La ligue 1 est historiquement en retrait économiquement et sportivement du big 4 du football européen dont font partie les championnats anglais, allemand, italien et espagnol.
Historiquement, le championnat de France de Ligue 1, locomotive du football professionnel français ne fait pas partie des quatre grandes puissances économiques et sportives du football européen. Le constat est observable en 2017 lorsqu’on estime la valeur totale des joueurs de première division française. Deux estimations ont été effectuées par l’observatoire du football et le journal Transfermarkt car il est aujourd’hui compliqué de connaître la valeur des joueurs de football sur le marché des transferts où l’asymétrie d’information est très présente. Effectivement, les clubs de football cherchent à garder secret leurs consentements à payer pour les joueurs afin d’éviter que les clubs éventuellement vendeurs s’en servent pour faire monter les enchères.
Quand bien même ces deux études ont un constat commun, le championnat français est dans les deux cas derrière les quatre autres grands championnats (Série A, Bundesliga, Premier League, Liga) en terme de valeur totale des joueurs : les joueurs de ligue 1 étaient en janvier 2017 considérés comme environ trois fois moins « bankable » que les joueurs issus du championnat anglais, qui trône sur la première place du podium. Les transferts étant une source majeure de financement pour les clubs, cette trop faible valeur demeure préjudiciable pour que les clubs français puissent par la suite réinvestir correctement et de manière plus importante et assurer la pérennité de leurs performances sportives et économiques.
De plus, l’autre variable économique à améliorer semble être, d’après la Ligue de Football, l’augmentation des revenus « matchday » et du Merchandising. Cela concerne en grande partie le taux d’affluence des stades trop bas par rapport aux championnats anglais et allemand principalement (96% pour le championnat anglais contre seulement 71% pour la ligue 1 pour la saison 2014 / 2015).
Ce manque de compétitivité économique depuis une vingtaine d’années a nui à l’attractivité du championnat et a donc mécaniquement un effet négatif sur le plan sportif. Il s’agit d’un cercle vicieux lorsqu’on sait que le domaine du sporti peut amener des ressources financières non négligeables telles que l’augmentation des droits télévisuels issus par exemple des compétitions européennes. Ainsi, pour prospérer sur le plan économique et financier, il semble important de remarquer que le sportif et la stratégie économique sont indissociables. Un troisième élément peut entrer en compte pour que la Ligue 1 connaisse un pic de croissance économique et sportive, il s’agit de la stratégie d’image qu’elle peut mettre en avant. En effet, pour que les investisseurs, les joueurs ou même les diffuseurs étrangers soient intéressés par le championnat français, il faut améliorer l’image du championnat depuis trop longtemps relégué au second plan sur la scène européenne.
Par conséquent, afin d’agir sur ce manque de compétitivité, la ligue de football professionnel (LFP) a choisi de développer 5 priorités stratégiques pour revaloriser la Ligue 1 à l’intérieur desquelles on retrouve quelques vingt initiatives à potentiellement concrétiser d’ici 2022.
Les ressources financières : premier levier stratégique pour améliorer la compétitivité de la ligue 1 Conforama
A partir de ces cinq directives stratégiques, on peut dans un premier temps se focaliser sur la volonté dont fait preuve la ligue à augmenter et développer les ressources financières des clubs professionnels en France pour les prochaines saisons.
Une des stratégies proposées par la LFP concerne la valorisation et la protection de la formation à la française. En effet, valoriser la formation des jeunes talents français permettra aux clubs d’entrevoir des revenus futurs importants, issus d’un éventuel transfert. On peut notamment s’interroger sur le rôle de la figure de proue du championnat de Ligue 1, le Paris-Saint-Germain qui via ses investisseurs qataris bénéficie de ressources financières difficilement égalables. Le club parisien semble être en mesure de provoquer des externalités positives sur le championnat français en achetant les grands talents du championnat aux autres équipes qui le composent. C’est par exemple le cas fin août dernier, lorsque le club de la capital décide d’engager le jeune Killian Mbappe, talent sans commune mesure alors joueur de l’As Monaco via un prêt avec option d’achat à hauteur de 180 millions d’euros environ. Cet argent sera donc réinjecté en France puisqu’il finira dans les caisses du club de la principauté qui pourra lui-même réinvestir dans des talents français comme il en a l’habitude depuis quelques années afin d’en tirer des plus-values futures exorbitantes : c’est par exemple le cas lorsque le club princier achète pour 8 millions d’euros le jeune espoir Tiémoué Bakayoko à Rennes en 2014. Ce dernier sera revendu durant l’été 2017 au club de Chelsea pour un montant compris entre 45 et 50 millions d’euros. D’où la nécessité pour la ligue de faciliter les relations entre clubs car cela provoque par la suite un « effet domino », surfant sur les différents moyens financiers des clubs sur le marché des transferts, qui semble profitable aux finances des clubs français. La ligue se retrouve dans une position influente, de leadership pour montrer la voie aux clubs afin de maximiser leurs revenus de transferts. Il paraît important de préciser que l’idée principal est de ne pas faire partir les jeunes talents français vers l’étranger trop tôt, la ligue a donc fait part de son ambition de conserver la valeur en France en se basant sur les règles de l’UEFA qui incitent les clubs à garder un certain nombre de joueurs formés localement dans leur effectif.
En parallèle, le jeu et les joueurs seront valorisés par l’utilisation des Big data par exemple, dans le but de justifier et quantifier les bonnes performances des stars françaises et de les rendre encore plus visibles et crédibles sur le marché. L’utilisation du big data ne date pas d’aujourd’hui sur le marché des transferts puisqu’en 2004, le joueur de l’Olympique de Marseille, Mathieu Flamini a tapé dans l’œil des dirigeants londoniens d’Arsenal à l’issu d’une observation relative aux « data performances ». Ces données sont utilisées pour l’image des joueurs en France mais également pour améliorer les performances individuelles et collectives des joueurs et équipes du championnat, dans l’optique d’améliorer leurs prestations et ainsi leur image et ressources économiques tirées directement de leurs bonnes performances (exemple : droits tv…)
Les retombées économiques des transferts n’échappent pas aux politiques puisqu’un texte est actuellement à l’étude à l’assemblée nationale concernant la législation autour des transferts. Effectivement, ce texte propose une contribution à hauteur de 5% sur les transferts réalisés entre clubs français ou sur les achats perpétrés par les clubs français avec pour objectif de les redistribuer au football amateur, considéré pour beaucoup comme également formateur de talents et qui n’en bénéficie économiquement pas assez selon certains. Il sera intéressant de voir quelle attitude va adopter la Ligue de Football face à ce débat quand on sait qu’elle cherche à augmenter les recettes des transferts du monde professionnel. Il faut tout de même préciser que seuls les transferts présentant des montants très importants seraient taxés.
Cette valorisation du footballeur en France s’étend à la promotion du football français à l’international selon la Ligue.
Améliorer la qualité du spectacle pourrait ainsi permettre de convaincre les diffuseurs étrangers d’investir considérablement en France, ce qui augmenterait naturellement les recettes en termes de droits tv. Améliorer les prestations audiovisuelles durant les matchs apparaît ainsi primordial pour vendre le spectacle.
De plus, la ligue cherche à s’exporter au niveau international en ouvrant des bureaux et des réseaux ambassadeurs à des endroits stratégiques dans le monde, comme en Chine par exemple où depuis février dernier, un bureau a vu le jour en collaboration avec la Fédération Française de Football. Tout cela semble bien résumé dans un communiqué de la ligue qui déclare vouloir «exporter la formation française, valoriser l’image des compétitions françaises et des sélections nationales auprès du public chinois, renforcer les liens stratégiques avec les acteurs chinois, accompagner les clubs français dans leur stratégie de déploiement économique, développer l’exposition audiovisuelle des compétitions nationales en recherchant des diffuseurs et rechercher des sponsors». La Chine et ses milliardaires, sous la houlette et l’autorité du président Xi Jinping qui souhaite développer le football en Chine, semble ainsi être une cible stratégique pour les finances et l’image des clubs français.
Il faut désormais comprendre comment la ligue souhaite mettre en place cette stratégie, qui via le développement de son réseau va tenter d’agir en leader influent.
Le développement du réseau de la ligue de football : influence et protection des intérêts des acteurs du football professionnel français
On peut le voir d’une part dans la mise en place du pôle B2C (business to customer) afin de mieux connaître les clients et de les séduire efficacement. Nouer des partenariats semble être une direction prise également par la LFP afin de faire venir du monde dans les stade comme cela a été le cas le 28 novembre dernier lors de la sélection mise en ligne de places à 20 euros en tarif unique pour les matchs de la Ligue 1 Conforama. Certaines places « privilégiées » en terme de services ou de position dans le stade sont habituellement moins accessible financièrement au grand public. C’est une manière de fidéliser certaines personnes en bénéficiant d’une expérience dont ils ont rarement pu profiter. Le rôle de la Lfp dans ce genre d’opération est d’encourager les clubs à mettre à disposition des places dans leur stade et de les relier en bon leader à des plates-formes de vente comme Vente privée. On voit ici l’influence que peut avoir la Ligue au sein de son réseau entre les clients des matchs et les prestataires dans un but commercial. Le rôle influent de la LFP va ainsi tendre à augmenter les revenus matchday et merchandising. Ce rôle de lobbyiste peut être tenu par la LFP étroitement en lien avec l’industrie de l’alcool afin de recommercialiser l’alcool à l’intérieur des stades après l’interdiction de sa consommation à l’intérieur des stades depuis la loi Evin en 1991. L’argument de la Ligue est de dire que lorsque des clubs ont obtenu une dérogation à ce sujet, leur chiffre d’affaire les jours de match a été multiplié par 5 et pas seulement via la vente de boissons.
Faire marcher son réseau pour mieux comprendre le consommateur, c’est ce que souhaite faire la ligue en mettant en place une veille, du benchmarking dans le but de compenser son retard en revenus matchday par rapport aux championnats anglais et allemand. La Ligue utilise le benchmarking dans sa politique de changements d’horaires des matchs et de l’impact que cela pourrait avoir sur les spectateurs français, tout ça dans l’optique de conquérir de nouveaux publics et c’est en observant du côté de l’Allemagne et de sa Bundesliga que l’instance va tenter d’en tirer les bienfaits. Toujours en relation avec les clubs de ligue 1, c’est du côté de la Jupiter League et de l’Australian Rugby League que la LFP va analyser la politique de marketing digital et relation client. D’un point de vue purement marketing, la NBA et la MLS semblent être des modèles du genre pour les études de la LFP (veille, benchmarking également). Les expertises porteront sur les stratégies de pricing, de segmentation, de marketing data, d’e-commerce…
Pour être influente, la Ligue tient à également perfectionner son réseau B2B :
Tout d’abord pour créer son réseau et perdurer à l’intérieur de celui-ci, la Ligue cherche à engager des ambassadeurs (anciens joueurs et entraîneurs à forte notoriété) pour soigner son image à l’intérieur de son réseau. Car les liens entre son image et les investisseurs étrangers potentiels sont étroits. Améliorer l’image de la ligue 1 Conforama, c’est augmenter sa visibilité et ainsi attirer l’œil des investisseurs étrangers en France.
Développer les relations avec les grandes entreprises, les potentiels investisseurs (ex CAC 40) afin de maximiser leurs revenus commerciaux. Mettre en relation la ligue avec ces entreprises peut conduire à la création et au développement de partenariats de « naming ». Le bon exemple, c’est le naming « Ligue 1 Conforama » pour augmenter les revenus de sponsoring. Via la loi Braillard notamment qui incite les clubs à verser une redevance en contrepartie de l’utilisation de leur image, la Ligue tente de « mettre en vitrine » les clubs sous le regard des investisseurs, et avec le pouvoir de la DNCG qui soutient la crédibilité des potentiels reprises de clubs par des investisseurs étrangers.
Un dernier point apparaît primordial dans sa stratégie réseau, c’est la protection de ses intérêts et de ceux des clubs de ligue 1 à l’intérieur de son réseau. On le voit avec la politique sportive et économique recherchée par la ligue qui par un meilleur aménagement des calendriers, en défendant les intérêts des clubs français va tenter d’optimiser les performances sportives des clubs français dans les compétitions européennes et par conséquent augmenter l’influence de la ligue 1 sur le vieux continent.
Son rôle de protection des intérêts des clubs s’est vu dernièrement lors de la prise de parole publique de la LFP contre les critiques du président de la ligue espagnole de football, Javier Tebas au sujet des problèmes du PSG avec le Fair Play financier notamment après un été euphorique du club sur le marché des transferts (achat de Neymar et Mbappe). La présidente de la ligue, madame Boy de la Tour avait en effet confié dernièrement au journal L’Equipe « Ces déclarations constituent une ingérence dans le fonctionnement de la Ligue de football professionnel qui porte aujourd’hui préjudice au Paris Saint-Germain et par ricochet à l’ensemble de la Ligue 1, dans le contexte de l’enquête formelle en cours , je vous serais donc reconnaissant de rappeler la Liga à son devoir de réserve vis-à-vis des clubs professionnels français et à tout le moins à utiliser un niveau de langage digne, ne nuisant pas à l’image que notre sport se doit de véhiculer.»
Après l’étude de la stratégie de la ligue pour les années à venir, on peut se rendre compte de l’importance de son réseau dans l’objectif d’augmenter les performances de la Ligue 1 devant et en dehors des caméras. L’influence et la protection de son réseau semblent faire passer à la Ligue un cap en matière de stratégies compétitives. Les efforts initiés permettront-ils à la Ligue 1 de rattraper son retard sur les grandes puissances européennes ? En attendant d’en savoir un peu plus, les premiers efforts consentis ont déjà des effets positifs puisque la ligue a été récompensée par l’hebdomadaire « Stratégies » pour le développement de la e-ligue 1, qui continue son essor dans l’une des initiatives proposées en avril dernier par la LFP.
Par Cyril Relion, promotion 2017-2018 du M2 IESCI
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