Le Brésil, pays émergent des « B.R.I.C.S », est la première économie d’Amérique latine et la 8ème mondiale. Ce pays possède des atouts, comme ses nombreuses ressources naturelles ou encore ses secteurs industriels et tertiaires, mais connaît également des faiblesses d’un point de vue structurel comme les coûts de production élevés ou le manque de travailleurs qualifiés.
Le Brésil a commencé son intégration dans le processus de mondialisation dans les années 1990. Pour ce faire, il s’est spécialisé dans le secteur primaire : depuis cette date, la production agricole brésilienne a été multipliée par deux et celle animale par trois, ce qui nécessite une immense quantité de terres. Son développement a été favorisé par trois facteurs : la libéralisation entre le Brésil et le reste du monde avec une baisse des taxes, la dérégulation de l’agriculture (moins de normes à respecter) ainsi que le faible niveau du Real.
Selon l’OCDE, le Brésil est en passe de devenir le premier exportateur de produits agricoles au monde. Il est déjà aujourd’hui : 1er producteur mondial de soja, de café, de sucre – 2ème producteur mondial de maïs – 3ème producteur mondial de volaille. C’est ce que retrace le schéma suivant :
I. La primarisation de l’économie Brésilienne
L’économie brésilienne est donc « primarisée », cela a lieu lorsque la part des exportations du secteur concerné, ici l’agriculture, est prédominante par rapport au total des exportations du pays. Comme le montre le schéma ci – contre, les produits agricoles représentent 42% des exportations brésiliennes en 2015. A l’échelle mondiale, le Brésil exporte plus de 5% du total des exportations agricoles dans le monde.
“Le secteur primaire est fondamental à court terme pour le pays, puisqu’il tire les exportations à la hausse, et ce dans un contexte international favorable au Brésil, avec une bonne tenue de l’Europe et des États-Unis, une reprise des pays émergents et des prévisions d’accélération des échanges commerciaux”, explique Sylvain Bellefontaine, économiste sénior de BNP Paribas – Economies Emergentes et Risque Pays – en charge de l’Amérique Latine. Même si c’est la voie la plus courte pour accroître les revenus nationaux, elle est limitée pour le développement économique du pays, puisqu’elle est notamment dépendante de la volatilité des cours des matières premières, des conditions climatiques ainsi que des tensions politiques. C’est donc pour cela qu’aujourd’hui au Brésil, le risque sectoriel se rapportant à l’agroalimentaire est élevé.
Cependant, ce secteur pose un problème majeur : les fazendas, c’est – à – dire les grandes propriétés agricoles situées au Brésil, sont responsables de la déforestation de la forêt amazonienne. Avec une superficie de 5,5 millions de km², soit la moitié de la superficie totale de l’Europe, elle regroupe près de 30 000 espèces de plantes, 420 tribus et emmagasinent entre 90 et 140 milliards de tonnes de CO². Malgré cela, le feu est mis à la forêt pour ensuite pouvoir exploiter les champs. En 2019, les incendies qui ont touché la forêt amazonienne ont détruit plus de 6 400 km², soit une hausse de plus de 91% par rapport à la même période en 2018.
La déforestation tropicale, comme celle de la forêt amazonienne, est fortement corrélée à la demande mondiale du marché en ce qui concerne les produits agricoles. La demande étant en croissance constante depuis que le Brésil s’est intégré dans la mondialisation, il leur a fallu accroître leurs terres exploitables afin de faire face à la demande. Avec cette forte demande, les agriculteurs cherchent à étendre leur surface cultivable, principalement là où les coûts d’achat sont faibles, c’est – à – dire aux abords des forêts. Cet élargissement de leur surface cultivable permet aux exploitants agricoles d’avoir une économie d’échelle croissante : produire en plus grande quantité va permettre de réduire le coût unitaire de production puisque les coûts fixes ne changent pas, peu importe le volume de production. Le fait que le Brésil soit intégré dans le commerce mondial lui permet d’augmenter ses économies d’échelles.
II. Une prise de conscience publique et internationale
Les feux de forêt en Amazonie impactent l’ensemble de la population mondiale, et de nombreuses voix se sont élevées depuis le début du scandale. L’outil de veille Keyhole permet une veille informationnelle et donne des statistiques sur les réseaux sociaux suite aux hashtags choisis, ici #prayforamazonia. Etudié sur une période de deux semaines (temps d’essai gratuit), on peut voir que les publications originales représentent 11% des tweets, les réponses 2% et les retweets 87%, ce qui met en évidence la prise de conscience des individus sur les feux en Amazonie.
On remarque également la provenance de ces tweet : La France et les Etats – unis sont ceux qui partagent le plus de tweets à ce sujet, suivi des pays comme le Canada, l’Australie, les pays Européens, la Chine et les pays limitrophes au Brésil qui sont également directement concernés par les feux en Amazonie. Les mots pour dénoncer ce phénomène sont forts « massacre », « déforestation », tout comme les hashtags qui sont liés « #crisedoclima », « #emergencia » montre l’importance accordée à ce sujet.
Les chefs d’Etats ont également réagit, montrant du doigt l’inactivité du gouvernement du président brésilien Jair Bolsonaro. Ces attaques multiples ont entrainé des tensions diplomatiques, notamment entre le président brésilien et le président français, Mr Macron. L’implication des dirigeants étrangers s’explique par le fait que les forêts tropicales de cette importance rendent des services environnementaux à l’ensemble de la planète, même s’ils dépendent des états souverains. Elles peuvent donc être considérées comme des biens publics mondiaux. Pour Stiglitz (1999), « Il existe plusieurs biens publics qui ne sont pas limités [dans l’espace], et dont les bénéfices concernent l’ensemble de la population mondiale […] : stabilité économique internationale, sécurité internationale, environnement international, assistance humanitaire internationale, et connaissance ».
Aujourd’hui, avec la libéralisation de l’économie et les marchés mondialisés, les défaillances liées ainsi que les externalités doivent à juste titre être considérées comme globales. Les questions écologiques et environnementales doivent donc, dans ce sens, bénéficier d’une coopération mondiale, puisqu’elles ne peuvent être ni régulées par les réglementations nationales, ni par la main invisible. A ce jour, même s’il n’existe pas d’instance mondiale légitime mettant en place des mécanismes de sanction et de contrôle des engagements, la question des biens publics s’articule autour d’associations publiques, d’ONG, de collectivités ou d’entreprises, qui agissent de plus en plus au niveau local. Il convient donc à l’ensemble de la population mondiale d’acter en faveur de sa protection. Dans ce contexte et face à la pression internationale, le président brésilien a décidé, suite au G7 qui a eu lieu à Biarritz fin août 2019, d’accepter les fonds internationaux et de réagir en luttant activement, en collaboration avec les autres pays concernés, pour lutter contre les feux de forêt touchant l’Amazonie.
En effet, dans un contexte mondial de réchauffement climatique, la forêt amazonienne joue un rôle dans la régulation des gaz à effets de serre. A elles seules, les forêts emmagasinent vingt à cinquante fois plus de CO² que les autres écosystèmes, et avec leur biomasse[1], c’est 50% de carbone en plus qui sont absorbées. Lors de la destruction de ces forêts, comme c’est le cas pour la forêt amazonienne, le carbone qui a été emmagasiné est libéré, augmentant la quantité de CO² dans l’atmosphère et contribuant encore plus au réchauffement climatique.
Selon l’organisation non gouvernementale WWF, « un cinquième des émissions de gaz de serre dues aux activités humaines provient de la destruction des forêts ». De plus, les arbres ne parviennent pas à s’adapter au réchauffement climatique, qui s’associe à des périodes de sécheresses et de tempêtes, les fragilisant de ce fait encore plus. Selon le rapport du GIEC[2], « 30% de toutes les espèces animales et végétales seraient menacées d’extinction si le climat se réchauffait de 1,5 à 2,5 degrés par rapport à 1850 », entraînant la disparition d’importantes fonctions des forêts comme la protection de la biodiversité faunistique et floristique, de l’érosions du sol, tous deux étant la source de vie pour les populations locales.
Conclusion
On peut donc conclure qu’en l’espace de vingt ans, le Brésil est devenu une économie à part entière dans la mondialisation et son importance n’est donc plus à prouver. Son expansion se faisant au détriment de l’environnement, notamment de la forêt amazonienne, les voix commencent à s’élever à l’échelle mondiale pour montrer l’intérêt de cette dernière dans l’équilibre mondial déjà fragilisé. Même si on voit se développer une « conscience écologiste » chez de nombreux acteurs locaux, il est nécessaire de mettre en place une sorte d’autorité mondiale en faveur de l’environnement, avec des moyens de surveillance et de sanction, comme le souhaite certaines nations comme la France : le patrimoine naturel comme l’Amazonie, bien public intergénérationnel, doit être protégé par l’ensemble de la population mondiale actuelle afin qu’il puisse être transmis aux générations futures.
Par Clarisse Bouet, promotion 2019-2020 du M2 IESCI
« Amazonie : des incendies liés à la déforestation », Le Point ; publié le 24/08/2019
« L’Amazonie en chiffres », C NEWS ; publié le 23/08/2019
« Déforestation et dégradation forestière, enjeux majeur pour la planète », WWF
« Comprendre l’impact de la forêt sur le climat », WWF ; communiqué de presse du 25 septembre 2012
« Brésil : la déforestation de l’Amazonie a presque doublé sur un an », Le Monde ; publié le 08/09/2019
OEC – Brésil
« C’est comment ailleurs ? L’agriculture au Brésil », France TV info ; publié le 24/02/2017
« Forêts tropicales : la question du bien public mondial et la quête d’instruments économiques multilatéraux pour un régime international », Alain Karsenty – Romain Pirard, 2007
« 390 – La forêt brésilienne : entre enjeux économiques et écologiques », Institut de Recherche pour le Développement France ; publié en décembre 2011
« Brésil, l’agriculture tire l’économie », Le Figaro économie ; mis à jour le 19 juillet 2017
Brésil, importations et exportations – Perspective monde
« Les biens publics mondiaux », Direction générale de la Coopération internationale et du Développement, Ministère des Affaires étrangères Direction du Trésor, Ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie