Depuis la disparition des livreurs d’eau à Paris après l’accès à l’eau courante, on sait que les métiers n’ont pas une vie indéterminée ; au contraire il survient des métiers tandis que d’autres disparaissent au fil du temps. L’arrivée de l’intelligence artificielle est juste une circonstance qui va participer à la disparition de certains métiers comme elle pourrait en créer de nouveaux. En revanche, la situation amenée par l’arrivée de l’intelligence artificielle (IA) ne se limite pas qu’à la simple suppression de métiers : elle pose le problème d’une supposée rivalité entre l’Homme et l’intelligence artificielle. Certains estiment qu’elle pourrait éventuellement remplacer l’Homme dans un futur lointain. Dans ce cadre, se demander si l’IA a les moyens de remplacer l’intelligence humaine est une bonne réflexion. Dans cet article nous allons nous pencher sur ce questionnement ; pour cela, nous allons dans un premier temps voir qu’effectivement l’IA pourrait remplacer l’intelligence humaine dans certains domaines, ensuite nous démontrerons qu’elle n’est pas (pour le moment ou pour les prochaines décennies à venir) supérieure à l’intelligence humaine dans son intégralité et qu’une combinaison des deux formes d’intelligence est possible.
Le point sur l’intelligence artificielle et son positionnement face à l’intelligence humaine
Jusqu’à présent, l’Homme domine le monde par son intelligence, il n’a pas de concurrence véritable. Bientôt, avec le progrès fulgurant de l’IA, l’Homme pourrait bien être confronté à une intelligence qui, potentiellement, serait amenée à le surpasser.
Nous allons analyser dans cette partie comment l’IA serait capable d’être au-dessus de l’Homme.
Tout d’abord, regardons le développement de l’IA depuis les conceptions des algorithmes grâce au schéma ci-dessous :
Comme le schéma nous le montre, c’est à partir des premières conceptions d’algorithmes que l’Intelligence artificielle trouve ses racines. Au 20ème siècle, il n’a pas été possible pour les ingénieurs de développer davantage les algorithmes puisqu’ils n’avaient pas encore accès à la masse de données dont nous disposons au 21ème siècle grâce au développement de l’internet et des NTIC[1] notamment. Même si depuis 1997 déjà, avec Deep Blue d’IBM, l’Homme a été vaincu par un super-ordinateur au jeu d’échecs, en 2017, Alpha GO bat le champion du jeu de Go, un jeu plus complexe que le jeu d’échec, nécessitant la connaissance de plusieurs types de données.
Avec le Big Data, les technologies de machine learning et de Deep learning ont pris leur envol. Ces deux technologies ont en effet besoin d’une masse importante de données pour pouvoir prédire les actions qu’elles doivent entreprendre selon la raison pour laquelle les machines ont été conçues. Par exemple, pour qu’une caméra de reconnaissance faciale (dotée d’IA) puisse identifier une personne ou l’émotion qu’émet une personne, elle doit en amont disposer d’une quantité suffisante d’informations pour arriver à une conclusion. Ces informations sont représentées comme des paramètres à valider ou non.
La capacité des robots qui utilisent l’IA sont, dans ce type de cas, supérieurs à l’Homme. En effet la caméra, en une fraction de seconde voire milliseconde, peut aboutir à une conclusion tandis que l’intelligence humaine mettrait bien plus de temps. Cependant, n’oublions pas que le cerveau humain dans sa réflexion prend en compte les caractères émotionnels de ses futures actions à l’opposé de l’IA.
L’intelligence humaine est donc inférieure à l’intelligence artificielle dans les champs où il faut étudier les causalités des phénomènes pour aboutir à un résultat (dans une moindre mesure). Et ce d’autant plus que le champ d’action d’une IA est bien plus élevé que celui d’une intelligence humaine. Pour le démontrer, il suffit de faire une comparaison entre ce dont est capable un courtier et l’IA de Blackrock « Aladdin ». Alors qu’un courtier, un trader, etc. prendrait des décisions de manière subjective et en étudiant des évènements dans des degrés limités, l’IA est capable d’agir de façon objective, en étudiant des milliers de milliards d’options pour ensuite prendre la meilleure des décisions. Pour témoigner même de cette supériorité, « le Gouvernement américain a fait appel à Aladdin lors de la crise des Subprimes[2] en lui confiant notamment l’analyse des portefeuilles hypothécaires de Fannie Mae et Freddie Mac qu’il venait de sauver de la faillite. »
Le résultat de cette avancée de l’IA n’est qu’à la phase 2 de son développement, ce qui surprend et nourrit les craintes des plus conservateurs. Lorsque l’on arrivera à la phase 3 de l’évolution de l’IA, il est certain que l’intelligence humaine sera inférieure à l’intelligence artificielle dans beaucoup de domaines.
Cependant, selon Laurent Alexandre dans son livre « La guerre des intelligences » (2007), l’intelligence humaine pourrait lutter contre l’IA si l’Homme cultivait plus son esprit critique et son intelligence métacognitive. Car effectivement les scientifiques, pour le moment et même dans l’avenir, ne voient pas comment on pourrait octroyer une âme, un esprit ou la pensée à une machine. Mais peut-être l’IA forte le pourrait, alors à ce moment l’humanité serait en danger si l’IA devenait hostile à l’homme.
Disparition / transformation des métiers avec la progression de l’IA
Après avoir exposé les potentielles conséquences des faits développés précédemment, voyons quelles sont donc les conséquences pour les métiers actuels.
Avant tout, nous remarquons déjà que tous les métiers qui sont caractérisés par des tâches répétitives, sont aujourd’hui remplacés par des machines dont beaucoup sont équipées d’IA. L’industrie automobile illustre bien ce phénomène. Un autre cas, prochainement, l’IA supprimerait les métiers de chauffeur (Taxi, camion, etc.) avec le développement des voitures autonomes.
A nouveau, selon Laurent Alexandre, en plus des métiers équivalents à ceux évoqués ci-dessus, d’autres subiront beaucoup de mutations, surtout les métiers dans le domaine de la santé et de l’éducation. L’IA dont il est question ici est généralement capable de reproduire les aspects suivants de l’esprit humain : raisonnement, apprentissage, prise de décision, résolution de problème et parfois créativité. L’Orthodontiste, par exemple, serait réduit au rôle d’assistant dans l’exercice de son métier au profit de l’IA qui, quant à elle, est capable de prescrire et réaliser les soins avec un degré de précision élevé. Pour NexTDentiste : « le rôle des médecins, en 2030, équivaudra à celui des infirmières d’aujourd’hui. Et on prévoit la même évolution pour les chirurgiens-dentistes ».
Et pour l’éducation plus tard, dans l’optique de lutter contre l’IA, les parents voudraient augmenter le QI de leur enfant, et pour ce faire, ils alimenteraient la demande en éducation personnalisée : futur marché en plein essor. Et qui de mieux pour effectuer ces missions que l’IA ? Avec l’évolution actuelle de l’IA, on suppose qu’elle serait capable d’ordonner, conseiller, et optimiser des actions pour adapter une éducation selon le profil de l’individu.
Avec toutes ces perspectives comment penser une collaboration entre l’intelligence humaine et l’intelligence artificielle ?
Les possibles formes de collaboration entre l’intelligence humaine et l’IA
Actuellement, l’IA est incapable d’expliquer pourquoi elle a agi de telle sorte ou de telle manière : elle ne raisonne pour le moment que de manière factuelle. L’Homme est pour l’instant la seule forme d’intelligence capable de raisonner de manière poussée et contrefactuelle. Ainsi, plutôt que de la substituer complétement l’Homme, il serait ingénieux de combiner les deux formes d’intelligence pour accomplir des tâches à une plus grande vitesse et à une plus grande échelle que l’Homme seul ou la machine seule ne pourrait faire.
D’après des études de l’école de commerce Warwick (Angleterre), il y a trois façons pour l’Homme et l’IA de coexister pour former une paire :
Premièrement la substitution, situation dans laquelle l’IA remplace l’Homme. C’est le cas couramment observé dans le monde du travail actuel. Cela permettrait à l’intelligence humaine de se consacrer davantage sur d’autres tâches.
Deuxièmement l’augmentation des taches ; ici « l’intelligence humaine introduit des informations de conception dans un logiciel de conception générative utilisant une intelligence artificielle afin de produire rapidement toute une gamme de solutions de conception ».
Enfin, la création d’une unité d’Homme/IA pour résoudre tous les problèmes éthiques que peuvent poser l’IA en utilisant l’intelligence humaine dans le but d’appliquer une perspective morale à l’IA dans l’exécution de ces taches. C’est le cas par exemple du développement actuel des voitures autonomes où l’on se pose la question de « qui sauver et qui sacrifier en cas d’accident », ou encore d’une transformation du métier de professeur, consistant à créer des dispositifs d’enseignement adaptés aux différents profils d’élèves repérés par les IA.
Mais malgré cette vision plutôt optimiste, il ne faudrait pas se leurrer : l’IA crée ou augmente la concurrence entre les hommes sur le marché de travail mais également entre l’homme et l’IA.
Dans ce cas, pourquoi ne pas améliorer l’intelligence humaine de manière artificielle ? Pour répondre à cette question, on va parler du Trans-humanisme.
Le transhumanisme pour contrer l’IA
L’amélioration des capacités intellectuelles humaines deviendra indispensable pour lutter contre l’IA. Les possibilités qu’offrent les découvertes en nanotechnologie, biotechnologie, neuroscience, etc. permettraient dans les meilleurs des cas d’augmenter les capacités cognitive des humains. Par exemple, la société Neuralink d’Elon musk ambitionne de créer des « puces » implantées dans le cerveau humain pour enrichir l’intelligence humaine. La puce rendrait par exemple un humain capable de lire une page Wikipédia en quelques millisecondes, elle agrandirait la capacité de stockage de souvenirs ou d’informations quand la puce est connectée à un cloud, etc. Le cerveau humain aurait alors les mêmes capacités qu’un ordinateur, et serait même plus performant, car pour Elon musk l’usage des téléphones et ordinateurs est déjà une extension de l’humain mais « l’interface se fait via les mouvements des doigts ou par la voix. Ce qui est trop lent et que le futur est dans la lecture quasi-instantanée de la pensée humaine par l’ordinateur. Gain de temps et d’intelligence assuré». De ce fait, le cerveau humain serait connecté à un ordinateur, l’humain deviendrait une sorte de cyborgs.
Par Sitraka Raminoson, promotion 2019-2020 du M2 IESCI
Sources
« Concevoir les implants cérébraux du futur pour rendre l’humain plus intelligent et fort face à l’intelligence artificielle ».
Les chirurgiens-dentistes seront-ils remplacés un jour par des robots ?
http://www.nextdentiste.com/les-nouvelles-technologies/
BlackRock et Google s’associent dans l’intelligence artificelle
https://www.lesechos.fr/2015/10/blackrock-et-google-sassocient-dans-lintelligence-artificelle-278950
En 3 jours, l’intelligence artificielle de Google a appris le jeu de Go et écrasé la machine qui a détrôné l’Homme
La collaboration entre humains et agents IA changera pour toujours la façon dont les tâches professionnelles sont exécutées
[1] NTIC : Nouvelle technologie de l’information et de la communication
[2] Subprimes : est le nom donné aux emprunts risqués américains qui ont déclenchés la crise financière de 2007 à 2011