Comment la crise pétrolière actuelle favorise la crise au Venezuela

La crise actuelle du Venezuela est terrible. Le PIB de l’année 2017 devrait reculer de 12%. La situation économique mais aussi politique est dans un état déplorable. L’opposition politique à Nicolas Maduro, le président et successeur de Chavez, se fait plus forte. Il y a même eu une tentative de coup d’état durant l’été, mais elle a échoué. Au niveau économique ça va mal aussi avec des rationnements de produit de base et le manque de produits importants comme les médicaments.

En quoi la crise pétrolière actuelle favorise la crise au Venezuela ?

Nous verrons dans un premier temps les causes de cette crise puis dans un second temps le cas du Venezuela.

Partie 1:  Les causes de la crise pétrolière

Il y a eu de nombreuses crises pétrolières depuis le XXème siècle dont notamment le choc pétrolier de 1973. Cette crise actuelle a permis de réduire le prix du pétrole. Elle est présente pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, la crise pétrolière que l’on connaît actuellement commence en 2014 comme on peut le voir avec le graphique en annexe. On avait un baril à plus de 110$, mais le prix s’est effondré en l’espace de quelques mois. Cela peut s’expliquer par le développement du pétrole de schiste notamment aux États-Unis. Il s’agit de pétrole contenu dans des formations géologiques poreuses qui peut être obtenu par le “fracking” c’est à dire par fracturation hydraulique afin de le récupérer. Le véritable changement durant cette période a été quand les États-Unis sont passés d’importateur de pétrole à exportateur de pétrole. En effet, les États-Unis sont devenus le premier producteur mondial de pétrole en 2015 selon BP et devraient le rester en 2017. C’est un problème pour les autres pays producteurs de pétrole et notamment pour les pays de l’OPEP dépendant de cette manne financière. Face à ce nouveau concurrent, l’Arabie Saoudite avait fait chuter les prix afin de garder ses parts de marché. Cette guerre commerciale pour le pétrole a favorisé la chute des prix.

En effet une des stratégies du royaume saoudien était de baisser les prix assez bas pour que le pétrole américain soit déficitaire et que les entreprises Américaines fassent faillite. Cependant, cette politique ne fut efficace qu’un temps car il reste très dépendant du pétrole, même s’il dispose de fonds pour alimenter cette stratégie. En effet il fait partie des pays qui souffrent de la maladie hollandaise comme la plupart des pays de l’OPEP dont le Venezuela. C’est “un phénomène économique qui relie l’exploitation de ressources naturelles au déclin de l’industrie manufacturière locale. Ce phénomène est suscité par l’accroissement des recettes d’exportations, qui à son tour provoque l’appréciation de la devise. Le résultat est que dans les autres secteurs, les exportations deviennent moins favorables que les importations”. En effet, le royaume saoudien a utilisé une partie de ses réserves monétaires pour cette politique, mais il a dû arrêter. Les prix ont ainsi pu remonter, mais cela reste très désavantageux pour ces pays dépendants de l’or noir. De plus on peut noter les tentatives d’accord de l’OPEP et de certains pays à côté comme la Russie pour tenter de régler ce problème. Cependant il y a eu un accord de signé, celui du 30 novembre 2016, pour limiter la production mais on est loin de la situation d’avant crise surtout pour ce qui est du prix.

Ensuite un autre événement va avoir un effet sur le cours du pétrole. Cet événement géopolitique est l’accord sur le nucléaire entre le “P5 + 1” et l’Iran. Le “P5 + 1” correspond aux pays formant le conseil de sécurité à l’ONU : La France, les États-Unis, le Royaume-Uni, la Russie et la Chine et l’Allemagne qui a été ajoutée à ce groupe. Cet accord qui a été signé en 2015 impose à l’Iran de ne pas créer d’arme nucléaire et en échange ils réduisent les sanctions économiques à leur encontre. La rivalité entre l’Iran et l’Arabie Saoudite est exacerbée, car l’Iran peut maintenant relancer son industrie pétrolière très affectée par les sanctions économiques. Dans ce contexte particulier cela montre que le cours ne va pas monter. De plus on peut rajouter que ces 2 pays sont en véritable guerre froide pour leurs influences dans le Moyen-Orient. Dans cette optique un accord est relativement dur à trouver même s’il l’a été avec l’accord actuel, celui du 30 novembre 2016 qui a été relativement dur à signer. De plus on peut dire que les tensions actuelles dans la région notamment la guerre civile en Syrie accentue les problèmes.

Puis un des autres facteurs de cette chute des prix est le ralentissement de la croissance économique des BRICS. En effet la baisse de demande qu’ils entraînent favorise la baisse des prix du pétrole. Cette baisse de la demande qui se fait en même temps que cette augmentation de l’offre explique cette chute brutale. À partir de 2014 la croissance chinoise ne dépasse plus les 7% ce qui est une première depuis plus de 20 ans. Puis on peut aussi parler de la situation brésilienne qui est elle aussi délicate aussi bien politiquement qu’économiquement, notamment à cause des affaires de corruption. De plus le marché américain est devenu autonome pour la consommation de pétrole, ce qui réduit les débouchés.

Pour conclure nous avons vu les différentes causes de cette crise pétrolière qui est non seulement une crise de l’offre avec une surproduction, mais il y a aussi une réduction de la demande, ce qui explique la chute brutale du cours.

Après avoir vu les causes de la crise pétrolière actuelle nous allons nous intéresser au cas du Venezuela, un pays totalement dépendant de la vente du pétrole.

Partie 2: Le cas du Venezuela

Le Venezuela comme dit précédemment est assis sous les plus grandes réserves de pétrole au monde. Ce pays pratiquement 2 fois plus grand que l’Espagne a aussi de nombreuses ressources minières comme les mines d’or et d’argent, de bauxite et de diamants. Cependant ses réserves sont largement inférieures à celles du pétrole. On pourrait croire à un pays assez riche. Cependant la situation du pays est assez mauvaise, la situation politique et économique est au plus mal, le pays est proche d’une guerre civile.

La politique du Venezuela est assez particulière notamment depuis l’élection de Hugo Chávez en 1999 et le triomphe de la révolution bolivarienne, du nom d’un général ayant participé à l’indépendance des pays sud-américains face à l’Espagne. Cela a favorisé le développement du “Chavisme”. Il va mener une politique socialiste et redistribuer les revenus du pétrole. Cependant le problème est que la majeure partie des revenus extérieurs viennent du pétrole. Le Venezuela est touché par la maladie hollandaise, définie précédemment. En effet la production de pétrole asphyxie les autres secteurs de l’économie. La part du pétrole dans ses exportations est de 96% ce qui montre l’importance du pétrole pour le pays, de plus il contribue pour à environ 50% au budget de l’état en 2016. Il y a donc une grande dépendance à cette ressource et surtout pour mener les politiques redistributives commencées dans les années 2000. En effet à son arrivée au pouvoir Chávez a repris le secteur pétrolier en main en le nationalisant. Il va mettre en place le “plan Bolivar 2000” afin de changer le pays. Il va réduire les inégalités, promouvoir le développement de l’éducation, une médecine gratuite afin de sortir la population de la pauvreté.

En effet la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes des Nations unies (Cepal) indique en effet que le taux de pauvreté au Venezuela est passé de 30,5 % à 23,4 % entre 2003 et 2010. Cela montre le succès de la politique de Chávez dans ce domaine. Cependant il faut relativiser ce succès car il correspond aussi à une augmentation des prix du pétrole durant cette période. Le 5 mai 2013 Chávez meurt des suites d’un cancer, il a choisi comme héritier Nicolas Maduro qui se fera élire durant les élections présidentielles. Il gagne d’une courte tête, étant beaucoup moins populaire que Chávez, grâce aux pauvres aidés par l’ancien président. Le nouveau président va devoir s’occuper du pays moins pauvre mais dont la diversité économique manque. En effet la rente pétrolière a surtout servi à réduire la pauvreté et pas à structurer l’économie ou à la diversifier, par exemple entre 2000 et 2013 l’industrie compte 2 fois moins d’entreprise. De plus l’inflation est déjà assez forte à l’aube de la crise pétrolière avec 25% en 2012. Avec la crise pétrolière toutes les tares du modèle vénézuélien refont surface.

Entre juillet 2014 et janvier 2016 le prix du baril s’effondre comme on peut le voir sur le graphique il passe d’une centaine de dollars le baril à moins de 30$ le baril. La situation est catastrophique pour le Venezuela qui importe la majorité des biens qu’il consomme. Rapidement le pays manque de tout et de graves pénuries voient le jour que ce soit en produits de base (80% des produits manquent) ou plus grave en médicament qui manquent dans les 3/4 des hôpitaux. Un des faits marquants se passe le 5 juillet 2016, où la population force la frontière avec la Colombie pour se ruer sur des supermarchés et s’approvisionner en produits de base. La situation n’est pas près de s’arranger économiquement car le FMI a prévu une inflation de 1660% pour 2017. De plus on peut ajouter le marché noir du dollar qui augmente et favorise cette inflation. La population a de moins en moins confiance dans le bolivar vénézuélien. En effet comme on peut le voir sur le deuxième graphique l’Etat essaye de limiter cette inflation mais ne peut rien faire face à ce marché noir qui est très grand. Par exemple en novembre 2016 on a vu la monnaie vénézuélienne perdre 60% de sa valeur par rapport au dollar.

Ensuite, politiquement, la crise est aussi présente, car la défiance envers le gouvernement et le régime de Maduro augmente. Les tensions au sein du pays augmentent avec par exemple la tentative de coup d’état manqué lors de l’été. La situation du pays inquiète ses voisins ainsi le 27 octobre 12 pays d’Amérique demande à l’ONU d’intervenir dont le Brésil, l’Argentine etc … dénonçant le déroulé des dernières élections le 15 octobre. Les tensions ne datent pas que de cette année, en effet il y a eu de nombreuses manifestations contre le rationnement imposé et le manque de produits de base. Depuis 2014, il y a déjà eu plus d’une centaine de morts lors des manifestations. Il y a eu des incidents aux frontières. Cela explique la demande de ces Etats. La situation reste très tendue et certains craignent une guerre civile, car la situation ne s’améliore pas, le spectre d’un défaut de paiement a fait son apparition. De plus, le FMI ne viendrait pas à leur secour, car le pays a claqué la porte de l’institution en 2007.

Pour conclure malgré toutes les ressources dont dispose le pays la situation est catastrophique. La crise pétrolière de 2014 a mis en évidence la gestion calamiteuse de la rente pétrolière par Chávez qui au profit des pauvres a négligé l’économie de son pays. Cette crise économique a favorisé la crise politique. De plus il y a d’autres soucis qui favorise cette crise tel que les problèmes d’insécurité.

Conclusion :

Nous avons vu les causes de la crise pétrolière qui a commencé en 2014. Le prix du pétrole ne risque pas de remonter car la situation entre les États-Unis et l’Arabie Saoudite par rapport à la production de pétrole reste tendue. Donc le prix du baril de pétrole risque de peu changer ou dans le pire des cas de baisser. Dans cette optique, la situation du Venezuela deviendrait intenable. En effet, le spectre de défaut de paiements est présent. Si jamais il devait avoir lieu, la situation empirerait. Les perspectives restent négatives pour le futur. Une des seules solutions viables sur le long terme reste une solution politique avec la destitution de Maduro et la tenue de nouvelles élections, mais avec dans le pire des cas le spectre d’une guerre civile ou d’un coup d’état. Dans tous les cas, la situation reste problématique et très tendue dans ce pays d’Amérique latine.

Par Penloup Alexandre, promotion 2017-2018 du M2 IESCI

Bibliographie:

  • Iris Marjolet, « Pétrole et gaz au Venezuela », Outre-Terre 2015/2 (N° 43), p. 177-182.
  • Marguerite Desmichelle, « La diplomatie pétrolière du Venezuela : quelle viabilité ?», Sécurité et stratégie 2014/3 (18), p. 62-70.
  • John V. Mitchell, Texte traduit de l’anglais par David Rochefort, « L’autre face de la dépendance énergétique », Politique étrangère 2006/2 (Été), p. 255-268.
  • Lioubomir Mihailovitch et Jean-Jacques Pluchart, 1985, « L’OPEP », 2ème édition, presse universitaire de France
  • Olivier Appert, « Les relations pétrolières et gazières après l’accord sur le nucléaire iranien », Confluences Méditerranée 2016/2 (N° 97), p. 131-141.
  • Marie Albert, Cristina Jude« Venezuela : l’insoutenabilité du modèle de croissance, source de tous les risques », Revue d’économie financière 2016/4 (n° 124), p. 201-222.

Webographie:

Informations sur le Venezeula

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