Belt and Road Initiative : Focus sur le cas Decathlon

2013 ou la renaissance de la route de la soie

La mythique route de la soie n’est pas un nouveau concept. Son histoire remonte dès le début de notre ère. Dès -138 av. JC les Chinois commençaient à voyager hors de leurs frontières pour créer un réseau d’itinéraires de 7 000 km reliant la Chine à Antioche et à l’ensemble du monde méditerranéen. Ces routes permettaient de faire circuler non seulement la fameuse soie, mais aussi d’autres marchandises précieuses ainsi que des innovations, idées et savoir-faire. Cette infrastructure crée ainsi des réseaux économiques, commerciaux et diplomatiques.

Si cette route représentait l’une des artères terrestres les plus influentes de l’antiquité jusqu’au moyen âge, son déclin s’achève au XVè siècle avec l’affirmation de la puissance européenne maritime des empires portugais, hollandais et anglais.

Après plusieurs siècles de transparence sur la scène internationale, la Chine renait au début du XXIè siècle et propose la reconstruction de la route de la soie.

Le président chinois Xi Jinping lors de sa visite au Kazakhstan en septembre 2013 annonça un projet ambitieux : la renaissance de la route de la soie, un titanesque projet de construction d’infrastructures reliant l’Asie, l’Europe et l’Afrique à tous les continents.  Ce projet d’axes se fera non seulement par des autoroutes, mais aussi par voies maritimes, voies ferrées, et touchera aussi le secteur aérien, numérique, touristique, ponts, zones industrielles, infrastructures, zones portuaires, gazoducs, oléoducs, réseaux de fibres optiques, énergies propres production électricité…

Cette renaissance de la route de la soie est rebaptisée « One Belt, one Road Initiative ».

A date, elle représente 62 % de la population mondiale et 31 % du PIB mondial.

100 pays sont associés et partenaires.

La France reste très hésitante

Jusqu’à présent, à l’exception de la Grèce et de l’Italie, l’Europe occidentale s’est tenue à distance de l’Initiative.

Cette situation pourrait changer à mesure que les succès de la BRI se font de plus en concrets. Les autres grands pays européens – le Royaume-Uni, les Pays-Bas, l’Allemagne et la France en tête – pourraient bien « monter à bord ».

Concernant le cas français, dès juin 2015, Laurent Fabius, alors ministre des Affaires étrangères et du développement international, lors de son discours à Rouen pour l’ouverture du forum Chine-Normandie le 12 juin 2015, avait déclaré : « Nous accueillons favorablement l’initiative des Nouvelles routes de la soie. »

Si l’arrivée d’Emmanuel Macron à la présidence de la République en mai 2017, n’a pas marqué de changement dans l’approche, la position de la France face à la BRI reste très prudente, voir critique.  Lors de son discours du 27 août, le Président français a explicitement qualifié le projet chinois de « vision de la mondialisation » à caractère « hégémonique ».

La France n’affiche pas de position clairement définie. Si certains comme l’ancien premier ministre Jean-Pierre Raffarin lors de son discours pour le COFACE du 24 janvier 2018 encouragent les alliances franco- chinoise, certains représentants français (Bruno Le Maire, Buon Tan ou encore Laëtitia Saint-Paul) restent très réservés face au projet chinois, et ceci, malgré la position commerciale de la France avec la Chine.

A date, la France reste le deuxième fournisseur européen de la Chine derrière l’Allemagne. C’est aussi le premier fournisseur de boissons en Chine (avec 1/3 de parts de marché). La moitié des importations de Pékin est constituée de produits manufacturés venant de l’Hexagone. De même, une part des exportations françaises liée à l’aéronautique compte pour un tiers des exportations vers la Chine.

La France exporte aussi ses activités touristiques, ses vignobles, ses vins, sa mode, ses parfums, son habillement, ses chaussures haut de gamme, ses produits de beauté.

D’après le CEBR (Centre for Economics and Business Research), la France serait en 23e position des bénéficiaires du projet avec un gain potentiel de 54 Mds$ par an d’ici 2040.

Le choix stratégique de la route de la soie de décathlon en chine

Une étude de l’Ifri (Institut Française des Relations Internationales) réalisée en octobre 2018 montre que les entreprises françaises ont des approches diverses en fonction de leur taille, de leur secteur d’activité et de leur présence en Chine.

Si les grandes entreprises voient dans la BRI Initiative une opportunité d’affaires (favoriser le développement des échanges avec les pays voisins de la Chine, croissance des flux, opportunités d’accéder à des marchés difficiles d’accès pour des raisons économiques ou politiques tels que l’Iran, ou encore « diffusion de l’innovation »), les PME françaises ne sont pas encore à ce niveau de réflexion et voient les « Nouvelles routes de la soie » plutôt comme un concept à la mode.

Décathlon est une des sociétés qui a pris part au projet.

Décathlon en chine

Le premier magasin Décathlon, fondé par Michel Leclerq est né le 26 juillet 1976 dans la zone commerciale d’Englos, près de Lille.

Presque que vingt ans après, en 1993, Décathlon passe le cap des 100 magasins et des 5 000 collaborateurs.

Dès 1999, Décathlon poursuit son internationalisation et rachète la chaîne de magasins MVP Sports autour de la ville de Boston pour s’implanter aux États-Unis.

En 2001, Décathlon dépasse les 300 magasins. Dès 2003, Décathlon se lance dans l’aventure chinoise avec l’ouverture d’un magasin à Shanghai.

En 2018, Décathlon est présent dans 57 pays et 1 647 magasins dans le monde pour un CA de 12,4 milliards d’euros.

Même si l’entreprise française est largement implantée à l’international, la Chine reste un acteur majeur son commerce mondial.

Décathlon rassemble une équipe de 17 000 collaborateurs en Chine, dont 1 100 dans la filière production, 1 500 en logistique et 14 400 dans les services et magasins. La Chine totalise 243 points de vente à ce jour. Elle compte en effet parmi les quarante-neuf pays de production et représente le 1er bassin de production en Asie (devant le Vietnam, le Bangladesh et l’Inde) avec 4 usines en propre, environ 500 fournisseurs et 4 parcs logistiques.

Dès 2016 Décathlon s’inscrit dans la démarche du projet « des nouvelles routes de la soie ».

Décathlon doit en effet achalander ses 1 647 magasins dans le monde avec une majorité de produits à ses marques dont 48 % proviennent de Chine. Il s’agit d’un trafic  pouvant atteindre doit 800 containers par mois. Par bateau de Shanghai à Rotterdam ce temps de transit pouvait atteindre 41 jours.

A partir de 2017, grâce aux projets d’infrastructures des rails sur les 7 pays traversés, le transfert par voie ferrée de bout en bout soit 10 300 km de Wuhan à Lille devient possible.

Décathlon bouscule ainsi le monde de la logistique en réussissant à faire venir son premier train “block” (chargé des mêmes conteneurs du départ à l’arrivée). Le temps de transit se réduit à 26 jours. En 2018 Décathlon parvient à réduire le temps de transit à 21 jours en montant son premier train bleu avec 40 containers 100 % Décathlon. L’enseigne gagne encore 3 à 4 jours minimum pour sa mise en rayon dans ses points de ventes.

Dans son plan à 5 ans, le gouvernement chinois lui promet un temps de parcours dès 2021 à 5 jours!

L’impact stratégique pour Décathlon est énorme, et se traduit à la fois non seulement en termes de Supply Chain mais aussi en matière de réactivité produit et en temps de développement.

En effet, on estime le temps moyen de fabrication pour un lot de produits comme des chaussures à 15 jours. L’acheminement par bateaux par le cap est de 41 jours, soit un temps minimum depuis la commande jusqu’à la mise en stock de 56 jours (41 jours + 15 jours). En 2021, ce délai pourra être ramené à 20 jours seulement (15 + 5) !

En contrepartie de ce partenariat privilégié avec la Chine, Décathlon a donc choisi la stratégie de la relation de co-développement. S’ils doivent veiller à rester très compétitif au niveau prix pour rester fidèle à sa mission de “ rendre le sport accessible aux masses », Décathlon protège la relation qu’ils ont construite avec les fournisseurs chinois locaux. Pour parvenir à la réduction des coûts, ils disent à leurs partenaires que c’est à eux d’aller se développer à l’international et notamment dans les pays à bas coût pour rester compétitif.

Une fois relocalisée une partie de sa production, le partenaire fabricant chinois doit rapporter celle-ci vers la Chine, pour ensuite reprendre cette infrastructure route de la soie vers l’Europe avec transit de 5 jours.

Là où les très grosses enseignes comme Carrefour ou encore Auchan se sont retirées du marché chinois, Décathlon a su trouver dans la BRI Initiative son modèle de développement pour réussir son pari chinois. Décathlon, de ce fait a réussi son développement en Chine avec à ce jour, une croissance à l’image de la croissance annuelle du pays, à deux chiffres.

Par Thao Noet, promotion 2020-2021 du M2 IESCI

Sources

Pierre Picquart « La renaissance de la route de la soie », éditions Favre 2018

Wikipedia

https://fr.wikipedia.org/wiki/Nouvelle_route_de_la_soie/

European Bank for Reconstruction and Development

https://www.ebrd.com/what-we-do/belt-and-road/overview.html 

ARTE | Chine, sur les nouvelles routes de la soie

https://www.youtube.com/watch?v=FuhUo7Tt7Hc&t=131s

Les Echos : La Chine à la conquête du commerce mondial (les nouvelles routes de la soie)

Centre for Economics and Business Research

China Daily – Belt and Road set to transform global economy

Jean-Pierre Raffarin : Faut-il avoir peur de la Route de la soie ?

Assemblée nationale : intervention de Jean-Pierre Raffarin

http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cion_afetr/l15cion_afetr1718087_compte-rendu

La Nouvelle République

https://www.lanouvellerepublique.fr/a-la-une/la-route-de-la-soie-passe-par-la-france

Challenges

https://www.challenges.fr/monde/asie-pacifique/nouvelles-routes-de-la-soie-quels-projets-franco-chinois_636678

Institut français des relations internationales

https://www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files/ekman_ifri_france_routes_soie_2018.pdf

Décathlon

https://www.decathlon.media/shared/dossiers-presse/pdfs/dp_trainvf_luowt4eb.pdf

Innocherche

https://innocherche.com/impact-de-la-route-de-la-soie-sur-le-supply-chain-de-decathlon/

Admin M2 IESC