FTAAP, TPP : Le choc des puissances

Pendant la seconde moitié du XX ème siècle, on a pas cessé de décrire le monde comme un système bipolaire, marqué par la guerre froide, idéologique, menée par les États-Unis et la Russie. Or, depuis 20 ans, ce dernier pays, bien que puissant, a vu sa place diminuer sur l’échiquier économique mondiale. Aujourd’hui, c’est la Chine qui connaît une croissance folle, qui investit lourdement sur son territoire, mais aussi en Amérique Latine et en Afrique. Les deux mastodontes que sont les États Unis et la Chine se mènent donc une guerre économique impitoyable dans laquelle les pays « moins forts », en développement, se retrouvent inexorablement pris au piège. Le Chili, le Pérou, ainsi que le Mexique ont signé en février dernier le TPP (Trans Pacific Partnership) qui vise à intégrer les économies d’Asie et d’Amérique latine. Ce traité est similaire aux autres évoqués plus fréquemment dans les médias, à savoir le CETA ou le TAFTA. Ces traités ont pour but de diminuer, même détruire totalement les barrières douanières de tout type (on parle de 98% des barrières douanières !). La Chine a d’ailleurs été évincée des négociations du dit traité, alors que ses voisins vietnamiens ou thaïlandais ont pu y prendre part. En réaction, la Chine a donc décidé d’offrir une alternative aux pays d’Amérique latine, notamment à travers le FTAAP (Free Trade Area of the Asia-Pacific). La Chine est déjà implantée dans cette région, au Nicaragua et en  Colombie devenue troisième puissance économique de la région après les difficultés vécues par l’Argentine. L’Asie possède déjà des unions commerciales (ASEAN, APEC). L’APEC a été établie en 1989 pour améliorer la croissance économique et la prospérité pour la région et renforcer la communauté Asie-Pacifique. Ses membres représentent plus du tiers de la population mondiale, près de 60% du PIB mondial et environ 47% du commerce mondial. Le traité proposé par Washington est un traité américain, par les américains et pour les américains. L’objectif est clair : diminuer les importations chinoises importantes dans le pays et les remplacer par les produits d’Amérique du sud. Cela aurait pour conséquence d’affaiblir les exportations chinoises et donc leur croissance. Or, vaut-il mieux pour les pays d’Amérique latine et d’Asie signer un pacte avec les États-Unis ou avec la Chine ?

Le Partenariat Transpacifique

Ce traité repose sur différents points qu’il convient de connaître pour analyser par la suite la meilleure solution possible pour les parties prenantes.

  • La réduction progressive de milliers de barrières tarifaires et non tarifaires aux échanges entre membres, qu’il s’agisse de composants automobiles japonais destinés          au marché américain, de  médicaments australiens       vendus au Pérou, de riz américain      débarquant au Japon ou de fromage   néo-zélandais sur le marché            canadien.
  • Les douze Etats membres doivent ouvrir davantage leurs appels d’offres nationaux aux entreprises étrangères sans avantager indûment leurs propres entreprises publiques.
  • Les différends avec des investisseurs étrangers devront être réglés devant des commissions d’experts.
  • La création de brevets d’une durée de cinq à huit ans pour certains médicaments d’avant-garde, soit une durée inférieure au seuil de douze ans en vigueur aux Etats-Unis mais supérieure aux cinq ans de rigueur en Australie.
  • La détermination de normes communes pour le commerce électronique et les services financiers.
  • les signataires doivent respecter le droit du travail tel qu’établi par l’Organisation internationale du travail (OIT).
  • les signataires s’engagent à fournir des efforts importants en matière de protection de l’environnement.

Le FTAAP (Free Trade Area of the Asia-Pacific)

Ce traité est pour le moment en discussion, et donc, les mesures prises sont gardées secrètes. Il a pour but de concurrencer le TPP, ainsi les américains bloquent son avancée pour ne pas qu’il vienne perturber les discussions autour de leur traité. Les États-Unis font partie de l’APEC depuis sa création en 1989 et sont donc dans une position qui leur permet assez facilement de ralentir l’avancement du traité. Il faut comprendre que les pays signataires du TPP font tous partis de l’APEC. Or, le FTAAP émane de l’APEC sous le leadership chinois. Cet accord est en discussion depuis 10 ans, et a été étudié par de nombreux think-tank. Les mesures sont relativement similaires à celles prises par le TPP. Le but est de détruire les barrières douanières, mais il n’est pas question dans ce traité que les entreprises puissent intenter un procès à un état qui ne respecterait pas les conditions fixées par l’accord. Sur ce point, il existe de nombreuses voix qui s’élèvent afin de prévenir des dangers induits par une telle mesure, nous reviendrons plus tard sur ce point.

De nombreuses incertitudes

Le TPP a été signé en février dernier mais n’a pas été ratifié, c’est à dire que les parlements des différents pays signataires n’ont pas encore donné leurs accords. Ainsi, la course du traité qui sera le premier mis en œuvre n’est pas gagnée pour les américains. Car, ne nous y trompons pas, c’est à ceux qui finaliseront leur traité en premier que reviendra le leadership. En effet, les traités ayant à la fois les mêmes signataires et les mêmes objectifs, le dernier arrivé devra donc se plier aux conditions fixées préalablement.

Le TPP a été la cible de nombreuses critiques de la part de mouvements anti mondialisation, qui l’accusent d’être secrètement un moyen de rendre les grands entreprises encore plus fortes et d’affaiblir le pouvoir démocratique et l’indépendance des peuples des 12 pays signataires. Les défenseurs de cet accord le décrivent comme une nécessité qui visera à régir tant les mesures douanières (taxes et quotas) que les mesures prises par les pays eux-mêmes, permettant ainsi une uniformisation des normes, et faciliterait les échanges. Ces mêmes défenseurs soutiennent que ce traité offrirait une solution crédible aux problèmes que rencontreront les Entreprises et les états au cours des années à venir, tels que les investissements étrangers, la propriété intellectuelle, le e-commerce, les services et la mobilité des fournisseurs de services, ou encore, les règles en terme de compétitivité. Ce type d’accord peut donc être une solution aux problèmes nouveaux induits par les nouvelles technologies.

Selon l’étude : THE TPP, CHINA AND THE FTAAP: THE CASE FOR CONVERGENCE par Peter A. Petri, Michael G. Plummer and Fan Zhai, les gains potentiels permis par le FTAAP seraient 8 fois supérieurs à ceux du TPP soit 2000 milliards de dollars à l’horizon 2025. Cela s’explique notamment par le nombre de pays plus importants faisant partie de l’accord. Il serait aussi plus rentable qu’un autre traité qui fait moins parler de lui, le RCEP (the Regional Comprehensive Economic Partnership), signé dans le cadre de l’ASEAN qui inclut aussi la Chine, le Japon, l’Inde, la Corée et l’Australie.

Il serait donc légitime de penser que cet accord présente plus d’avantages que le TPP, car il serait plus rentable, et moins libéral. On sait d’ailleurs que les premiers à ressentir les bienfaits du TPP seraient les États-Unis, principale force en présence capable d’investir massivement dans ces pays nouvellement ouverts.

Certains pensent que ces deux traités ne sont pas l’émanation d’un duel entre les États-Unis et la Chine, mais plutôt une collaboration visant un créer un grand marché unique. Ce point de vue est discutable compte tenu de l’absence de la Chine dans les négociations du TPP. Les pays d’Amérique latine et d’Asie ont déjà signé le TPP et commencent les discussions autour du FTAAP. Cela s’explique notamment par l’incertitude qui touche les deux traités pouvant ne pas être ratifiés à terme. Il vaut mieux donc pour ces pays ne pas prendre de décisions hâtives au risque de se retrouver seul face à des unions commerciales fortes. Ces traités sont majeurs et détermineront qui des États-Unis ou de la Chine prendra le leadership économique mondial. Bien que les prévisions  montrent que le FTAAP générerait plus de profits que le TPP, c’est ce dernier qui risque de l’emporter. On peut donc se demander dans quelle mesure la campagne d’influence américaine ne prime pas sur l’efficacité réelle du traité défendu ?

Par Clément Jarry, promotion 2016-2017 du M2 IESC

Sources :

http://www.ladepeche.fr/article/2016/02/04/2269621-l-accord-de-partenariat-transpacifique-tpp-signe-par-12-pays.html

http://thediplomat.com/2015/11/as-tpp-leaders-celebrate-china-urges-creation-of-asia-pacific-free-trade-area/

http://www.capital.fr/bourse/actualites/l-apec-soutient-le-projet-de-libre-echange-chinois-986304

THE TPP, CHINA AND THE FTAAP: THE CASE FOR CONVERGENCE Peter A. Petri, Michael G. Plummer and Fan Zhai

http://bilaterals.org/?+-ftaap-+&lang=en

http://www.ictsd.org/bridges-news/bridges/news/as-tpp-ratification-faces-uphill-battle-in-washington-questions-build-for

http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2016/02/04/97002-20160204FILWWW00001-l-accord-de-partenariat-transpacifique-signe.php

http://www.thenewamerican.com/world-news/asia/item/22038-apec-summit-reaffirms-commitment-to-ftaap-through-tpp

https://www.brookings.edu/blog/future-development/2015/05/05/from-the-trans-pacific-partnership-to-a-free-trade-agreement-of-the-asia-pacific/

http://www.lemonde.fr/economie/article/2016/02/04/le-traite-transpacifique-signe-mais-pas-encore-ratifie_4858931_3234.html

Admin M2 IESC