“Celui qui dit que deux et deux font quatre, a-t-il une connaissance de plus que celui qui se contenterait de dire que deux et deux font deux et deux ?”
Jean Le Rond D’alembert
C’est avec une fierté, un peu étrange, qu’on se déclare société de connaissance. Il est pourtant illusoire de croire, même avec l’émergence des nouvelles technologies, que l’accumulation et le stockage structuré des informations et du savoir constitue une connaissance.
Qu’est-ce que la connaissance ?
Avant de s’autoproclamer «société de connaissance», il serait peut être bon de définir ce que c’est la connaissance. Il se trouve que la question, qui est de plus en plus d’actualité, était au cœur des débats philosophiques depuis Platon.
Connaître, pour Platon c’est appréhender les essences absolues et immuables des choses au-delà de leurs apparences. Il apparaît clairement que la connaissance n’est pas ce que la chose est mais la conscience de l’idée que nous avons de la chose.
Contrairement au savoir, transmissible et recevable d’une personne à une autre, et basé sur un mode de pensée rationnel, la connaissance privilégie la subjectivité du sujet. Elle fait appel à son intuition, son esprit, ses émotions et sa conscience. C’est d’ailleurs cette subjectivité qui empêche la connaissance d’être statique et fait d’elle un processus qui progresse à la cadence de la conscience du sujet.
La complexité de la connaissance, comme le formule l’éminent John Locke est : comment construire une connaissance générale si tout ce qui est à notre portée est particulier? Donner une réponse à cette question lancinante n’étant pas le but, on portera notre attention sur cette juxtaposition, tout à fait intéressante, de la connaissance et du sujet, du général et du particulier.
Ainsi la connaissance est un fécond rapport entre réflexion et sensation, c’est une création perpétuelle, un cheminement et une duale dynamique de l’information sensorielle et de la formulation cérébrale.
Perdons-nous connaissance?
“ La connaissance est pour l’humanité un magnifique moyen de s’anéantir elle-même. ” Friedrich Nietzsche (1844-1900)
Le neurologue Français Lionel Naccache, affirme dans son passionnant livre « perdons-nous connaissance» que nos sociétés ont perdu le sens de ce qu’est la connaissance d’où le titre de son ouvrage, ou le jeu de mots est bien réussi.
En effet, information et connaissance ne sont pas à confondre. L’information peut constituer une partie de l’objet mais reste loin d’incarner le processus. L’acte de connaissance, comme le définit l’auteur, met en scène trois unités, le sujet X tel qu’il était et se représentait à lui-même avant de connaître l’objet Y, cet objet Y tel qu’il existe dans le monde extérieur au sujet et enfin le sujet X’, le sujet tel qu’il est devenu après avoir assimilé l’objet Y.
Derrière ce lien logique reliant le sujet à l’objet, se cache une révélation déroutante : X’; Dans cet acte de connaissance ce n’est pas l’objet (Y) qui change mais c’est le sujet (X) qui subit une mutation. De ce fait, l’acquisition de la connaissance est n’est pas un acte sans danger.
Il est curieux de constater que notre société contemporaine manifeste une acceptation totale et absolue sans afficher l’ombre d’une défiance vis-à-vis de la connaissance. Pourtant toutes les traditions antiques ont toujours considérées la connaissance comme «un poison vital». Il suffit d’une mauvaise information transformée imprudemment en connaissance pour que le sujet voit ses repères modifiés et sa représentation du monde bafouée.
«A chaque nouvelle connaissance, nous sommes plus les mêmes. De quoi frémir de plaisir mais aussi de crainte.»1
Rhita EZZEDDI
Source :
https://sites.google.com/site/theoriedelaconnaissance/problematiques-de-la-connaissance
http://www.agoravox.tv/actualites/societe/article/comment-passer-de-l-information-a-24993
http://www.questionsenpartage.com/de-la-connaissance-selon-platon
http://www.academie-en-ligne.fr/Ressources/7/PH00/AL7PH00TEPA0208-Sequence-02.pdf
1 http://www.agoravox.tv/actualites/societe/article/comment-passer-de-l-information-a-24993