Traité internationaux Archives - Master Intelligence Economique et Stratégies Compétitives Le Master Intelligence Economique qui combine analyse économique, outils de veille, e-réputation, gestion de crise et big data via une formation sur deux ans. Wed, 26 Dec 2018 10:50:35 +0000 fr-FR hourly 1 L’accord de libre-échange UE- Mercosur: Opportunités et Contraintes https://master-iesc-angers.com/laccord-de-libre-echange-ue-mercosur-opportunites-et-contraintes/ Wed, 14 Nov 2018 14:23:51 +0000 https://master-iesc-angers.com/?p=2948 Au moment où les Etats Unis connaissent un retour au protectionnisme et commencent à se désengager de leurs partenaires commerciaux suite à l’arrivée de Donald Trump  au pouvoir politique en 2017 (notamment après la sortie brutale de son pays de… Continuer la lecture

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Au moment où les Etats Unis connaissent un retour au protectionnisme et commencent à se désengager de leurs partenaires commerciaux suite à l’arrivée de Donald Trump  au pouvoir politique en 2017 (notamment après la sortie brutale de son pays de l’accord commercial de libre-échange Asie-Pacifique (TPP) et la  demande de renégociation de l’ALENA), l’Union européen tente (Après 19 ans de pourparlers erratiques) de conclure un accord de libre-échange avec le Marché commun d’Amérique de Sud Mercosur qui rassemble quatre pays (l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay), un des plus grands marchés dans le monde et des plus fermés aux importations. L’accord inclut essentiellement l’assouplissement des limitations sur les exportations Mercosuliennes des produits bovines et de l’éthanol qui étaient exclus en 2016. En contrepartie le Mercosur devrait supprimer les droits de douane sur les exportations européennes dans les secteurs automobiles, la chimie, la pharmacie et les cosmétiques, progressivement sur une durée de 10 ans. L’accord inclut également la reconnaissance par le Mercosur de 357 produits ayant une indication géographique protégée (IGP).

 Un accord constitue pour l’UE, selon ses partisans, une opportunité à la fois géostratégique et économique qui lui permettra de pouvoir diversifier ses partenariats mondiaux et apportera en même temps des avantages économiques pour l’Europe en termes de croissance et d’emploi. L’accord prend en compte également des affaires importantes telles que le développement durable, le bien-être animal et le changement climatique, car les quatre pays du Mercosur ont signé l’accord de Paris. Cependant, les opposants à l’accord expriment leurs inquiétudes de par les menaces de la concurrence locale et régionale que pourrait générer l’assouplissement des droits de douane sur certains produits agricoles en Europe, notamment sur les produits issus à la filière bovine en France, ainsi de par d’autres aspects telles que les mesures sanitaires et les droits de propriétés intellectuelles.

Une histoire commune fluctuante entre les deux blocs (une histoire instable ou fragile entre les deux blocs puisque les négociations ont connu plusieurs cycles échoués)

 Depuis la déclaration de Rome en 1990 les négociations commerciales entre l’UE et le Mercosur ont connu différentes phases passants par plusieurs turbulences. En 1992 la Commission Européenne a signé un accord interinstitutionnel dans le but de fournir une aide technique et institutionnelle aux pays du Mercosur. Trois ans plus tard, les deux blocs régionaux ont signé à Madrid un accord de cadre-interrégional de coopération (dans le cadre de l’article 24 du GATT) dont l’objectif était d’établir une zone de libre-échange. Les négociations ont véritablement débuté en 2000 lors d’une réunion du comité des négociations bi régionales à Buenos Aires (Argentine) en vue de créer la plus vaste zone d’intégration commerciale dans le monde, regroupant 650 millions de personnes, avant que ces dernières négociations aient été interrompues en 2004.

L’échec de cette table ronde (cycle de négociation)  a été relié notamment à la difficulté pour l’UE d’inclure les produits agricoles et agro-industriels dans cet accord ainsi qu’à la question des subventions à l’agriculture à travers la Politique agricole commune (PAC), qui permet aux pays européens de protéger et de subventionner ses producteurs agricoles. En contrepartie, le Mercosur avait des difficultés à abaisser fortement ses droits de douanes, et le caractère imparfait de la zone de libre-échange du Mercosur engendrait d’autres problèmes concernant le secteur automobile, le droit de la propriété intellectuelle et les normes sanitaires et phytosanitaires. En 2010 l’Union Européenne et les états du Mercosur ont de nouveau relancé les discussions lors du sixième sommet qui s’est déroulé en Espagne entre l’UE et l’Amérique latine et les Caraïbes (ALC), mais celles-ci sont encore arrêtées en 2012. Depuis là, plusieurs turbulences ont entravé la signature de cet accord de libre-échange. En Europe, La crise de la dette publique grecque qui a été suivie par la crise de l’euro et l’opposition entre la France et le Royaume-Uni au sujet de financement de PAC. Le Mercosur de son côté a connu à cette époque plusieurs changements tels que la suspension du Paraguay en 2012 suite à la destitution du président Fernando Lugo et l’adhésion de Venezuela suivie également par sa suspension en 2016 pour des raisons politiques.

Un temps à l’arrêt, plusieurs séries de  négociations d’un TLC (Traité de libre commerce) ont eu lieu entre 2016 et 2017 à la faveur de l’arrivée au pouvoir de gouvernements pro-marchés en Argentine et au Brésil en 2016. La dernière ronde de négociations a eu lieu en septembre 2018 à Montevideo (Uruguay), les deux blocs auront voulu parachever le traité dans les plus brefs délais avant la fin des élections brésiliennes à l’issue d’une campagne stricte dominée par l’extrême droite, à son tour l’UE se prépare actuellement pour les élections du parlement européen qui se dérouleront en 2019 en pleine poussée des partis populistes. Mais là encore les perspectives semblent à nouveau s’éloigner,  le blocage porte toujours sur le secteur agriculture et plus précisément sur l’exportation de sucre, de bœuf et d’éthanol dans le marché européen. En outre, le Mercosur ne donne pas une suite favorable à la demande de l’UE d’accès au marché des services maritimes.

Les processus successifs de négociations ont mis en lumière des nombreux scénarios pour la conclusion possible d’un traité UE-MERCOSUR tout en analysant les avantages à en tirer et les défis à relever pour les deux blocs économiques.

Des atouts géostatiques et économiques au bénéfice de l’Europe

Pour le Mercosur,  un premier accord avec un grand bloc économique comme l’UE  constitue une opportunité évidente et nécessaire qui lui permettra de faire face à la concurrence de l’Alliance du Pacifique représentée par le Chili, la Colombie, le Mexique et le Pérou. L’accord bénéficiera notamment le Brésil qui, depuis 2014, ne profite plus du système de préférences généralisées SPG, étant classé par la Banque mondiale comme un pays à revenu intermédiaire. Brasilia se retrouve donc dans l’obligation de trouver un accord avec l’UE afin compenser cette perte.

De côté européen, l’accord constitue une opportunité ambitieuse qui lui permettra d’avoir un accès à un grand marché qui compte 260 millions de consommateurs. En effet, avec 82% du PIB total de l’Amérique du Sud, le Mercosur représente la zone économique et industrielle la plus dynamique par rapport aux autres organisations régionales dans l’hémisphère sud. L’accord va permettre également à l’UE de consolider son partenariat stratégique avec le Brésil, une puissance émergente et membre éminent des BRICS.

Un tel traité va sans doute renforcer les liens atlantiques de l’UE avec l’Amérique latine au détriment des autres géants partenaires commerciaux tels que les Etats-Unis, le Canada, le Japon, et plus particulièrement la Chine, qui est devenue en 2017 le principal partenaire commercial représentant 21,8% du commerce total du Mercosur, alors que l’EU s’est classée au deuxième rang (20,3% du commerce totale de Mercosur) devant les États-Unis (14,9%). L’échange commercial entre les deux blocs a atteint plus de 100 milliards d’euros en 2012, peu de temps avant la fin du boom des produits de base en 2014, mais a diminué à 86 milliards d’euros en 2017 avec une balance commerciale positive et croissante de 2 milliard d’euros pour l’Europe, alors qu’on 2016 la balance commerciale a affiché un excédent de 1 milliard d’euros. Les exportations de l’UE vers les quatre pays du Mercosur ont enregistré 44 milliards d’euros en 2017 alors que les exportations du Mercosur vers l’UE ont atteint environ 42 milliards d’euros.

Les relations commerciales entre les deux régions se caractérisent par un déséquilibre sectoriel, les importations européennes du Mercosur en 2017 incluent principalement les produits agricoles (22% des importations totales), tels que les produits alimentaires, les boissons et le tabac, les produits végétaux y compris le soja et le café (17%) et les viandes et autres produits d’origine animale (6%). Cependant, les exportations de l’UE vers le Mercosur comprennent en particulier, les machines (28%), l’équipement de transports (13% des exportations totales) ainsi que les produits chimiques et pharmaceutiques (22.8%). La finalisation de cet accord permettra, selon la commissaire européenne au commerce, l’élimination de plus de 4 milliards d’euros de droits de douane pour les entreprises européennes, soit huit fois plus que pour l’accord de libre-échange entre l’union européen et le Canada (CETA) et quatre fois plus que l’accord européen avec le Japon conclu récemment. En effet, le Mercosur, considéré une des régions les plus fermées aux importations mondiales, impose des barrières tarifaires historiquement très élevées (+35 % de droits de douane sur les voitures et les pièces détachées, 20-35% sur les machines, 35% sur les produits chimiques et 35% également sur les produits pharmaceutiques). La signature de l’accord va en trainer, selon les experts, une augmentation des exportations européennes de 25 % à 30 %.

Par rapport aux services et à l’investissement, l’accord diminuera toutes les sortes de barrières tarifaires qui contraignent les fournisseurs européens dans les secteurs clés de services, tels que les télécoms, transports, les services financiers les technologies de l’information et les services aux entreprises.

Les PME européennes seront également concernées par l’accord, notamment les PME françaises qui représentent 94% des entreprises françaises actives à l’exportation,  dans la mesure où elles seront capables de profiter pleinement des dispositions préférentielles contenues dans l’accord. L’UE et le Mercosur s’engageront ainsi à mettre en place des plateformes en ligne qui donneront aux PME un accès facilité à l’information nécessaire sur les exigences à l’importation.

Le futur accord apportera des avantages économiques pour l’Europe en termes de croissance et d’emploi, selon la commission européenne un milliard d’euros d’exportation soutient 14 000 emplois au sein de l’UE.

Des avantages pour le secteur industriel français

Selon les calculs de la Commission européenne, la France serait l’un des plus grands bénéficiaires de cet éventuel accord. Cela donnerait des opportunités à l’industrie française, notamment aux secteurs clés de l’automobile, la machinerie, la chimie et le produit pharmaceutique. En effet, parmi les pays européens la France était en 2015-2016 le premier exportateur vers les pays de Mercosur dans le secteur aéronautique, le deuxième exportateur des services et le troisième exportateur européen de produits pharmaceutiques, chimiques et de la plasturgie. Les exportations françaises vers le Mercosur ont atteint en 2016 environ 6 milliards d’euro de biens et 3 milliards d’euros de services, toutes ses exportations sont des produits à haute valeur ajoutée qui contribueront à favoriser la compétitivité des entreprises françaises et la création d’emplois. En ce qui concerne les importations, la France a importé en 2016 pour environ 3 milliards d’euro de biens du Mercosur, la moitié de ces importations concerne des matières premières et plus particulièrement des produits dont dépendent non seulement le secteur industriel, mais aussi les éleveurs de soja (1/4 des importations françaises provenant du Mercosur) et dont l’accès serait facilité grâce à cet accord.

Selon les conclusions d’une étude d’impact externe réalisée en 2016 par la Commission Européenne, les secteurs agricoles français seraient affectés de manière différente par l’ouverture du marché européen aux importations agricoles du Mercosur. En effet, certains produits agricoles offensifs, tels que les céréales, en particulier le blé, ainsi que les boissons (y compris le vin et les spiritueux) bénéficieraient d’une libéralisation accrue du marché.

Malgré ces nombreuses opportunités que pourrait offrir un traité UE-Mercosur, il reste à savoir quelles sont les contraintes qui empêchent la conclusion de cet accord.

Des questions agricoles à résoudre

L’agriculture reste toujours la pierre d’achoppement essentielle qui entrave les discussions entre les deux blocs. Selon l’étude d’impact externe de 2016, les produits agricoles sensibles de l’UE tels que le bœuf, le riz, la volaille et le sucre seraient dans une moindre mesure soumis à des pressions.

En revanche, l’afflux massif des exportations agricoles mercosuliennes vers le marché européen va provoquer une extension des cultures sur les territoires sud-américains, cela entrainerait des effets négatifs tels que la pression foncière, l’accaparement des terres ainsi qu’une augmentation de la déforestation, principalement dans les zones amazoniennes. L’organisation Greenpeace a publié en 2017 des éléments dénonçant la perte de près de 37 000 km2 de forêt amazonienne au Brésil en 2016, soit un territoire un peu plus petit que la Suisse. Cela aurait également des conséquences sur les droits humains et la contestation et répression sociale.

Parallèlement, certaines organisations agricoles européennes telles que La FNSEA, les Jeunes agriculteurs, la Fédération nationale bovine  se sont opposés à cet accord. Elles dénoncent en particulier les conditions d’élevage en Amérique du Sud, l’utilisation de fourrages OGM, ainsi que l’impact sur la production agricole européenne et française.

Inquiétudes autour des quotas de bœuf et d’éthanol

Lors de négociations bilatérales qui ont eu lieu à Bruxelles début 2018,  l’UE a déclaré qu’elle était prêt à améliorer son offre de viande bovine originaire de Mercosur afin d’avoir en retour un meilleur accès au marché Mercosulien en ce qui concerne le secteur d’automobiles européens ainsi que la protection de certaines indications géographiques. Ce qui a été jugé par certains  comme des concessions au Mercosur concernant leurs exportations de bœuf dans l’UE dans l’espoir d’élargir les débouchés dans le marché Sud-Américain.  Les éleveurs français en particulier craignent la mise en place de cet accord de par la forte concurrence déloyale qu’entrainera, dans le marché local, l’importation massive des bœufs sud-américains qui sont beaucoup moins chers que les bœufs français. En outre, les agriculteurs français redoutent les problèmes de qualité et de sécurité sanitaire puisque les produits bovins sud-américains importés ne seront pas soumis à la règlementation et aux normes sanitaires du marché européen. Selon les organisations syndicales, l’élevage de bovins, porcs et volailles dans l’Amérique du sud est essentiellement nourri à base d’OGM, en particulier de soja transgéniques.

Quant à l’éthanol (principalement issu de la canne à sucre, pour les agro carburants), il bénéficiera également de réductions tarifaires, au détriment des producteurs de betteraves sucrières en Europe. D’ailleurs, le Mercosur dénonce le faible volume de l’éthanol admis par l’Europe, qui  représente une offre 40 % moins intéressante par rapport à l’offre formulée par la Commission européenne lors de la première négociation en 2004. La plus grande partie de cet éthanol serait en effet dirigée vers l’industrie européenne, qui se plaint d’en manquer.

L’accès aux services maritimes de Mercosur

Durant la dernière ronde de négociations, l’UE a sollicité une demande d’éliminer les limitations imposées aux bateaux de marchandises européens naviguant en Amérique de sud, ce qui était inacceptable pour les pays de Mercosur, notamment le Brésil et l’Argentine, qui ont signé au temps du régime péroniste en Argentine, un accord créant une discrimination envers les bateaux européens qui les oblige à naviguer à vide.

La question de la propriété intellectuelle

Autre épine dans les négociations entre les deux parties, celle de la propriété intellectuelle et les droits d’auteurs. En effet cette affaire est très importante pour l’Europe afin de protéger brevets et secrets commerciaux des entreprises européennes. Par exemple, la Fédération Agraire Argentine (FAA) s’est opposée à l’accord de par l’imposition de la norme UPOV91 concernant les semences. Cette norme européenne, qui a été révisée en 1978 et puis modifiée en 1991, mènera à une série de limitations à l’usage des semences notamment pour les producteurs argentins, qui ne seront plus capables à conserver leurs semences pour les réutiliser les saisons suivantes ou pour développer de nouvelles variétés. D’autre part, l’association américaine Creative Commons reproche à l’accord la mise en place de dispositions étendant la durée des droits d’auteur à 70 ans après la mort de l’auteur, pour les pays ayant des durées plus courtes.

Outre l’accès aux marchés des produits agricoles, des dispositions relatives aux mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS) et à la protection des indications géographiques (IGP) sont des questions essentielles pour l’UE. S’agissant des indications géographiques IGs, l’UE protègent déjà un liste de 357 produits indiqués IGP, près de 50 d’entre eux seront difficile à reconnaitre par le Mercosur, notamment les produits laitiers tels que la feta, le camembert de Normandie, le pruneau d’Agen, le jambon de Parme etc.

En conclusion, la volonté politique et les intérêts réciproques restent les premières conditions et les facteurs clés pour assurer le succès des relations commerciales. Un éventuel traité devra découler d’un dialogue dense, constructif et franc qui doit se développer entre l’Union européen et le Mercosur et ses associés notamment sur les secteurs sensibles de chaque bloc. Il est également nécessaire de reconsidérer les asymétries existantes entre les deux blocs en tant que points forts plutôt que comme des faiblesses.

Par Nivine Albouz, promotion 2018-2019 du M2 IESCI

Bibliographie

1- Drogué, Sophie, and Maria Priscila Ramos. “L’accord UE-MERCOSUR: le blocage agricole.” Chroniques des Amériques 5.22 (2005). https://archipel.uqam.ca/10193/1/Chro_drogue_ramos_05_22.pdf

2- Mamadou, Lamine Sarr.  “L’accord commercial UE/Mercosur : entre activisme brésilien et réticence argentine.” Centre d’études interaméricaines , Institut québécois des hautes études internationales (2014) http://www.cms.fss.ulaval.ca/recherche/upload/cei/fichiers/cei_mls_uemercosur_mar2014.pdf

3- Boulanger, Pierre, et al. “Cumulative economic impact of future trade agreements on EU agriculture.” European Commission (2016).

http://publications.jrc.ec.europa.eu/repository/bitstream/JRC103602/lb-na-28206-en-n_full_report_final.pdf

4- Négociations pour un accord de libre-échange entre l’Union Européenne et le Mercosur, MEDEF – Commission  International- (2010)

http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/dmer/dv/dmer_medef_9_2010_/dmer_medef_9_2010_fr.pdf

5- UE Trade with Mercosur, statistics of the European commission (2007-2017)

http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2006/september/tradoc_113488.pdf

6- Report from the 35th round of negotiations of the Trade Part of the Association Agreement between the European Union and Mercosur Montevideo, 10 – 14 September 2018

http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2018/october/tradoc_157432.pdf

7- https://www.lepoint.fr/economie/un-accord-de-libre-echange-entre-l-ue-et-le-mercosur-enfin-en-vue-12-12-2017-2179001_28.php

8- http://www.assemblee-nationale.fr/europe/rap-info/i2269.pdf

9- https://www.focus-economics.com/blog/mercosur_eu_free_trade_agreement

10- https://www.lemonde.fr/economie/article/2018/09/14/commerce-le-projet-d-accord-entre-l-union-europeenne-et-le-mercosur-risque-de-nouveau-l-enlisement_5355031_3234.html

11- http://www.europarl.europa.eu/legislative-train/theme-a-balanced-and-progressive-trade-policy-to-harness-globalisation/file-eu-mercosur-fta

12- http://www.europarl.europa.eu/legislative-train/theme-a-balanced-and-progressive-trade-policy-to-harness-globalisation/file-eu-mercosur-fta

13- https://m.lesechos.fr/0301019297275.htm

14- https://franceoea.org/spip.php?article1305

15-https://www.greenpeace.fr/traite-ue-mercosur-menace-forets-climat/

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Analyse des stratégies d’influence autour du CETA https://master-iesc-angers.com/analyse-des-strategies-dinfluence-autour-du-ceta/ Thu, 24 Nov 2016 15:29:45 +0000 http://master-iesc-angers.com/?p=1449 L’accueil de Justin Trudeau, le Premier ministre du Canada, sur le sol européen était compromis jeudi 27 octobre 2016. Devant se déplacer pour venir signer l’AECG dit CETA [[1]], monsieur Trudeau fut dans l’obligation d’ajourner sa visite sur le vieux… Continuer la lecture

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L’accueil de Justin Trudeau, le Premier ministre du Canada, sur le sol européen était compromis jeudi 27 octobre 2016. Devant se déplacer pour venir signer l’AECG dit CETA [[1]], monsieur Trudeau fut dans l’obligation d’ajourner sa visite sur le vieux continent.

Alors qu’il est le représentant de 3 millions de personnes sur les 510 millions que compte l’Union Européenne, le Ministre-Président de Wallonie, Paul Magnette, jetait la stupeur dans l’univers bien huilé (et nébuleux) des relations commerciales internationales.

Le 20 octobre, il annonçait la décision de la Wallonie de ne pas accepter, en l’état, le traité prévu pour libéraliser les échanges entre le Canada et l’U.E..

Cet article a pour but de pouvoir mettre en pratique les outils de l’intelligence économique et mettre en lumière deux thématiques : l’influence pour concevoir et l’influence par la communication, hors réseaux sociaux.

L’utilisation du cycle de l’information, incluant la recherche du renseignement, son recoupement et l’analyse, est essentielle, y compris pour le citoyen qui, au-delà du contenu du traité, devrait en comprendre la genèse et l’esprit, pour se forger sa propre décision : adhérer à l’idée du traité, ou le rejeter.

Confirmer l’idéologie induite du traité

Influer pour que les Etats et l’opinion publique l’adoptent.

Ce traité sera abordé en allant explorer les informations relatives à ceux qui l’ont pensé, et qui l’ont fait. Cela permet de bénéficier d’un autre angle d’approche de cet accord de libre échange.

S’intéresser aux acteurs permet d’identifier leur motivation profonde ; s’intéresser à leur parcours et à leur passé autorise la prise de recul par rapport à leur communication, et à évaluer le degré de sincérité, de calcul et de manipulation dans leurs propos. Cela revient à être en mesure d’évaluer leur crédibilité.

Une certitude se dégage pourtant : le modèle libéral sera la pierre angulaire de l’accord AECG dit CETA. Sa rubrique « sociétale » permet de le rendre « socialement acceptable » et de le faire adopter sans trop de résistance par le grand public.

Démonstration.

  • Influence des acteurs sur l’idéologie contenue dans le traité.

L’Union Européenne négocie depuis près de 8 ans avec le Canada : des personnes ont promu cette décision, et d’autres ont été chargées de mener les discussions conduisant au traité.

  • Les présidents de la Commission européenne

Entre 2004 et 2016, deux présidents de la Commission européenne se sont succédés : José Manuel Barroso et Jean-Claude Juncker.

Monsieur Barroso a été président de la Commission européenne de 2004 à 2014. En septembre 2014, il rencontrait Stephen Harper, Premier ministre canadien à propos de l’AECG – CETA.

Dans un éditorial daté du 11 juillet 2016, le journal Le Monde [[2]] rappelle que M. Barroso a fait sienne les doctrines libérales qui perdurent encore : la mondialisation « heureuse », les marchés dérégulés mais normalement « autorégulateurs », et la réduction des dépenses publiques dans une austérité bienvenue.

Le libéral José Manuel Barroso rejoint Goldman Sachs en 2016 [[3]].

Cette banque américaine s’est illustrée [[4]] dès les années 2000, en aidant la Grèce à rester dans l’Euro par des subterfuges comptables, mélangeant ainsi intérêts privés et publics. En 2008, la crise des subprimes met un coup de frein sévère à l’économie mondiale. Goldman Sachs, banque influente de Wall Street, est alors désignée comme un des contributeurs majeurs aux conséquences dramatiques qui suivirent : des millions d’emplois détruits et l’envol des dettes publiques, de part et d’autre de l’Atlantique.

2008 est aussi l’année de l’initialisation par la Commission européenne, sous la présidence de M. Barroso, et par le Canada des négociations de l’AECG – CETA.

La succession est assurée par Jean-Claude Juncker, alors que le traité de libéralisation des échanges est en cours de finalisation entre l’U.E. et le Canada.

Premier ministre luxembourgeois avant sa prise de fonction à la présidence de la Commission européenne, monsieur Juncker est un acteur des accords d’évitement fiscal entre les multinationales et le duché du Luxembourg. Ces intrigues, qui succèdent aux précédentes liées à Clearstream [[5]], sont révélées par le scandale Luxleaks qui vaut à un lanceur d’alerte d’être poursuivi par le cabinet d’audit PwC [[6]].

  • Le Commissaire européen au commerce

La mission confiée au Commissaire européen chargé du commerce est de conclure le traité transatlantique d’une part (TAFTA – TTIP), et l’AECG – CETA d’autre part.

A la fin de 2014, Cecilia Malmström prend la succession de Karel de Gucht. Ce dernier est décrit comme ayant une doctrine libérale inflexible [[7]].

Plus habile en matière de négociation, madame Malmström semble prendre acte de la montée des critiques envers les grands traités de libre échange, notamment celles venant du Parlement européen.

L’analyse montre qu’afficher cette prise en compte de la contestation du Parlement est tactique pour une raison majeure : pas d’aval du Parlement européen, pas de traité.

En 2015, la Commissaire européenne au commerce se fait conseiller par un avocat, spécialisé dans les relations transatlantiques. Jan E. Frydman [[8]] a fait plusieurs allers-retours (revolving doors) entre les institutions européennes et des entreprises privées, dont certaines défendent des entreprises qui demandent réparation après des décisions d’un Etat allant à l’encontre de leurs intérêts économiques : un cas typique de ce que pourrait être le tribunal arbitral de l’AECG – CETA ou du TAFTA.

Lors de sa nomination auprès de Cecilia Malmström, il était toujours en poste dans un cabinet (Ekenberg & Andersson) : la Commission européenne présidée par monsieur Juncker n’a pas vu de conflit d’intérêt. Le mandat de cet avocat auprès de madame Malmström court jusqu’en 2016, année prévue pour la validation de l’AECG – CETA.

  • La ministre du commerce international du Canada

Christina Alexendra (Chrystia) Freeland supervise le travail des négociateurs canadiens et s’est impliquée dans les négociations.

Elle a été durant plusieurs années une journaliste pour des titres du monde de la finance et de l’économie : The Financial Time et The Economist. Elle grandit dans l’univers des juristes où ses parents exerçaient professionnellement. Madame Freeland est, comme l’était son père, membre du Parti Libéral du Canada. En Novembre 2015, le Premier ministre Justin Trudeau la choisit comme ministre du commerce international.

Alors que les opposants au traité AECG – CETA craignent que le Canada soit le « cheval de Troie » des USA, Christina Freeland apparait aussi dans l’organigramme du comité canadien traitant des relations entre les Etats-Unis et le Canada : elle en est la présidente [[9]].

L’ensemble de ces informations sont regroupées sur la figure suivante :

2016-11-24_1625

 

A ce stade, les preuves apportées permettent de démontrer que le traité a un contenu issu du modèle libéral.

Ces éléments montrent également la porosité des parois entre institutions publiques et monde des affaires, parois que franchissent les représentants européens avec le risque ne pas s’être totalement défait de l’emprise du secteur privé. Ainsi, le concept de « revolving door » est présent à deux reprises sur le schéma : JM Barroso et Jan E. Frydman.

Le schéma met également en évidence l’existence d’une possible passerelle entre l’AECG – CETA et les USA via Madame Freeland : l’imperméabilité entre ses deux axes de travail n’a pas pu être établi.

  • La société civile, les ONG : contre-influence et rapport de force asymétrique

Alors que les négociations sont conduites dans une grande opacité, une fuite permet, en Août 2014 [[10]], d’accéder à une partie du contenu du document et des accords envisagés par les deux protagonistes.

2016-11-24_1626

 

Plus de 500 organisations [[11]] déjà engagées dans la lutte contre le TAFTA (TTIP) sont également impliquées pour faire ralentir la mise en œuvre de l’AECG – CETA et aboutir à son abandon.

Sont mentionnées les organisations usuelles et chevronnées pour ce genre de contre-influence, comme ‘Les amis de la Terre’, ‘Attac’, ‘Confédération paysanne’, ‘Foodwatch’, ‘France nature environnement’, ‘Greenpeace’, etc….

La société civile s’engage également par le biais de travaux d’universitaires. C’est le cas, même outre-Atlantique, avec Pierre Kohler et Servaas Storm de l’université de Tufts (USA) [[12]] qui donnent un autre point de vue du traité AECG – CETA.

Les récents événements montrent que malgré un soutien rapide et massif à Paul Magnette, des manifestations en différents points de l’Europe en opposition à l’AECG – CETA, Justin Trudeau s’est rendu en Europe pour signer le traité le 30 octobre 2016 [[13]].

  • L’influence par la communication

Trois grandes catégories de contenu sont émises par les promoteurs du traité.

  • Susciter la peur des conséquences d’un événement

Que se passerait-il si un Etat ou le Parlement européen avait l’audace de conduire le traité vers l’échec ?

Jean-Claude Juncker écrit à Paul Magnette, à propos du traité AECG – CETA, et précise qu’il serait bien que la Wallonie revoit sa position : « Car l’enjeu est de taille. Les accords commerciaux de l’Union Européenne ont été et seront une source précieuse de création de richesse et d’emploi en Europe dont l’Europe ne saurait se passer. » [[14]].

Cecilia Malmström Commissaire européen chargée du commerce, déclare le 18 octobre 2016 [[15]] : « Si nous ne pouvons pas signer un très bon accord avec un pays comme le Canada (…), bien sûr le reste du monde se demandera si l’Europe est un partenaire fiable ».

Ces propos sont repris de façon mimétique par les représentants européens [[16]]: Jean-Claude Juncker,  Donald Tusk annonçant que le « Ceta could be our last free trade agreement »

  • Rassurer, en rendant le traité sociologiquement acceptable.

2016-11-24_1628

Sur la page consacrée à l’AECG – CETA, la Commission européenne prend soin de mentionner les avantages majeurs qu’il serait possible d’en tirer [[17]] :

  • « il (le traité) offrira aux entreprises de l’UE des débouchés commerciaux plus nombreux et de meilleure qualité au Canada et soutiendra la création d’emplois en Europe ».
  • S’ajoutant à la suppression des droits de douane, cela permettra l’ouverture du « marché des services, et offrira aux investisseurs un environnement prévisible ».
  • Quelques lignes plus loin, « Toutes les garanties nécessaires ont été prises pour que l’accord ne génère pas de bénéfices économiques au détriment de la démocratie, de l’environnement ou de la santé et de la sécurité des consommateurs. »

Une partie des développements sont au conditionnel (« pourrait » « devrait ») et ces éléments dans la page Internet conservent cet ordre : ce qui touche au bien commun de tous les européens n’arrive… qu’en dernière place, après la suppression des droits de douane, libéraliser le commerce des services, encourager l’investissement.

Le courrier (déjà cité) de JC Juncker à Paul Magnette contient la même méthode de communication rassurante.

  • S’aventurer sur le terrain des émotions et des démonstrations de force.

Cette forme a été utilisée par Christina Freeland (ministre du commerce du Canada). Ainsi, faisant part de sa déception, elle ajoute « Mais il semble évident que l’UE n’est pas capable maintenant d’avoir un accord international, même avec un pays qui a des valeurs si européennes que le Canada, même avec un pays si gentil, si patient.”

Le site Internet de Global News (Canada) mentionnait les propos de madame Freeland, alors que ses discussions avec les Wallons n’avaient pas abouti : « the European Union is incapable of reaching an agreement ». Dans le même article, le parti conservateur canadien lui demandait de « relever ces manches et de ne pas partir de Belgique ». (V.O. :« roll up your sleeves and don’t leave (ndr : la Belgique) »).

Sur le plan émotionnelle, elle paraissait très affectée dans un reportage diffusé lors d’un journal télévisé outre atlantique [[18]].

En conclusion, la recherche du renseignement et son traitement, permet de constituer des bases d’analyse.

Dans cet exemple, la concordance de courants de pensée identiques au sein des concepteurs de l’AECG – CETA donne la tonalité du contenu du traité, sans même avoir la nécessité immédiate d’aller en lire le détail.

La collecte d’informations et leur rapprochement autorisent la mise en évidence de pratiques régulières, comme l’aller-retour fréquent entre institution européenne et secteur privé, nommé « revolving door », avec les risques de conflits d’intérêt qui y sont attachés.

Enfin, mettre en œuvre l’Intelligence Economique inclut la connaissance des modes de communication utilisés par un acteur, quel qu’il soit.

Dans le cadre de la prise de décision, cette étude doit permettre une plus grande insensibilité aux messages émis par leurs auteurs, pour éviter la manipulation en s’attachant aux faits et aux éléments les plus objectifs possibles.

Dans cette approche du traité AECG – CETA, les facteurs émotionnels (compassion, affect, peur) tout comme les argumentations non valorisées ou conditionnelles devraient ainsi être évités.

Par Arno Delanchy, promotion 2016-2017 du M2 IESC

[1] CETA : Comprehensive Economic and Trade Agreement. Il est appelé AECG Accord Economique et Commercial Global en Europe et sur le site de la commission européenne dans la thématique  « Trade / commerce »

[2] Editorial journal_Le_Monde_11-juillet-2016

[3] Article de TV5-Monde_09-07-2016

[4] Article du  journal_Le_Monde_11-juillet-2016

[5] Voir le film « L’Enquête » 2014 sur la base du travail d’enquête du journaliste Denis Robert, et ses publications

[6] Interview de Denis_Robert

et article journal Le Monde 6 février 2015 pwc-promotion-de-l-evasion-fiscale

[7] Article journal Le Monde 2 mars 2016 europe-et-le-canada–faire-taire-les-critiques

[8] Article journal Le Monde 06 avril 2015 avocat-controverse-pour-conseiller-bruxelles

[9] Parlement du Canada : fiche biographique de Chistina Freeland

[10] Le contenu de 500 pages est révélé par une télévision allemande site_chaine_tv_tagesschau.de

[11] Liste des organisations, partie adversaire des partisans du CETA / TAFTA accès_au_fichier_pdf

[12] Site de l’université de Tufts et de l’institut GDAE : publication sur la simulation de la mise en œuvre du CETA

[13] Le traité de libre échange AECG – CETA signé – Article du journal Le Monde – 30-10-2016

[14] Courrier de JC Juncker, Président de la Commission européenne à Paul Magnette, daté du 20 octobre 2016.

[15] Vidéo présente sur le site de la dépêche site de la dépêche

[16] Journal télévisé CBC news le 21 octobre 2016 à partir de la 2ème minute.

[17] Page consacrée au traité AECG – CETA sur le site de la commission européenne _ dernière modification enregistrée le 11 oct 2016.

[18] Journal télévisé CBC news le 21 octobre 2016 à partir de la 3ème minute.

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