Le 6 Mars dernier, le magazine Forbes publiait son populaire classement annuel des plus grandes richesses du monde. Parmi eux, on y retrouve des figures habituelles comme Warren Buffet, ou du côté français Bernard Arnault et la riche héritière Françoise Bettencourt Meyers. Cependant, Bill Gates jusqu’alors quasiment toujours en tête du classement, s’est fait dépasser par Jeff Bezos, le fondateur d’Amazon, grâce à une hausse des actions de l’entreprise de 59% ces 12 derniers mois, doublant ainsi sa fortune estimée à 112 milliards de dollars en 2018.
C’est pour le moins une croissance fulgurante qu’a connu M. Bezos depuis sa première apparition dans le classement Forbes en 1999. A cette époque, l’entreprise connaissait déjà une ascension spectaculaire à WallStreet, 100€ investis dans la société en 1997 aurait pu vous faire gagner plus de 65 000€ aujourd’hui. En gagnant près de 40% en bourse chaque année pendant 20 ans, Amazon voit donc son patron aux commandes d’une des plus grosses multinationales mondiales.
Anciennement spécialisé dans la vente de livres en ligne et l’offre se diversifiant au fur et à mesure, Amazon vend maintenant une large gamme de produits très différents les uns des autres. Le point fort de la société dès le départ : accepter de ne faire aucun bénéfice lors de ses ventes, ce qui lui a permis de créer un réel avantage concurrentiel à l’époque afin de se hisser aujourd’hui à la tête des commerces en ligne, à la grande surprise de tous.
Ainsi, après un tel succès, Amazon a décidé de ne pas s’arrêter là et veut continuer son expansion mondiale. Quelle est donc la stratégie d’Amazon afin de s’ouvrir à d’autres marchés, notamment étrangers ?
Amazon investit dans des start-ups et secteurs diversifiés
Ce mois-ci, Amazon continue de faire croître sa valeur en bourse avec une avancée à +6,86, par exemple, le 8 mars dernier.
Mais Amazon envisage la suite avec encore plus d’optimisme puisque l’entreprise a récemment dévoilé vouloir se diversifier au niveau de ses offres.
Tout d’abord, la société aimerait pouvoir proposer des comptes bancaires à sa clientèle. Amazon étant déjà en pourparlers avec quelques grandes banques américaines pour le lancement de son service bancaire. En effet selon le Wall Street Journal, le géant du e-commerce pourrait signer un accord avec JP Morgan Chase ou Capital One, deux potentiels partenaires qui permettraient d’offrir ce service tout d’abord destiné aux jeunes usagers d’internet. Toutefois, rien n’est encore sûr puisque ses partenariats s’annoncent pour le moins délicats à réaliser.
Dans le secteur de la santé cette fois, Amazon, qui vend déjà des médicaments sans ordonnance en ligne, voudrait pouvoir commercer du matériel médical en raison de l’explosion des coûts aux Etats-Unis. Toujours avec JPMorgan Chase, dont le PDG est un proche ami de Jeff Bezos, Amazon compte créer un système de protection sociale pour les employés de l’entreprise dans un premier temps. Mais le secteur de la santé comme le secteur bancaire sont des marchés très complexes et régulés, il faudra sûrement du temps avant de concrétiser les ambitions de M. Bezos.
De plus, et comme Amazon a l’air de tout pouvoir se permettre, la société rachète une start-up californienne nommée UnityBiotechnology pour une centaine de millions de dollars. Cette petite société qui travaille dans le développement de traitements pour retarder les effets des maladies liées à l’âge, a pour ambition de vouloir ralentir le processus de vieillissement du corps mais aussi prévenir les maladies de l’âge dès l’enfance. Elle garantirait ainsi la longévité de l’être humain et augmenter son espérance de vie ce qui s’avère être un défi de taille à l’avenir.
Enfin, le PDG d’Amazon qui veut continuer son développement dans le secteur des objets connectés a récemment racheté la société RING, qui vend des sonnettes et des caméras de surveillance connectées via Wi-Fi, pour plus d’un milliard de dollars. Ainsi, la société monopolise petit à petit le marché pendant qu’elle développe son activité de distribution avec sa marketplace ou son autre récent achat WholeFoods. On estime également que des concurrents dans le secteur de la livraison comme UPS ou La Poste (Colissimo) vont sûrement se voir détrôner dans les années à venir.
Objets connectés et intelligence artificielle à l’appui
Son expansion accrue, la société aurait récemment décidé de ne plus vendre les produits Nest de Google, les deux géants se livrant à une guerre acharnée depuis quelques mois. Effectivement, Nest créé des objets connectés d’intérieur dont Google avait officialisé le rachat en 2014 et c’est le 6 mars dernier qu’Amazon a annoncé ne plus vouloir référencer ces produits en ligne.
C’est une guerre qui avait démarré notamment avec le refus de Jeff Bezos de commercialiser l’enceinte Google Home, faisant concurrence à l’enceinte Amazon Echo développée par l’entreprise. Ce produit, dont l’assistant vocal s’appelle “Alexa”, réunit de nombreuses fonctionnalités comme l’écoute de musique, les recherches sur Internet, le contrôle de la “smart home” (thermostat ou éclairage par exemple), ou autres…
Amazon Echo arriverait dans l’hexagone en 2018 et serait estimée à 3,5 milliards de dollars de recette en 2021. Carrefour a notamment rejoint Google pour pouvoir contrebalancer l’influence d’Amazon Echo en apportant un appui supplémentaire sur le développement de nouvelles fonctionnalités. A noter qu’Apple entre également dans le commerce d’enceintes connectées avec son Apple Homepod.
Ce n’est pas uniquement dans le secteur des objets connectés qu’Amazon compte miser. La société a déjà investi dans le domaine de l’intelligence artificielle avec l’inauguration de son premier magasin sans personnel et à reconnaissance faciale, le 22 janvier dernier à Seattle (Etats-Unis). En effet, ce principe “just walk out” (ou “juste sortir”), est une technologie de disruption qui fait prendre un large coup d’avance à la société : grâce à des caméras fixées couplées à des algorithmes de vision artificielle (computer vision), plus besoin d’attendre à la caisse, il y a juste à prendre le produit qui nous intéresse et partir.
C’est aussi grâce au deep learning et à la sensor fusion que ce système a pu être mis en place, en reposant principalement sur des reconnaissances d’images ou en utilisant la vision robotique. Ce modèle de supermarché semble avoir de beaux jours devant lui puisqu’on prévoit une augmentation des parts de marché de 20 à 40% d’ici 2020.
Une concurrence chinoise en hausse
Amazon qui, au fil des années, est devenu la référence numéro 1 en Occident, voit un principal concurrent émerger de l’autre côté de la Terre : il s’agit d’Alibaba, dirigé par le célèbre Jack Ma. Le site est, contrairement à Amazon, uniquement une marketplace destinée au commerce de gros pour entreprises, mais aussi pour particuliers notamment via le site AliExpress.com. TaoBao également, est un site chinois appartenant à Alibaba qui est à l’origine de plus de 80% des ventes de la firme.
Les bénéfices d’Alibaba, d’environ un quart de son chiffre d’affaires, ont permis à la société de s’implanter dans 8 pays dans le monde représentant un marché de 3 milliards d’habitants. Alibaba possède également des offres similaires à Amazon comme Alibaba cloud, Alitrip ou Flizy mais encore Alipay qui est un service de paiement.
Le seul point faible du site chinois d’e-commerce : ne pas avoir un poids suffisamment important en Occident pour pouvoir s’imposer face à Amazon. A l’origine M. Bezos avait pour but d’étendre son pouvoir en Chine, en investissant des millions de dollars afin de convertir les Asiatiques à la mode Amazon, mais il échoua à cause de barrières culturelles trop importantes.
C’est ainsi que le patron d’Amazon veut se lancer à la conquête du marché indien qui représente 1,3 milliard d’habitants. Avec un tel marché acquis, Jeff Bezos pourrait se vanter de gagner de plus en plus de parts de marché en Asie, face à son concurrent chinois, qui essaie de suivre à la trace Amazon en se diversifiant et se globalisant tout autant.
Alibaba commence aussi à investir sur la qualité de ses livraisons, en investissant dans SingPost, le système postal de Singapour, et en rachetant Cainiao, un réseau logistique chinois. Il a également lancé une enceinte connectée en réponse à l’Amazon Echo : il s’agit du Tmall Genie X1, avec pour assistant vocal “AllGenie”. Tout comme Amazon, l’intelligence artificielle est au cœur des stratégies de vente de la firme chinoise qui compte investir 15 milliards de dollars en R&D dans ce domaine entre 2018 et 2021, afin d’améliorer les prédictions de comportements des utilisateurs.
A noter que les progrès chinois en matière d’intelligence artificielle sont impressionnants ces derniers temps notamment suite à l’annonce de l’ouverture prochaine d’un site dédié entièrement à l’intelligence artificielle à Pékin dans un pays où les investissements dans le domaine ont augmenté de 141% en une année.
CONCLUSION
Amazon qui a vu son offre se diversifier au fil des années notamment grâce aux investissements sur le “cloud”, le streaming vidéo, les télés ou les enceintes connectées, ne compte pas s’arrêter en si bon chemin.
En effet, la société qualifiée de “firme du futur”, dont la stratégie d’expansion est pensée depuis plus d’une décennie, a d’abord commencé par une stratégie de diversification. Offrant aujourd’hui un large choix de produits, Amazon s’assure de récupérer de grandes parts de marché.
La publicité télévisée d’Amazon vantant la technologie au service du client dès 2012, la firme rassure sa clientèle sur le fait qu’elle est en avance technologiquement parlant et qu’elle compte investir dans ce secteur dans les années à venir. C’est récemment, via le développement des objets connectés et l’essor de l’intelligence artificielle, que la société montre son potentiel dans le monde entier, notamment concrétisé par l’ouverture d’un magasin sans caisses aux Etats-Unis.
Jeff Bezos a déclaré vouloir s’ouvrir aux secteurs bancaire et de la santé, deux marchés très stricts et régulés, avec l’aide de JP MorganChase. Il faudra donc de la patience à Mr Bezos pour voir concrétiser ses ambitions. Amazon Bank ne devrait donc pas ouvrir de suite.
Aujourd’hui, l’entreprise représente plus de 60% de l’audience des sites marchands en France, avec pour principaux concurrents la FNAC, Carrefour ou encore Cdiscount, qui ne voient pas leur fréquentation augmenter, eux. En revanche, son plus gros concurrent Alibaba venu de l’empire du milieu compte livrer une guerre sans merci au géant américain, spécifiquement dans le domaine de l’intelligence artificielle.
La stratégie du PDG d’Amazon est aujourd’hui de rivaliser avec Alibaba en Inde, et, à l’avenir, ces deux entreprises vont continuer à innover et à évoluer, dans plusieurs secteurs différents. C’est notamment grâce à leur avantage structurel de long terme, c’est-à-dire leur faiblesse de coût d’acquisition clients et la capacité à collecter énormément de données clients en très peu de temps qu’un futur profitable s’ouvre à eux. Ainsi, lequel des deux business models fera la différence ?
Par Maëlle Texier, promotion 2017-2018 du M2 IESCI
Sources
http://www.europe1.fr/emissions/la-une-de-leco/amazon-histoire-dune-ascension-spectaculaire-3331532
http://www.europe1.fr/technologies/amazon-ne-veut-plus-des-produits-de-nest-et-google-3591611
https://www.lesnumeriques.com/vie-du-net/amazon-pourrait-proposer-comptes-bancaires-n72179.htm
https://www.wsj.com/articles/are-you-ready-for-an-amazon-branded-checking-account-1520251200
https://siecledigital.fr/2018/02/28/amazon-continue-son-integration-horizontale-en-rachetant-ring/
https://www.thrillist.com/tech/nation/amazon-jeff-bezos-anti-aging-unity-biotechnology