Chine : Passage de l’empire de la contrefaçon à l’empire de l’innovation

1. L’empire de la contrefaçon : La Chine est devenue célèbre pour ses contrefaçons

Il semble que « contrefaçon » est un synonyme de la Chine depuis les dernières décennies. Lorsque l’on parle de la copie, il est inévitable de mentionner ce pays. Certains critiquent qu’il existe des biens contrefaits dans toutes les rues chinoises, on trouve des milliers de produits contrefaits. La réponse : oui mais non…

En 2006, l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE) et l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO, ex-OHMI) ont fait une étude sur la piraterie, elle montre que la contrefaçon représente 10% des ventes mondiales contre 5% en 2000. Le commerce mondial de produits piratés représenterait près de 500 milliards de dollars par an, selon les derniers chiffres de l’OCDE, ce qui représente 2,5 % du total du commerce mondial. La valeur mondiale des importations de biens contrefaits a atteint 461 milliards de dollars en 2013. La Chine est le premier pays producteur de produits de contrefaçons, 63,2 % des produits ont été saisis entre 2011 et 2013. Les faits sont plus éloquents que les paroles, la Chine « mérite » le titre de l’empire de la contrefaçon.

Dans la Chine contemporaine, en raison de la guerre d’agression et des échanges internationaux, les échanges sont de plus en plus fréquemment avec les pays occidentaux, donc ce pays a commencé à innover soit dans les nouvelles technologies, soit dans les modèles commerciaux et politiques. Au cours de l’ère maoïste, la Chine a “copié” le modèle soviétique pour réaliser la voie socialiste de la Chine. Ensuite c’est le principe de la réforme et de l’ouverture qui est lancée par Deng Xiaoping. Cette politique renforce le principe d’imiter des méthodes réussies d’autres pays avancés pour promouvoir l’économie de la nation.

2. Face à cela, il est obligatoire de creuser les causes profondes du phénomène. Pourquoi les chinois préfèrent-ils copier ? 

Tout à bord, , la contrefaçon en Chine représente un grand poids dans l’économie, l’essor de l’économie chinoise s’appuie plus ou moins sur le secteur de la contrefaçon qui représente 15 à 30% de la production industrielle du pays et constitue 8% du PIB chinois. Par ailleurs, environ 5 millions de Chinois travailleraient dans ce secteur, c’est à dire que presque 5/14 de la population chinoise est dépendant du secteur de la copie.

En deuxième lieu, Il existe une explication culturelle : on dit souvent que ce phénomène a un rapport étroit avec la culture de l’imitation. Les chinois sont forts en copie grâce à cette culture. La Chine a toujours valorisé une culture de la copie, de l’imitation. Par exemple, l’essence de la calligraphie chinoise est de « bien copier » les ancêtres. En Chine, les enfants commençaient à répéter la poésie de la dynastie des Tang et le poème de dynastie des Son dès qu’ils se sont mis à parler, voir dans le système d’éducation chinois, les élèves doivent écrire de mémoire les articles sur leur manuel, donc ils ont l’habitude d’imiter.

En troisième lieu, certains indiquent que le gouvernement chinois ne possède pas un système complet sur la loi de propriété intellectuelle et le peuple chinois manque de l’esprit du droit de la propriété intellectuelle. Le concept de propriété intellectuelle apparaît vers le XVIIème – XVIIIème siècle avec l’essor de l’industrie et la nécessité de protéger les nouveaux produits et procédés pour stimuler leurs créateurs, certains lui accordent cependant une origine plus précoce. Les premières protections nationales de la propriété intellectuelle sont nées en 1710 : « le droit d’auteur » apparaît en Angleterre, puis en 1791 et 1793  deux décrets viennent affirmer la propriété intellectuelle en France. Le 20 mars 1883 : en tant que première protection internationale de la propriété intellectuelle, « la Convention de Paris » a vu le jour. Le 9 septembre 1886, l’apparition de la « Convention de Berne », et ensuite de l’« Arrangement de Madrid » apparaît le 14 avril 1891. En 1893 la création de Bureaux Internationaux Réunis pour la protection de la Propriété Intellectuelle (BIRPI). La généralisation de la protection internationale a continué en 1970 avec la création de l’OMPI et puis en 1994 via l’adoption de l’accord ADPIC de l’OMC. Par rapport au développement de PI internationale, La Chine de l’époque moderne a eu un retard en ce domaine.

Une autre raison : « Au cours des dernières 35 années, la plupart des entreprises chinoises n’avaient pas de motivation pour s’engager dans l’innovation ou créer leur propre marque, écrit dans son livre Shaun Rein, fondateur et PDG de China Market Research. Une pomme suffisamment juteuse leur pendait devant les yeux, pourquoi alors s’embêter à grimper sur les branches plus hautes ? »  D’après Shaun Rein, quelques améliorations du modèle commercial leur auraient permis d’accroître leurs bénéfices, mais à ce moment-là, l’esprit d’innovation était considéré comme un risque, qui augmentait les inquiétudes des investisseurs. Donc la copie est une option plus sure pour réussir.

Enfin cela prouve indirectement la raison pour laquelle les chinois ont tendance à reproduire les démarches qui fonctionnent bien dans d’autres pays.

3. Passage vers l’empire de l’innovation

Cette stratégie de la copie a été revue ces dernières années. Le gouvernement chinois encourage les entreprises ainsi que les organisations de la recherche à innover en leur donnant plus de soutiens financiers et politiques.

Les entreprises chinoises ne veulent plus copier l’Europe et les États-Unis. Elles attachent une plus haute importance à l’innovation, faisant passer leur compétitivité des produits à bas prix et une qualité passable au haut de gamme et aux produits innovants. Par exemple, Huawei, une entreprise chinoise dans le domaine de télécommunication, a livré en 2015 plus d’une centaine de millions d’unités de smartphones, et se situe à la 3ème place mondiale, après Samsung et Apple. Cette société chinoise de technologie double la dépense de R&D, la compagnie a déclaré avoir investi 40,8 milliards de yuans, soit 6,6 milliards de dollars en R&D en 2014, une augmentation de 29% par rapport à l’année précédente. Dans l’ensemble, il a dépensé 190 milliards de yuans en innovation depuis la dernière décennie. Ces chiffres sont massifs, même pour les sociétés américaines de technologie. En 2014, Huawei a dépassé Apple, Oracle et Facebook dans ses investissements en R&D. Cependant, il est derrière encore Intel, Microsoft, Google et Amazon dans le dépense de R&D.

En même temps, les chinois commencent aussi à prendre conscience de l’importance de la propriété intellectuelle. Le gouvernement considère en effet le système de protection de la propriété intellectuelle comme un facteur essentiel de progrès scientifique et technique, de prospérité culturelle et de développement économique, qui assure le bon fonctionnement de l’économie de marché socialiste. La Chine a commencé à élaborer ses lois et règlements sur la protection de la propriété intellectuelle à la fin des années 70 et a, depuis, participé activement aux activités des organisations internationales compétentes tout en renforçant la communication et la coopération avec tous les pays du monde dans le domaine de la propriété intellectuelle. En fait, après le lancement de la politique de la réforme et de l’ouverture, le gouvernement chinois a établi une série de lois pour se conformer aux règles internationales, telles que le « droit des marques », le « droit des brevets » dans les années 80, ainsi que le « droit d’auteur », l’« anti-unfair competition law » dans les années 90, etc. La législation actuelle chinoise sur la propriété intellectuelle s’est développée à un rythme sans précédent. Ces mesures prises par la Chine ont donné une impulsion à l’innovation

En 2015, les innovateurs chinois, avec plus d’un million de demandes déposées pour la première fois en une seule année, ont joué un rôle moteur dans la hausse record du nombre de demandes de brevet déposées dans le monde, dans un environnement caractérisé par l’accroissement de la demande mondiale des droits de propriété intellectuelle qui sous-tendent l’activité économique.

Par ailleurs, les consommateurs chinois ne suivent plus aveuglement les tendances de la mode des États-Unis et de l’Europe de l’Ouest ni celles des pays asiatiques. Ainsi il est désormais impraticable de s’appuyer sur le prix élevé et la marque luxueuse comme méthodes de marketing. Au fur et à mesure de l’accroissement économique de la Chine, le pouvoir d’achat des chinois a progressé et se situait au premier rang du monde. Les produits piratés sont de moins en moins appréciés par les consommateurs chinois. Ils préfèrent les produits de bonne qualité et haut de gamme. Donc le besoin de la contrefaçon diminue tandis que les marchandises originales attirent  les consommateurs chinois.

En ce qui me concerne, la mauvaise notoriété de la contrefaçon en Chine doit s’apprécier à deux niveaux :

Le premier niveau c’est de copier le modèle commercial, par exemple, le secteur d’Internet de la Chine provient des États-Unis, le modèle commercial de Baidu, Sina de la Chine tous ont copié celui des États-Unis. Et puis les entrepreneurs chinois ont amélioré un peu pour que cela s’adapte au marché chinois.

A propos du premier phénomène, je ne crois pas que c’est un problème, car presque tous les pays ont connu une telle période au cours de leur développement économique. Les États-Unis sont connus en matière d’innovation, mais lors de la création des États-Unis, ils copiaient l’Angleterre. Au début de l’établissement des États-Unis, ils n’avaient pas de talents, ni de technologies. Ils ont même lancé des lois pour encourager des ouvriers textiles et des entrepreneurs à apprendre ou à espionner l’Angleterre afin de pousser le développement industriel. Il est à noter que le « père de la révolution industrielle » américaine, Samuel Slater a quitté l’Angleterre pour New York en 1789 car il a compris l’avantage d’exporter la technologie britannique, même si la loi l’interdisait. En 1894, les États-Unis ont dépassé l’Angleterre en devenant la première puissance économique dans le monde, mais son premier pas a été de copier la technologie anglaise.

Il en est même pour l’Allemagne. Au milieu du 19ème siècle, l’Allemagne était un pays agricole et possédait une faible puissance par rapport à d’autres pays occidentaux. Grâce aux nouvelles technologies de l’Angleterre, l’industrie allemande est devenue renommée. Presque tous les pays ont copié le fruit de la révolution industrielle de l’Angleterre, c’est à dire que l’Angleterre a accompli la création de Zéro à Un, les États-Unis et l’Allemagne ont fait la copie et le développement de 1 à 100, et puis ont surpassé l’Angleterre.Le deuxième niveau, c’est de violer les droits de PI.

Selon la définition de l’Insee, la contrefaçon se définit comme la reproduction, l’imitation ou l’utilisation totale ou partielle d’une marque, d’un dessin, d’un brevet, d’un logiciel ou d’un droit d’auteur, sans l’autorisation de son titulaire, en affirmant ou laissant présumer que la copie est authentique.

Personne ne peut nier la gravité du problème de la contrefaçon en Chine. De toute façon, la Chine a déjà pris de nombreuses mesures pour résoudre ce problème. Et elle obtient de nombreux effets positifs. La Chine va finalement se dégager de sa mauvaise reputation à l’avenir et devenir un empire de l’innovation.

Par Ning Chen, promotion 2016-2017 du M2 IESC d’Angers

Sources :

INNOVATION FLYING HIGH

http://www.wipo.int/export/sites/www/pressroom/en/documents/wipi_2016_infographic.pdf

Hausse record du nombre de demandes de brevet dans le monde en 2015 (2,9 millions) grâce à la forte activité de dépôt en Chine, accompagnée d’un accroissement de la demande d’autres droits de propriété intellectuelle

http://www.wipo.int/pressroom/fr/articles/2016/article_0017.html

Fiche ChineDGCISCREDOC

http://www.entreprises.gouv.fr/files/files/directions_services/secteurs-professionnels/etudes/fiche-chine.pdf

http://documents.epo.org/projects/babylon/eponet.nsf/0/DEFEEC4BF6BA1057C1257F69004F13BC/$File/epo_facts_and_figures_2016_fr.pdf

《中国知识产权保护状况》

http://www.scio.gov.cn/zfbps/gqbps/Document/1435447/1435447.htm

We Were Pirates, Too-Why America was the China of the 19th century.

http://foreignpolicy.com/2012/12/06/we-were-pirates-too/

Samuel_Slater

https://en.wikipedia.org/wiki/Samuel_Slater

Le Made in China nouvelle version

http://www.chinatoday.com.cn/french/Economie/article/2016-04/05/content_718753.htm

Huawei’s R&D spend is massive even by the standards of American tech giants

https://qz.com/374039/huaweis-rd-spend-is-massive-even-by-the-standards-of-american-tech-giants/

Cours de « Droit international et lutte contre la contrefaçon » Enseignant : Yves Dolais

Cours de « Economie des droits de la propriété intellectuelle » et « Droits et protection des brevets » Enseignant : David Morel

Source d’image 1 : https://www.theatlas.com/charts/VJOJUVNP

Source d’image 2 : https://www.theatlas.com/charts/N1Gs8E4v

Shaun Rein, Managing Director, China Market Research Group :

https://www.youtube.com/watch?v=J-f6DMuOqUg

La Chine ne veut plus de ses contrefaçons

http://www.chinatoday.com.cn/french/Economie/article/2016-04/05/content_718775.htm

Admin M2 IESC