Le lundi 15 octobre 2019, New York a connu pour la première fois depuis 1993 un weekend sans fusillade. « Nous avons passé vendredi, samedi, dimanche, sans aucune fusillade, ni homicide. C’est la première fois depuis des décennies et c’est quelque chose dont non seulement la police new-yorkaise mais tous les New-Yorkais peuvent être fiers », a souligné James O’Neill, chef du NYPD, lors d’un point de presse. Suite à cet événement on remarque bien ici « l’habitude » que peuvent avoir les habitants de New York face aux fusillades et aux tueries par armes à feu. En effet, il est de notoriété publique que le nombre de tuerie par arme à feu est extrêmement élevé aux États-Unis. Nous sommes alors en droit de nous demander pourquoi la vente et le port d’arme sont encore aujourd’hui autant sacralisés malgré les multiples répercutions que ceci implique.
C’est ici que rentre en compte le pouvoir de la National Rifle Association (NRA) et notamment le pouvoir du réseau d’influence, le pouvoir du lobby des armes. Le lobbying peut être défini comme étant une pratique « qui permet d’influencer directement ou indirectement les processus de création et d’application des lois, des normes ou des règlements » (Dominique Musseau, 2019), on comprend donc bien pourquoi la NRA use de cette pratique pour maintenir la libéralisation du marché des armes aux États-Unis.
C’est suite à ce questionnement sur le pouvoir des lobbys que nous nous sommes posé la question de savoir quel impact peut avoir l’intelligence économique sur le lobbying. Il existe de nombreuses définitions de l’intelligence économique donc nous nous cantonnerons à la définition de Henri Martre, considéré comme l’un des pères fondateurs de l’intelligence économique en France pour avoir présidé le groupe de réflexion qui a donné lieu à la publication du Rapport « Intelligence économique et stratégie des entreprises » en 1994 en France. Henri Martre défini l’intelligence économique comme suit : « L’intelligence économique peut être définie comme l’ensemble des actions coordonnées de recherche, de traitement et de distribution, en vue de son exploitation, de l’information utile aux acteurs économique. Ces diverses actions sont menées légalement avec toutes les garanties de protection nécessaires à la préservation du patrimoine de l’entreprise, dans les meilleures conditions de délais et de coûts. L’information utile est celle dont ont besoin les différents niveaux de décision de l’entreprise ou de la collectivité, pour élaborer et mettre en œuvre de façon cohérente la stratégie et les tactiques nécessaires à l’atteinte des objectifs définis par l’entreprise dans le but d’améliorer sa position dans son environnement concurrentiel. Ces actions, au sein de l’entreprise, s’ordonnent autour d’un cycle ininterrompu, générateur d’une vision partagée des objectifs de l’entreprise. »
Or les méthodes de lobbying existent depuis bien plus longtemps que l’intelligence économique, nous sommes donc en droit de nous demander dans quelle mesure l’intelligence économique impacte le lobbying : est-ce que ces deux concepts sont dépendants, complémentaires ? Ou est-ce que l’intelligence économique peut-elle être une menace pour les grandes firmes multinationales utilisant le lobbying pour arriver à leurs fins ?
Nous traiterons le sujet en deux grandes parties, en mettant en avant les pratiques dites d’intelligence économique menées par la NRA (I), puis nous montrerons comment l’intelligence économique peut être une menace pour cette association (II).
I. La NRA : un lobbying fort, jouant des pratiques dites d’intelligence économique
Dans cette partie, nous nous efforcerons d’analyser comment le lobbying de la NRA est intégré à l’intelligence économique et plus encore la complémentarité, voir la dépendance des deux.
Montrer en quoi l’intelligence économique est un pouvoir pour le lobbying, et ce par le biais d’un exemple : celui de la NRA (National Rifle Association). Pour ce faire nous avons plusieurs pistes de réflexions
A. L’environnement économique de la NRA
Premièrement, la NRA est complémentaire à l’intelligence économique par la veille qu’elle met en place. En effet, les fabricants d’armes liés à la NRA avaient augmenté leur production en prévision d’une présidence d’Hillary Clinton, qui aurait augmenté les achats de ceux voulant passer à l’acte avant un possible contrôle accru des armes à feu. Mais cette augmentation des achats n’a pas eu lieu du fait de l’élection de Trump et la montée en puissance du lobby des armes à feu de la NRA. Si bien que malgré le contrôle du Congrès et de la Maison Blanche par les républicains, les fabricants d’armes se sont retrouvés dans une situation financière fragilisée. Cependant, la NRA a su se rattraper car chaque année, on dénombre en moyenne 340 fusillades par an aux États-Unis. Le 8 novembre 2018, il y a eu 13 morts dans une discothèque de Thousand Oaks en banlieue de Los Angeles. La tuerie est l’une des plus meurtrières de l’année. À ce jour, 307 fusillades ont eu lieu sur le sol américain depuis le 1er janvier dernier. Ces événements tragiques font monter la vente d’arme et de munition.
Par exemple, il y a eu des soldes de 10 % sur le prix des ‘’bump stocks’’, (les dispositifs qui permettent d’accélérer la cadence de tir des fusils semi-automatiques), moins d’une semaine après la tuerie qui a fait 17 morts dans un lycée de Parkland, en Floride, le 14 février. La société a lancé cette opération marketing avec lehashtag #HeresToFreedom (Ici pour la liberté), une référence au deuxième amendement de la Constitution des Etats-Unis.
Ces massacres de masse qui sont en progression ont permis à la cellule de veille de la NRA de faire bondir l’action en bourse des entreprises lies aux armes car la NRA repère les comportements publiques et privées susceptibles d’impacter leur organisation.
On peut souligner que la même année (en 2018), une nouvelle porte-parole avait été recrutée, une jeune attachée de presse ultra-conservatrice au langage vulgaire et provocateur et sur mesure capable de moderniser l’image d’une association très masculine et vieillissante.
Et surtout, de répondre aux mères de victimes des armes à feux qui prennent de plus en plus la parole pour mettre les politiciens devant leurs responsabilités.
De plus, forte de sa progression fulgurante dans les années 80, la NRA a décidé la création d’une filiale : l’ILA (Institute of Legislative Action) destiné exclusivement au lobbying. Le travail des 80 lobbyistes qui y sont employés consiste à lutter contre le vote d’amendements limitant l’accès aux armes à feu. Grace à ces informations, nous arrivons à identifier les 3 forces du lobby de la NRA :
B. Lobbying, IE et communication
Evoquée bien sûr, effleurée sans doute mais rarement intégrée aux réflexions et pratiques de l’intelligence économique, la communication est le parent pauvre des pratiques d’intelligence économique et l’analyse communicationnelle apparaît comme la grande absente des recherches sur la question. C’est ainsi que L’ILA finance également des projets de sensibilisation à la cause de la NRA. On peut donc voir que la NRA dispose également d’une chaîne de télévision, d’une fondation et d’un musée ; autant d’outils lui permettant de diffuser ses messages et de développer son lobbying à travers les Etats-Unis. En ce sens, le lobbying est fortement complémentaire de l’intelligence économique.
La NRA a une interactivité constante avec ses fans, 5 millions et ses entreprises qui lui font totalement confiance et où ils peuvent discuter ( congrès annuel … ), on assiste également à une force de réactivité particulièrement élevée, face à des associations opposées aux armes comme la Coalition Brady, Handgun, American for Responsible Solutions… qui sont bien organisées sur les réseaux sociaux, la NRA peut compter sur un maillage national et local extrêmement motivé, très actif et rompu aux mobilisations. En effet toute action menée contre les intérêts de la NRA se voit attaquée dans un laps de temps très court par des groupes locaux, des médias proches de l’association, des pétitions sur les réseaux sociaux, des dénonciations sur les chaines de TV et radio.
Ainsi, la NRA dispose d’un réseau pour contre-attaquer très rapidement et efficacement grace a un panel d’information que les réseaux remontent aux analystes de la NRA-ILA. L’impact du lobbying est donc amplifie via l’analyse de l’intelligence économique.
De plus, le lobbying de la NRA dépense sans compter, à travers ses comités d’action politique ( ou PAC ), des structures privées chargées de collecter des fonds. La NRA dépense ces fonds en lobbying et en financement de campagnes politiques fédérales ou locales. En 2016, la NRA a depensé 58 millions de dollars dans le cadre des différentes campagnes électorales.
Le Congrès américain, sous domination républicaine, a rejeté toutes les propositions, mêmes légères, visant à restreindre d’une quelconque manière le droit des citoyens de porter des armes à feu. Enfin, pendant les élections présidentielles de 2017, la NRA a dépensé 3,2 millions de dollars uniquement en lobbying, un budget en légère progression par rapport à 2016 (3,18 millions de dollars). Les derniers chiffres accessibles révèlent que le budget annuel de la NRA s’élève à 350 millions de dollars. Ce chiffre est en hausse par rapport aux années précédentes, grâce à l’augmentation des dons de particuliers. Ces dons représentent à peu près 45% de ses ressources. Une statistique qui prend de moins en moins d’ampleur lorsque l’on constate les lobbys anti-armes gagnant du terrain (Source : Audit de Center for responsive politics).
C. Analyse des Réseaux Sociaux :
Etant très actif sur les réseaux sociaux et notamment sur Twitter qui est devenu la première vitrine pour sa publicité, la NRA attire et fidélise de plus en plus les acteurs pro-armes en organisant des congrès payant où les places partent très vite mais aussi en allant jusqu’à impliquer ses collaborateurs dans la justice : ci-dessous, une campagne pour la NRA soulignant la nécessite pour ses adhérents de défendre ses droits en contactant le législateur de leur Etat pour contre la législation anti armes.Cette interactivité est soulignée par une augmentation des adhérents n’hésitant plus à dénoncer leurs amis lorsque ceux-ci sont contre le lobby pro-arme.
Avec les données que nous avons pu obtenir nous constatons que les objectifs de la NRA se divise en 3 étapes :
D. Exemple d’intelligence économique avec l’imprimante 3D :
En 2017, face à la naissance de l’imprimante 3D profitant à un second commerce d’arme, la NRA n’a pas mis longtemps à réagir et notamment via une grande personnalité puisqu’il s’agit du Président Donald Trump annonçant qu’il s’opposait à tous types de mandats qui nécessiterait la technologie des armes intelligentes créés via une imprimante 3D entre autres, en raison de préoccupations relatives à la responsabilité des produits pour les fabricants et des conséquences imprévues sur la sécurité. De plus, le président de la NRA annonçait lors du dernier congrès qu’il refusait toute discussion voire collaboration avec les acteurs des armes intelligentes/3D puisque « Ils passent leur temps à détruire la culture des Etats-Unis ».
En effet, les défenseurs du contrôle des armes à feu craignent que les armes à feu ne soient utilisées par des criminels qui veulent des « armes fantômes », des armes qui ne peuvent être tracées ou détectées par la plupart des agents de sécurité, comme les détecteurs de métaux.
II- Les pratiques d’intelligence économique qui tendent à se démocratiser : la montée de l’information disponible, menace potentielle et mauvaise pratique : NRA mise à mal
A. L’intelligence économique menée au sein de la NRA : une action pas toujours bien maîtrisée
Il semble, au regard de l’étendu de son pouvoir, que la NRA aie bien comprise et mise en œuvre les pratiques inhérentes à une démarche d’intelligence économique, celle-ci reposant sur 3 piliers : veille, sécurité et lobbying. Néanmoins, l’intelligence économique se doit d’être offensive pour être efficace. En effet, nous observons que la NRA agit souvent en réponse à un événement dans sa démarche ; exemple de la réduction de 10% sur les « bump stock » suite à une tuerie, ou encore l’augmentation du montant de la cotisation des adhérents suite à une baisse des moyens financiers, les cotisations et dons représentant 45% des moyens financiers de la NRA).
Alain Juillet dans son ouvrage « Intelligence économique : mode de pensée – mode d’action » (2001) nous donne une définition de l’intelligence économique comme étant un mode de pensée méthodologique théorique et un mode d’action pratique avec le réseau, la protection et le lobbying. Une démarche efficace d’intelligence économique se doit de bien accompagner l’action. Il semble ici que l’action ne soit pas toujours bien accompagnée, comme en témoigne le changement de stratégie de la NRA relatif à sa position sur le système universel de contrôle des antécédents. En effet, la NRA soutenait à la base la mise en place d’un tel contrôle, ce qui induit des dépenses de lobbying fortes pour influer au niveau gouvernemental, mais elle fut vite dépassée par l’opinion générale exprimée par les adhérents ne voulant pas d’un tel système de contrôle. Tant et si bien que Wayne LaPierre, le vice-président de la NRA, « a même été forcé d’admettre lors de son audition au Congrès le 23 janvier 2013 que la NRA ne soutenait plus la mise en place d’un système universel de vérification des antécédents ».
Ainsi, la stratégie de la NRA bien affirmée avec des compagnes de communications multiples et d’envergure importante suite aux tueries est la suivante : plus d’armes afin de renforcer la sécurité. Seulement voilà, ce type de positionnement ne fait que renforcer le noyau dur des adhérents, et donne à l’opposition de quoi discréditer la NRA. Une stratégie de lobbying conduit de cette manière tend à renforcer les adhérents, ce qui ne va pas dans une logique expansionniste, bien au contraire, c’est une faiblesse en termes d’intelligence économique. La logique devrait plutôt devrait plutôt amener à contrôler les adhérents plutôt que de les laisser « diriger » indirectement, et essayer d’atteindre un plus grand nombre. Et ceci s’illustre d’autant plus quand l’on regarde où vont les armes : certes, le nombre d’armes en circulation augmente aux USA, mais elles sont possédées par de moins en moins de personnes. Cet effet de noyaux dur s’illustre ici très bien.
B. Une économie de la connaissance favorisant l’accès à l’information avec les NTIC : vers des mouvements sociaux difficilement prédictibles
Cette économie de la connaissance, stimulée par les NTIC, permet à de plus en plus de personnes d’avoir accès à l’information, exacerbé par l’accès à internet (54% de la population mondiale a un accès internet en 2018, source BDM) et des réseaux sociaux (44% de la population mondiale est enregistrée sur des réseaux sociaux en 2018, source BDM). En effet, de plus en plus de personnes peuvent avoir accès à de plus en plus de connaissances, ce qui n’est pas très bon pour la NRA étant donné sa logique et les intérêts qu’elle défends éthiquement critiquables.
Suite aux multiples tueries (Newton, Parkland…), des mouvements de manifestations et des marches s’organisent un peu partout. C’est le cas par exemple du 24 Mars 2018 avec la « March for our lives » (marches pour militer contre le port d’arme), ayant engendré quelques 800 manifestations, dont celle de Washington, la plus importante, où 800 000 personnes se sont réunies (d’autant plus que le nombre attendu était de 500 000 personnes, ce qui montre l’accroissement du rejet général).
De tels mouvements, de plus en plus nombreux, non-organisé, peu contrôlables, sont de fait très difficilement prédictibles (au même titre que les problèmes induits par les mouvements des gilets jaunes en France). En ce sens, les lobbies pro NRA vont avoir du mal à anticiper et à être offensifs, et non pas défensif encore une fois comme vu plus avant.
Les jeunes, très sensibles car étant victimes des tueries dans les lycées, prennent conscience du danger des armes à feu. Et les moyens mis en place dans les lycées viennent renforcer ce sentiment : augmentation du contrôle, vidéosurveillance, détecteurs à métaux… Exemple du Wisconsin ayant attribué un budget de 100 millions de dollars pour renforcer la sécurité. Tout le monde est bien conscient du danger, on met des choses en place, le nombre de morts continu d’augmenter, les tueries elles aussi continuent, et il semble que la NRA commence à perdre le contrôle.
C. La montée en puissance de contres-lobbies : un avenir qui s’assombri
Petit à petit, l’on voit apparaître des contres-lobbies, de mieux en mieux organisés, se calquant sur les pratiques de la NRA. « Lors de la période électorale, ces groupes ont été très présents pour mobiliser des votants, utilisant les mêmes moyens d’action que la National Rifle Association (NRA) » (Combeau Didier, « Les Américains et leurs armes. Droit inaliénable ou maladie du corps social ? », 2003).
Un peu à la manière de Wayne Lapierre, la NCBH (National Council to Ban Handguns, visant à interdire les armes) a revu sa position en termes de stratégie, mais ici bien mieux menée et allant dans le sens de renforcer son réseau et grossir ses rangs. La NCBH, suite à une veille rondement menée, s’est aperçue que les membres n’étaient pas prêts à totalement abandonner leurs armes et abolir le port d’arme. Ainsi, la NCBH s’est renommée HCI (Handgun Conctrol Inc.), induisant un contrôle plutôt qu’une abolition pure et simple des armes à feu.
De plus, ces contres-lobbies vont utiliser les mouvements sociaux à leur avantage en profitant des marches pour rejoindre les rangs des manifestants et ainsi propager leurs idées. En utilisant une stratégie basée sur l’émotionnel en se joignant aux familles des victimes, ceci va renforcer la puissance du message qu’ils délivrent.
Petit à petit, ces contres lobbies gagnent du terrain, bien conscient de la puissance de la NRA déjà bien encrée, c’est pourquoi la stratégie doit être pensée en long terme et essayer de rentrer dans les mœurs.
Au fil du temps, les contre-lobbies ont plus de moyens, plus d’adhérents donc plus de participations financières et de soutient, permettant de rattraper le lobby de la NRA qui dépense énormément, se retrouvant en difficulté par ses dépenses multiples afin de soutenir ses idées, comme en témoigne le graphique ci-dessous.
La courbe rouge montre les dépenses de lobbying pro NRA, contre en vert celles des lobbyings contre les armes. L’on voit qu’en 2018, les dépenses des contres-lobbies ont dépassé leurs opposants.
L’on peut alors se poser la question, et à juste titre d’une telle baisse des dépenses de la part des pro-armes. Une des raisons principales est le montant des dépenses allouées par la NRA lors de la campagne présidentielle de Trump NRA, soit 55 Millions de dollars. Ainsi, sur les années 2015-2016, l’association avait engagée pas moins de 100 millions de dollars, ce qui lui a valu de passer d’un confortable excédant financier de 28 millions à un déficit budgétaire de 15 millions de dollars. Aussi, une autre raison est la fuite de certains partenaires les soutenants tels que la First National Bank of Omaha, ou encore Hertz, Paramount, Alamo, Republic Bank et bien d’autres, mais également le recul des cotisation perçues reculant depuis maintenant 2 ans déjà (représentant près de la moitié des moyens financier de la NRA comme vu précédemment). Résultat : fin 2017, près de 32 millions de dollars déficit. A cela vient s’ajouter l’enquête pour soupçon d’espionnage russe commencé pendant la campagne de 2016.
Conclusion
Le Lobbying est aujourd’hui un élément important et un outil essentiel en matière d’intelligence économique. La capacité des firmes ou des organisations à influencer et à modifier leur environnement devient crucial dans un souci de pérennisation de leurs activités. Ces deux concepts (intelligence économique et lobbying), sont donc complémentaires et interdépendants. Il est inconcevable d’effectuer une activité de lobbying sans adopter une approche et une démarche d’intelligence économique globale. A l’inverse, entreprendre une démarche d’intelligence économique efficiente ne peut s’envisager sans une action de lobbying, comme une sorte de finalité qui vient concrétiser le travail effectué en amont.
L’exemple de la NRA prouve tout au long de ce dossier que la collecte d’informations spécifiques, aussi bien sur les opposants que sur les partisans, la prise en compte de l’opinion publique, l’analyse du contexte politique et social et la stratégie de communication qui en résulte, sont autant d’éléments qui sont scrupuleusement analysée et évaluée pour être ainsi utilisé à bon escient par les lobbyistes.
Le Lobbying de la NRA s’effectue via divers canaux afin de toucher un maximum de personnes. Elle a pour cela créé une structure entièrement dédiée au lobbying et à la communication (ILA : Institute for Legislativ Action), et dispose également d’un musé, d’une fondation et d’une chaîne de télévision. L’objectif est double : influencer et convaincre les décideurs publics en faveur de la vente d’armes pour faire prospérer ce secteur d’une part, sensibiliser et rallier l’opinion publique aux valeurs et idéaux défendus par la NRA d’autre part.
LA NRA s’appuie également sur une puissante communauté, solidaire et particulièrement active. Cela leur permet de rapidement contrer, voir même discréditer, toute contestation ou opposition à leurs intérêts. Cette communauté très influente peut être considérée comme la principale source du pouvoir de la NRA. Son budget est en effet financé à plus de 45% par des donateurs privés ce qui démontre le poids des adhérents et des sympathisants. De plus, la dimension patriotique est régulièrement mise en avant par les communicants de la NRA, l’imaginaire populaire est nourri par ces représentations (pour le moins subjectives) de l’américain moyen équipé de son arme pour se défendre et défendre sa famille ou du cow-boy auquel beaucoup d’hommes aiment s’identifier. La NRA joue également sur la peur en faisant habilement référence à des évènements tragiques et en jouant sur le sentiment de sécurité que procure la détention d’une arme à feu.
Cependant, il apparait que l’opinion publique constitue également l’une des plus grandes menaces pour le lobbying des armes à feux aux Etats-Unis, et plus particulièrement, le changement progressif des mentalités qui s’opère peu à peu dans le pays et sur lequel les associations pro-régulations des armes entendent bien baser leurs actions. On constate par exemple que si le nombre d’armes à feux est en augmentation, le nombre de détenteurs d’une arme recule. Il s’agit donc d’une partie de la population qui détient de plus en plus d’armes ce qui peut s’avérer inquiétant au regard des risques de fusillades et de tueries de masses. Si la tendance se confirme, et qu’une fraction de plus en plus en plus faible « monopolise » la détention d’armes, il est clair que la légitimité de la NRA pourra être remise en question, tout comme l’application du 2nd amendement qui constitue le fondement et le cheval de bataille de l’association.
L’activité de lobbying menée par la NRA découle donc d’une démarche et d’une méthodologie propre à l’intelligence économique ce qui démontre la complémentarité entre ces deux activités. Elle se base sur une analyse et une connaissance précise de la population, des décideurs politiques et de ses opposants, permettant ainsi d’établir une stratégie de communication parfaitement rodée et de se défendre face à n’importe quelle attaque. L’utilisation intensive des réseaux sociaux tels que Twitter et Facebook et des médias classiques lui permet à la fois de véhiculer ses messages clés, de suivre les activités de ses détracteurs et de détecter les nouvelles tendances et les réactions. Aujourd’hui presque inébranlable, notamment de par son poids financier et son influence politique, elle reste, de façon très relative, menacée par les associations anti-armes qui gagnent du terrain. Ces dernières demeurent cependant trop faibles pour véritablement remettre en cause la NRA et surtout trop éparses pour être suffisamment efficace. Comme le suggère l’approche de l’intelligence économique, seule une stratégie globale mûrement réfléchie et organisée autour d’un objectif commun à l’ensemble des opposants pourrait venir concurrencer la toute puissante NRA.
Par Emery Marvin et Sylman Teulieres, promotion 2019-2020 du M2 IESCI
Bibliographie
Ouvrages :
Belin Célia, « National Rifle Association : la toute-puissance en équilibre », 2013
Combeau Didier, « Les Américains et leurs armes. Droit inaliénable ou maladie du corps social ? », 2003
Levet Jean Louis, « Intelligence économique : mode de pensée et mode d’action », 2001
Webographie :
https://www.businessinsider.com/second-amendment-foundation-victories-2012-12?IR=T
https://www.businessinsider.fr/us/nra-power-lobbying-statistics-gun-control-2017-10
https://www.theguardian.com/us-news/2017/nov/17/nra-gun-lobby-gun-control-congress
https://minarchiste.wordpress.com/2018/03/05/la-reglementation-des-armes-a-feu-aux-etats-unis/
https://www.opensecrets.org/orgs/lobby.php?id=D000000082
https://www.lesechos.fr/2016/06/la-nra-ce-lobby-qui-gouverne-lamerique-1111415
https://master-iesc-angers.com/la-nra-un-lobby-mortel/
https://www.opensecrets.org/orgs/lobby.php?id=D000000082
https://www.aei.org/multimedia/infographic-polls-on-patriotism/
https://www.vox.com/policy-and-politics/2019/1/17/18167430/nra-2018-midterms-trumpspending-trouble
https://www.blogdumoderateur.com/chiffres-internet/
http://www.nrapublications.org/media/1535260/nra_aff_201809r.pdf
https://www.charitynavigator.org/index.cfm?bay=search.profile&ein=521710886
https://www.lematin.ch/faits-divers/Les-folles-pubs-de-la-NRA/story/15140942