à 50 % alors qu’elle n’en dispose que de 3,8 % au sein du FMI, 4,85 % au sein de la Banque Mondiale et 6,5 % des voix dans la Banque Asiatique pour le Développement. La création de l’AIIB permet à la Chine de sortir des systèmes contrôlés par l’États-Unis qui disposent respectivement de 16,7 % des voix au sein du FMI, 16,2 % au sein de la Banque Mondiale et 15,6 % au sein de la Banque Asiatique pour le Développement. Avec l’AIIB, la Chine est libre de prendre des décisions permettant son développement économique et celui de ses partenaires. La réactivité de l’AIIB est aussi plus importante car la structure, en comparaison aux organismes cités, est plus légère. Pour la Chine, l’AIIB est un moyen de pouvoir développer ses villes tout en permettant d’attirer les investisseurs étrangers. Aujourd’hui, cette stratégie permet à la Chine d’avoir une vision à moyen et long terme, allant au-delà de la croissance morose que connaît actuellement le pays.
De plus, depuis novembre 2015 le Yuan fait partie du panier des devises du FMI. Le 30 Novembre 2015, le FMI a accepté d’intégrer le Yuan dans les droits de tirages spéciaux au même titre que le Dollar, la Livre Sterling et le Yen ou l’euro. Son droit de tirage spécial à 10,92 % permet au Yuan de devenir la troisième monnaie internationale derrière le Dollar et l’Euro. L’intégration du Yuan au panier de devises du FMI est une réussite pour le Gouvernement Chinois, qui en avait fait la demande en 2009 car cela prouve le poids de la Chine dans l’économie mondiale, notamment à travers ses exportations de biens et services. En effet, les conditions pour qu’une monnaie ait un droit de tirage spécial sont que la monnaie doit être émise par un pays ayant un fort poids dans les exportations mondiales et que cette monnaie soit « librement utilisable ». De plus, le succès de l’intégration du Yuan au sein des paniers de devises du FMI est aussi dû au Soft Power Chinois. En effet la Chine a toujours résisté aux pressions exercées par les États-Unis pour qu’elle réévalue sa monnaie. Au contraire, En août 2015, pour répondre à un contexte de crise, la Banque Populaire de Chine a dévalué le Yuan. Cette dévaluation a été pour les économistes un élément justifiant leur crainte vis-à-vis de l’économie Chinoise. En effet, cette dévaluation fut analysée par certains experts comme un moyen pour la Chine d’augmenter ses exportations vers les États-Unis, pays fortement endetté, ce qui engendrerai par la suite une nouvelle crise économique.
Néanmoins, cette dévaluation peut aussi être interprétée comme un moyen pour le Gouvernement chinois de stimuler sa demande interne. En effet, le marché chinois représente 1,4 milliards de consommateurs avec une classe moyenne de plus en plus importante. Or, cette classe moyenne consomme de plus en plus de produits étrangers. La dévaluation du Yuan est un moyen de limiter les importations et d’éviter ce qu’il s’est passé aux États-Unis avec la mise en place du New Deal. La mise en place de politique Keynésienne pour relancer la croissance américaine devait passer par une relance de la demande. Pour cela, le Gouvernement Américain a investi dans ce que l’on appelle « les Grands Travaux » dans le but de lutter contre le chômage et redonner aux américains l’accès au marché de la consommation. En outre, les politiques de « Grand Travaux » n’ont pas eu les effets escomptés car le Gouvernement n’avait pas prévu que pour la population américaine, l’accès à la consommation se ferait par l’achat de produits importés moins chers que les produits nationaux. Si aujourd’hui les experts, économistes et financiers sont étonnés par la réaction du Gouvernement Chinois, c’est parce qu’ils ont une vision sur le court terme à l’image que renvoie le fonctionnement des marchés financiers et des analyses qu’en font les experts. Le Gouvernement Chinois, comme il a pu le démontrer par le passé, est capable d’avoir une vision à long terme à travers des stratégies, des décisions pouvant sembler déroutante.
Les limites à la croissance Chinoise pouvant expliquer « la nouvelle norme de l’économie chinoise »
Les déclarations du Président Chinois Xi Jinping ont eu pour effet de renforcer les inquiétudes déjà présentes chez les économistes et les experts après la crise qu’a connue la Chine en août 2015. Cependant, ces déclarations peuvent être justifiées par les limites que va rencontrer la croissance chinoise dans les prochaines années. Le Gouvernement Chinois est conscient des problèmes sociaux que va connaître le pays, problèmes mis en évidences par les économistes. Parmi ces problèmes que va rencontrer la Chine, il y a le vieillissement de la population. En effet, avec la politique de l’enfant unique mise en place dans les années 90, la population a fortement vieilli créant des problèmes en matière de précarité chez les personnes âgées. Pour pallier à ce problème, une des solutions proposées par les économistes est d’augmenter les salaires.
Cependant, le Gouvernement Chinois est conscient que la Chine est considérée par les pays occidentaux comme « l’usine du monde ». Or, l’activité manufacturière n’est pas une activité qui permet d’augmenter les salaires des travailleurs chinois. Comme on peut le voir dans les pays développés, l’activité manufacturière est celle qui subit le plus de pression sur les coûts à l’image des sous-traitant d’Airbus par exemple. Le Gouvernement Chinois doit donc changer son fonctionnement économique et passer sur des produits à forte valeur ajoutée. La transition entre l’économie manufacturière Chinoise que l’on connaît actuellement et une économie de la connaissance peut justifier les déclarations du Président Chinois lors de cette période, on peut prévoir une période de ralentissement économique et donc de la croissance. Cette transition entraînera, là on peut rejoindre les économistes et les experts, sur le court terme des effets sur les partenaires commerciaux de la Chine, qu’il soit Indien, Russe ou Américain. Aux yeux des occidentaux, la mise en place d’une telle transition risque d’être difficile, en outre, il ne faut pas oublier le pouvoir fort du Gouvernement Chinois et la popularité qu’il a gagné auprès des Chinois ces dernières décennies et la culture asiatique qui est très différente.
De plus, une seconde limite à la croissance de l’économie est l’éducation en Chine. L’éducation, bien qu’elle évolue depuis quelques années, repose sur un système où il n’y a pas vraiment d’épanouissement personnel des élèves. Pour pallier à cela, le Bureau en charge de l’éducation a supprimé cinq matières complémentaires pour les lycéens pour le Gaokao (équivalent du Baccalauréat en France). Cette suppression a eu pour effet de soulager les élèves qui devaient être les meilleurs pour rentrer dans les Grandes Universités et donc apprendre des matières qui ne les intéressaient pas. En outre, certaines matières ont pris plus d’importance, tel que la littérature, incitant ainsi les jeunes à apprendre à lire de plus en plus tôt afin de comprendre, analyser et donc réfléchir. Cette décision prise par le Bureau en charge de l’éducation peut être considérée comme une révolution sociale par rapport à l’ancien système qui favorisait la servitude des jeunes permettant aux industriels occidentaux de bénéficier d’une main d’œuvre docile à bas coût. Cette décision a été largement acceptée par la population Chinoise car les diplômes sont pour les Chinois un moyen d’avoir une ascension sociale et donc de montrer leur réussite. Aujourd’hui, les mutations de l’éducation en Chine sont un moyen d’expliquer le frein que celle-ci constitue dans la croissance chinoise. En outre, vient s’ajouter à la mutation du système éducatif Chinois l’annulation de la loi sur l’enfant unique, qui peut s’interpréter comme l’amorçage d’une phase de profond changement qui vont s’opérer dans les prochaines années.
Alors faut-il s’inquiéter du ralentissement de la croissance Chinoise ?
Aujourd’hui, il existe des freins à la croissance économique Chinoise qui se traduisent par le ralentissement de celle-ci. Ce ralentissement économique a bien sûr des impacts sur les partenaires de la Chine et notamment des Occidentaux sur le court terme. Les inquiétudes des économistes et des experts travaillant pour les pays occidentaux sont donc fondées lorsqu’ils analysent le ralentissement de la croissance par ce prisme. Dans un monde fait d’interdépendances, il est donc prévisible et normal d’avoir sur le court terme des suspicions suite au ralentissement de la croissance Chinoise.
Néanmoins, le Gouvernement Chinois prend des mesures afin de pallier aux limites qui expliquent aujourd’hui la position économique de la Chine. Ces mesures impliquent une période de transition qui explique les déclarations d’une croissance à moins de 7 % faites par le Président Chinois. Aujourd’hui, la Chine cherche à résoudre des problèmes internes qui sont devenus « structurels » et n’offrent pas de réelles opportunités pour la Chine. Les prises de décisions faites par le Gouvernement Chinois sont un moyen de pallier à de nombreuses lacunes, qu’elles soient sociales à travers le vieillissement de la population, l’éducation des jeunes, économiques car le pays doit en effet changer de modèle et utiliser son potentiel en se développant sur une économie tournée vers la recherche et l’innovation tout en sortant de sa dépendance vis-à-vis de la fluctuation des prix des matières premières ou encore environnementaux à travers l’épuisement de ces mêmes ressources sur son territoire.
Aujourd’hui, la crainte que doivent avoir les économistes, les financiers, est que la Chine devienne une superpuissance à long terme si la transition qu’elle opère actuellement réussi. En effet, si celle-ci aboutie, la Chine pourrait devenir dans les prochaines décennies non plus « l’usine du monde » mais bien le « laboratoire du monde », ce qui aurait comme effet, là aussi prévisible, une fuite des leaders nationaux des pays développés vers la Chine, pouvant bénéficier d’un « réservoir de cerveaux ». La Chine, les pays asiatiques, par leur vision à long terme doivent inquiéter les pays occidentaux car aujourd’hui ces pays s’organisent et sont prêts à accepter de faire des sacrifices sur le court terme, à l’image du Japon qui connaît depuis plusieurs années une croissance nulle sans pour autant voir le pays éclater.
Par HuanHuan Huang, étudiante promotion 2015-2016 du M2 IESC
Bibliographie :
http://www.slate.fr/story/109635/goldman-sachs-fin-brics
https://fr.wikipedia.org/wiki/Banque_asiatique_d%27investissement_pour_les_infrastructures#Membres
http://finance.sina.com.cn/world/20140626/080619527218.shtml
http://baike.baidu.com/view/10938006.htm
http://theory.people.com.cn/n/2013/1231/c40531-23993161.html
http://www.bbc.com/zhongwen/simp/business/2015/11/151130_imf_meeting_rmb_sdr
http://www.slate.fr/story/105441/devaluation-chinoise-yuan-mauvaise-nouvelle