Lorsqu’en 2002 Elon Musk vend son entreprise de paiement en ligne Paypal pour 1.5 milliards de dollars afin de se consacrer entièrement à sa nouvelle entreprise SpaceX, beaucoup d’experts ne croient pas dans la faisabilité d’une telle aventure ! Monter à partir de rien une société commerciale de lanceurs spatiaux capable de diviser drastiquement les coûts des fusées et ainsi de rendre l’accès à l’espace beaucoup moins onéreux. Aujourd’hui SpaceX dispose d’un lanceur lourd capable d’envoyer des satellites en orbites avec des coûts ultra compétitifs par rapport aux mastodontes du secteur tout en respectant la fiabilité nécessaire spécifique au monde des lanceurs spatiaux. L’entreprise qui possède encore aujourd’hui le format d’une start-up fait bouger les géants du secteur tel que Arianespace qui développe actuellement Ariane 6 sur le modèle du lanceur Falcon9 (SpaceX) afin de revenir dans la course.
« Une innovation disruptive présente initialement une performance inférieure à celle des technologies existantes, mais elle finit pourtant par les supplanter » (source Pearson.fr)
L’homme d’affaire d’origine sud-africaine dans sa soif de changer le visage du monde s’est aussi lancé sur le terrain de l’énergie et des transports avec respectivement l’entreprise SolarCity qui produit des panneaux photovoltaïques et l’entreprise Tesla qui produit des voitures dit totalement propre car fonctionnant exclusivement avec de l’électricité. Cette dernière peut être considérée comme une belle réussite, car même si aujourd’hui l’entreprise ne dégage pas de profit sa capitalisation boursière dépasse les 32 milliards de dollars soit quasiment trois fois la valorisation du groupe PSA. Malgré les pertes, les investisseurs croient dans le projet ambitieux de Tesla, construire une voiture non polluante à un prix abordable capable de faire évoluer notre mode de consommation dans ce secteur. C’est l’objectif de la futur Model3 de Tesla, une voiture produit en grande série qui doit permettre au groupe de faire ses premiers profits et rendre abordable aux consommateurs une voiture électrique qui soit aussi bien voir mieux qu’un modèle utilisant les énergies fossiles. Aujourd’hui tous les constructeurs automobile sortent de leurs cartons des projets similaires de voitures propres afin de ne pas se laisser trop distancer par la jeune pousse qui fait aujourd’hui un carton auprès de la clientèle de luxe et demain souhaite s’imposer dans les ménages plus modestes.
Le projet ambitieux de Tesla pour 2020 est d’écouler 500 000 unités sur le globe contre 50 000 aujourd’hui.
Elon Musk peut être considéré comme un « disrupteur », c’est à dire qu’il est celui qui chamboule un marché aux situations établies et le bouleverse avec une proposition de valeur inédite, non pas en offrant des innovations technologiques, mais plutôt en portant un nouveau modèle économique. La légende veut que lorsque Mr. Musk découvrit la facture de 68 milliards de dollars pour la futur ligne à grande vitesse devant relier San Diego aux villes de San Francisco et Sacramento (du sud au nord de l’État de Californie aux États-Unis d’Amérique), il fit plancher ses ingénieurs de SpaceX sur un projet de train moins cher que notre train sur rail traditionnel, plus performant que les trains à sustentation magnétique (le Maglev) et surtout rentable pour son opérateur.
Le projet Hyperloop est né de cette volonté, il peut se résumer à vouloir faire passer un train dans un tube à basse pression pour réduire le phénomène de friction avec l’air, le train se déplaçant sur un coussin d’air sa vitesse pourrait ainsi approcher la vitesse du son soit environ 1200 km/h. Ainsi une étude menée par ses ingénieurs propose un train capable de concurrencer en temps de trajet un avion, 35 minutes de vol entre Los Angeles et San Francisco contre 30 minutes dans un train Hyperloop pour les 551 kilomètres qui séparent les deux villes. Pour un coût d’infrastructure 10 fois moindre que celui du train à grande vitesse californien, environ 6 milliards de dollars contre plus de 60 milliard et avec l’avantage d’être très économe en énergie, voir même d’être excédentaire avec les éoliennes et les panneaux photovoltaïques présents tout au long de la structure du tube. Bien que pour le moment très théoriques toutes ces promesses sont soutenues par la volonté de l’entrepreneur Elon Musk, ce qui aux yeux des acteurs et investisseurs internationaux attribue un tout autre poids et une toute autre dimension au projet et à sa viabilité, qu’elle soit commerciale ou technique.
Croiser le Concorde et un canon électromagnétique sur une table de hockey pneumatique est le rêve d’Elon Musk
Avec les entreprises SolarCity, SpaceX et Tesla le milliardaire hyperactif ne peut être efficace sur tous les fronts et va donc ouvrir son projet à tous plutôt que de le mettre en suspend jusqu’à ce qu’il puisse revenir dessus. C’est ici qu’intervient toute l’intelligence de l’entrepreneur et son coté avant-gardiste, comment faire évoluer rapidement un projet d’une telle ampleur dans sa tache et requérant des compétences ultra pointues et spécifiques ?
Première solution, il va mettre le projet en open-source, ce qui permet à tous les curieux de la planète de jeter un œil sur le projet. Les documents fournis proviennent d’ingénieurs compétents des équipes SpaceX et Tesla Motor, elles sont donc naturellement une base solide et crédible d’information pour travailler et aucun brevet n’a été déposé autour de ceux-ci. Elon Musk parle comme un passionné et veut offrir les « technologies de demain » dès aujourd’hui et c’est ce qui fait rêver beaucoup de monde. Deuxième solution, favoriser le crowdsourcing pour accélérer les recherches sur le projet, le « crowdsourcing » ou en « français production participative » doit permettre de soutenir un développement rapide de la recherche sur les différentes technologies proposées pour réaliser le tube, l’infrastructure ainsi que les véhicules qui circuleront dedans.
Dirk Ahlborn « Le défi d’Hyperloop ? Pas la technologie, l’organisation ! »* Propos recueillies par le magazine Les Echos.
Deux sociétés se sont aujourd’hui officiellement lancé dans cette entreprise de transposer cette idée papier au monde réel et un des premiers passionnés est Dirk Ahlborn, PDG de Hyperloop Transportation Technologie (pour la suite nous utiliserons HTT), l’une des deux sociétés en question. Cet entrepreneur allemand vivant aux États-Unis possède justement les bonnes compétences pour développer ce projet ambitieux sans nécessairement mobiliser des capitaux importants. Dirk est aussi le CEO de la société Jumpstartfund, qui est une plate-forme de crowdsourcing pour projets entrepreneuriaux. La particularité de cet incubateur est qu’il est à but non lucratif et permet à une communauté de fans de se réunir pour travailler autour d’un projet en ligne sur une start-up. Cette compétence lui a permis de réunir plus de 450 personnes travaillant sur l’Hyperloop sans dépenser un dollar en incubant HTT. Il y a aujourd’hui 43 équipes de 4 à 7 personnes tout autour du globe qui travaille sur le projet. La motivation de ces personnes proviennent du fait qu’en échange de leur travail, souvent un travail à temps partiel en plus de leur travail régulier, elles touchent des stock-options de l’entreprise HTT. Le projet étant ambitieux, il attire naturellement des profils très intéressant et les perspectives de voir la capitalisation de l’entreprise HTT exploser est grande (comme celle de Tesla), d’où le fait que certains ingénieurs s’impliquent fortement sur ce projet, les entreprises où travaillent ses ingénieurs propose des partenariats avec HTT au vu de la perspective de profit.
Alors Hyperloop Transportation Technologies, l’entreprise qui a un train d’avance ?
Effectivement cette entreprise suit les pas de Tesla Motors et SpaceX dans le sens ou l’entreprise ne recherche tant pas à créer une innovation de rupture mais plutôt une innovation disruptive comme l’a pu l’être l’IPhone en 2007 lors de son lancement. Le GPS, le tactile et toutes les autres technologies était déjà présentes ou nécessitaient plus simplement d’être adaptées au format du mobile. Mais l’IPhone a totalement changé la face du marché du mobile et inversé les rapports de force dans l’industrie. On pourrait soulever le fait que le poids des investissements (à l’époque) ne sont pas comparables entre la téléphonie mobile et le fait de se lancer dans une entreprise comme concurrencer la SNCF tout en offrant une valeur nouvelle au transport. Mais les réussites d’Elon Musk sont là pour nous montrer qu’il est possible de voir de tels changements s’opérer dans des secteurs qui ont l’air fermé. HTT s’appuie exactement sur ce modèle pour son développement en proposant d’améliorer le modus operandi des entreprises par l’application de bonnes pratiques et en s’appuyant sur un modèle ouvert pour soutenir une croissance de développement rapide et peu onéreuse dans les premières années de développement.
Reste à savoir si l’entreprise menée par Dirk Ahlborn passera avec succès les essais en laboratoire pour réaliser son objectif d’offrir une technologie qui paraît venir du futur.
Par Paul Delbarre, étudiant promotion 2015-2016 du M2 IESC
Bibliographie :
9ème édition du World Forum For a Responsible Economy de Lille
Fiche du Ministère de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie sur la réforme du système ferroviaire
http://www.developpement-durable.gouv.fr/Reforme-du-systeme-ferroviaire.html
Article LesEchos :Les défis de la nouvelle SNCF
http://www.lesechos.fr/31/12/2014/LesEchos/21846-050-ECH_les-defis-de-la-nouvelle-sncf.htm
Blog Tristam Gräbener, post sur le projet Hyperloop
http://blog.tristramg.eu/hyperloop-un-mode-pas-si-revolutionnaire-que-ca.html
Conférence en présence de Dirk Ahlborn sur : Troisième Révolution Industrielle : exemples à l’international
http://www.responsible-economy.org/fr/worldforum2015/intervenants/conference/800.html
Présentaiton de Dirk AHLBORN par le Forum Mondial de l’Économie Responsable de Lille
http://www.responsible-economy.org/fr/worldforum2015/intervenants/speaker/1155-dirk-ahlborn.html
Page wikipédia Hyperloop
http://fr.wikipedia.org/wiki/Hyperloop
Définition « innovation disruptive » par le site compagnon de Stratégique 9e édition Pearson
http://wps.pearson.fr/strategique_9/192/49273/12613994.cw/index.html
Article lesEcho, interview Dirk Alhborn président de Hyperloop Transportation Technologie