Comprendre le monde arabe

L’anthropologue Pascal Picq dans son ouvrage, “Un Paléoanthropologue dans l’Entreprise : s’adapter et innover pour survivre”, soulignait déjà le fait que la connaissance de la culture d’un pays est une force nécessaire au développement économique. Pour s’implanter dans une région du monde, il importe d’en connaître les coutumes. Dans ce sujet nous nous intéressons plus particulièrement à une culture religieuse, celle de l’Islam, et aux pays concernés.

En effet, le monde islamique et les pays que cela recouvre, représentent  un fort potentiel économique, de marché et d’implantation.
Un article de Vijay Mahajan, professeur de business à la Mc Combs School of Business de l’université de Texas à Austin, étudie l’économie dans un monde Arabe en pleine croissance.
Il appréhende le sujet sur cinq points essentiels à étudier à propos de cette religion qui est parfois mal comprise par le monde occidental. Ces cinq points appelés les cinq piliers de l’Islam par l’auteur sont:
-La Salat (les prières)
-Le Saoum Ramadan (le temps de jeûne)
-Le Hadj (le pèlerinage à la Mecque)
-La Chahada (le respect du livre Saint de la religion et de Allah)
-Et la Zakat (les dons philanthropiques ou charité)

Le marché du monde arabe est un marché important pour l’économie mondiale, avec une population à majorité jeune, un PIB et un PNB importants. La proportion de la classe moyenne est en plein essor. Quelques critères retenus (proportion de la classe moyenne et le PNB) montrent l’importance de ce marché et quelques pays du monde arabe se distinguent alors. Il y a le Qatar avec une population de 1,8 million d’habitants, une classe moyenne de 70%, un PNB de 98 144 dollars en 2011, l’Arabie Saoudite avec une population de 28,2 million d’habitants, une classe moyenne de 65%, un PNB de 21 196 dollars en 2011, et le Bahreïn avec une population de 1,1 million d’habitants, une classe moyenne de 60% et un PNB de 22 918 dollars en 2011. Par contre, dans certains pays comme le Maroc et l’Egypte, il n’apparaît pas de classes moyennes qui émergent dans l’état actuel des statistiques.

Nous voyons donc, à travers quelques pays du monde arabe, le potentiel que les marchés peuvent représenter avec une population jeune. Ces potentiels sont supérieurs à ceux de l’Inde et la Chine qui sont pourtant aussi des marchés prometteurs, en plein développement.

Toutes les informations nous montrent que les marchés du monde Arabe ne sont pas des marchés fermés. Mais pour y aller, il y a cinq conditions à respecter, les cinq piliers de l’Islam :

  • La Salat (les prières). Dans le monde arabe, il s’agit des prières ou ensemble de rites que les musulmans doivent effectuer cinq fois par jour. Trois dans la journée. Toutes les entreprises locales ou étrangères  doivent adapter des pauses aux horaires de prières, afin de laisser les musulmans effectuer leur obligation religieuse. Empêcher les musulmans d’effectuer la prière est interdit dans certains pays qui composent ce monde. Cela peut entraîner une baisse temporaire d’activité mais favorise l’adhésion des employés et le rendement de leur travail.

Certaines entreprises ont même développé un business avec les horaires de la prière musulman, par des applications pour signaler l’heure aux fidèles, des GPS pour indiquer la direction de la Mecque.

  • Le Saoum est le mois du Ramadan, c’est un mois de jeûne pour les musulmans. Ils  ont alors un rythme de vie différent des autres mois. Les entreprises doivent s’adapter et avoir un mode de fonctionnement différent. Elles fonctionneront avec 2 heures en moins pendant cette période car les musulmans pratiquent le jeûne du lever au coucher du soleil. Certains d’entre eux se couchent tard dans la nuit (du crépuscule à l’aube) et se réveilleront tard. Cette période peut représenter à la fois une menace et une opportunité pour les firmes. Il y a là un paradoxe : pendant ce mois, on pourrait croire à une baisse de consommation. Mais en réalité la population a plus de temps pour consommer. Le soir, à l’heure de la rupture du jeûne, est un moment de retrouvaille, de partage du repas en famille et avec les amis. Ce mois, à la fois spirituel et festif, est un mois d’échange. Les sociétés de téléphonie voient les appels se multiplier. Chacun doit se soucier de la journée de la famille et des amis. La fin de cette période représente l’équivalent des fêtes de noël et de fin d’année. Juste avant, les approvisionnements se multiplient pour les échanges de cadeaux le jour de la fête de l’Aîd al-Fitr (la fête de la rupture du jeûne). C’est un moment fort pour le commerce.
  • La Chahada (le respect du libre saint de la religion musulmane, le Coran, et de Allah). Toute entreprise voulant s’implanter dans ces pays doit respecter la non-représentation du visage du prophète Mohamed et faire attention au logo de leurs produits ou de leur marque pour qu’il n’est aucune ressemblance au nom Allah ni à la représentation du visage.  Quand on veut faire du commerce dans ces pays, il faut respecter les symboles de la tradition religieuse dans les textes, les dessins et modèles.
  • Le pèlerinage (le hadj) est aussi un des cinq piliers de l’islam. Tous les musulmans en bonne santé et ayant les moyens doivent le faire. Ce pèlerinage représente 1,5 million de musulmans en Arabie Saoudite. Cela génère un bénéfice économique important. La consommation augmente, les hôtels proches des sites islamiques les plus sacrés voient toutes les chambres prises, même si leurs tarifs sont 3 fois plus chers. L’impact sur l’économie saoudienne est estimé à 42 milliards de dollars en 2011 soit 7% du PNB.

Les entreprises locales ou étrangères voient leur recette et bénéfice accroître. Les pèlerins s’approvisionnent en souvenirs et cadeaux de tout genre (ceux qu’ils n’ont pas chez eux) avant de rentrer dans leur pays d’origine. Cela permet aux entreprises et multinationales de faire une analyse prospective sur les produits achetés par les différentes nationalités, afin d’aller s’installer dans les pays d’origine.

Le dernier pilier important, la Zakat, est la philanthropie. Chaque musulman doit faire un don de 2,5% de sa richesse chaque année. Dans ces différents pays musulmans, les dons s’organisent de deux sortes:
-Les dons directs aux individus dans le besoin.
-Les collectes des dons par le gouvernement qui, dans certains pays, investissent dans la formation des personnes dans le besoin à des divers métiers et soutiennent des entrepreneurs en herbe et aident des start-up à se développer.
Certaines sociétés étrangères s’appuient sur  ce pilier pour vendre et faire de la charité, en proposant l’achat d’un produit d’une valeur égale à un don, par exemple un vêtement aux personnes nécessiteuses. C’est une sorte de charité business que les compagnies américaines ont l’habitude de pratiquer.

Le monde musulman est un grand marché qui a un potentiel immense de développement. Il ne faut pas en avoir peur. Au contraire, il faut adhérer aux conditions de réalisation pour mieux intégrer ce marché qui a beaucoup d’opportunités d’investissements.
Comme le rappelle Vijay Mahajan1: «  dans le monde arabe, seules les entreprises capables d’appréhender le dynamisme du futur (incarné par “Yallah”…) tout en ayant assimilé correctement le passé (symbolisé par “yanni”) ont une chance de prospérer ».

Source

Havard Business Review Février-Mars 2014
Source des chiffres :
PNB : FMI (Banque de donnée word economic outlook), Banque Mondiale (Banque de donnée World Developpement indicators), CIA (World Factbook, janvier 2013).
Classe moyenne : Donnée (janvier 2013) sur la population : FMI (world Economic Outlook) et Banqe Mondiale (World Developement Indicators).

Ibrahima DIALLO

Etudiant