Il semble illusoire de penser que les difficultés que rencontrent les hôpitaux ne proviennent que d’eux-mêmes et nullement du contexte économique et politique dans lequel ils s’inscrivent. Ainsi, Un établissement de la santé publique doit-il suivre la même efficience qu’une entreprise privée à la recherche de profit / rentabilité ?
1. L’hôpital : Etat des lieux de l’efficience d’hier à aujourd’hui.
La médecine a connu de multiples mutations. C’est un secteur très réglementé, au vu de son importance pour la société. Il est alors intéressant de faire un état de l’art du système de rémunération des agents et des “moyens de paiement” des patients afin d’être plus à même de comprendre comment et sur quels fondements repose un tel système afin de pouvoir en saisir tous les enjeux et les limites qui en découlent.
A- L’évolution du système de santé français
Jusqu’en 1940, la pratique médicale restera un exercice individuel. Le médecin travaille où il veut, choisit ses propres horaires et est complètement maître du type d’exercice qu’il réalise. Dans les hôpitaux, la rémunération du chirurgien y est symbolique. Il y exerce peu. Nous commençons à assister à l’apparition d’assurances, encouragées par le législateur. Les lois du 5 avril 1928 et du 30 avril 1930 vont permettre aux assurés de bénéficier d’une assurance maladie, maternité, invalidité et vieillesse. On parle même de la rendre obligatoire et d’en donner à l’Etat le monopole… Afin de protéger le caractère libéral de leur profession, les médecins défendirent l’entente directe du paiement des honoraires par le malade.
Il a fallu attendre la seconde guerre mondiale pour prendre conscience de l’importance d’une solidarité nationale. En effet, pendant la guerre, le conseil national de la résistance intègre à son programme un “plan de sécurité sociale” (qui sera mis en œuvre plus tard par les ordonnances des 4 et 19 octobre 1945).
Puis tout s’accélère avec la constitution de la IVème république : obligation constitutionnelle d’assistance financière de la collectivité envers les personnes étant exposées au plus de risques (travailleurs âgés, femmes et enfants), la réforme Debré de 1958 modifiant les pratiques médicales dans leur ensemble en attirant les médecins dans les hôpitaux, proposant un exercice de l’activité à temps plein. Dans les années 70, les hôpitaux universitaires se développent et s’équipent… On assiste à une salarisation de l’activité. Pour les hospitaliers, le choix était possible entre un exercice purement salarié, ou un mix public salarié et privé, sous réserve d’un quota de 20% d’activité libérale dans l’établissement. L’emploi dans le milieu médical se trouve alors subir une mutation par le déversement du privé vers le public.
Il faut néanmoins rester concurrentiel et stimuler le personnel. Pour ce faire, une convention de 1980 vient créer un “secteur 2”. Ce dernier va permettre à certains hospitaliers de dépasser le tarif conventionnel, mais en revanche leurs cotisations sociales ne sont plus prises en charge par les caisses. Ceci aura pour effet de maintenir un très bon niveau de prestation ainsi qu’un accès aux soins rapide. Toutefois, la non réévaluation du tarif des actes depuis 15 ans ainsi que la mise en place en 2005 d’une Classification Commune des Actes Médicaux (CCAM) (rémunérant mal les actes chirurgicaux) ainsi que le passage à la tarification à l’acte des actes médicaux (T2A) ont conditionné la crise actuelle.
Chacun s’accorde à dire que les raisons de la crise que traverse ce secteur depuis quelques années déjà serait :
– Une désaffection des étudiants en médecine pour cette spécialité
– Un haut niveau de responsabilité, d’exigence et de pénibilité, insuffisamment pris en compte au cours des 15 dernières années
– Une judiciarisation croissante qui s’est traduite par une progression soutenue des primes d’assurance.
– Un glissement dans la chirurgie programmée, allant du secteur public vers le privé
Pour essayer de remédier aux problèmes, l’Etat va mettre en place le “volet hospitalier du plan de chirurgie”. Seulement voilà, trois ans plus tard, la crise chirurgicale s’amplifie…
B- Du toyotisme dans les hôpitaux : la tarification à l’acte (T2A) ou la logique managériale de l’entreprise privé avec le new public management
Il est intéressant de se pencher sur cette T2A (mise en place en 2004 pour le secteur public comme le privé). Avant 2004, les établissements publics recevaient donc une “enveloppe de fonctionnement” (et ce depuis 1983). Aujourd’hui, cette enveloppe est versée en fonction de “la mesure de l’activité produite”. Le problème devient alors semblable à celui qu’induit le toyotisme : le salarié (ou employé de la fonction publique en l’occurrence) va être de plus en plus stressé dans son travail, il va devoir atteindre toujours plus d’objectifs, être plus polyvalent, ce qui se traduit par des burn-out, ainsi qu’un désintérêt pour l’activité devenant trop stressante. En effet, le toyotisme poussé à son paroxysme va entraîner des problèmes, on voit apparaître aujourd’hui des “happy managers”, afin d’essayer d’égayer les travailleurs, ou encore un taux de suicide lié au travail en augmentation dans les cas les plus extrêmes…
L’idée d’une tarification à l’acte est semblable, mais les effets produits sont quelques peu différents. Dans un domaine du secteur public, le fait de passer d’une enveloppe de fonctionnement à une rémunération en fonction de l’acte effectué va venir modifier et pervertir le système. Un établissement public, ne recherchant pas le profit financier, va se retrouver dans un système où il va être amené à effectuer plus d’opérations, des opérations plus lourdes, et pousser le patient à revenir afin d’obtenir une enveloppe plus grosse. L’employé également va être poussé à effectuer plus d’actes, à être polyvalent (on y retrouve encore une fois des notions induites dans le toyotisme) à s’occuper de plus de patients, ce qui se traduit par une perte du lien social entre le patient et l’ensemble du personnel hospitalier. Comme le dénonce l’enquête de Cash Investigation sur les hôpitaux, cette T2A pousse ce personnel à faire des interventions plus lourdes que la normale suite à des pressions hiérarchiques, et à “fidéliser” le “patient”, qui devient petit à petit plutôt un “client” en réalité. J’ai même pu assister moi-même à une sorte de perversion via ce système : une personne de mon entourage est allée voir le médecin et, sur la fiche de remboursement, l’acte était qualifié comme “urgent”, la tarification s’en trouvant alors accrue alors qu’elle ne devait pas être classée de la sorte.
Ce passage à l’acte (à la tarification à l’acte) vient alors bouleverser le fonctionnement des hôpitaux. On parle partout de new public management (NPM), où les services publics doivent être plus efficients, et cette T2A s’inscrit directement dans cette dynamique de NPM, au même titre que ce dernier avec le Lean management (que nous aborderons en 2ème partie). Comme disait Jean de Kervasdoué en 2004, promoteur de la gestion hospitalière et défenseur du programme de médicalisation, “on oppose, à tort, la qualité à toute évaluation quantitative. Certes, tout ne se mesure pas simplement, mais les entreprises du secteur industriel ont mis au point des mesures quantitatives de la satisfaction de leurs clients, des taux de défaut dans la fabrication des composants, des taux d’erreur dans les factures etc. La qualité se mesure aussi. C’est “l’objectif zéro-défaut” des cercles de qualité” mis en avant par le toyotisme… En mettant en avant ce new public management avec toujours plus de transparence, des pilotages stratégiques, une gestion financière et comptable efficiente dans les hôpitaux, nous allons tout droit vers une concurrence ouverte entre les établissements publics. Dans l’idée, et au même titre que le toyotisme, ceci ne semble être que bénéfique. Mais voilà, cette nouvelle gouvernance, calquée sur un management d’entreprise, avec des pratiques de benchmarking allant jusqu’à optimiser le temps du patient et des équipes soignantes connaît bien sûr, au même titre que les entreprise et le toyotisme utilisé de manière trop directrice et poussé à son paroxysme, des effets pervers.
En effet, le directeur ou “gestionnaire” de l’hôpital, que l’on peut définitivement appeler ainsi, n’entend pas le terme “qualité des soins” de la même manière que son personnel qui lui est au contact du patient et non pas des chiffres (Molinière, 2009). Ce problème est semble-t-il persistant aux vues des réponses obtenues lors d’un questionnaire administré à une employée du CHCB de Kerio : alors que la recherche de la qualité est ciblée par le gestionnaire, le soignant nous dit “des soins fait bcp plus rapidement et donc moins bien fait, même si les sites comme https://www.scopesante.fr disent le contraire, beaucoup de gens se plaignent car les médecins ne sont que de passage, il n’y a pas de relation de confiance et donc tout le monde s’en va en clinique car nous n’avons pas su rétablir la confiance”. Ces propos ne sont semble-t-il pas dénués de sens si l’on se réfère aux multiples revendications de ce secteur lors des nombreuses manifestations que nous connaissons actuellement (la dernière en date pas plus tard que ce 14 novembre 2019). On pouvait lire dans la presse des propos d’employés recueillis tels que “la prise en charge des patients ne se fait désormais plus correctement et le manque de moyens a considérablement dégradé les conditions de travail” ou encore “ je n’ai rien pour assurer les soins aujourd’hui ; il manque du monde, des moyens partout, plus personne n’arrive à travailler correctement”.
Il semblerait en effet que cette efficience tant recherchée, en passant d’une logique d’établissement public à un système managérial privé, ne se fasse pas sans problèmes, loin de là…
2. Quels sont les enjeux de cette efficience et quelles sont les limites pour un hôpital
Et si l’hôpital n’était pas une entreprise ? Aujourd’hui ilest malade de son financement, on parle de rentabilité, de déficit, de coupe budgétaire etc… Les établissements se sont emparés du langage du privé qui est un langage, voire même une logique entrepreneuriale et comptable.
A. Les enjeux de l’efficience en milieu hospitalier
Afin de répondre aux différentes manifestations qui touchent la France sur la crise du système hospitalier, le Ministère de la Santé, en septembre 2019, annonce que l’efficience des établissements de santé doit reposer sur la performance de son pilotage, son organisation et de ses processus, qu’il s’agisse des processus de soins, médico techniques ou des fonctions support.
De plus, 2 mois après cette annonce et suite aux manifestations grandissantes dans le pays, le Premier Ministre Edouard Philippe a annoncé Mercredi 20 novembre un ‘’ Plan d’Urgence ‘’ reconnaissant que « l’on a trop fait peser la contrainte financière sur l’hôpital public. Elle a incité à de profondes transformations mais a trop lourdement mis à contribution les personnels » et évoquant « une régulation budgétaire parfois excessive ». (Source : Le Monde)
Un Plan d’urgence visant à reprendre sur trois ans, à partir de 2020, 10 milliards d’euros de la dette hospitalière, soit un tiers du total et une hausse de 1.5 milliard d’euros du budget de l’assurance-maladie sur les trois prochaines années dès 2020.
Pour bien comprendre d’où vient cet énorme déficit des hôpitaux et donc comprendre également pourquoi il a fallu les rendre plus efficient, il faut bien resituer le contexte dans lesquels ils s’inscrivent depuis les années 2000.
Depuis les années 2000, les hôpitaux ont vu leur dette tripler en une dizaine d’années. Avec l’intégration des 35 heures et une succession de “plans Hôpitaux”, des coûts supplémentaires se sont fait ressentir dans une organisation qui a été prise de court. De plus, les conséquences de la crise financière ont touché plusieurs dizaines d’établissements victimes des fameux emprunts toxiques. C’est dans ce contexte qu’il a fallu réduire les dépenses. En fermant de petits hôpitaux en région, en restructurant des services, en diminuant le nombre de lits : quelques 6 600 en trois ans, en mutualisant des opérations par rapprochement entre établissements. Mais tout cela sans réforme structurelle, au coup par coup.
On assiste également à des cadences de travail qui ont dû être augmentées pour réaliser des économies et qui posent toute une batterie de questions car les effectifs ont progressé dans les hôpitaux publics jusqu’en 2014. On peut prendre à titre d’exemple les infirmiers(ères) qui voit leur part augmenter de 2006 jusqu’à 2030.
« Ajoute à cela une tarification à l’activité qui a conduit à accélérer la course aux actes, parfois inutiles : 30 % » d’après la ministre de la santé, se traduisant à travers de fortes disparités par région pour certaines opérations (Source : France Culture).
Enfin, cette dette des hôpitaux de 30 milliards d’euros qui est due, selon Frédéric Valletoux, Président de la Fédération hospitalière de France, a : ‘’depuis 2005, les établissements de santé publics, comme privés, se sont vu imposer près de neuf milliards d’euros d’économies. Si cela permet à la sécurité sociale de sortir du rouge, avec le vieillissement de la population et les maladies qui se compliquent, cela devient ingérable pour les hôpitaux” (Source : FranceInfo).
Pour conclure, il faut bien comprendre que depuis 2009 et la création des ARS (Agences Régionales de Santé) comme pilotes du système de santé (avec une triple mission d’organisation territoriale, de réduction des coûts et de contrôle de la qualité ainsi que de la sécurité des soins), le positionnement de ceux-ci concourt à faire de la performance hospitalière un outil décisionnel majeur. Le secteur hospitalier public doit répondre à une performance globale qui est, par nature, multidimensionnelle. A côté de l’efficacité clinique, l’hôpital doit remplir des objectifs d’efficience (utilisation optimale des ressources, productivité, adéquation des services), d’équité, de sécurité, de satisfaction du patient, de disponibilité et d’accessibilité, etc…
B. Les limites de l’efficience hospitalière
Un certain nombre d’indicateurs visant à mesurer la performance ont été développés et les sciences de gestion sont largement intégrées dans la construction des outils d’évaluation.
Néanmoins, aucun modèle intégrant les différentes dimensions de la performance hospitalière, n’est aujourd’hui généralisé à l’ensemble du secteur hospitalier français. Ainsi, à côté d’éléments purement financiers comme la maîtrise des dépenses, d’autres éléments sont tournés vers l’efficacité clinique qui inclut la qualité technique des soins et des résultats, en termes d’amélioration de l’état de santé des individus et de la population.
Différentes notions employées en marketing, en finance, en ressources humaines, en stratégie, sont donc intégrées dans la gestion des hôpitaux publics et c’est ce dont nous allons parler dans cette dernière partie via 3 exemples concrets.
Les 35 heures, une première limite mal anticipée dans les hôpitaux
Dans un entretien accordé au journal Le Figaro, Frédéric Valletoux, président de la FHF, juge en effet que les 35 heures instaurées en 2002 sont pour partie responsables des dysfonctionnements que connaît encore aujourd’hui l’hôpital public. « La question du temps de travail ne peut plus être taboue. Le nombre de jours travaillés ayant diminué et l’ensemble des postes n’étant pas pourvu, les agents peuvent être rappelés pendant leurs congés, changent de planning régulièrement… In fine, la mise en place de la réduction du temps de travail ne s’est pas traduite par une baisse significative de la pénibilité, et encore moins de l’absentéisme » (Source : Le Figaro).
Martin Hirsch, Actuel directeur général de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris tente d’y apporter une explication lors d’une interview en juin 2015 au Journal du Dimanche : « L’hôpital est passé aux 35 heures en 2002 sans changer son organisation. On a gardé les mêmes horaires en se disant qu’on verrait bien… Cela a tenu dix ans, cela ne tient plus du tout. Du coup, on traite les problèmes avec quinze ans de retard et de rancœurs accumulées ».
En 2005, Lionel Jospin alors Premier Ministre avait déjà reconnu : « Nous avons commis une erreur sur un point : nous n’aurions pas dû faire les 35 heures à l’hôpital tant que le personnel nécessaire n’était pas recruté et formé. »
L’application des 35 heures a donc bel et bien bousculé le travail des médecins et leurs équipes en les désorganisant et par conséquent en détériorant la qualité des soins in fine. Le problème de ces 35 heures a été de forcer le rythme et imposer la reforme sans impliquer les gens comme l’expliquait Bernard Kouchner alors Ministre de la sante en 2002 dans son livre ‘’ Le Premier qui dit la vérité … ‘’ (Robert Laffont, 2002).
En voulant rendre l’hôpital efficient via la mise en pratique des 35 heures, l’accompagnement de l’action n’a pas suivi, ce qui a désorganisé de nombreux services et a fait exploser les comptes d’heures supplémentaires, jamais payées ni rattrapées. Cependant, Jean Viard, directeur de recherches CNRS au Cevipov en 2015, centre de recherches politiques de Sciences Po et spécialiste des 35 heures pense que malgré tout : « Les 35 heures ont permis aux cadres d’avoir un pouvoir plus important sur leur emploi du temps. C’est essentiel dans une vie devenue très souple et discontinue. Ils travaillent sans doute plus qu’avant, mais quand ils veulent partir cinq jours, ils peuvent. Les ouvriers en revanche, travaillent 7 h 30 par jour : eux ne gagnent rien, il faudrait qu’ils aient eux aussi pouvoir sur leur emploi du temps » (Source : La Dépêche).
Une Direction qui évolue au fil du temps vers des gestionnaires
Promulguée le 21 juillet 2009, la Loi HPST (hôpital, patients, santé, territoires) portée sur la réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires. On observe « l’apparition d’hôpital-entreprise avec une direction aux pouvoirs qui sont des managers sortis de grandes écoles » comme le dénonçait Roland Gori, psychanalyste et professeur émérite de psychologie et de psychopathologie clinique à l’université d’Aix-Marseille en décembre 2017 lors d’un débat sur les Burn-out en hôpital.
Pour accéder au directoire d’un hôpital, l’on peut passer par la voie du concours qui reste la voie principale jusqu’en 2011, soit par via une liste d’aptitude examinée par un jury ou bien comme le graphique nous le montre par ce que l’on appelle « Le Détachement ». Selon le CNG, ce détachement consiste à : « Peuvent seuls être détachés dans le corps des directeurs d’hôpital, après avis de la commission administrative paritaire nationale compétente, les fonctionnaires et les militaires répondant aux conditions prévues par les articles 13 bis et 13 ter de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires. Le détachement intervient à un grade comparable et à l’échelon comportant un indice égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui détenu dans le corps d’origine ».
Il s’agit donc du corps de direction des administrations comme des administrateurs des finances publiques, du corps des magistrats financiers, du grand corps techniques de l’Etat avec des ingénieurs, ou bien du corps d’inspection générale.
Comme on le voit sur le graphique ci-dessus, depuis 2008, la part des Détachements n’a pas cessé de croitre atteignant même un pic de 63% en 2014 et 42% en 2018, ce qui ne laisse que très peu d’espace, environ 10% pour la liste d’aptitude.
Le détachement ne pouvant être que de 5 ans maximum, il est difficile pour un nouveau directoire de mettre en place des actions de long terme et donc favorise a priori le court terme.
De plus, Le décret no 2014-1706 du 30 décembre 2014 a modifié le décret no 2005-921 du 2 août 2005 portant sur le statut particulier des personnels de direction. Il a notamment mis en place un troisième concours, comme pour l’ENA. De ce fait, la répartition des places offertes est modifiée.
À compter de 2015, elle est désormais la suivante ; le nombre de postes offerts au concours externe (ouvert aux titulaires d’un diplômes de niveau II) est au plus égal à 60 % du nombre total des postes offerts aux trois concours, 5 à 10 % des places offertes sont proposées au troisième concours (ouvert aux personnes ayant au moins huit années d’activité dans le secteur privé ou bénévole, aux élus et aux représentants syndicaux), le différentiel étant offert au concours interne (réservé aux fonctionnaires et agents publics).
Le Lean Management, nouvelle vision de l’efficience
Dans son film « Burning-out », Jérôme le Maire, le réalisateur qui a suivi les membres de l’unité chirurgicale dans l’un des plus grands hôpitaux de Paris citait : « Alors que nous sommes dans un monde ou nous tentons d’humaniser les robots, les hommes se font déshumaniser jusqu’à devenir des robots ».
Le Lean Management provenant tout droit du toyotisme a essayé d’être adapter aux hôpitaux pour avoir des gains de productivité toujours plus élevé mais qui finalement présentent plus de limites que d’avantages.
En effet, derrière cette nouvelle organisation du travail on a notamment pour but d’éliminer le gaspillage et donc éliminer toutes les tâches qui ne rapportent pas d’argent. Cependant cette méthode n’est pas adaptée aux hôpitaux, car l’on baisse les « temps morts » et donc dans les soins, cela est représenté par le relationnel qui ne peut être quantifié et facturé.
De plus, un hôpital est financé par la sécurité sociale en fonction des soins médicaux qu’ils prodiguent, on l’a vue dans la première partie, c’est la T2A. Chaque maladie ou pathologie a un prix fixe par l’Etat dans le journal officiel du ministère des affaires sociales et de la santé. Derrière, si l’on analyse l’intérêt d’un hôpital, c’est tout simplement d’aller le plus vite possible étant donné que même si un patient reste 1 ou 20 jours le tarif restera le même. Cela démontre bien que la valeur n’est rien d’autre que ce qui est produit par des évaluations quantitatives ou par des conformités procédurales.
Ainsi, en Avril 2017, à l’initiative de l’ANFH (l’Association Nationale pour la Formation permanente du personnel Hospitalier), une étude a montré que 33 % des personnels hospitaliers ressentent un niveau élevé de stress au travail, étude menée auprès de 45 établissements publics de santé de Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) et de l’ex-Languedoc-Roussillon employant 80 000 agents. Les personnes interrogées voient quatre raisons principales à ces tensions : elles ont l’impression d’avoir une charge de travail plus importante et des conditions de travail dégradées. Elles soulignent que leurs valeurs personnelles sont en contradiction avec ce qui leur est demandé au travail et expriment un sentiment d’insécurité face à l’avenir.
Dans le journal Les Echos en avril 2013, Bertrand Jacquier ingénieur et psychologue au travail qui a accompagné le déploiement de projets « Lean » dans l’industrie dénonçait déjà les dérives de ce système qui est mal adapté au secteur hospitalier : De même, « Une infirmière ne met pas plus d’une minute pour faire une piqûre. Mais les dix minutes qu’elle passe dans la chambre d’un malade ne sont pas perdues : ce n’est pas un temps de “cure” (soigner) mais un temps de “care” (prendre soin) ». Enfin, le Lean management altère les relations au sein du collectif de travail : « La mise en flux tendu rend tous les opérateurs dépendants les uns des autres. Si l’un prend du retard sur la tâche qui lui est affectée, il pénalise les autres » (Source : Les Echos).
Pour conclure, nous pouvons analyser la limite qu’induit le Lean Management via la multiplication des manifestations, des grèves et des projets de Loi en France depuis 10 ans. Dans un communiqué de France Info, le 11 juin 2019 lors d’une demande de journée de mobilisation et de grève nationale, les syndicats mettaient en avant la « pénibilité des métiers », « la fatigue et l’épuisement des agents ne pouvant être en capacite d’effectuer leur travail avec le degré de concentration qu’exige la prise en charge d’êtres humains ‘’réclamant ainsi ‘’ l’augmentation des effectifs face a une surcharge qui est devenue la norme avec le Lean Management ‘’ et ‘’ l’arrêt de la fermeture de services et de lits ainsi que d’établissements » dénoncé par Christophe Prudhomme, porte-parole de l’Association des médecins urgentistes de France (Amuf), dans le journal Le Parisien avec la fermeture de 100 000 lits en deux décennies (Source : FranceInfo).
Par Marvin Emery et Sylman Teulieres, promotion 2019-2020 du M2 IESCI
Bibliographie
Articles de presse :
https://www.youtube.com/watch?v=x8Glg0RdM1w
https://www.ladepeche.fr/article/2010/01/19/758104-que-reste-t-il-des-35-heures.html
Ouvrages :
Le management de pôles à l’hôpital ; Nobre, Thierry (auteur) ; Lambert, Patrick (auteur) ; Paris : Dunod, 2016
L’hôpital sous pression, Enquête sur le « nouveau management public » ; Belorgey, Nicolas (auteur) ; Paris : La Découverte, 2011
Gestion financière et pilotage médico-économique des pôles hospitaliers ; Grolier, Jacques (1950-….) (auteur) ; Rennes : Presses de l’École des hautes études en santé publique, 2013, cop. 2013
En finir avec le New Public Management ; IGPDE sous la direction de Nicolas Matyjasik ; Marcel Guenoun ; Mayenne, Ministère de l’Economie et des finances, 2019
Articles de recherche :
L’hôpital malade de l’« efficience » ; Docteurs Blouses ; Dans Revue du MAUSS 2013/1 (n° 41), pages 53 à 75
L’hôpital public ; ses contradictions, ses mutations ; Pierre Panel ; Dans Études 2007/10 (Tome 407), pages 319 à 330
L’hôpital et la logique managériale : quelle place pour le sujet ? – https://www.cairn.info/revue-le-journal-des-psychologues-2007-9-page-29.htm#
L’innovation managériale à l’hôpital – https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2013-6-page-113.htm
La performance hospitalière : à la recherche d’un modèle multidimensionnel cohérent https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2009-5-page-116.htm
Quels modes de rémunération pour les chirurgiens ? – Rapport à la demande de Monsieur Xavier Bertrand Ministre de la Santé et des Solidarités – Guy Vallancien, François Aubart et Philippe Cuq
Vidéos :
Burn out aux urgences – Documentaire ARTE
Santé : la loi du marché – Cash Investigation
Comment fonctionne un hôpital – Des maux et des mots – Interview de Georges Nizard, psychologue économiste
Retour sur 10 ans de T2A (Tarification à l’activité) en France – conférence à l’Université de Genève animé par Brigitte Dormont, professeur à l’Université Paris Dauphine